Grande nacre

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Grande nacre
Une grande nacre, enfoncée dans le sable, au large de l'Italie. Les longues feuilles à l'arrière sont celles de posidonies.
Une grande nacre, enfoncée dans le sable, au large de l'Italie. Les longues feuilles à l'arrière sont celles de posidonies.
Nom(s) commun(s) Grande nacre, Grande pinne, Pinne noble, Jambonneau de mer, Jambonneau hérissé1
Nom scientifique Pinna nobilis
Classification Coquillage bivalve, de la famille des Pinnidae
Répartition Méditerranée
Milieu de vie Fonds sableux et herbiers de posidonies
Taille Jusqu'à 1,20 m2
Longévité Jusqu'à 40 ans2
Régime alimentaire Filtreur
Statut UICN VU IUCN 3 1.svg Vulnérable
Grande nacre entrouverte, dans un herbier de posidonies, en Corse.
Grande nacre entrouverte, dans un herbier de posidonies, en Corse.
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La grande nacre, ou grande pinne (nom scientifique : Pinna nobilis) est un grand coquillage bivalve de Méditerranée. C'est le deuxième plus grand bivalve du monde, après le bénitier géant. Elle peut vivre plus de 40 ans et atteindre 1,20 m de long. Menacée de disparition, elle est aujourd'hui protégée.

Description et mode de vie[modifier | modifier le wikicode]

La nacre a une coquille en forme de triangle allongé, et arrondi sur les bords. Quand elle est jeune, les bords de sa coquille sont couverts de petites épines, qui s'estompent avec l'âge. Cependant, avec le temps, de nombreux petits animaux et autres êtres vivants minuscules poussent sur le bord de sa coquille, et lui donnent un aspect hérissé : c'est ce que l'on appelle des épibiontes.

La coquille est de couleur brun-rouge, et l'intérieur en est recouvert de nacre, ce qui lui a d'ailleurs valu son nom. Sa forme allongée, sa couleur rougeâtre et sa taille lui ont d'ailleurs aussi valu le surnom de « jambonneau de mer ». C'est une cousine de l'huître perlière, et, comme elle, elle peut parfois produire à l'intérieur de sa coquille de petites perles, roses ou rougeâtres, souvent de forme irrégulière. Ces perles n'ont aujourd'hui aucune valeur commerciale, mais ont été très prisées durant l'Antiquité.

Une grande nacre, plantée dans le sable, dans le détroit de Messine.

On la trouve en Méditerranée, sur les fonds sableux, souvent près des posidonies : elle vit avec la pointe de sa coquille plantée dans le sable, ne laissant dépasser que la partie supérieure, dont elle entrouvre les valves pour faire passer de l'eau de mer. Grâce à ses branchies, la grande nacre récupère le dioxygène de l'eau de mer, ce qui lui permet de respirer, mais pas seulement car le plancton, les petits morceaux d'algues, et de minuscules particules de matière organique présentes dans l'eau sont également récupérées par la grande nacre, ce qui lui permet de manger. On dit alors qu'elle a un régime alimentaire filtreur. Elle peut ainsi filtrer plus de 2 000 litres d'eau par jour.

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La grande nacre sécrète une sorte de touffe de filaments, le byssus, avec lequel elle peut s'accrocher dans le sable. Il lui arrive également de s'accrocher sur le pied des posidonies près desquelles elle vit. Elle peut cependant se déplacer, mais lentement. À l'intérieur de sa coquille, la grande nacre possède un muscle, le pied. Grâce à son pied, elle peut sortir du sable, se laisser basculer un peu plus loin, et creuser de nouveau un petit trou pour s'enfouir quelques dizaines de centimètres plus loin. C'est ainsi que la grande nacre se déplace au cours de sa vie, et que si les jeunes vivent près des côtes, les grandes nacres les plus âgées vivent quant à elles beaucoup plus profondément, jusqu'à 40 mètres de profondeur.

