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Bataille de Nicopolis

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Bataille de Nicopolis
Enluminure représentant la bataille de Nicopolis, sur le manuscrit de Gruuthuse de Jean Froissard (vers 1470).
Enluminure représentant la bataille de Nicopolis, sur le manuscrit de Gruuthuse de Jean Froissard (vers 1470).
Informations générales
Dates 25 ou 28 septembre 1396
Lieu Nicopolis (Empire ottoman)
Cause Croisade contre l'Empire ottoman
Issue Victoire ottomane
Changements territoriaux Conquête des restes de l'Empire bulgare par les Ottomans
Belligérants
Commandants
Forces en présence
16 000 à 20 000 hommes
Empire ottoman 15 000 à 20 000 hommes
dont
Serbie moravienne 1 500 hommes
Pertes
Quasi-totales
3 000 prisonniers exécutés
Importantes
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La bataille de Nicopolis, qui a eu lieu le 25 ou le 28 septembre 1396, est une bataille qui oppose une coalition de croisés à l'armée turque ottomane du sultan Bayezid Ier. Elle se termine par une grande victoire turque.

Contexte[modifier | modifier le wikicode]

Depuis le XIVe siècle, les Turcs ottomans étendent leur territoire en Anatolie et dans les Balkans. Ils arrachent de nombreux territoires à l'Empire byzantin, une puissance en déclin, et s'en prennent aux États chrétiens des Balkans. Après la bataille de Kosovo Polje en 1389, le sultan turc Bayezid Ier soumet la Serbie et la Bulgarie, et affaiblit la Hongrie. Les villes bulgares de Nicopolis et de Vidin tombent notamment sous la coupe ottomane.

En 1395, Bayezid Ier assiège Constantinople, la capitale de l'Empire byzantin. L'empereur Manuel II Paléologue appelle alors à l'aide le roi de Hongrie, Sigismond de Luxembourg. Celui-ci, qui ne veut pas affronter seul les Ottomans, convainc le pape d'organiser une croisade pour combattre les Turcs et ainsi aider les États chrétiens des Balkans. Entre mille et quatre mille chevaliers et seigneurs français, enthousiastes, répondent à l'appel ; parmi eux, le fils du duc de Bourgogne, Jean de Nevers, mais aussi l'amiral de France, Jean de Vienne, et Jean II Le Meingre, dit « Boucicaut », maréchal de France. Ils sont accompagnés par des chevaliers de toutes origines : allemands, anglais, polonais, bohémiens, flamands, italiens, écossais, espagnols et suisses, ainsi que par des Hospitaliers. Sur la mer, ils sont aidés par la République de Venise et la République de Gênes. Le prince valaque Mircea Ier se joignent aux Hongrois et aux croisés.

Participants[modifier | modifier le wikicode]

Côté croisé[modifier | modifier le wikicode]

L'expédition de Nicopolis est la dernière croisade de grande ampleur. Y participent :

Des Hongrois et des Croates
Des Valaques, des Bulgares et des Serbes
Des Français

Le chef des Hospitaliers d'Aquitaine, Philibert de Naillac, y participe également.

Le nombre de combattants varie beaucoup selon les sources ; celles de l'époque parlent de 50 000 à 100 000 croisés, des chroniqueurs turcs parlant même de 130 000 chrétiens. Ces chiffres sont évidemment très exagérés. Jacques Heers parle de six à dix mille Français, avec six mille Allemands, sans compter les Hongrois1. Mais la plupart des historiens modernes comme David Nicolle estiment que l'armée coalisée comptait, en tout et pour tout, seize à vingt mille hommes.

Côté ottoman[modifier | modifier le wikicode]

Du côté des Ottomans, les chefs de guerre sont beaucoup moins nombreux :

Les effectifs de l'armée ottomane ont encore plus été exagérés que ceux de l'armée croisée. Les chroniqueurs occidentaux de l'époque parlent de 200 000 soldats turcs ; l'historien turc du XVe siècle Şükrullah parle de 60 000 Ottomans. En réalité, on pense que les Ottomans étaient à peu près aussi nombreux que les croisés, c'est-à-dire entre 15 000 et 20 000 hommes, dont 1 500 Serbes.

