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Première guerre de Tchétchénie

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Première guerre de Tchétchénie
Un hélicoptère russe détruit près de Grozny, en décembre 1994.
Un hélicoptère russe détruit près de Grozny, en décembre 1994.
Informations générales
Dates 11 décembre 1994 au 31 août 1996
Lieu Tchétchénie (avec des escarmouches en Russie)
Cause Ambitions indépendantistes de la Tchétchénie
Issue Accords de cessez-le-feu de Khassaviourt, amenant au retrait des troupes russes du territoire tchétchène
Changements territoriaux Maintien du statu quo, la Tchétchénie conservant de facto son indépendance
Belligérants
Russie Russie
Flag of Chechen Republic before 2004.svg Opposition tchétchène
Flag of Chechen Republic of Ichkeria.svg République tchétchène d'Itchkérie
Volontaires islamistes
UNSO-flag.svg Volontaires nationalistes ukrainiens
Commandants
Forces en présence
30 000 à 250 000
6 000 à 15 000
Pertes
Militaires : 3 826 tués et 17 892 blessés (statistiques officielles)
10 000 à 14 000 tués (estimations de groupes d'opposition)
Militaires : 3 000 à 17 391 tués
Civiles : 300 000 au cours des deux guerres de Tchétchénie (estimations officielles)
80 000 (estimations de groupes d'opposition)
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La première guerre de Tchétchénie (en russe : Пе́рвая чече́нская война́, en tchétchène : Дуьххьара нохчи-оьрсийн тӀом) est une guerre se déroulant du 11 décembre 1994 au 31 août 1996 en Tchétchénie, opposant l'armée russe à la république tchétchène d'Itchkérie, soutenue par des volontaires islamistes et ukrainiens12. Elle constitue le premier engagement militaire de la Russie depuis la fin de la guerre froide, en 1991.

Son commencement découle de la dislocation de l'URSS et des aspirations nationalistes de la Tchétchénie. Le président russe Boris Eltsine, s'appuyant sur l'opposition politique au président tchétchène Djokhar Doudaïev pour renverser son pouvoir, compte sur un conflit victorieux afin de redorer sa popularité et souligner le rôle de grande puissance de la Russie, gravement affaiblie par une crise économique et institutionnelle. Face aux tentatives infructueuses de s'emparer du pouvoir par l'opposition, Eltsine lance une offensive surprise en décembre 1994. Les forces russes disposent initialement d'un fort avantage, étant plus nombreuses et disposant d'un matériel moderne. Elles échouent cependant à soumettre l'armée tchétchène, qui se réfugie dans les montagnes caucasiennes en employant des tactiques de guérilla et des embuscades. La guerre est alors particulièrement marquée par les sévères bombardements russes sur les centres urbains, responsables notamment du rasage de la capitale Grozny, et des massacres touchant la population.

Le 31 août 1996, poussée par l'enlisement de la guerre et la lassitude de l'opinion publique ainsi que par les récents succès des forces tchétchènes, la Russie signe avec la Tchétchénie l'accord de Khassaviourt, prévoyant le retrait des forces russes du territoire tchétchène, la mise en place d'un cessez-le-feu et le report, sous six ans, de l'instauration d'un « statut spécial » pour la Tchétchénie. La Russie, victime de multiples attentats et d'attaques militaires sur son sol, casse l'accord trois ans plus tard, en 1999, en réenvoyant ses troupes en Tchétchénie, marquant le début de la seconde guerre de Tchétchénie.

Contexte[modifier | modifier le wikicode]

Pour en savoir plus, lis l’article : URSS#Histoire.

La première guerre de Tchétchénie s'incrit dans la lignée d'une tradition de conflits entre Russes et Tchétchènes depuis le XVIe siècle. Les Tchétchènes, de par leur mode de vie nomade caucasien et leur conversion progressive à l'islam, se détournèrent des usages culturels russes, tournés davantage vers l'orthodoxie et la modernité. La Russie, engagée dès-lors dans une expansion jusqu'au Caucase, échoua à soumettre complètement les Tchétchènes, dont la lutte contre une présence étrangère s'implanta comme un élément à part entière de la culture tchétchène. Cet état d'esprit amena à l'intégration tardive de la Tchétchénie au territoire russe (vers la seconde moitié du XIXe siècle, au même moment que le reste du Caucase). La Tchétchénie, à la chute de l'Empire russe en 1917, deviendra une république autonome de l'URSS. Le mouvement indépendantiste tchétchène se retrouva étouffé par les mesures forcées de russification, qui menèrent à l'implantation d'une élite russophone, bien que l'unité relative des peuples au sein de l'URSS mena à un essoufflement des conflits ethniques.