La grande nacre vit en moyenne une vingtaine d'années, et mesure entre 80 cm et 1 m de long, mais les plus vieilles peuvent vivre jusqu'à 40 ans et atteindre 1,20 m, ce qui en fait le deuxième plus grand coquillage bivalve du monde, après le bénitier géant, qui vit dans les mers tropicales, et peut, lui, atteindre 1,50 m et peser plus de 250 kg.

De nombreux autres êtres vivants vivent avec la grande nacre, comme les petits animaux et algues qui poussent sur sa coquille, ou les posidonies parmi lesquelles elle vit. De nombreux êtres vivants vivent et poussent en effet directement sur la coquille de la grande nacre, que l'on appelle des épibiontes. Le nombre et le type de ces épibiontes dépendent du milieu de vie de la nacre3 ; un très grand nombre d'espèces peuvent ainsi vivre sur sa coquille, comme des algues (l'acétabulaire, la padine queue-de-paon, la coralline et d'autres algues rouges...), des bryozoaires, comme la dentelle de Neptune, des ascidies, comme l'ascidie rouge, et d'autres animaux, comme l'huître plate, l'oursin comestible, ou encore le murex3... Mais le plus original d'entre eux est le petit crustacé appelé pinnothère qui vit à l'intérieur de sa coquille.

La pinne et le pinnothère[modifier | modifier le wikicode]

Un crabe pinnothère, sur le bord de la coquille d'une moule.

Un minuscule crabe, mesurant souvent moins d'un centimètre de long, vit fréquemment à l'intérieur de la coquille de la nacre, ou d'autres bivalves, le pinnothère.

Ce petit animal, et ses relations avec le coquillage, a souvent intrigué les savants de l'Antiquité. Au départ, on ignorait s'il s'agissait d'un crabe, d'un homard, ou même d'une petite squille. Pline l'Ancien l'appelait pinnothère, c'est-à-dire « la bête de la pinne » (la pinne étant l'autre nom de la nacre), ou encore pinnophylax, c'est-à-dire « le gardien de la pinne ».

En effet, il existait durant l'Antiquité une légende selon laquelle la pinne, c'est-à-dire la nacre, était carnivore, et qu'elle avait besoin du pinnothère pour se nourrir : la pinne ouvrait toutes grandes ses deux valves et attendait que les petits poissons entrent à l'intérieur pour essayer de la manger. Lorsque la coquille était remplie, le petit crabe, vigilant, avertissait la pinne : il lui pinçait les branchies pour l'avertir, et le coquillage se refermait, enfermant les petits poissons, que la pinne et le pinnothère n'avaient ensuite plus qu'à se partager. Pline, qui n'avait visiblement pas vérifié, croyait à cette histoire, et la raconte dans son Histoire Naturelle.

D'autres auteurs antiques rapportent des histoires différentes. Ainsi, Oppien prétend que le pinnothère est un petit prédateur rusé, qui attend que la pinne soit entrouverte, puis jette un petit caillou entre ses valves pour l'empêcher de se refermer, et pénètre ensuite à l'intérieur pour la manger. C'est en fait faux également, mais pas si bête, finalement, puisque c'est ainsi que le buccin ondé mange des coquillages (à ceci près qu'il n'utilise pas un caillou, mais sa propre coquille pour bloquer les valves). Selon Aristote et Cicéron, encore, le pinnothère veille quand la pinne ouvre ses valves, et l'avertit de l'arrivée d'un prédateur, comme le poulpe, afin qu'elle referme vite sa coquille.

Les auteurs de l'Antiquité ont écrit bien des choses sur la pinne et sur le petit pinnothère qui vit à l'intérieur, mais il semble qu'en fait personne ne se soit donné la peine d'aller l'étudier pour vérifier. Si bien que Linné, au moment d'écrire son Systema Naturae, ne savait toujours pas de quel animal il s'agissait. Hasselquist, un élève de Linné parti étudier la Méditerranée, rapporte une histoire encore plus étonnante : d'après lui, le pinnothère vit à l'intérieur de la pinne, dont il sort pour aller se nourrir. Lorsqu'il revient, il pousse un cri, et le coquillage, en l'entendant, s'ouvre pour le laisser entrer.

