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Dynastie saadienne

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Sultanat saadien du Maroc
1511 - 1649
Drapeau Blason
Drapeau Blason
Apogée du Maroc sous les Saadiens
Apogée du Maroc sous les Saadiens
Informations générales
Régime Sultanat / Califat Islamique
Capitale Marrakech
Langue Arabe / Berbère
Monnaie Dinar / Rial / Dirhem
Religion Islam sunnite
Démographie et superficie
Population Entre 4 et 6 millions de personnes
Superficie ~2 000 000 km2
Entités précédentes :
Dynastie wattasside
Entités suivantes :
Dynastie alaouite
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La dynastie des Saadiens (en arabe : السعديون, as-Saʿdiyyūn ; en tamazight : ⵉⵙⵄⴷⵉⵢⵏ, Iseʿdiyen) ou des Zaydanides (en arabe : بنو زيدان, Banū Zaydān ; en berbère : ⴰⵢⵜ ⵣⵉⴷⴰⵏ, Aït Zidān) est l'une des six dynasties ayant régné sur le Maroc (les autres étant les Idrissides, les Almoravides, les Almohades, les Mérinides et les Alaouites) depuis leur capitale Marrakech, de 1554 à 1636.

Originaires d'Arabie, puis ayant émigré à Tagmadert au sud du Maroc, ils y devinrent princes en 1509 et gouvernèrent en 1511 le Souss, le Tafilalet et la vallée du Drâa, tout en reconnaissant l'autorité centrale de la dynastie Wattasside décadente. Les Saadiens se rebellèrent contre eux après avoir été parvenus à consolider leur contrôle sur la moitié du Maroc (au sud des chaînes de l'Atlas) et à repousser les portugais d'Agadir et du Souss. Ils se revendiquent descendants du prophète de l'islam Mohammed (ou Mahomet) et donc Chérifs, d'où l'autre appellation du Maroc depuis cette époque : L'Empire Chérifien.

En capturant Marrakech en 1525 et en repoussant des attaques portugaises de plusieurs villes, les Saadiens gagnent en popularité et se rebellèrent contre les Wattassides qu'ils firent chuter lors de la prise de Fès en 1549. Ils furent confrontés aux Ottomans qui tentèrent de soumettre plusieurs fois le Maroc pour avoir un accès à l'océan Atlantique avec l'aide de prétendants Wattassides, mais la majorité de ces expéditions échouèrent, notamment à cause d'incursions espagnoles qui forcèrent les forces turques à retourner défendre leurs territoires en Algérie. En 1554, le reste des Wattassides furent défaits à la bataille de Tadla, et Muhammad Al-shaykh, le sultan Saadien, fit une entrée glorieuse à Fès désormais en tant que souverain indisputé du Maroc. Les Saadiens ont été néanmoins sous vassalité nominale ottomane entre 1576 et 1587, même si la période officiellement retenue est de 1576 à 1578 (jusqu'à la bataille des Trois rois)

Le nouveau sultan Saadien Ahmad Al-Mansur, jouissant d'une popularité inégalée depuis la victoire contre les portugais lors de cette bataille, entreprit grâce au butin récolté d'envoyer une expédition capturer les mines d'or du Sahel. En 1591, l'expédition commandée par Youder Pasha, arriva aux portes de Gao, la capitale de l'empire Songhaï qui contrôlait la région, et annihila une armée de 5 à 10 fois supérieure en nombre (selon les sources) grâce à des mousquets modernes et des canons fabriqués à Marrakech, lors de la bataille de Tondibi. L'empire Songhaï devint un vassal marocain pendant une courte période de temps. Le jeune sultanat fut fortement enrichi après la bataille, et son prestige augmenta considérablement, d'où l'arrivée en masse d'ambassadeurs étrangers venus pour le féliciter de la victoire. Selon les écrits de voyageurs anglais, le Maroc recevait du Soudan (Mali actuel) des milliers de livres d'or et le prix des esclaves avait chuté drastiquement. Ahmad Al-Mansur forgea une alliance avec les anglais pour contrer les espagnols, il rêvait en effet de pouvoir reconquérir Al-Andalus et d'islamiser l'Amérique, mais ces ambitions ne furent jamais entreprises à cause d'une terrible peste qui élimina une très grande partie de la population marocaine et qui tua le sultan.

La dynastie chute après une longue période d'anarchie et querelles dynastiques entre différents prétendants, tribus berbères et confréries religieuses tout le long du XVIIe siècle et laisse place aux Alaouites venus du Tafilalet qui réunifient le Maroc au début du XVIIIe siècle. L'héritage culturel et architectural Saadien est considérable, avec la construction du palais El-Badi' et de différentes Zaouias à travers le Maroc. C'est aussi la première dynastie arabe depuis les Idrissides à régner sur le Maroc, et les sultans Saadiens sont aussi très connus des marocains car ils ont su protéger leur pays face aux ambitions portugaises, ottomanes et espagnoles. Le Maroc fut sous leur règne une puissance régionale moderne dont l'autorité était reconnue jusqu'au Kanem-Bornou.



Montée en puissance[modifier | modifier le wikicode]

Débuts[modifier | modifier le wikicode]

Contexte[modifier | modifier le wikicode]

Le Maghreb au XVIe siècle était morcelé et les différents pays le composant subissaient des crises terribles (famines, sécheresses) et était constamment menacé par les Ottomans en Algérie et les puissances ibériques (Espagne et Portugal) au nord. Au Maroc, les Hintatas occupaient Marrakech et avaient une attitude rebelle face aux décadents Wattassides de Fès, tout ce qui était au sud des chaînes de l'Anti-Atlas restait insoumis à toute autorité centrale, et les villes côtières avaient une indépendance quasi-totale ce qui facilita la capture de celles-ci par les portugais. Toute la région durant cette période constituait une proie alléchante pour les puissants empires avoisinant la région.

La vallée du Drâa, région où les Saadiens établirent leur principauté.