La politique de libéralisation entamée à partir de 1986 par Mikhaïl Gorbatchev (la glasnost), poussa les différentes nationalités du pays à exiger davantage d'autonomie, voire l'indépendance.

Tensions avec la Russie[modifier | modifier le wikicode]

En octobre 1991, un référendum élit à la présidence l'ancien général de l'Armée rouge et figure de proue de l'indépendantisme tchétchène Djokhar Doudaïev. Le mois suivant, il refuse de signer le traité constitutif de la fédération de Russie, et proclame l'indépendance du pays sous le nom d'Itchkérie (signifiant en tchétchène « la patrie indépendante »). Il cherche à faire reconnaître son pays à l'international et se préparer à une guerre, en recrutant des combattants volontaires à l'étranger. La Russie de Boris Eltsine s'oppose au nouveau pouvoir tchétchène, dès-lors principal bénéficiaire des importantes ressources de pétrole et de gaz naturel présentes sur son sol.

Les tensions grandissent vers la fin de l'année 1994 : la Russie, initialement hésitante à faire usage de la force, envisage sérieusement une intervention militaire lorsqu'elle se vit assurée de la complicité passive de l'Occident. De violents affrontements ont lieu entre septembre et octobre 1994, opposant l'armée tchétchène aux forces d'opposition à Doudaïev, soutenues par la Russie3. En novembre, une tentative du FSB (les services secrets russes) de s'emparer du palais présidentiel à Grozny se solda par une cuisante défaite russe et à des aveux forcés de la part de la Russie, après que Doudaïev ait menacé de faire exécuter les prisonniers capturés.

Déroulement[modifier | modifier le wikicode]

Photographie du palais présidentiel détruit, à Grozny, en janvier 1995.

Le 1er décembre 1994, l'aviation russe bombarde intensément Grozny, entraînant la destruction d'une partie importante de l'armée de l'air tchétchène4. Dix jours plus tard (11 décembre), l'armée terrestre russe pénètre en Tchétchénie. Face à près de 100 soldats russes, disposant d'équipements modernes et appuyés par l'artillerie et l'aviation, s'opposent près de 10 000 combattants tchétchènes, pour la plupart des volontaires peu entraînés et dépourvus de réelles capacités offensives, mais maîtrisant le terrain. Les soldats russes parcourent sans grande résistance le nord du territoire, et atteignent les faubourgs de Grozny en une semaine. L'armée russe mise cette guerre sur une conquête rapide, afin de désorganiser l'armée tchétchène et empêcher un changement de stratégie. Une politique de destruction massive des centres urbains est menée par les Russes, qui bombardent aveuglement à l'artillerie lourde les infrastructures, sans considération pour les civils, dans le but de démoraliser la population et les soldats. Le 28 décembre, les forces russes lancent l'assaut en direction de Grozny, et parviennent à pénétrer dans la ville. Malgré le rapport de force déséquilibré, les Tchétchènes opposent une farouche résistance aux Russes, qui subissent de lourdes pertes et voient leur progression ralentie, en raison de leur méconnaissance de la géographie locale et de l'état d'esprit de la population5 : l'usage des blindés est inadapté dans une ville à artères étroites comme Grozny, dont de multiples positions peuvent être utilisées pour se cacher. Le déclenchement de la guerre provoqua un engagement de l'ensemble de la société tchétchène et un regain de popularité du président Doudaïev, auparavant critiqué pour son autoritarisme grandissant6. Les désertions furent globalement inexistantes côté tchétchène, quand bien-même les assauts infructueux à répétition de l'armée russe poussèrent à plusieurs miliers de cas7.

Les Russes, à coups de bombardements incessants, parviennent à s'emparer du palais présidentiel fin janvier, puis à éliminer les dernières poches de résistance tchétchène dans Grozny fin février89. Suivant la prise de la capitale par les forces russes, les Tchétchènes entament un repli de leurs troupes en direction du Sud, qui occupe un terrain montagneux favorable à la guérilla. Afin de faire pression sur la Russie, les forces tchétchènes mènent une série d'attentats et d'enlèvements en territoire russe : la prise d'otage de Boudionnovsk (juin 1995), où près de 2 000 personnes de l'hôpital local furent prises en otage en exigence de l'arrêt des combats, mena à un accord signé remplissant cette requête et la gestion de la crise décrédibilisa la guerre chez l'opinion publique russe10. Le front resta relativement figé dès-lors.