Georges Cuvier sera le premier à étudier réellement le pinnothère, et à découvrir qu'il s'agit d'un crabe. Il a d'ailleurs rencontré d'autres espèces de crabes dans des coquillages, et pense qu'ils se trouvent tout simplement là par accident.

En fait, on trouve quasiment toujours des pinnothères à l'intérieur des nacres. Parfois, cependant, on trouve parfois aussi un autre petit crustacé qui habite entre les valves de sa coquille : une petite crevette commensale, dont le nom scientifique est Pontonia pinnophylax, et qui ressemble... à un homard minuscule ! voilà sans doute pourquoi les savants de l'Antiquité se sont trompés, et ignoraient si l'animal qu'ils appelaient « pinnothère », ou « pinnophylax », était un crabe ou un homard... C'est tout simplement parce qu'en fait, ils parlaient de deux animaux différents, auxquels ils donnaient le même nom.

Aujourd'hui, on connaît un peu mieux le crabe pinnothère et la crevette pinnophylax. Cependant, on ignore encore exactement ce qu'ils font à l'intérieur de la nacre... On admet généralement qu'il s'agit de commensaux de la nacre, qui vivent à l'intérieur de sa coquille, mangent les restes de nourriture qui s'y trouvent coincés, et profite de la protection d'un abri efficace contre les prédateurs... Ainsi, ils profitent du coquillage, mais ne lui servent a priori à rien, et ne lui apportent rien non plus. Cependant, tous les scientifiques ne sont pas d'accord entre eux. Certains pensent que le crabe ou la crevette peuvent aider la nacre d'une façon ou d'une autre, par exemple, en la nettoyant ou en l'avertissant de la présence d'un prédateur, auquel cas il s'agirait bien d'un cas de symbiose ; d'autres scientifiques, au contraire, qui ont observé que le crabe pinnothère grignote parfois les branchies de la nacre, en concluent qu'il s'agit plutôt d'un parasite.

Dangers et prédateurs[modifier | modifier le wikicode]

La daurade royale est l'un des prédateurs des jeunes nacres.

La grande nacre adulte a peu de prédateurs, en dehors de l'homme, bien sûr. Cependant, les jeunes nacres peuvent être la proie de certains carnivores, comme la daurade royale, ou le poulpe3. Les sortes d'écailles, ou d'épines, sur la coquille des jeunes, les protègent contre ces dangereux voraces.

L'autre danger qui menace la grande nacre est la houle : les vagues de fond, trop violentes, peuvent arracher les nacres du sable, les renverser, ou même casser leur coquille3. C'est sans doute pour cette raison que la grande nacre cherche la protection des herbiers de posidonies, qui l'abritent des vagues trop fortes.

Reproduction[modifier | modifier le wikicode]

Une larve de bivalve, comme celle de la grande nacre, vue au microscope.
Une jeune grande nacre, au large de la Croatie.

La grande nacre est hermaphrodite : elle est à la fois mâle et femelle... Cependant, elle n'est pas mâle et femelle en même temps : au début du printemps, elle se comporte comme un mâle, et libère dans l'eau une laitance qui contient de nombreux spermatozoïdes ; au début de l'été, cette fois, elle se comporte comme une femelle, et rejette dans l'eau un grand nombre d'ovules.