Établissement de la principauté (ou émirat) des Saadiens[modifier | modifier le wikicode]

Les Saadiens sont une famille venue d'Arabie qui s'est installé dans la vallée du Drâa pendant le XIVe siècle avant de se déplacer progressivement vers la vallée du Souss. Le premier Saadien à être venu au Maroc serait Zaydane Ben Ahmed El-Hassani, d'où l'autre nom de la dynastie: les Zaydanides. Elle se fait connaître au début du XVIe siècle alors que le fondateur de la dynastie, Abū ʿAbd Allāh Muḥammad ibnʿAbd al-Raḥman al-Qāʾim Biamr Allāh, appelé simplement Muhammad Al-Qa'im, après avoir capturé Taroudant en 1510, prêche l'année suivante, à l'initiative d'une confrérie religieuse, la guerre sainte contre les portugais qui avaient occupé Agadir depuis 1505 peu après des incursions espagnoles repoussées (qu'ils appelaient Santa Cruz do Cabo de Aguer) et avaient aussi fait prisonnier des combattants tribaux. Les Saadiens furent reconnus par les tribus du Souss comme leurs commandants politique et militaire, et Muhammad Al-Qa'im déplace sa capitale à Afughal dans le Haha, là où était enterré le savant marocain Soufi Al-Jazuli, à la suite de l'invitation d'une tribu qui avaient tenté une rébellion contre les Wattassides dix ans plus tôt.

En 1513, Muhammad Al-Qa'im désigne Ahmad Al-Araj comme héritier et gouverneur de la région du Souss, une étape importante du commerce trans-saharien, qui malgré la guerre sainte contre les portugais jouissait d'un florissant commerce avec les européens, notamment les Génois, ce qui enrichit considérablement les Saadiens. En 1515, les Saadiens repoussent avec succès une incursion portugaise sur Marrakech mais ne sont pas en position de capturer la ville pour eux-même malgré tout. Les portugais, malgré la prise d'Azemmour la même année, perdent tout leur soutien dans la région du Souss avec l'assassinat de Yahya Ben Tasfuft par les Saadiens.

Unification du pays[modifier | modifier le wikicode]

Lors de la mort de Muhammad Al-Qa'im en 1517, deux de ses trois fils - Ahmad Al-Araj et Muhammad As-Shaykh - divisent la principauté. Ils s'enrichissent considérablement après avoir augmenté la production de sucre dans le Souss, avant qu'une peste ou une famine (ou les deux) ne vienne ralentir les ambitions des deux frères. Ils seront invité à Marrakech par l'émir de la tribu Hintata Muhammad ibn Nasir Bu Shantuf en 1524 ou 1525 à l'occasion du mariage d'Al-Araj (d'autres sources citent seulement Al-Araj comme étant invité), et les dépouilles de Muhammad Al-Qa'im et Al-Jazuli sont transférées pendant la même période dans la ville. Marrakech devient alors la capitale spirituelle et symbolique des Saadiens. C'est aussi à partir de la même période qu'ils entrent en conflit ouvert avec les Wattassides, qui essaieront plusieurs fois de reprendre Marrakech des mains des Hintatas, mais échoueront à chaque reprise. En 1527, à la suite d'une bataille à l'issue indécise (très probablement dans les alentours de Tadla), un traité est signé: le traité de Tadla, délimitant la frontière entre les Wattassides et les Saadiens à l'oued Oum Errabiâ. Un conflit éclate en 1530 résultant en un statu quo ante bellum, mais en 1536, les Saadiens arrivent à vaincre décisivement les Wattassides dans la bataille de l'Oued El-'AbidAhmad Al-Araj force les Wattassides à délimiter une nouvelle fois la frontière au fleuve où ils venaient d'être vaincus. Malgré les tensions politiques régnantes dans le pays, les Saadiens jouissent d'une période de grande stabilité qu'Ahmad Al-Araj utilise pour conquérir la région du Tafilalet en 1537, encore insoumise à leur contrôle malgré sa proximité géographique.

La Kasbah d'Agadir a été construite sur la colline qui surplombe les alentours.

Les succès qu'avaient accomplis Ahmad Al-Araj rendaient jaloux son frère Muhammad As-Shaykh et les tribus du Souss. Malgré cette rivalité montante, les deux frères se concentrèrent sur l'élimination de la menace portugaise. Ils partent en 1541 assiéger Agadir avec des canons achetés à des marchands européens dans la région; le siège dure 6 mois et se termine par une reddition des portugais, coupés de toute ligne de ravitaillement. Muhammad As-Shaykh fera construire une grande forteresse (kasbah) surplombant la colline (qui survivra jusqu'au tremblement de terre d'Agadir en 1960) Cette victoire des Saadiens incite les portugais à évacuer leurs comptoirs au Maroc, et c'est pendant la même année qu'ils quittent Azemmour et Safi. La victoire redore le blason Saadien et dégrade fortement la réputation des Wattassides qui avaient jusqu'à présent cherché à collaborer et à coexister pacifiquement avec les portugais qui était vus par la majorité de la population comme des envahisseurs barbares (certaines sources arabes parlent de massacres de populations musulmanes dans les villes occupées par les portugais). C'est aussi pendant la même période que Muhammad As-Shaykh fait exiler son frère Ahmad au Tafilalet (soit peu de temps avant la victoire à Agadir ou après celle-ci), avant que ceux-ci ne se combattent encore après la rupture d'un accord qu'Ahmed Al-Araj s'était engagé à respecter en échange de sa libération. Ce conflit de courte durée en 1543 se termine par une victoire décisive de Muhammad As-Shaykh.

Se revendiquant désormais comme le seul et unique sultan du Maroc, Muhammad As-Shaykh décide une nouvelle fois de confronter les Wattassides, et lors d'une bataille à côté de l'Oued Derna en 1545, Ahmed Al-Wattassi est capturé par les Saadiens avant que sa libération ne soit négociée en échange de la ville de Meknès en 1547. La même année, les Saadiens iront assiéger Fès qu'ils captureront le 28 juillet 1549, et qui devient la nouvelle capitale du sultanat. Muhammad As-Shaykh se présente alors comme l'unique souverain du Maroc. Les portugais, inquiets de la montée de la puissance saadienne, évacuent Ksar Es-Sghir et Asilah en 1550.

