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Rivalité franco-anglaise de 1688 à 1815

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Les positions franco-anglaises en Amérique septentrionale, à la veille de la guerre de Sept Ans.

Aux XVIe et XVIIe siècles, les relations entre la France et l'Angleterre fluctuent, tantôt bonnes, tantôt mauvaises, selon les circonstances du moment. Mais la rivalité entre les deux pays s'accroît à partir de 16881. Elle devient alors intense, constante, acharnée jusque 1815, au point d'apparaître comme une « seconde guerre de Cent Ans ».

Cette rivalité franco-anglaise a ses racines dans la mutation économique que subit l'Angleterre à la fin du XVIIème et première moitié du XVIIIème siècles.

Origine de la rivalité : la mutation économique de l'Angleterre[modifier | modifier le wikicode]

D'abord essentiellement agricole (les 5/6èmes de sa population vivant d'élevage et de culture), l'Angleterre se mue, dans la deuxième moitié du XVIIème siècle, en une nation commerçante. Le commerce anglais prend son essor avec l'Acte de navigation (1651 & 1660) interdisant aux navires étrangers de débarquer dans les ports anglais toutes marchandises ne provenant pas de leurs propres pays, ainsi que dans les trois décennies qui suivent cet Acte : les navires anglais (appartenant à des armateurs anglais, avec un capitaine anglais et un équipage très majoritairement anglais) ont, dans ces ports anglais, l'exclusivité du commerce avec l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Asie, l'Amérique, voire les pays du nord de l'Europe.

Suite à quoi, en à peine un demi-siècle, la transformation de l'Angleterre en une nation commerçante est achevée. Dans le sillage de la Compagnie des Indes et de la Banque d'Angleterre, nombre de sociétés anonymes sont apparues et désormais prospèrent. Les banquiers, marchands, riches propriétaires fonciers du pays, devenu en 1707 la Grande-Bretagne2, s'associent dans un but mercantile : l'exploitation des mondes nouveaux ou colonies.

En même temps, le machinisme et consécutivement l'industrie naissent et se développent en Angleterre, avant que dans les autres pays européens. Bientôt, les commerçants exportateurs poussent les industriels à forcer leur production ; puis ceux-ci, à leur tour, pour écouler leurs produits, encouragent les exportateurs à conquérir de nouveaux marchés, de nouveaux débouchés.

Parallèlement, on voit les grands propriétaires et autres parvenus du commerce et de l'industrie racheter peu à peu les petits domaines ruraux de la classe moyenne agricole anglaise. Devenues de simples pourvoyeurs alimentaires des usines ou manufactures, les campagnes ne sont plus en mesure de contrebalancer les ambitions impérialistes de la "City", le quartier des affaires de Londres. Ainsi, l'évolution économique de l'Angleterre l'amène à unir ses intérêts : assez vite, toute la vie du pays ne dépend plus que de sa prospérité maritime.

John R. Seeley (1834-1895). Célèbre historien anglais, il publie en 1883 : The Expansion of England, dans lequel il dénonce le manque d'intérêt des Britanniques pour l'Empire qu'ils ont constitué au cours des deux siècles précédents : « Nous semblons avoir conquis et peuplé la moitié du monde comme par inadvertance ».

Sa politique désormais est dictée par les marchands. L'industrie ayant pris le pas sur l'agriculture, les fabriques surproduisant, les chantiers navals construisant "à tour de bras" des vaisseaux pour un trafic bien supérieur à celui que le pays soutient, l'Angleterre a dès lors l'obligation de chercher des terres nouvelles, de nouveaux marchés. Et si les autres puissances européennes (notamment la France et l'Espagne) lui ferment leurs propres colonies, elle cherchera à s'emparer par la guerre et à coups de canon de ces possessions coloniales et des marchés qu'elles représentent.

Aux XVIIème et XVIIIème siècle, « l'Angleterre est à la fois commerçante et guerrière » (John Robert Seeley). Et elle devient de plus en plus guerrière à mesure qu'elle devient de plus en plus commerçante. Sa conquête de l'Inde, par exemple, découle clairement, directement, de ce qu'elle commerçait avec ce pays. Le commerce conduit naturellement à la guerre qui, à son tour, entretient et stimule le commerce.

Temps forts de cette rivalité[modifier | modifier le wikicode]

Dans ce contexte, la rivalité entre la France et l'Angleterre (puis entre la France et la Grande-Bretagne) se comprend mieux. Elle s'accroît à partir de 1688 et devient intense, quasi permanente jusqu'en 1815, les périodes de paix n'étant que des trêves3 pendant lesquelles les deux rivaux refont leurs forces.

Le fait dominant de l'histoire française, tout au long de ces 127 ans, est l'hostilité anglaise.

Les temps forts de cette rivalité sont les suivants :

En tout, sept grandes guerres qui, mises bout à bout, représentent une durée totale de soixante ans de conflits déclarés et acharnés.

De 1688 à 1815, en exceptant la période 1713-17414 qui, côté français, correspond à la Régence puis, grosso-modo, au ministériat du cardinal de Fleury5, l'Angleterre est constamment à la tête des ennemis de la France. Elle met à profit ces 127 ans pour disputer et arracher à sa rivale (ainsi qu'à l'Espagne et aux autres puissances européennes) l'empire des mers, le contrôle des routes océaniques et l'hégémonie du négoce international. Car c'est bien là l'enjeu de cette seconde Guerre de Cent ans : conquérir la suprématie maritime, coloniale et commerciale.