Prélude[modifier | modifier le wikicode]

Début de la croisade et voyage[modifier | modifier le wikicode]

Le trajet des armées croisée (en rouge) et turque (en bleu).

Le commandement des troupes françaises est confié à Enguerrand VII de Coucy, le plus expérimenté des seigneurs croisés. Cependant, il n'y a pas de commandant en chef de toutes les armées coalisées ; chaque seigneur ou souverain dirige ses propres hommes. Cette division jouera un rôle dans la défaite croisée.

Les croisés français partent de Dijon et font route vers Buda, en Hongrie, en longeant le Danube. L'avant-garde française, menée par Philippe d'Artois et Boucicaut, arrive à Buda en mai ; Jean de Nevers les rejoint le mois suivant. Des croisés d'autres nationalités s'y retrouvent également, et soixante-dix navires vénitiens chargés de vivres remontent le Danube vers Buda en passant par la mer Noire.

L'armée coalisée, qui comprend les croisés et les Hongrois de Sigismond de Luxembourg ainsi que les Valaques de Mircea Ier, s'avance en territoire sous domination ottomane, et ne trouve aucune résistance. En huit jours, ils atteignent les Portes de Fer, un point de passage du Danube. Les Français pillent et saccagent les environs, et massacrent les habitants chrétiens comme musulmans, même ceux qui acceptent de se rendre. Le tsar bulgare Ivan Sratsimir, qui avait été asservi par les Ottomans, ouvre ses portes aux croisés et accepte de se battre à leurs côtés.

Les habitants de la ville fortifiée de Rachova (aujourd'hui Oryahovo) acceptent de se rendre aux croisés, contre la promesse du roi Sigismond qu'ils seront épargnés. Mais des chevaliers français, lassés de ne pas combattre, les déciment et emprisonnent les survivants. Le non-respect de la promesse de Sigismond provoque des tensions entre Hongrois et Français. L'armée coalisée poursuit pourtant sa route, se dirigeant vers la ville de Nicopolis.

Siège de Nicopolis[modifier | modifier le wikicode]

Les croisés arrivent devant Nicopolis le 12 septembre. La ville, bien protégée par de hautes murailles et une solide garnison, est prête à endurer un long siège. Les croisés n'ont pas de machines d'assaut et établissent simplement leur camp devant la citadelle, en bloquant toutes les issues.

Selon les chroniqueurs de l'époque, les chevaliers, confiants, s'adonnent à deux semaines de débauche, d'ivresse et de fêtes ; ils ne s'attendent pas à la venue d'une armée ottomane pour aider les défenseurs de Nicopolis. Pendant ce temps, le sultan Bayezid rassemble son armée pour lever le siège de Nicopolis. Son beau-frère, le prince Stefan Lazarević de Serbie, le rejoint avec une armée. Le roi Sigismond, qui s'attend à l'arrivée des Turcs, envoie 500 éclaireurs dans le Sud, qui reviennent en confirmant que l'armée ottomane est en marche vers Nicopolis. Mais les seigneurs français n'y croient pas et affirment que le sultan est trop lâche pour les attaquer ; Boucicaut menace en plus de couper les oreilles de tous ceux qui répandent ces rumeurs « alarmistes ».

Un peu après, Enguerrand de Coucy, qui prend ces avertissements plus au sérieux, décide de tendre un piège à un régiment turc : avec quelques centaines d'hommes, il attaque des Ottomans, avant de faire semblant de se replier pour les attirer dans un piège. Le petit groupe d'Ottomans est massacré, ce qui suscite l'admiration des autres seigneurs Français. Mais l'armée ottomane au complet s'approche toujours plus de Nicopolis, prête à lever le siège établi par les croisés.

