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Baptême de Clovis

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Le baptême de Clovis est le baptême et la conversion de Clovis Ier à la religion chrétienne en l'an 496 ou peu après (certains affirment qu'il aurait été baptisé le jour de Noël).

C'est un événement important quand il a lieu, puis il a été un symbole et un repère important au cours du Moyen Âge et même après, en particulier pour l'Église catholique et pour la Monarchie française. Pour cette raison, le baptême de Clovis a été souvent représenté en peinture et en sculpture dans les églises et cathédrales de France et de pays voisins.

Contexte[modifier | modifier le wikicode]

L'Europe occidentale à l'avènement de Clovis

À l'époque du baptême de Clovis, la fin du Ve siècle, la Gaule qui faisait partie de l'Empire romain a été traversée plusieurs fois par les grandes invasions, appelées aussi migrations des peuples, c'est-à-dire des expéditions de troupes et tribus germaniques vers l'ouest et le sud de l'Europe. Cela a permis à des chefs « barbares » de s'emparer du pouvoir dans les terres romaines qu'ils conquièrent. Mais sauf au Nord et à l'Est de la Gaule ils sont peu nombreux par rapport à la population indigène (les gallo-romains dont les ancêtres Gaulois et Latins s'étaient mélés depuis quelques siècles). La civilisation gallo-romaine, sa langue (le latin), et ses coutumes sont toujours là, ainsi que sa religion qui est devenue plus tôt le christianisme comme dans l'ensemble de l'Empire romain. L'État romain ne fonctionne plus mais dans les villes l'autorité religieuse des évêques se maintient face aux nouveaux dirigeants politiques. Ces évêques viennent pour la plupart de l'aristocratie gallo-romaine (les familles les plus riches et dirigeantes avant les invasions). Cependant dans les campagnes, là où vit la majorité de la population, le christianisme a encore une faible implantation.

Rome elle-même a été atteinte par les invasions et il n'y a plus d'empereur depuis l'an 476.

Les principaux peuples qui envahissent la Gaule romaine sont :

  • les Wisigoths qui dominent la Gaule du sud (de la Provence à l'Atlantique) et l'Espagne,
  • les Alamans occupant l'Est, qui sont de confession arienne (que les catholiques considèrent comme une hérésie du christianisme),
  • les Burgondes, ariens aussi, installés dans les Alpes et les vallées du Rhône et de la Saône,
  • et enfin les Francs au Nord de la Gaule, qui vivaient avant dans ce qui est aujourd'hui la Belgique où les Romains les maintenaient. Les Francs sont païens (c'est-à-dire de religion polythéiste germanique).

La population de ces régions supporte assez mal que ses nouveaux chefs aient une autre religion, quoique les Burgondes se montrent tolérants au catholicisme (la nièce du roi, la princesse Clotilde, seconde épouse de Clovis est d'ailleurs catholique) et que Clovis a déjà voulu être amical envers l'Église notamment au cours de l'épisode du vase de Soissons.

Au début de son règne, Clovis s'est emparé des territoires gallo-romains situés au Nord de la Loire.

Les raisons du baptême[modifier | modifier le wikicode]

D'après Grégoire de Tours, Clovis se convertit en raison de la demande et l'insistance de sa femme Clotilde. Il hésite néanmoins et il est rendu méfiant car son fils aîné que Clotilde parvient à faire baptiser meurt en bas-âge (donc très peu de temps après le baptême). Ensuite, il prononce une promesse faite au cours d'une bataille difficile : en 496, à Tolbiac (en allemand, Zülpich), près de Cologne, les Francs repoussent difficilement une attaque des Alamans. Pendant la bataille, Clovis aurait imploré le secours du Dieu de Clotilde en échange de sa conversion. L'épisode de Tolbiac (invocation à un autre dieu que celui de sa naissance, influence d'une femme) ressemble à celui de l'empereur Constantin Ier (qui était païen) au début du IVe siècle, pendant la Bataille du pont Milvius (wp) (invocation du dieu de sa mère Hélène qui est chrétienne).