Ces ovules vont pouvoir rencontrer au hasard des spermatozoïdes d'autres grandes nacres, et, ainsi, en pleine eau, aura lieu la fécondation. Toujours dans l'eau de mer, la cellule-œuf issue de cette fécondation va se développer pour devenir un embryon, puis une petite larve appelée véligère, qui va vivre pendant quinze jours parmi le plancton. La larve possède une sorte de voile (d'où son nom de véligère, qui signifie : « qui porte un voile ») qui lui permet de « nager » à peu près, ou, en tous cas, de se déplacer dans le plancton. Elle ne peut pas nager contre les courants, et se laisse ainsi porter, avec les autres animaux et êtres vivants minuscules qui forment le plancton, parfois sur une longue distance ; elle peut se retrouver très loin de ses parents, à travers la Méditerranée. Durant tout ce temps, la petite larve se nourrit de particules microscopiques de nourriture qu'elle trouve dans le plancton.

Au bout de quinze jours, la larve subit une sorte de métamorphose : une minuscule coquille, la protoconque, se forme. La protoconque est bien trop petite pour servir encore de protection à l'animal, mais bien trop lourde pour lui permettre encore de nager : elle tombe sur le fond. C'est là qu'elle va finir son développement, et que la protoconque va grandir lentement pour devenir la coquille qui va enfermer complètement la nacre, et lui donner l'aspect que nous connaissons.

Lorsqu'elle est jeune, la grande nacre présente des sortes d'épines sur sa coquille : avec le temps, ces épines s'usent et tendent à disparaître, au fur et à mesure que différents êtres vivants s'installent et poussent dessus. Autrefois, certains scientifiques ont cru que les jeunes grandes nacres faisaient en fait partie d'une espèce différente, à part, et lui ont donné un nom : Pinna squamosa, c'est-à-dire la « nacre squameuse », en référence aux sortes de petites écailles épineuses qui recouvrent sa coquille. On sait aujourd'hui qu'il s'agit en fait de la même espèce, à différents moments de sa vie, et ce nom a été abandonné. Jeune, la grande nacre ressemble plus à sa cousine, la nacre épineuse, plus petite, et qui vit également en Méditerranée, qu'aux adultes de son espèce.

C'est une espèce qui grandit lentement : il faut près de 20 ans à une grande nacre pour mesurer la taille moyenne de 80 cm à 1 m, et seules les plus vieilles nacres, âgées d'environ 40 ans, atteignent la taille de 1,20 m.

Répartition et milieu de vie[modifier | modifier le wikicode]

La grande nacre est endémique de Méditerranée, c'est-à-dire qu'on ne la trouve que là, et nulle part ailleurs dans le monde. Elle est présente dans toute la Méditerranée et certaines mers qui en dépendent, comme par exemple la mer Adriatique4, et même dans un lac d'eau de mer, près de la côte, en Grèce, dans le golfe de Corinthe5. Il n'y en a en revanche pas en mer Noire1

On la trouve sur les fonds sableux, jamais sur les rochers, où elle ne pourrait pas s'accrocher, et surtout dans les herbiers sous marins de posidonies, ou d'autres plantes marines comme les zostères et les cymodycées : les herbes protègent les nacres de l'action des vagues, et les empêchent d'être arrachées ou brisées par la houle.

Elle vit dans la zone photique, c'est-à-dire en milieu marin peu profond, là où la lumière du Soleil peut encore pénétrer, et faire pousser les plantes parmi lesquelles elle vit, mais aussi les minuscules algues du plancton dont elle se nourrit. On la trouve entre 2 et 40 m6 de profondeur, selon les zones, au maximum.

La grande nacre et l'homme[modifier | modifier le wikicode]

La grande nacre était autrefois une espèce très abondante. La région de Solenzara, en Corse du Sud, était surnommée la côte des nacres (à ne pas confondre avec la Côte de Nacre, en Normandie), en raison du très grand nombre de grandes nacres que l'on pouvait trouver près des côtes. Mais elle devient de plus en plus rare en Méditerranée, et tend aujourd'hui à disparaître.