Déroulement[modifier | modifier le wikicode]

Préparatifs[modifier | modifier le wikicode]

Plan de la bataille de Nicopolis.

Le 24 septembre, le roi Sigismond de Luxembourg assemble un conseil de guerre à la hâte. Avec le prince Mircea de Valachie, il propose un plan de bataille : les fantassins valaques, habitués à combattre les Ottomans, seraient placés en première ligne, car l'avant-garde turque serait composée de simples soldats faciles à vaincre ; après quoi, les chevaliers français chargeraient contre les sipahis, les lourds cavaliers turcs. Mais Philippe d'Artois et Boucicaut sont outrés de passer après des fantassins, et exigent d'attaquer les premiers. Seuls Jean de Vienne et Enguerrand de Coucy, plus âgés et expérimentés, écoutent les conseils de Sigismond.

Sigismond, qui désapprouve ce choix, décide alors de faire de son côté le plan de bataille de ses propres troupes. Au centre, il place ses régiments hongrois, allemands et tchèques, dirigés par Miklós II Garai ; sur le flanc droit, les soldats transylvains, commandés par Étienne II Lackfi ; et sur le flanc gauche, les Valaques de Mircea. Sigismond lui-même commande la réserve. Dans la soirée, le roi de Hongrie fait répandre dans tout le camp la nouvelle de l'arrivée imminente des Turcs : beaucoup de chevaliers, confus, paniqués ou même ivres, se préparent à la hâte. Dans leur mouvement de panique, ils égorgent tous les prisonniers faits à Rachova, ce que même les chroniqueurs européens trouvent barbare et inutilement cruel2.

Les combats[modifier | modifier le wikicode]

Miniature du XVe siècle représentant la bataille de Nicopolis.

Le 25 septembre, à l'aube, « vers la troisième heure du jour »2, les soldats des deux armées se mettent en position. Comme ils l'avaient exigé, les chevaliers français se placent en première ligne, Jean de Nevers à leur tête. Les croisés se placent devant Nicopolis ; et derrière Nicopolis, il y a le Danube, sur lequel, en cas de nécessité, attendent des navires vénitiens et génois. De leur côté, les Ottomans ont placé de discrets pieux devant leur armée, pour piéger les chevaux des croisés. En première ligne, le sultan place son avant-garde avec ses janissaires, des guerriers d'élite. Le gros de l'armée ottomane, ainsi que les cavaliers serbes de Stefan Lazarević, reste d'abord caché derrière des collines.

Les chevaliers français chargent, mais un certain nombre de leurs chevaux sont tués ou bloqués par les pieux, mais parviennent finalement à les traverser. Leur assaut brise les rangs turcs et cause d'importants dégâts à l'infanterie ottomane ; et leurs armures protègent les chevaliers des flèches. La cavalerie ottomane recule face aux Français, qui décident de poursuivre leur percée. Les jeunes chefs de guerre, comme Jean de Nevers ou Philippe d'Artois, pensent en effet qu'ils viennent de vaincre toute l'armée turque, sans s'imaginer un seul instant que d'autres attendent derrière les collines. Même si plus de la moitié des chevaliers ont, à ce stade de la bataille, perdu leur cheval, ils pourchassent donc les fuyards ottomans... vers les collines.

C'est alors que Bayezid envoie ses sipahis, des cavaliers lourds, qui n'ont pas encore combattus, contrairement aux Français. Les Hongrois sont trop loin derrière les Français pour les aider. Les Ottomans encerclent les Français et tuent nombre de chevaliers, dont notamment Jean de Vienne, qui s'efforçait de rallier les siens, et Jean de Carrouges. Jean de Nevers, Philippe d'Artois, Boucicaut, Enguerrand de Coucy et beaucoup d'autres sont capturés.