En même temps, les Francs sont attirés par la très riche Aquitaine, aux mains des Wisigoths (qui sont de religion arienne). L'appui des prêtres catholiques de l'Aquitaine qui, par leurs prêches, peuvent affaiblir le pouvoir wisigoth et l'appui de l'aristocratie de cette région qui n'aimait pas ses maîtres germaniques peuvent faciliter la conquête. Plus généralement, adopter la religion de la population des régions qu'il gouvernaient ou voulaient gouverner leur permettait sans doute d'être mieux acceptés comme nouveaux dirigeants.

Clovis, le roi des Francs, décide donc de se convertir au catholicisme, et il se fait baptiser le jour de Noël. Comme il est de coutume à l'époque, près de 3000 guerriers francs suivront, bon gré mal gré, l'exemple de leur chef.

Le baptême[modifier | modifier le wikicode]

Représentation du début du IXe siècle sur une plaque en ivoire. On y voit selon une légende amplifiée au IXe siècle, l'intervention du Saint-Esprit sous la forme d'une colombe.

Clovis choisit de se faire baptiser dans la Cathédrale de Reims car cette ville était celle où il y avait la plus grande autorité religieuse dans les territoires qu'il contrôlait. L'évêque en était Remi. Contrairement aux récits écrits plusieurs siècles après, aucun des contemporains de l'événement ne mentionne une intervention divine (comme l'apparition d'une ampoule miraculeuse contenant une huile d'origine divine : la Sainte Ampoule, apportée par une colombe).

Comme cela était la coutume à l'époque, le baptême se fit par immersion du roi dans un baptistère (il se plonge entièrement dans ce bac). Clovis est vêtu d'une tunique blanche symbole de pureté, il quitte symboliquement les bijoux et armes tout ce qui le rattachait à ses anciennes croyances et coutumes.

Les changements que le baptême entraine[modifier | modifier le wikicode]

Pour Clovis[modifier | modifier le wikicode]

En se convertissant au christianisme Clovis prenait un grand risque vis à vis de ses guerriers dont certains étaient certainement très attachés au paganisme. Mais son baptême faisait désormais de lui un guerrier spécial. Il n'était plus le simple chef de guerre élu par ses guerriers pour les mener au combat mais qui devait partager le butin avec ses hommes, selon les règles établies. Il devenait sacré c'est-à-dire choisi par Dieu, ce qui le plaçait au-dessus de tous les autres guerriers et lui donnait désormais des pouvoirs supérieurs.

Le baptême permettait le soutien des autorités religieuses de la Gaule non arienne, à la royauté franque. Cela devait faciliter la conquête (ce que Clovis réalisa quelques années plus tard contre les Wisigoths). Ce baptême rendait plus facile les mariages entre Francs et Gallo-romains et permettait que les Gallo-romains participent à gérer les territoires avec les Francs et sous l'autorité de Clovis.

Cependant cette conversion n'empêcha pas Clovis de pratiquer certaines coutumes anciennes comme celle d'éliminer de ses concurrents ou de ceux qui pouvaient faire de l'ombrage à ses successeurs immédiats, en les faisant assassiner.

Pour l'Église catholique[modifier | modifier le wikicode]

En baptisant le roi des Francs l'Église catholique trouve un appui de taille en Occident. Ce souverain avec qui elle venait de faire alliance devait lui permettre de reprendre pied en Gaule du Sud, où l'arianisme des dirigeants wisigoths lui faisait obstacle. Clovis aime à rencontrer les évêques de son royaume. Il convoquera d'ailleurs un concile à Orléans en 511. Ce sont là des occasions où l'Église peut espérer influencer la politique du roi. En outre, pour le futur cette alliance avec les Francs va permettre à la papauté d'échapper à la tutelle des empereurs byzantins qui étaient à l'époque les seuls souverains chrétiens mais qui avaient la fâcheuse habitude de se mêler des affaires de l'Église (le césaro-papisme). Le renforcement des liens entre l'Église catholique et les Francs sera fait dès le milieu du VIIIe siècle, au début de la dynastie carolingienne (souverains d'origine franque).