En mars 1996, une offensive tchétchène surprise est menée vers Grozny, permettant la reprise d'un tier de la ville11. Les combattants tchétchènes se retirent cependant de la ville au bout de quelques jours, bien que des affrontements se poursuivent11. Le mois suivant, Doudaïev, réfugié dans les montagnes tchétchènes, succomble à la suite d'un bombardement russe, après sa géolocalisation par satellite12.

En août 1996, un nouvel assaut tchétchène est mené vers Grozny, permettant la reprise de la ville à coups d'encerclements d'unités russes13. Le 31 août 1996, face à l'enlisement du conflit et aux succès des forces tchétchènes à Grozny, le général russe Alexandre Lebed signe avec le chef des armées tchétchène Aslan Maskhadov un accord de paix, consacrant le retrait des troupes russes du territoire, le financement de la reconstruction du pays par la Russie, et la fixation d'ici six ans du statut de la Tchétchénie14. L'accord sera perçu par les responsables tchétchènes comme une reconnaissance de leur indépendance14.

Bilan et conséquences[modifier | modifier le wikicode]

Le bilan humain est lourd : côté tchétchène, entre 2 000 et 3 000 combattants décèdent au cours de la guerre, contre 6 000 pour l'armée russe15. Les pertes civiles, dont seules des estimations sont établies, sont évaluées entre 50 000 et 100 000 morts, et les affrontements poussèrent à l'exil plus de 400 000 Tchétchènes1617.

Les soldats russes se rendirent coupables de crimes de guerres, massacrant les civils et bombardant les infrastructures. De nombreux villlages furent rasés par les forces russes1718.

La Tchétchénie, sortie victorieuse de la guerre, est un pays ruiné, et dont le soutien financier étranger est vital. La reconstruction ne sera cependant pas mise en œuvre, de par l'absence de reconnaissance internationale limitant les échanges commerciaux, et l'instabilité grandissante. Après la guerre, les groupes djihadistes locaux, partisans de l'instauration d'un émirat dans le Caucase et minoritaires au commencement du conflit, gagnèrent en popularité en commettant une série d'attentats sur le territoire russe19. Ils parvinrent à s'imposer face aux modérés (incluant le nouveau président Aslan Maskhadov), faibles politiquement et divisés. En 1999, des incursions militaires au Daghestan (région russe frontalière de la Tchétchénie) serviront de prétexte à la Russie pour relancer ses troupes en Tchétchénie : c'est le début de la seconde guerre de Tchétchénie19.

Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Le commandant Khattab leader de la guerre sainte - L'Orient-Le Jour
  2. Radical Ukrainian Nationalism and the War in Chechnya - Jamestown
  3. Rapport de 1995 de Human Rights Watch sur la Russie - HELSINKI
  4. Tchétchénie : d’une guerre, l’autre - Persée (page 3)
  5. Les forces russes subiraient de lourdes pertes dans Grozny - Le Monde
  6. L'irréductible résistant de l'indépendance tchétchène - Le président Djokhar Doudaïev aura vécu jusqu'au bout fidèle à ses convictions de nationaliste caucasien. – Libération
  7. L’envoi des conscrits en Tchétchénie - Irénées
  8. Russie. Résistance des séparatistes tchétchènes face à l'offensive de Moscou. 2-30 janvier 1995 - Événement - Encyclopædia Universalis
  9. Russie. Chute de la capitale tchétchène. 7-21 février 1995 - Événement - Encyclopædia Universalis
  10. L'affaire de la prise d'otages de Boudennovsk se retourne contre les Russes - Le Monde
  11. 11,0 et 11,1 Les Russes « nettoient » Grozny pour déloger les combattants tchétchènes - Le Monde
  12. Le cadavre de Doudaïev empoisonne Eltsine - L'Express
  13. Les indépendantistes tchétchènes ont pris le contrôle de plusieurs quartiers de Grozny - Le Monde
  14. 14,0 et 14,1 TCHÉTCHÉNIE: LEBED ET MASKHADOV METTENT FIN À LA GUERRE - Les Echos
  15. La Campagne Menée par la Russie de 1994 à 1996 en Tchétchénie : Façonnage Inadéquat de l’Espace de Bataille - Gouvernement du Canada
  16. Tchétchénie : quand seront-ils jugés ? - Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (page 7)
  17. 17,0 et 17,1 Guerre de Tchétchénie : première et seconde guerre avec la Russie - Linternaute
  18. Tchétchénie: villages rasés en représailles. Près de 15.000 civils tchétchènes sont poussés à l'exode par les Russes. – Libération
  19. 19,0 et 19,1 D'une guerre de libération tchétchène à une rébellion djihadiste: les racines du mal - Huffington Post
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