Confrontations avec les empires voisins[modifier | modifier le wikicode]

Confrontations avec les Ottomans[modifier | modifier le wikicode]

En 1550, peu après sa victoire à Fès, Muhammad As-Shaykh lance la campagne d'Oranie, une invasion organisée ayant pour but de contrer l'influence ottomane à l'ouest du Maghreb. Muhammad Al-Harran, fils de Muhammad As-Shaykh, capture Tlemcen face au dernier prétendant Zianide (qui s'enfuit chez les Espagnols), mais échoue à envahir Alger aux alentours Mostaganem et l'offensive s'arrête. L'opération reste néanmoins une victoire pour les marocains. Mais en 1551, les ottomans arrivent à reprendre Tlemcen des mains des Saadiens et grâce à l'aide d'un prétendant wattasside, Ali Abu Hassun, ils arrivent à contrôler pendant une courte durée Fès en 1554. Le souverain wattasside donne aux turcs la base de Penon de Velez qu'ils avaient repris des espagnols en 1522. Ahmad Al-Araj arrive pendant la même période à se révolter contre son frère Muhammad As-Shaykh avec l'aide des ottomans, mais un messager qui portait le message annonçant la victoire des wattassides et des turcs à Fès est intercepté par les Saadiens et Ahmad Al-Araj, croyant qu'ils avaient perdu là-bas, se rend face à son frère.

Ali Abu Hassun est tué lors de la bataille de Tadla au début de septembre 1554, où les troupes wattassides (renforcées par des janissaires ottomans) sont vaincues. Le 13 septembre 1554, Muhammad As-Shaykh arrive à reprendre Fès et capture en 1556 une nouvelle fois la ville de Tlemcen, mais les ottomans arrivent à le faire décapiter par un de ses gardes du corps, Salah ibn Kyahya, le 23 octobre 1557, après qu'il aie refusé l'année dernière de se soumettre (même nominalement) à Soliman le Magnifique, et qu'il aie même commencé à forger une alliance avec les Espagnols contre les ottomans. Les ottomans essaient la même année d'envahir une nouvelle fois le Maroc où ils sont vaincus à la bataille de Oued El-Leben par le nouveau sultan marocain Abdallah Al-Ghalib (certaines sources parlent d'une issue indécise de la bataille, mais la victoire est la version la plus acceptée car les incursions ottomanes au Maroc s'arrêtent après celle-ci)., où les marocains, forts de 30.000 cavaliers, 10.000 fantassins et 700 arquebusiers parviennent à mettre en déroute (avec un avantage numérique conséquent) les 22.000 soldats ottomans et algériens. Cette victoire marque la consolidation de l'indépendance marocaine, mais fait aussi vivre la famille saadienne dans une peur continue d'être assassinée, ce qui fait fuir 3 frères d'Abdallah Al-Ghalib (Ahmad, Abd Al-Malik et Abd Al-Mumin) vers l'Empire ottoman.

Les espagnols profitent de l'occasion pour tenter d'envahir Mostaganem, où ils sont désastreusement défaits face aux algériens et où le comte d'Alcaudete est tué. Abdallah Al-Ghalib supporte la révolte des Moriscos, essaie de nouer des relations diplomatique avec d'autres pays d'Europe (principalement pour contrer l'influence ottomane et espagnole), et construit de nombreuses écoles, forteresses et mosquées. Muhammad II Al-Mutawakkil accède au trône après la mort d'Abdallah, mais échoue à le conserver face à Abd Al-Malik soutenu par les ottomans desquels il a appris les méthodes de combat et avec lesquels il a participé lors du siège de Tunis contre les espagnols en 1574. En 1576, il est déchu du pouvoir face à Abd Al-Malik qui se soumet à la vassalité nominale des Ottomans - devenant le premier et seul souverain saadien à le faire - lorsque celui prend Fès la même année après la bataille d'Al-Rukn.

Confrontation avec les Portugais[modifier | modifier le wikicode]

Contexte[modifier | modifier le wikicode]
Dépiction portugaise de la prise de Ceuta en 1415.

Les conflits maroco-portugais font partie des plus longs du monde, depuis la prise de Ceuta en 1415 (même si la prise de Lisbonne en 1147 peut elle aussi être comptée comme la première confrontation entre le Maroc et le Portugal), ces deux pays ont toujours été en conflit avant que les Marocains ne reprennent El-Jadida (ou Mazagan) en 1769, que la population ne soit transférée à Mazagao au Brésil portugais et que le Portugal ne soit contraint de signer le traité de paix luso-marocain.

Effondrement du Maroc portugais[modifier | modifier le wikicode]

Les ambitions portugaises au Maroc ne faiblissent pas avec la montée de la dynastie Saadienne. Pendant le XVIe siècle, plusieurs souverains portugais ont imaginé des plans de conquête de l'ensemble du territoire, affaibli par l'effritement de l'autorité des Wattassides (même si ces ambitions ne seront jamais concrétisées à cause de difficultés démographiques et financières). Mais lors de la prise d'Agadir en 1541, Jean III, roi du Portugal, ordonne l'évacuation de Safi et Azemmour la même année, et celle de Ksar Es-Sghir et Asilah en 1550, jugées "indéfendables" face aux marocains. Cela peut être considéré le début de l'effondrement de Maroc portugais (plusieurs comptoirs, villes et forteresses occupées par les portugais au Maroc), car Jean III s'intéressait plus aux Indes et à l'Amérique qu'à ses possessions au Maroc.