Clovis et ses successeurs se montrèrent généreux envers l'Église catholique. Ils lui donnèrent de nombreuses terres, devenues disponibles après la défaite des peuples germaniques vaincus dont les biens sont confisqués. Ils fondèrent de nombreux monastères, les reines franques se chargeant des monastères de femmes où souvent elles se retiraient une fois devenues veuves.

Représentations artistiques[modifier | modifier le wikicode]

Vitraux[modifier | modifier le wikicode]

Source[modifier | modifier le wikicode]

Cet événement, comme la plus grande partie de l'histoire de Clovis, est connu par un passage de l'Histoire des Francs, une œuvre écrite en latin par Grégoire de Tours environ 70 ans après cet événement.

Extrait de l'Histoire des Francs de Grégoire de Tours sur la conversion et le baptême de Clovis
Texte original en latin Traduction du même passage
Igitur ex Chrotchilde regina habuit filium primogenitum. Quem cum mulier baptismo consecrare vellit, praedicabat assiduae viro, dicens: 'Nihil sunt dii quos colitis, qui neque sibi neque aliis potuerunt subvenire. Sunt enim aut ex lapide aut ex ligno aut ex metallo aliquo sculpti. Nomina vero quae eis indedistis homines fuere, non dii, ut Saturnus, qui a filio ne a regno depelleretur, per fugam elapsus adseritur, ut ipse Iovis omnium stuprorum spurcissimus perpetratur, incestatur virorum, propinquarum derisor, qui nec ab ipsius sororis propriae potuit abstenere concubitum, ut ipsa ait: Iovisque et soror et coniux. Quid Mars Mercuriusque potuere? Qui potius sunt magicis artibus praediti, quam divini nominis potentiam habuere. Sed ille magis coli debit, qui caelum et terram, mare et omnia quae in eis sunt verbo ex non extantibus procreavit, qui solem lucere fecit et caelum stillis ornavit, qui aquas reptilibus, terras animantibus, aera volatilibus adimplivit, cuius nutu terrae frugibus, pomis arbores, uvis vineae decorantur, cuius manu genus humanum creatum est, cuius largitione ipsa illa creatura omnes homini suo, quem creavit, et obsequio et benefitio famulatur'. Sed cum haec regina dicerit, nullatinus ad credendum regis animus movebatur, sed dicebat: 'Deorum nostrorum iussione cuncta creantur ac prudeunt, Deus vero vester nihil posse manefestatur, et quod magis est, nec de deorum genere esse probatur'. Interea regina fidelis filium ad baptismum exhibet, adornare eclesiam velis praecipit atque curtinis, quo facilius vel hoc misterio provocaretur ad credendum, qui flecti praedicationem non poterat. Baptizatus autem puer, quem Ingomerem vocitaverunt, in ipsis, sicut regeneratus fuerat, albis obiit. Qua de causa commotus felle rex, non signiter increpabat regina, dicens: 'Si in nomine deorum meorum puer fuisset decatus, vixisset utique; nunc autem, quia in nomine Dei vestri baptizatus est, vivere omnino non potuit'. Ad haec regina: 'Deo', inquid, 'omnipotenti, creatori omnium, gratias ago, qui me non usquequaque iudicavit indigna, ut de utero meo genitum regno suo dignaretur adscire. Mihi autem dolore huius causae animus non attingitur, quia scio, in albis ab hoc mundo vocatus Dei obtutibus nutriendus'. Post hunc vero genuit alium filium, quem baptizatum Chlodomere vocavit; et hic cum egrotare coepisset, dicebat rex: 'Non potest aliud, nisi et de hoc sicut et de fratre eius contingat, ut baptizatus in nomine Christi vestri protinus moriatur'. Sed orante matre, Domino iubente convaluit.