Pêche et utilisation durant l'Antiquité[modifier | modifier le wikicode]

Les filaments de byssus d'une moule lui permettent de s'accrocher aux rochers. Ceux de la grande nacre sont beaucoup plus difficiles à voir, car ils sont cachés sous le sable.

La grande nacre était autrefois abondante en Méditerranée, tout particulièrement durant l'Antiquité. Sa chair était un plat réputé, on disait même qu'elle était aphrodisiaque ! Les petites perles roses ou rouges, irrégulières, que l'on trouvait parfois dans sa coquille, étaient très appréciées, et la nacre de sa coquille servait à confectionner des boutons, mais, surtout, on pêchait la grande nacre pour son byssus, avec lequel on confectionnait des tissus de qualité.

Le byssus[modifier | modifier le wikicode]

Le mot byssus est d'ailleurs un mot grec, et veut dire « toile de lin » ; c'était le nom que l'on donnait au tissu fabriqué a partir des filaments de cet animal (même s'il était aussi utilisé pour d'autres tissus), et c'est depuis devenu le nom du filament lui-même. Aujourd'hui, le tissu fait de byssus est couramment appelé « soie de mer », ou « soie marine ». De nombreux coquillages, comme les moules, produisent ces sortes de fils, qui leur permettent de s'accrocher aux rochers, ou, comme dans le cas de la nacre, au sable, ou même à un rhizome de posidonie ! Mais, dans le cas de la grande nacre, vu la taille du coquillage, le byssus est beaucoup plus important, si bien qu'on peut même le récupérer pour en faire du tissu ! cela dit, une grande nacre ne contient tout de même qu'une touffe de quelques grammes de byssus, et il fallait plusieurs milliers de coquillages pour obtenir 250 grammes de tissu !

Une fois pêchée, le byssus était extrait de la nacre ; on le faisait sécher, et on lui faisait subir un certain nombre de traitements chimiques (en le trempant dans l'ammoniaque, par exemple) : la touffe de poils devenait un fil facile à tisser, et prenait alors une jolie couleur dorée. Il ne restait plus alors qu'à le tisser pour confectionner des étoffes avec lesquels on fabriquait des vêtements... Du fait de son processus de fabrication, le byssus était un tissu rare, et, du coup, cher. Le fait que sa couleur brun-jaune rappelle celle de l'or lui conférait encore plus de valeur. Si tous les scientifiques ne sont pas d'accord à ce sujet, certains archéologues pensent que la fameuse Toison d'Or des légendes grecques pourrait en fait être un habit précieux fait de byssus...

Aujourd'hui, la grande nacre est protégée, et la fabrication de byssus quasiment impossible. Il ne reste plus qu'une seule fabrique de byssus, en Sardaigne, à Chiara Vigo. La fabrique est devenue un musée sur le byssus et sa conception. Comme la grande nacre est une espèce protégée, seules quelques unes sont pêchées, leur byssus est récupéré, puis elles sont remises en place avec précaution.

Article à lire : Soie de mer.

Menaces et protection[modifier | modifier le wikicode]

Très fortement pêchée depuis l'Antiquité, la grande nacre, qui vit longtemps et grandit lentement, a commencé à se raréfier. Les ancres des bateaux, ainsi que les chalutages, l'endommage encore davantage : comme elle vit plantée dans le sable, les objets qui raclent le fond risquent de l'arracher, ou de la casser. Sa coquille, fragile, se fendille facilement, et l'animal ne peut pas la réparer, et en meurt.

De plus, comme il s'agit d'un très grand coquillage, les plongeurs les ramassent, comme souvenir, ou pour les collections de coquillages... Malheureusement, la coquille se conserve très mal : sortie de l'eau, elle se fissure et se casse, et finit la plupart du temps à la poubelle...