Bataille des Trois Rois (ou d'Alcacèr Quibir, ou de l'Oued El-Makhazine)[modifier | modifier le wikicode]

Après avoir été déchu de son trône, Muhammad Al-Mutawakkil cherche l'aide du roi du Portugal pour pouvoir le récupérer. Sébastien 1er, alors souverain du Portugal, qui sentait la montée de l'influence ottomane dans la région comme une menace et qui rêvait d'une croisade contre les infidèles du Maroc, accepte d'aider le sultan déchu à récupérer son trône. Il arrive en juillet 1578 à Ksar El-Kbir avec une armée de 16 000 hommes à la rencontre d'Abd Al-Malik. Abd Al-Malik, se sentant malade et incapable de combattre, offre la ville de Larache à Sébastien I pour faire la paix. Cette proposition est réfusée et Abd Al-Malik, en ayant probablement changé d'attitude vis-à-vis des portugais, envoie une lettre quelques jours avant la bataille pour l'encourager au combat :

« Tu as manifesté ton énergie en quittant ton royaume et en franchissant la mer pour assaillir des territoires musulmans. Si tu te tiens ferme sur le littoral jusqu'à ce que nous nous dressions contre toi, tu es un vrai et valeureux chrétien. Mais si tu diminues certains de mes sujets et rentres dans ton pays avant qu'un émir ton pareil ne vienne te combattre, tu n'es qu'un juif, fils de juif. »
Représentation portugaise de la bataille des Trois rois (ou d'Alcacèr Quibir).

Le sultan veut expliquer via cette lettre que Sébastien I ne devrait pas s'attaquer à une population sans défense, mais à son égal (c'est-à-dire, Abd Al-Malik). Le roi du Portugal attend alors avec impatience les marocains, même si son allié Muhammad le met en garde contre cette démarche qu'il juge très dangereuse. En attendant, Abd Al-Malik rallie les tribus arabes et berbères autour de la ville. Puis, le 4 août 1578, alors qu'Abd Al-Malik est gravement malade, les 16.000 soldats portugais rencontrent une force similaire aux abords de l'Oued El-Makhazine, et rencontrent beaucoup de difficultés, pensant que les marocains n'auraient pas eu d'avance technologique sur eux. Ils sont confrontés à l'artillerie marocaine fabriquée à Marrakech et achetée aux ottomans, et aux arquebusiers andalous et turcs.

C'est aussi à ce moment-là qu'Ahmad lance un attaque surprise depuis les montagnes de 30.000 cavaliers tribaux sur les portugais déjà en difficulté. L'armée portugaise (qui comptait des castillans, anglais et autres mercenaires germaniques) est massacrée, Sébastien I est tué et selon certains sources contestées, son corps n'aurait jamais été retrouvé. Muhammad II Al-Mutawakkil se fait lui aussi tué et son corps sera exposé dans plusieurs villes du Maroc et la population lui donnera le surnom de Maqmoush (littéralement : "griffé"). Abd Al-Malik meurt aussi dans la bataille à cause de sa maladie (probablement de la peste), et aura contribué grandement au moral des troupes.

Cette bataille sera nommée : la bataille des Trois rois, en référence aux trois monarques morts durant celle-ci. D'autres dénominations telles que "Bataille d'Alcacèr Quibir" ou "Bataille de l'Oued El-Makhazine" font référence au lieu de la bataille. Elle se termine en victoire marocaine décisive et marque la fin de l'empire portugais ; tous les nobles qui combattaient lors de la bataille furent tués ou fait prisonniers, le Portugal se retrouve sans héritier et se fait annexer par l'Espagne un peu plus tard, tandis que le nouveau sultan du Maroc accède au trône sans aucun problème et jouit d'un prestige inégalé et d'un butin extraordinaire pris lors de la bataille. Les conséquences de la bataille sur le long-terme au Maroc est immense, le pays ayant gardé une réputation de territoire "imprenable" jusqu'à la bataille d'Isly en 1844.

Apogée[modifier | modifier le wikicode]

L'accession au pouvoir d'Ahmad Al-Mansur[modifier | modifier le wikicode]

Circonstances[modifier | modifier le wikicode]

Portrait d'Ahmad Al-Mansur.

Immédiatement après la bataille des Trois Rois, Ahmad accède au trône après la mort d'Abd Al-Malik. Il prend le surnom d' "Al-Mansur" qui signifie "Le victorieux". Sa succession se fait dans un calme très peu vu dans l'histoire du Maroc, car il jouit d'un prestige et d'une légitimité forte auprès du peuple et des tribus. La capture de nombreux prisonniers portugais est bénéfique pour le pays car ceux-ci sont libérés en échange de rançons qui drainent le trésor portugais, d'autres se convertiront à l'islam et prendront part dans divers expéditions. Le butin récupéré après la bataille des Trois Rois enrichi considérablement Ahmad Al-Mansur qui prend l'autre titre d' "Ad-Dahabi", même si d'autres sources proposent que ce surnom lui fut donné après l'invasion du Songhaï.

Réformes de l'armée[modifier | modifier le wikicode]

Mousquets ottomans.

Ahmad Al-Mansur suit l'exemple de ses prédécesseurs en dotant son armée de mousquets modernes et en la conformant aux normes ottomanes, en adoptant quelques titres militaires turcs et en faisant entraîner ses troupes par des officiers ottomans. L'utilisation de l'artillerie et des armes à feu se répand à travers tout le Maroc à la place des épées et des lances. Il fait néanmoins attention à limiter l'influence ottomane sur l'armée en ne leur donnant que de maigres postes au sein de l'administration militaire.