Quasi-intouchable sur son île (sur laquelle, depuis le XIème siècle, toute tentative de débarquement a toujours échoué6), la nation anglaise unanime7 mène le combat avec une idée très claire du but à atteindre (conquérir l'empire des mers, la suprématie coloniale, l'hégémonie du commerce international) et avec la volonté de l'emporter coûte que coûte, alors que la France, du fait de sa double nature terrienne et maritime, se voit contrainte de partager ses forces, de soutenir la lutte sur terre comme sur mer et sans que son opinion publique ne sache clairement, elle, où sont vraiment ses intérêts.

Dans cette lutte colossale de plus d'un siècle, le règne de Louis XV, en tout cas de 1741 à sa mort8, est pour le royaume des lys un épisode lourd d'événements (guerre de Succession d'Autriche, puis guerre de Sept Ans) et, à certains égards, décisif : perte de la plus grande partie de son empire colonial, notamment le Canada et la Nouvelle-France.

Sources[modifier | modifier le wikicode]

  • Pierre Gaxotte, Le siècle de Louis XV, Fayard, 1974-1997 (source principale) ;
  • Edmond Dziembowski, La guerre de Sept Ans, Perrin - collection tempus, 2018.

Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Date de la Glorieuse Révolution (ou Révolution anglaise de 1688) qui renverse le catholique Jacques II d'Angleterre et le remplace par sa fille Marie II (élevée dans la religion anglicane) et son époux (lui-même protestant) Guillaume III d'Orange-Nassau qui, en tant que stadhouder, dirige déjà les Provinces-Unies depuis 1672. Les deux époux vont régner conjointement (jusqu'à la mort de Marie en décembre 1694), puis Guillaume III (Guillaume d'Orange) occupera seul le trône anglais (écossais et irlandais), jusqu'à sa mort en 1702.
  2. ... où, avec l'installation de la dynastie hanovrienne (George Ier régnant de 1714 à 1727, George II régnant de 1727 à 1760 et George III de 1760 à 1820), le pouvoir glisse progressivement entre les mains des puissances d'argent.
  3. ... Car « la rivalité franco-anglaise ne pouvait avoir d'autre fin que l'écrasement d'un des adversaires. » (Pierre Gaxotte, Le Siècle de Louis XV, Fayard, 1974, réédit. 1997, p. 239)
  4. Noter qu'à cette époque, celle durant laquelle Robert Walpole est son premier ministre, "la Grande-Bretagne demeure un pays dont le nombre d'habitants n'excède pas dix à douze millions alors que la France en compte plus de vingt-deux millions." (Jean-François Chiappe, Louis XV, Perrin, 1996, p. 219). Elle tire ses principaux revenus de ses importations et, à un moindre degré, exportations ; pour elle, le mercantilisme (contemporain de la colonisation du Nouveau Monde) est vital et tourne "à la passion, voire à la folie furieuse."
  5. En vérité, "en dépit du traité d'Utrecht de 1713 — par lequel la France cédait à l'Angleterre : Terre-Neuve, une partie de l'Acadie et le territoire de la baie d'Hudson (voir carte des positions franco-anglaises en Amérique septentrionale, ci-dessus, en début de l'article, ndlr) — et donc de la paix officielle entre les deux pays signataires du traité, sous la Régence et sous le ministère de Fleury les hostilités ne cessèrent pas en Amérique. En effet, les limites de l'Acadie et du territoire de la baie d'Hudson n'étant pas vraiment définies, elles donnèrent lieu à des controverses sans fin. De plus, pour ce qui est des Iroquois, reconnus sujets britanniques, les Français et les Anglais ne s'entendaient pas sur l'étendue de leur domaine ; les premiers le limitaient à un territoire au sud du lac Ontario, alors que les seconds leur attribuaient presque tout le bassin du Mississippi et la région des grands lacs, mordant même sur le Canada occidental. |...| Le gouverneur de la Virginie, Spottswood, déclara haut et fort que « les treize colonies anglaises encerclées par les Français périraient d'étouffement si elles ne parvenaient pas à rompre les communications entre le Canada et la Louisiane, en s'emparant par la force du territoire de l'Ohio ». Dans les faits, les Anglais continuèrent sans vergogne leur politique d'empiètements et de chicanes ; ils armèrent leurs alliés indiens contre les Français et menèrent contre eux, malgré le traité de paix d'Utrecht et sous le couvert de cette alliance franco-anglaise, une guerre incessante d'intrigues, de crimes, d'embûches et de razzias". D'après : Pierre Gaxotte, Le siècle de Louis XV, 1974-1997, p. 202-203.
  6. Sauf quand tout un groupe de personnalités politiques anglaises vous invite formellement à le faire, comme l'a été Guillaume III d'Orange-Nassau courant 1688.
  7. "|...| tandis que la nation anglaise soutenait son chef (William Pitt l'Ancien, Premier ministre britannique et ministre de la Guerre de 1756 à 1761) d'un seul coeur, Louis XV devait faire face à une véritable révolte intérieure, à une Fronde judiciaire et bourgeoise qui énerva le pouvoir, usa les ministres, retarda ou empêcha les mesures de salut. Ne l'oublions pas : l'année de (la défaite de) Rossbach (1757) est aussi celle de (l'attentat de) Damiens et tandis que nous perdions Québec (sept. 1759), les magistrats du royaume (et d'abord les Parlements) se mettaient en grève pour détruire (ou paralyser) l'administration du pays". (Gaxotte 1974, p. 263).
  8. Soit : les deux dernières années du ministériat Fleury, suivies de la période (1743-1774) où Louis XV règne personnellement et décide des destinées de la France.
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