Sigismond de Luxembourg essaie de secourir les Français avec son infanterie, sans succès ; de plus, les 1 500 chevaliers serbes interviennent aux côtés des Turcs, aggravant la situation croisée. Les Valaques et les Transylvains, comprenant que la bataille est perdue, abandonnent le champ de bataille pour fuir vers les navires vénitiens et génois qui attendent sur le Danube. Finalement, Sigismond et ses Hongrois, ainsi que les Hospitaliers, font de même ; le roi fuit par bateau avec d'autres nobles, tandis que les fantassins qui ne peuvent monter sur les vaisseaux italiens tentent de traverser le fleuve à la nage, et se noient. Les Ottomans, qui, au cours de la bataille ont reconnu Miklós II Garai, beau-frère du prince serbe, dans le camp hongrois, acceptent la reddition des Hongrois. La bataille est finie : la victoire ottomane est totale.

Conséquences[modifier | modifier le wikicode]

Après la bataille, tous les chevaliers capturés sont alignés nus devant les soldats turcs, et sommés de donner leur identité. Ceux qui sont jugés trop pauvres pour en tirer profit sont immédiatement tués, tandis que les seigneurs de la haute noblesse française sont faits prisonniers. Leur capture est d'autant plus grave que Jean de Nevers, qui gagne le surnom de Jean sans Peur dans les combats, est le fils du duc de Bourgogne, c'est-à-dire qu'il est le cousin germain du roi de France Charles VI. La rançon qu'exigent les Ottomans contre sa libération, et celle des autres grands seigneurs, est immense : 200 000 florins, soit environ 700 kg d'or3. Ce sont principalement des banquiers et seigneurs italiens, ainsi que quelques seigneurs français dont le duc de Bourgogne, qui financeront cette rançon. Mais plusieurs prisonniers, dont Philippe d'Artois et Enguerrand de Coucy, meurent pendant leur captivité ou sur le chemin du retour.

De plus, le tsar bulgare de Vidin, Ivan Sratsimir, est capturé par les Ottomans peu après la bataille. Il a combattu avec les croisés alors qu'il était le vassal des Turcs ; il est donc tenu captif, et sera étranglé à mort vers 1397. Le tsarat de Vidin, dernier reste de l'Empire bulgare, tombe sous le joug ottoman. Cependant, à part pour ré-annexer les territoires bulgares, Bayezid Ier ne poursuit pas les débris de l'armée croisée4 ; il remet aussitôt le siège devant Constantinople qu'il avait dû momentanément interrompre pour riposter contre la croisade.

Quand la nouvelle parvient en Occident, tout le monde est sous le choc. Malgré le grave revers, les autres chevaliers du royaume de France ne sont pour le moment pas découragés à l'idée de se croiser. De leur côté, les Ottomans accroissent considérablement leur prestige et leur pouvoir, qui s'étendra encore aux siècles suivants. L'expédition de Nicopolis est l'avant-dernière grande croisade, et signe le début de l'abandon de l'Empire byzantin par les royaumes occidentaux. Une dernière tentative pour sauver l'Empire aura lieu en 1444, mais se terminera par l'écrasante défaite croisée à Varna. Neuf ans plus tard, Constantinople tombera aux mains des Turcs, et l'Empire avec lui.

Dans la culture[modifier | modifier le wikicode]

  • La bataille de Nicopolis est présentée dans le film roumain Mircea (1989), qui retrace la vie du prince Mircea l'Ancien.

Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Chute et mort de Constantinople, Jacques Heers, éd. Perrin ;
  2. 2,0 et 2,1 De la guerre au Moyen Âge, Olivier Hanne, p. 219 ;
  3. Chute et mort de Constantinople, Jacques Heers, éd. Perrin, p. 222 ;
  4. Chute et mort de Constantinople, Jacques Heers, éd. Perrin, p. 224 ;

Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • De la guerre au Moyen Âge : anthologie des écrits militaires, Olivier Hanne ;
  • Chute et mort de Constantinople, Jacques Heers, éd. Perrin.
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