Conflits avec les ottomans et maintien de l'indépendance marocaine[modifier | modifier le wikicode]

Ahmad Al-Mansur entretenait des relations mitigées avec l'empire ottoman. Juste après la bataille des Trois rois, il réserve un accueil très froid aux ambassadeurs turcs venus lui apporter leurs voeux. Une crise diplomatique éclate qui failli résulter en une invasion navale et terrestre du Maroc mais qui est épargnée grâce à l'aide des espagnols qui mobilisent leur armée et leur flotte pour aider Ahmad Al-Mansur en échange de la ville de Larache, promesse qui ne sera pas tenue avant 1609. Celui-ci reconnaît pendant les premières années de son règne la suzeraineté ottomane sur son pays tout en restant de facto indépendant. Mais des ambassades espagnoles en 1579 et 1581 ramenant d'immenses cadeaux pour le sultan, et une ambition d'Ahmad Al-Mansur de devenir lui-même calife à la place de Murad III sont des événements décisifs qui marquent la fin de la suzeraineté nominale ottomane sur le Maroc. Ahmad fait en sorte que les pièces soient frappées à son nom et que la prière du vendredi soit faite à son nom. Ces changements provoquent la fureur de Murad III, qui se prépare à envahir le Maroc, attaque qui ne sera jamais entreprise grâce à un tribut de 100.000 pièces d'or offertes au sultan ottoman par Ahmad (malgré l'opposition d'amiraux algériens qui souhaitaient incorporer le Maroc à la sphère d'influence de la régence d'Alger).

Ahmad Al-Mansur continuera à envoyer ce qu'il considérait comme étant des "cadeaux" ou "offrandes" à Istanbul, mais qui est considéré par les ottomans comme un tribut, tout ça malgré les suspicions qu'il avait à l'égard de Murad III qu'il pensait être à l'origine de révolte contre lui au début de son règne. En 1582, il accepte de soumettre son pays à une "protection" ottomane, qui garantissait que les côtes marocaines allaient être épargnées de tout raid des pirates algériens. Lorsque les tensions sont calmées en 1587, les paiement annuels stoppèrent et le Maroc est désormais pleinement indépendant. Ahmad Al-Mansur diffuse aussi de la propagande contre le titre de calife que possédait les ottomans qui était selon lui illégitime (la famille de Saadiens étant une famille chérifienne).

Invasion de l'Afrique de l'Ouest et du Songhai[modifier | modifier le wikicode]

Motivations religieuses et économiques[modifier | modifier le wikicode]

Après avoir consolidé l'indépendance du Maroc vis-à-vis des ottomans, renforcé son contrôle sur les tribus et désigné un héritier au trône, Ahmad Al-Mansur envisage d'envahir l'empire Songhai. Doté d'un puissant titre de "prince des croyants" mais dans l'impossibilité de s'étendre vers l'Est, il prête son attention au sud, et plus exactement au Sahel. Depuis les tout débuts de la dynastie, les Saadiens avaient comme principale source de revenus le sucre du Souss et le commerce avec les européens qui fut décisif lors de la modernisation de l'armée marocaine et le monopole saadien sur les armes à feu.

La vallée du Souss, d'où les Saadiens tiraient les revenus du sucre et du commerce.

Mais à l'ère d'Ahmad, les compagnies européennes faisait faillites à cause de rébellions dans cette région, d'invasions de sauterelles dévastatrices, et plus simplement à cause de la concurrence du plus grand marché ibérique en Amérique, la canne à sucre n'ayant pas trouvé au Maroc des conditions de développement adaptée pour sa production à grande échelle. L'afflux de l'or soudanais ne suffisait plus au sultan, le dinar marocain perdant de sa valeur actuelle mais sa valeur nominale augmentant de plus en plus.

Le Maroc n'avait pas le monopole sur le commerce avec le Soudan, les portugais ayant déjà tenté d'atteindre Tombouctou, comme le feront aussi les turcs et les égyptiens, et le Maroc faillit bien perdre une centre de commerce important face aux algériens en 1582 : Le Touat, d'où ils tiraient une grande partie de leur revenus en or. Il envoie une expédition en 1583 sécuriser la zone, craignant qu'il ne perde toute la partie sud-est de son royaume face aux Ottomans, qui commençaient aussi à entretenir des relations diplomatiques avec les royaumes soudanais. Ahmad Al-Mansur avait aussi quelques désaccords avec le monarque du Songhai par rapport aux taxes récoltées aux mines de Taghaza.

Les motivations principales de cette invasion étaient économiques, mais l'idéologie religieuse et son ambition de devenir calife du monde islamique feront qu'Ahmad n'hésitera pas à envahir le Sahel, confiant de l'avantage technologique énorme qu'avait prit le Maroc par rapport à l'empire Songhai, et qu'ils avaient pu expérimenter dans la décennie 1540 en occupant pendant une courte durée les mines de Taghaza, non pas sans être repoussés par des Touaregs qui razzient les oasis du Drâa.

Préludes de l'invasion[modifier | modifier le wikicode]

Expéditions et soumissions avant 1591[modifier | modifier le wikicode]
Avant Ahmad Al-Mansur :[modifier | modifier le wikicode]

Une occupation de Taghaza et un raid sur Wadan ont déjà été lancé par le sultan Mohammed As-Shaykh, qui est connu grâce au témoignage de Marmol qui y aurait participé, entre 1537 et 1545. L'armée marocaine se repliera néanmoins vers Taroudant pour ne pas subir une défaite face une armée de 300.000 hommes marchant vers eux. Les Saadiens avaient pris conscience depuis le début de leur règne de l'importance stratégique que revêtait le Soudan pour la prospérité dans les domaines du Sud, et depuis que l'empire Songhaï contrôlait Taghaza, le commerce avec le sud du Maroc avait considérablement diminué.

Lors du règne d'Ahmad Al-Mansur :[modifier | modifier le wikicode]

200 fusilliers sont placés à Taghaza pour collecter des impôts pour "défendre la terre d'Islam", lorsqu'elle sera reprise dans les années 1580. Ahmad Al-Mansur envahissent aussi le Touat pour le reprendre des mains des algériens qui avaient une très faible emprise sur la région. Présentée par Ahmad comme une expédition visant à rétablir l’ordre dans une province marocaine, la conquête des oasis est la première étape du vaste plan d’expansion vers le Niger.

Le Bornou (1650) fut l'un des premiers royaumes africains à reconnaître l'autorité califale d'Ahmad Al-Mansur à la place des sultans ottomans.