Regina vero non cessabat praedicare, ut Deum verum cognusceret et idola neglegerit. Sed nullo modo ad haec credenda poterat commoveri, donec tandem aliquando bellum contra Alamannos conmoveretur, in quo conpulsus est confiteri necessitate, quod prius voluntate negaverat. Factum est autem, ut confligente utroque exercitu vehementer caederentur, atque exercitus Chlodovechi valde ad internitionem ruere coepit. Quod ille videns, elevatis ad caelum oculis, conpunctus corde, commotus in lacrimis, ait: 'Iesu Christi, quem Chrotchildis praedicat esse filium Dei vivi, qui dare auxilium laborantibus victuriamque in te sperantibus tribuere diceris, tuae opis gloriam devotus efflagito, ut, si mihi victuriam super hos hostes indulseris et expertus fuero illam virtutem, quam de te populus tuo nomine dicatus probasse se praedicat, credam tibi et in nomine tuo baptizer. Invocavi enim deos meos, sed, ut experior, elongati sunt ab auxilio meo; unde credo, eos nullius esse potestatis praeditos, qui sibi oboedientibus non occurrunt. Te nunc invoco, tibi credere desidero, tantum ut eruar ab adversariis meis'. Cumque haec dicerit, Alamanni terga vertentes, in fugam labi coeperunt. Cumque regem suum cernirent interemptum, Chlodovechi se ditionibus subdunt, dicentes: 'Ne amplius, quaesumus, pereat populus, iam tui sumus'. Ad ille, prohibito bello, cohortato populo cum pace regressus, narravit reginae, qualiter per invocationem nominis Christi victuriam meruit obtenire. [Actum anno 15. regni sui.]

Tunc regina arcessire clam sanctum Remedium Remensis urbis episcopum iubet, depraecans, ut regi verbum salutis insinuaret. Quem sacerdos arcessitum secritius coepit ei insinuare, ut Deum verum, factorem caeli ac terrae, crederit, idola neglegerit, quae neque sibi neque aliis prodesse possunt. At ille ait: 'Libenter te, sanctissime pater, audiebam; sed restat unum, quod populus qui me sequitur, non patitur relinquere deus suos; sed vado et loquor eis iuxta verbum tuum'. Conveniens autem cum suis, priusquam ille loqueretur, praecurrente potentia Dei, omnes populus pariter adclamavit: 'Mortalis deus abigimus, pie rex, et Deum quem Remegius praedicat inmortalem sequi parati sumus'. Nuntiantur haec antestiti, qui gaudio magno repletus, iussit lavacrum praeparari. Velis depictis adumbrantur plateae, eclesiae curtinis albentibus adurnantur, baptistirium conponitur, balsama difunduntur, micant flagrantes odorem cerei, totumque templum baptistirii divino respergetur ab odore, talemque ibi gratiam adstantibus Deus tribuit, ut aestimarent se paradisi odoribus collocari. Rex ergo prior poposcit, se a pontifeci baptizare. Procedit novos Constantinus ad lavacrum, deleturus leprae veteris morbum sordentesque maculas gestas antiquitus recenti latice deleturus. Cui ingresso ad baptismum sanctus Dei sic infit ore facundo: 'Mitis depone colla, Sigamber; adora quod incendisti, incende quod adorasti'. Erat autem sanctus Remegius episcopus egregiae scientiae et rethoricis adprimum inbutus studiis, sed et sanctitate ita praelatus, ut Silvestri virtutebus equaretur. Est enim nunc liber vitae eius, qui eum narrat mortuum suscitasse.

Igitur rex omnipotentem Deum in Trinitate confessus, baptizatus in nomine Patris et Filii et Spiritus sancti delebutusque sacro crismate cum signaculo crucis Christi. De exercito vero eius baptizati sunt amplius tria milia. Baptizata est et soror eius Albofledis, quae non post multum tempus migravit ad Dominum. Pro qua cum rex contristaretur, sanctus Remegius consolaturiam misit epistolam, quae hoc modo sumpsit exordium: Anget me et satis me anget vestrae causa tristitiae, quod bonae memoriae germana vestra transiit Albofledis. Sed consolare possumus, quia talis de hoc mundo migravit, ut suspici magis debeat quam lugere. Conversa est enim et alia soror eius Lantechildis nomen, quae in haeresim Arrianorum dilapsa fuerat, quae confessa aequalem Filium Patri et Spiritum sanctum, crismata est.