La grande nacre est une espèce de l'herbier de posidonies : elle fait partie de ce milieu naturel, et ne peut vivre que là. Si l'herbier disparaissait, la grande nacre serait également condamnée. Or, l'herbier de posidonies est en forte régression en Méditerranée : la pollution, qui trouble l'eau, et empêche la lumière du soleil de pénétrer, tue les posidonies, de même que les ancres des bateaux qui les arrachent. Sans posidonies, plus d'herbier, et les autres espèces qui y habitent disparaissent également. La grande nacre est également victime directement de la pollution : comme elle filtre l'eau pour se nourrir, les polluant qui obscurcissent l'eau tuent les algues microscopique que la nacre mange, et elle finit par mourir de faim...

En France, la grande nacre est protégée depuis 1992 ; un arrêté préfectoral7 interdit de la capturer ou de la blesser, mais aussi de la transporter ou de la vendre, qu'elle soit vivante ou morte : cela inclut donc également les coquilles ! Sa proche cousine, la nacre rude, est également protégée et concernée par le même arrêté.

Au niveau international, elle est également protégée en Europe par la directive habitats8, depuis 1992 (ratifiée par la France en 1994), et par la Convention de Barcelone, qui vise à protéger le milieu marin méditerranéen. Elle ne figure pas à la Convention de Washington, ni sur la liste rouge de l'UICN.

En France et dans le reste de la Méditerranée, il est donc interdit de la pêcher, de la ramasser, de la blesser ou de la détruire, et, si l'on possède une coquille de grande nacre, même si on l'a trouvé déjà mort, il est interdit de la transporter ou de la vendre. Comme la grande nacre ne figure pas sur la liste des espèces concernées par la Convention de Washington, il reste en théorie possible d'en acheter ou d'en vendre, en dehors de l'Europe et de la Méditerranée... Cependant, comme on ne trouve la grande nacre que en Méditerranée, cela ne devrait pas poser de problèmes particuliers.

Depuis 1992, la grande nacre est donc strictement protégée. Elle fait l'objet de recensements et de comptages : les plongeurs des équipes scientifiques ratissent l'herbier de posidonies à la recherche des nacres : à l'aide d'un outil, ils couchent les posidonies sans les arracher, ce qui leur permet de voir les nacres dépasser. Les nacres sont ainsi répertoriées, on mesure leur emplacement, et leur croissance : il faut près de 20 ans à une nacre pour atteindre une taille de 80 cm à 1 m, et seules les très vieilles nacres d'une quarantaine d'années peuvent atteindre la longueur maximale de 1,20 m. Depuis 1992, la population de grandes nacres en Méditerranée augmente de nouveau, mais à un rythme très lent.

En novembre 2012, lors des travaux de renflouage de l'épave du paquebot Costa Concordia, au large de l'Italie, des centaines de grandes nacres ont été découvertes sous le bateau : l'ombre de l'épave avait empêché le soleil de passer, et avait tué toutes les posidonies, rendant visibles les grandes nacres. Pour ne pas les blesser durant les travaux, elles ont été récupérées et déplacées, en attendant de pouvoir les remettre à leur place.

Comment protéger la grande nacre ?[modifier | modifier le wikicode]

La grande nacre est protégée par la loi ; cependant, il y a plusieurs choses que l'on peut faire pour la préserver :

  • en plongée sous-marine, il est interdit de ramasser la grande nacre. Si l'on en voit une, le mieux est de ne pas la toucher, pour ne pas la déranger. Il faut également faire attention aux coups de palmes trop violents près du fond, qui risquent d'endommager les coquilles, d'arracher les posidonies, ou de faire voler le sable. En revanche, on peut bien entendu l'observer !
  • en bateau, il faut faire attention aux ancres : la mer Méditerranée, près des côtes, apparaît de deux couleurs : bleu clair, presque turquoise, au dessus des zones de sable, et bleu foncé, presque noire, au dessus des posidonies. Il faut faire bien attention à jeter l'ancre dans le sable, car, non seulement cela ne sert à rien de jeter l'ancre dans les posidonies (les plantes ne parviennent pas à arrêter le bateau, s'il est entraîné par les vagues !), mais encore, cela risque d'arracher les posidonies, et de casser les coquilles des grandes nacres, s'il y en a. Ce genre de pratique blesse fortement la grande nacre, et détruit son habitat (ainsi que celui de nombreuses autres espèces !) : il faut donc l'éviter à tout prix.