Ahmad Al-Mansur reçoit aussi en 1582, avant d'envoyer ses troupes reprendre le Touat, un ambassadeur du royaume du Bornou, qui demande au sultan marocain de lui vendre des armes à feu pour soumettre "les tribus païennes du Soudan", après que les turcs à Tripoli n'aient refusé de les lui vendre et aient capturé le Fezzan qui était sous leur contrôle. Ahmad voit cela comme une opportunité irrésistible pour asseoir son autorité sur un royaume au Sahel, et il demande à l'ambassadeur que le Bornou reconnaisse la souveraineté califale du Maroc sur son royaume, proposition qui sera acceptée.

Le sultan envoie aussi, pour des raisons peu claires, une armée composée de Guish' du Souss au-délà du Oued Noun et vers le fleuve Sénégal en 1584 où, selon Al-Fishtali, attaquées par surprise, les populations, "atterrées et terrorisées" par les bruits des mousquets, se rendent aux soldats marocains qui les accueillent avec tous les égards et remettent à leurs chefs "un message du Prince des Croyants leur enjoignant de faire leur soumission et de se placer sous son autorité". Une expédition était aussi envisagée depuis 1586 après qu'Askia Ishaq II aie interdit aux marchands soudanais d'aller à Taghaza.

Préparatifs de l'invasion[modifier | modifier le wikicode]

Ahmad Al-Mansur devait faire face à la résilience des oulémas qui ne souhaitaient pas voir leur pays envahir un autre empire musulman. Il les convoque pour leur parler de ses plans et dit :

« J’ai résolu d’attaquer, leur déclara-t-il, le prince de Kaghou, qui est le maître du Soudan, et d’envoyer des troupes contre lui, afin de réunir dans une seule et même pensée toutes les forces de l’islam. Le Soudan étant un pays fort riche et fournissant d’énormes impôts, nous pourrons aussi donner une importance plus grande aux armées musulmanes et fortifier la valeur de la milice des croyants. D’ailleurs, le chef actuel des Soudaniens, celui qui exerce sur eux l’autorité royale, est légalement déchu de ses fonctions, car il n’appartient pas à la famille des Quraysh et il ne réunit aucune des autres conditions requises pour disposer de la puissance suprême. »

Après les avoir convaincu, les oulémas disent, dans un échange vif d'après Al-Ifrani :

« Prince, répondirent les conseillers, il y a entre le Soudan et notre pays un immense désert sans eau, ni plantes et si difficile à franchir que le qatha lui-même ne le traverserait pas sans inquiétude. Non seulement le voyage y est impossible à cause de l'incertitude des routes, mais encore à raison des dangers qu'on y court et des terreurs qui remplissent ces solitudes. Ni le gouvernement des Almoravides malgré sa vaillance, ni celui des Almohades malgré sa grandeur, ni celui des Mérinides malgré sa puissance n'ont songé un instant à avoir de semblables visées et n'ont essavé de se mêler des affaires de ces pays. Et s'ils ont agi ainsi, c'est uniquement parce qu'ils ont vu les difficultés d'une semblable entreprise et l'impossibilité d'arriver à un heureux résultat. Nous espérons donc que vous suivrez les traces de ces gouvernements, car les modernes ne surpassent pas les anciens en intelligence. »

Il est donc clair que les anciens gouvernements marocains, d'après cette citation, quelque soit leur puissance ou leur richesse, n'ont jamais essayé de tenter d'organiser plusieurs expéditions à travers le Sahara, de peur de perdre toute leurs troupes dans le désert, et que cette invasion allait donc marquer une première dans l'histoire marocaine, après la percée almoravide au Ghana. Ahmad leur explique que la traversée du Sahara ne sera pas un problème, et que son armée était celle qui était le mieux équipée de tout les gouvernements et organisations marocaines précédentes : ils [les Soudaniens] ne connaissaient ni la poudre, ni les armes à feu {{"|au bruit terrifiant}}. Encore aujourd’hui, ajouta-t-il, {{"|les gens du Soudan n’ont que des lances et des sabres, armes qui ne sauraient servir utilement contre les nouveaux engins de guerre. Il nous est donc aisé de combattre ces peuples et de guerroyer contre eux}}. Enfin, le Soudan est une contrée plus riche que le Maghreb central (Ifriqiya), et que donc la conquête du Soudan serait très simple et très rentable, contrairement à un conflit contre les turcs, {{"|ce qui nous occasionnerait de grandes fatigues pour un médiocre profit}}. Avec ces arguments, Ahmad Al-Mansur parvient à convaincre son entourage, et l'expédition est entreprise. C'est une armée de 20.000 hommes, composée en minorité de mercenaires renégats anglais et d'andalous, avec 3.000 à 4.000 fusiliers entraînés par le renégat espagnol Yuder, qui est mobilisée pour l'invasion.

Invasion du Songhaï[modifier | modifier le wikicode]

Tombouctou, symbole du rayonnement culturel soudanais, est très vite capturée par Yuder et son armée.

Le 30 (ou 16 selon les sources) octobre 1590 (premier jour de l'an hégire 999), l'expédition, commandé par Yuder Pasha part de Marrakech vers le Niger, qu'elle atteint en février 1591. L'armée marocaine a subit des pertes conséquentes en traversant le désert, mais réussit tout de même à arriver à Tondibi, au nord de Gao. Le roi du Songhai réussit à mobiliser une troupe de 20.000 à 42.000 hommes selon les sources, mais elle ne fait pas le poids face à la puissance des mousquets de Yuder, et elle est massacrée après une seule journée de résistance. Askia Ishaq II fuit vers le sud tandis que Yuder occupe Tombouctou et la capitale Gao, qui est vraisemblablement vide, alors que les habitants fuient l'occupation marocaine.

Le commandant Yuder est déçu lorsqu'il entre à Gao, alors qu'il pensait qu'elle regorgeait de richesses. Il entre dans le palais de l'Askia qu'il trouve "désert" et dans lequel "même un conducteur d'âne du Maroc n'accepterait pas de vivre". Il négocie alors une trêve avec Ishaq II, qui contraint le souverain du Songhai à verser un tribut de 100.000 dinars à Ahmad Al-Mansur. Mais le sultan refuse catégoriquement cette offre de paix, renvoie le général Yuder et en charge un nouveau de la conquête totale du Songhaï.