Historiarum Francorum libri X Liber II.

Clovis eut de la reine Clotilde un premier fils (l’an 494). La reine, voulant qu’il reçût le baptême, adressait sans cesse de pieux conseils au roi, disant : Les dieux que vous adorez ne sont rien, puisqu’ils ne peuvent se secourir eux-mêmes ni secourir les autres ; car ils sont de pierre, de bois ou de quelque métal. Les noms que vous leur avez donnés sont des noms d’hommes et non de dieux, comme Saturne qui, dit-on, pour ne pas être chassé du trône par son fils, s’échappa par la fuite ; comme Jupiter lui-même, honteusement souillé de tous les vices, qui a déshonoré tant de maris, outragé les femmes de sa propre famille, et qui n’a pu s’abstenir de concubinage avec sa propre sœur, puisqu’elle disait : Je suis la sœur et la femme de Jupiter. Qu’ont jamais pu Mars et Mercure ? Ils possèdent plutôt la science de la magie qu’une puissance divine. Le Dieu qu’on doit adorer est celui qui, par sa parole, a tiré du néant le ciel et la terre, la mer et toutes les choses qui y sont contenues ; qui a fait briller le soleil, et a orné le ciel d’étoiles ; qui a rempli les eaux de poissons, la terre d’animaux, et les airs d’oiseaux ; à l’ordre duquel la terre se couvre de plantes, les arbres de fruits et les vignes de raisins ; dont la main a produit le genre humain ; qui a donné enfin à l’homme son ouvrage avec toutes les créatures pour lui obéir et le servir. Ces paroles de la reine ne portaient nullement l’esprit du roi à la foi sainte, mais il disait : C’est par l’ordre de nos dieux que toutes choses sont créées et produites ; il est clair que votre Dieu, ne peut rien ; bien plus, il est prouvé qu’il n’est pas de la race des dieux.}} Cependant la reine fidèle présenta son fils au baptême : elle fit décorer l’église de voiles et de tapisseries, pour que cette pompe attirât vers la foi catholique le roi que ses discours n’avaient pu toucher. L’enfant ayant été baptisé et appelé Ingomer, mourut dans la semaine même de son baptême. Le roi, aigri de cette perte, faisait à la reine de vifs reproches, lui disant : Si l’enfant avait été consacré au nom de mes dieux, il vivrait encore ; mais, comme il a été baptisé au nom de votre Dieu, il n’a pu vivre. La reine lui répondit : Je rends grâces au puissant Créateur de toutes choses, qui ne m’a pas jugée indigne de voir associé à son royaume l’enfant né de mon sein. Cette perte n’a pas affecté mon âme de douleur, parce que je sais que les enfants que Dieu retire du monde, quand ils sont encore dans les aubes, sont nourris de sa vue. Elle engendra ensuite un second fils, qui reçut au baptême le nom de Chlodomir. Cet enfant étant tombé malade, le roi disait : Il ne peut lui arriver autre chose que ce qui est arrivé à son frère, c’est-à-dire qu’il meure aussitôt après avoir été baptisé au nom de votre Christ. Mais le Seigneur accorda la santé de l’enfant aux prières de sa mère (l’an 496).