Sciences[modifier | modifier le wikicode]

Parce qu'elle grandit lentement, vit longtemps, et se déplace peu, la grande nacre intéresse aussi les scientifiques. En effet, il s'agit d'un des organismes qui vit le plus longtemps en Méditerranée, et son corps enregistre la trace des évènements qu'elle a vécu.

Ainsi, la coquille de la grande nacre enregistre les conditions dans lesquelles elle s'est formée, année après année, et les océanologues et les météorologues peuvent analyser sa coquille pour déterminer, par exemple, l'évolution de la température de l'eau en Méditerranée au cours du temps9...

La grande taille de la coquille de la nacre permet également aux biologistes qui l'étudient de comprendre comment se forment la nacre et la coquille des coquillages. Plusieurs nouvelles moléculess ont été découvertes chez la grande nacre, comme la caspartine et la calprismine, des protéines qui semblent jouer un rôle dans la formation de la coquille10, ou la mucoperline, une protéine présente dans la nacre11. Au microscope électronique, les scientifiques ont également pu observer de minuscules cristaux géométriques dans la coquille de la grande nacre.

Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

Vikiliens pour compléter[modifier | modifier le wikicode]

  • Le murex épineux et le murex tronqué, deux autres coquillages de Méditerranée qui ont été exploités pour l'industrie durant l'Antiquité (ils servaient à préparer le pourpre, une teinture qui servait à teindre, notamment, la soie de mer...)

Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

Images[modifier | modifier le wikicode]

Vidéos[modifier | modifier le wikicode]

Sources[modifier | modifier le wikicode]

Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 et 1,1 fiche espèce - Grande nacre sur DORIS
  2. 2,0 et 2,1 Lions Club - Mer Vivante, 15ème édition, 2008
  3. 3,0 3,1 3,2 et 3,3 [pdf] Addis & al., Density, size structure, shell orientation and epibiontic colonization of the fan mussel Pinna nobilis L. 1758 (Mollusca: Bivalvia) in three contrasting habitats in an estuarine area of Sardinia (W Mediterranean), Sientia marina, mars 2009
  4. Biljana Rada & Tino Milat, THE FIRST RECORD OF THE DECAPOD, PONTONIA PINNOPHYLAX, IN PINNA NOBILIS FROM THE SOUTHERN ADRIATIC (CROATIA) (DECAPODA, NATANTIA), Crustaceana 2009
  5. [pdf] Stelios Kastanevakis, Population ecology of the endangered fan mussel Pinna nobilis in a marine lake, Endangered Species Research 2006
  6. Parc National de Port-Cros, 80 poissons et espèces de Méditerranée, éd. Libris
  7. Arrêté du 26 novembre 1992, remplacé par l'arrêté du 20 décembre 2004 fixant la liste des animaux de la faune marine protégés sur l'ensemble du territoire en vigueur, sur Légifrance.
  8. Directive habitats sur eur-lex.europa.eu
  9. [pdf] C.A. Richardson & al., Age, growth rate and season of recruitment of Pinna nobilis (L) in the Croatian Adriatic determined from Mg:Ca and Sr:Ca shell profiles, Journal of experimental marine biology and ecology, 2004
  10. [pdf] F. Marin & al., Caspartin and Calprismin, Two Proteins of the Shell Calcitic Prisms of the Mediterranean Fan Mussel Pinna nobilis, Journal of biological chemistry, 2005
  11. [pdf] F. Marin & al., Mucins and Molluscan Calcification, Journal of biological chemistry, 2000
Article mis en lumière la semaine du 25 novembre 2019.
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