Conséquences[modifier | modifier le wikicode]

Le Maroc bénéficie beaucoup de l'invasion de la région, et toutes les sources le confirment : des quantités considérables d’or affluèrent au Maroc après la conquête du Soudan, faisant d'Ahmad {{"|le prince le plus riche du monde}}. Ahmad Al-Mansur commence à payer ses fonctionnaires en "métal pur" et en "dinars de bon poids", frappés dans divers nouveaux ateliers partout au Maroc, dont leur poids est supérieur à {{unité|4.5|g}}. Selon Al-Ifrani : {{"|Ce fut cette surabondance d’or qui fit donner au sultan le surnom d’al-Dhahabi [l’Aurique].}}.

La région conquise, quant à elle, est dévastée dès les premiers jours de l'invasion : Toute l'administration songhaï s'effondre, Tombouctou devient un "corps sans âme", et un pachalik est établi, qui est considéré par beaucoup d'historiens comme la première "colonie" marocaine. Les effets sur le long terme sont dévastateurs : avec le déclin progressif du Maroc, la région ne connaît pas de modernisation ni de propagation d'armes à feu, ce qui facilitera l'intrusion européenne au XIXème siècle.

Relations diplomatiques[modifier | modifier le wikicode]

Avec l'Empire ottoman :[modifier | modifier le wikicode]

Ahmad Al-Mansur entretenait des relations mitigées avec les ottomans, car celui-ci ne voyait pas l'empire ottoman comme une hégémonie qu'il pouvait utiliser pour se protéger et auquel il devait se soumettre, mais comme son rival, se considérant comme seul et unique calife légitime. Le Maroc rompt la relation tributaire qui le reliait aux ottomans, et réussit à se défendre face à de nombreuses incursions turques et algériennes avant qu'un traité de paix ne soit signé. Les ottomans, trop occupés avec la guerre contre l'empire safavide à l'Est, ne prêtent quasiment plus aucune attention au Maroc après 1590.

Avec l'Espagne :[modifier | modifier le wikicode]

Canons hollandais du XVIe siècle à Essaouira, résultat d'un commerce florissant entre les deux pays.

Le Maroc entretenait avec l'Espagne de bonnes relations. Ahmad Al-Mansur voyait l'Espagne comme un potentiel allié pour contrer l'influence ottomane. Les espagnols voyaient en le Maroc un moyen de renforcer leur emprise sur le Portugal qu'ils venaient d'intégrer à leur empire en 1580, grâce aux nombreux captifs et nobles détenus par Ahmad Al-Mansur, et ils craignaient que ce pays en constitue une puissance militaire aussi important et dangereuse à l'Ouest de la Méditerranée tel que l'était l'empire ottoman à l'Est. Un accord de "paix et d'amitié" était prévu, qui ne comptait que des clause défensives, même si le sultan marocain comptait sur l'aide des Espagnols pour envahir les Turcs d'Alger. Mais lorsque le Maroc réussit à se libérer totalement du joug ottoman, Ahmad Al-Mansur ne cache plus sa haine envers les Espagnols, très probablement influencé par le grand nombre d'Andalous dans sa cour. Le rapprochement se termine avec l'entrée du Maroc dans la coalition des puissances européennes qui refusaient l'annexion du Portugal par Philippe II, roi d'Espagne.

Avec les Provinces-Unies :[modifier | modifier le wikicode]

Les relations qui s'étaient les mieux développés entre le Maroc et un autre pays européen furent celles avec les Provinces-Unies en Hollande. Depuis la fin du XVIe siècle, les Hollandais acquirent la suprématie commerciale en Europe grâce à leur grande flotte, mais aussi à leur tolérance religieuse qui avait attiré dans leur pays de nombreux réfugiés originaires de tous les coins de l’Europe occidentale. Beaucoup de marchands juifs portugais, qui avaient apporté de Lisbonne les connaissances du commerce à Amsterdam, avaient beaucoup de contact au Maroc, ce qui fut bénéfique pour le développement de relations économiques et commerciales. La grande côte atlantique marocaine était d'une importance capitale pour les Hollandais, car la plupart des navires marchands passaient à côté de ces côtes avant de remonter vers l'Europe.

Les Provinces-Unies signent, en étant l'une des premières nations européennes à le faire, un traité de paix avec le Maroc, permettant aux navires hollandais de commercer en toute tranquillité au large des côtes du Maroc sans avoir affaire aux pirates marocains. Décidément prêts à tout pour améliorer leurs relations avec le Maroc, les Hollandais menacent de céder le port de Cadix aux Saadiens, ce qui laisserait présager une nouvelle présence musulmane en Ibérie et une reprise des présides espagnols au Maroc, un coup fatal porté à l'Espagne. Seul une divergence avec l'Angleterre empêchera ce plan d'être mis en place.

Ambassadeur marocain à la reine Elizabeth I.

Avec l'Angleterre :[modifier | modifier le wikicode]

Le Maroc, après le refroidissement des relations avec l'Espagne, prit contact avec les deux grands ennemis de celle-ci sur le continent européen: l'Angleterre et les Provinces-Unies. Les relations sont amicales depuis l'unification du Maroc par les Saadiens, et se développent principalement grâce au commerce des diverses matières premières que possédaient les marocains. Pendant la guerre anglo-espagnole de 1580, l'Angleterre vend du matériel militaire et des fournitures navales en échange de sel de pierre, un ingrédient indispensable pour la fabrication de poudre. Les premiers marchands anglais à acheter du sel de pierre au Maroc ne pouvaient généralement pas fournir le matériel militaire en échange, la reine Elizabeth I craignant que cela ne dégrade son image à l'égard d'autres pays chrétiens, mais ils commencent quelques temps plus tard malgré tout.