La reine ne cessait de supplier le roi de reconnaître le vrai Dieu et d’abandonner les idoles ; mais rien ne put l’y décider, jusqu’à ce qu’une guerre s’étant engagée avec les Allemands, il fut forcé, par la nécessité, de confesser ce qu’il avait jusque-là voulu nier. Il arriva que les deux armées se battant avec un grand acharnement, celle de Clovis commençait à être taillée en pièces ; ce que voyant, Clovis éleva les mains vers le ciel, et le cœur touché et fondant en larmes, il dit : Jésus-Christ, que Clotilde affirme être Fils du Dieu vivant, qui, dit-on, donnes du secours à ceux qui sont en danger, et accordes la victoire à ceux qui espèrent en toi, j’invoque avec dévotion la gloire de ton secours : si tu m’accordes la victoire sur mes ennemis, et que je fasse l’épreuve de cette puissance dont le peuple, consacré à ton nom, dit avoir relu tant de preuves, je croirai en toi, et me ferai baptiser en ton nom ; car j’ai invoqué mes dieux, et, comme je l’éprouve, ils se sont éloignés de mon secours ; ce qui me fait croire qu’ils ne possèdent aucun pouvoir, puisqu’ils ne secourent pas ceux qui les servent. Je t’invoque donc, je désire croire en toi ; seulement que j’échappe à mes ennemis. Comme il disait ces paroles, les Allemands, tournant le dos, commencèrent à se mettre en déroute ; et voyant que leur roi était mort, ils se rendirent à Clovis, en lui disant : Nous te supplions de ne pas faire périr notre peuple, car nous sommes à toi. Clovis, ayant arrêté le carnage et soumis le peuple rentra en paix dans son royaume, et raconta à la reine comment il avait obtenu la victoire en invoquant le nom du Christ.

Alors la reine manda en secret saint Remi, évêque de Reims, le priant de faire pénétrer dans le cœur du roi la parole du salut. Le pontife, ayant fait venir Clovis, commença à l’engager secrètement à croire au vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et à abandonner ses idoles qui n’étaient d’aucun secours, ni pour elles-mêmes, ni pour les autres. Clovis lui dit : Très saint père, je t’écouterai volontiers ; mais il reste une chose, c’est que le peuple qui m’obéit ne veut pas abandonner ses dieux ; j’irai à eux et je leur parlerai d’après tes paroles. Lorsqu’il eut assemblé ses sujets, avant qu’il eût parlé, et par l’intervention de la puissance de Dieu, tout le peuple s’écria unanimement : Pieux roi, nous rejetons les dieux mortels, et nous sommes prêts à obéir au Dieu immortel que prêche saint Remi. On apporta cette nouvelle à l’évêque qui, transporté d’une grande joie, ordonna de préparer les fonts sacrés. On couvre de tapisseries peintes les portiques intérieurs de l’église, on les orne de voiles blancs ; on dispose les fonts baptismaux ; on répand des parfums, les cierges brillent de clarté, tout le temple est embaumé d’une odeur divine, et Dieu fit descendre sur les assistants une si grande grâce qu’ils se croyaient transportés au milieu des parfums du Paradis. Le roi pria le pontife de le baptiser le premier. Le nouveau Constantin s’avance vers le baptistère, pour s’y faire guérir de la vieille lèpre qui le souillait, et laver dans une eau nouvelle les tâches hideuses de sa vie passée. Comme il s’avançait vers le baptême, le saint de Dieu lui dit de sa bouche éloquente : Sicambre, abaisse humblement ton cou : adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. Saint Remi était un évêque d’une grande science, et livré surtout à l’étude de la rhétorique ; il était si célèbre par sa sainteté qu’on égalait ses vertus à celles de saint Silvestre. Nous avons un livre de sa vie où il est dit qu’il ressuscita un mort.

Le roi, ayant donc reconnu la toute-puissance de Dieu dans la Trinité, fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et oint du saint chrême avec le signe de la croix ; plus de trois mille hommes de son armée figent baptisés. On baptisa aussi sa sœur Alboflède, qui, quelque temps après, alla joindre le Seigneur. Comme le roi était affligé de cette perte, saint Remi lui envoya, pour le consoler, une lettre qui commençait ainsi : Je suis affligé autant qu’il faut de la cause de votre tristesse, la mort de votre sœur Alboflède, d’heureuse mémoire ; mais nous pouvons nous consoler, car elle est sortie de ce monde plus digne d’envie que de pleurs. L’autre sœur de Clovis, nommée Lantéchilde, qui était tombée dans l’hérésie des Ariens, se convertit ; et ayant confessé que le Fils et le Saint-Esprit étaient égaux au Père, elle fut rebaptisée.

Histoires - Livre II (Histoire des Francs), Traduction de François Guizot en 1823.

Article mis en lumière la semaine du 4 mars 2019.
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