Une anecdote dit que, lorsqu'en octobre 1588 les négociants anglais, hollandais et français apprennent à Marrakech la nouvelle de l'échec de l'expédition de l'invincible Armada espagnole, ils se rendirent au palais royal pour demander à Ahmed al-Mansur l’autorisation d’exprimer leur joie en public à l’occasion de la défaite de la ruine de la flotte espagnole. Le chérif accepte et, avec la participation des habitants de Marrakech, une manifestation se déroule au cours de laquelle les effigies de Philippe II et du pape Sixte Quint furent hissées et promenées au milieu d’insultes grossières. Le cortège arriva devant la maison de l’agent espagnol Diego Merin, qui, aidé de son serviteur, se jeta sur la foule des manifestants, en tua deux et en blessa plusieurs autres grièvement. Le sultan fit arrêter Diego Merin et le jeta en prison où il resta vingt ans, ce qui contribua encore plus à la dégradation des relations avec l'Espagne.

Espérant pouvoir renforcer ses relations avec l’Angleterre, Ahmad se dit prêt, en échange de la livraison de navires de guerre, à prendre part à l’expédition envisagée contre le Portugal en vue de l’installation de Dom Antonio. La reine Elizabeth décline poliment son offre, souhaitant plus voir l'empire ottoman (dont les relations avec le Maroc se dégradaient encore) à son aide. L'expédition se termine en fiasco terrible et Philippe II offre au Maroc, en remerciement de sa non participation à la guerre anglo-espagnole, la ville d'Arzila en 1589. La reine d'Angleterre refuse néanmoins la proposition d'invasion de la péninsule ibérique et de sa division entre zone anglaise et marocaine. Les Anglais seront prêts à inclure le Maroc dans leurs projets les plus fous contre l’Espagne, même dans l'envoi d'un corps expéditionnaire pour capturer les Caraïbes des mains des espagnols, ce qu'Ahmad Al-Mansur, avant de mourir brutalement de la peste ne 1603, accepte et propose même de fournir des troupes habituées au climat chaud pour pouvoir conquérir ces îles lointaines.

Les souverains des deux pays meurent la même année en emportant leurs ambitieux plans avec eux; Elizabeth I en mars 1603 et Ahmad Al-Mansur en août 1603. Une terrible crise de sucession éclate au Maroc, suivie de guerres civiles, pestes, famines et autres catastrophes, ce qui frêne le développement de la marine, du commerce, de l'armée et de l'industrie du pays avant l'avènement des Alaouites, et fait percevoir aux yeux des anglais une vision d'un Maroc plus faible que celui des Saadiens. Les relations restent néanmoins amicales jusqu'à ce jour.

Déclin et chute[modifier | modifier le wikicode]

Apparition de la peste noire au Maroc[modifier | modifier le wikicode]

Une épidémie de peste éclate au Maroc en 1595 (ou 1597 selon les sources), qui est probablement amenée par les juifs, morisques et autres andalous chassés par l'Espagne qui a terminé sa Reconquista et qui souhaite se débarrasser de ces minorités religieuses et ethniques. Beaucoup de correspondants étrangers au Maroc présents à l'époque estiment que la peste a décimé le pays et tué un tiers des habitants, et que le Maroc était désormais méconnaissable. Le passage à l'an mille de l'hégire provoqua aussi une grande peur chez les habitants, qui craignaient désormais que la fin de monde était arrivée. Cette épidémie provoqua entre autre le déclin de la vie urbaine, l'abandon des riches plaines de l'Ouest (Gharb) et de l'effondrement de l'administration Saadienne. Ahmad Al-Mansur commence à errer de ville en ville dans l'espoir d'échapper à la maladie.

Révoltes de prétendants[modifier | modifier le wikicode]

En 1595, une révolte éclate, organisée par le prince hériter Mohammed Al-Chaikh' Al-Ma'mun, et indique le début de la décomposition du régime Saadien. Il fallut à Ahmad Al-Mansur 7 ans pour réussir à capturer le prince rebelle, et le sultan a dû rappeler le corps expéditionnaire du Soudan et ramener ses meilleures troupes au pays.

Mort d'Ahmad Al-Mansur[modifier | modifier le wikicode]

Malgré toutes les précautions prises par le sultan pour éviter d'être atteint par la peste, celui-ci fut touché par la maladie et meurt le 25 août 1603. Une crise de succession éclate alors dans le pays, et, s'ajoutant aux catastrophes naturelles (sécheresses, invasions de sauterelles...) et à la menace européenne sur le littoral marocain, le Maroc sombrait dans une terrible atmosphère de fin du monde.

Division du sultanat[modifier | modifier le wikicode]

Économie[modifier | modifier le wikicode]

Commerce[modifier | modifier le wikicode]

Le Maroc revêtait d'une importance stratégique pour le commerce triangulaire en cette fin de XVIe siècle. L'intérêt européen pour le Maroc provenait de la richesse de son commerce maritime, et l'exportation des ressources marocaines et soudanaises (après la conquête de 1591) permettait au Saadiens de s'enrichir considérablement. Cet afflux de marchands et cette augmentation de production permettait aussi d'enrichir les diverses maisons européennes telle que la compagnie anglaise Barbary Company. Les européens vendaient en échange du matériel militaire ; de l'artillerie lourde, des mousquets et des navires du guerre, des étoffes de luxe et du marbre italien pour décorer sa luxueuse cour au palais El-Badi.

Production[modifier | modifier le wikicode]

L'état Saadien tirait la majorité de ses revenus de la production de sucre dans la vallée du Souss, expliquée par la stabilité politique et le contrôle du territoire qui a permit le développement des infrastructures nécessaires à la plantation de sucre, l'acquisition de nombreux esclaves après la conquête du Soudan, et l'ouverture de nouveaux débouchés commerciaux vers l'Europe. Après la conquête du Soudan, le Maroc acquit des mines de sel et disposait désormais d'immenses richesses en or qu'Ahmad Al-Mansur utilisait pour couvrir les dépenses de son palais et acheter de nouvelles armes afin de moderniser l'armée marocaine. L'état Saadien investissait aussi dans la production locale d'armes à feu, où l'expertise européenne était enrichissante et jouait un important rôle.

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