Tissage de Sidi Bouzid

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Carte de Sidi Bouzid

Il est quasi impossible de trouver une maison dans les douze délégations de Sidi Bouzid sans un «klim», une  «batania» ou un «burnous» et surtout dans  les régions suivantes: Lessouda, Hawamed, Dhraa, Gatrana, Hmayma, Makarem etc.
Jadis, « Al Sadaya » sadaya, le métier à tisser, tenait une place de choix dans toutes les maisons de la région.

Le matin, après avoir terminé le ménage, la femme bouzidienne se met derrière le métier à tisser et commence à enfiler soigneusement les fils de laine entre les fils de tissage. Le soir aussi,  pour égailler son âme entre les quatre murs et devant les chaudes flammes, elle tisse avec amour et tant de patience des chefs-d’œuvre : tapis berbères, costume traditionnel…

Pour elle, le tissage des « klims », de la « batania », du « burnous », du « kachabia », du « flij » et du « ghrara » est à la fois une source de joie et d’allégresse et un outil de financement. Elle vend en cas de besoin des tapis ou autres dans le marché hebdomadaire de sa région.

Histoire du tissage dans la région de Sidi Bouzid[modifier | modifier le wikicode]

Autrefois les habitants originaux de la Tunisie se déplaçaient continuellement. Ils sont à la recherche de nouveaux pâturages. Leurs moutons, chèvres et dromadaires sont la source de la laine et du poil avec lesquels ils fabriquent: des tapis de sol, des couvertures, des outils de conservation et des tentes... Ces outils sont légers et faciles à transporter.

«Gammouda» région au voisinage de l’actuelle Sidi Bouzid était le pâturage préféré de ces nomades. Ces migrants ont apporté avec eux leur culture.  Ainsi se fait le métissage culturel.

Le klim est l’emblème de Sidi Bouzid[modifier | modifier le wikicode]

Habib Al Arifi

Si  kairouan est la capitale du tapis en Tunisie, le klim est l’emblème de Sidi Bouzid. Nous trouvons une statue au cœur de la Tunisie et en pleine ville de Lessouda . Les trois tableaux en céramique de cette statue sont dessinés par un artiste de la région qui s’appelle Habib Al Aifi «pour mettre en valeur ce produit local». La statue fait quatre mètres de largeur sur six  mètres de longueur.

Habib Al Aifi est un peintre de la région né le 06/08/1950 à Gammouda. Un artiste décorateur en porcelaine, en céramique, sur biscuit vierge… Cet artiste est choisi par «l’administration des métiers et des arts» et  par le gouvernorat de Sidi Bouzid pour mettre en place la statue du margoum  à Lessouda  afin de donner une grande valeur au tapis local.

De la laine au tissu[modifier | modifier le wikicode]

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Source de la laine et du poil[modifier | modifier le wikicode]

Les campagnes de Sidi Bouzid sont fort connues par l’élevage du mouton. La tonte des brebis commence vers la fin du mois d’avril. Quant à celle des chèvres est en plein été.

Chez le dromadaire la production lainière est faible. Son poil est prélevé aussi par tonte. Sa rareté en fait un produit précieux et noble.

Nettoyage de la laine brute[modifier | modifier le wikicode]

Le nettoyage de la laine se fait le plus souvent en groupe. Les femmes se rassemblent  près d’une source d’eau (source naturelle, des oueds, des puits…) pour nettoyer la laine. Le rassemblement de ces femmes s’appelle {{"|Raghâata». Il est recommandé d’utiliser l’eau de pluie pour la purification.  

En premier lieu, la femme rurale brasse la laine brute. En second lieu, à l’aide d’un bâton, elle secoue la matière trempée afin de la débarrasser de tout son suint.  En troisième lieu, elle met la poudre du plâtre ramenée du Jbel Lessouda, du plâtre extrait de la montagne de Lessouda, sur la laine pour avoir une brillance éclatante et la sèche sous le soleil.

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Le filage de la laine nettoyée[modifier | modifier le wikicode]

En utilisant un «guerdech», la femme rurale fait passer les deux instruments du peigne hérisson l’un contre l’autre pour apprêter la laine. Puis, en enroulant les fibres de laine apprêtées, elle prépare des mèches de laine prêtes à filer préparation des mèches de laine). La fileuse tire avec ses doigts une mèche de laine qu’elle attache au crochet du fuseau. On appelle désormais les fils de laine: Toâma .

La femme fileuse ne se contente pas de filer à la maison. En absence de son mari, la femme est dans l’obligation de garder le troupeau de moutons. Donc, elle prend suffisamment de laine prête à filer, son fuseau et se dirige vers le pré. En veillant sur ses moutons, debout ou en marchant, elle prend de son «abboun» les mèches de laine. D’un geste magique, elle commence à tourner en l’air le fuseau et accroche une à une les mèches de laine qui se transforment en un fil rigide. Lorsque le fil devient très long, elle le fait sortir sous forme d’un ballon. On l’appelle «kobba».

La teinture de la laine filée[modifier | modifier le wikicode]

La teinture de la laine est à 100% naturelle. Les femmes trempent les «chomroukhs» dans l’eau bien chaude mélangée avec un colorant naturel.

Pour avoir des couleurs variées, les femmes d’antan extrayaient la couleur jaune du curcuma, le rouge-orangé du henné, le violet de la lavande, le mauve de la figue de barbarie (Opuntia ficus-indica), le jaune-orangé du safran, le rouge de la pelure de grenade, le violet qui tend vers le rouge de la betterave

Le coloriage se fait suivant ces étapes: d’abord, les femmes rurales font bouillir de l’eau. Puis, elles mettent dedans une quantité de poudre d’une épice ou des pétales secs de fleurs ou des fruits. Enfin, elles sèchent les «chomroukhs» teintés sur un fil.

Après cette opération, elles arrivent finalement à faire des fils de laine de coloris vifs et résistants prêts à tisser.

L’apprentissage du tissage commence dès la prime jeunesse lors des discussions familiales.

«Dhrâa» (une coudée); unité de mesure[modifier | modifier le wikicode]

La distance entre le coude et le bout de la main s’appelle «dhrâa» (40 cm à peu près). C’est l’unité de mesure des dimensions du tissu.

Le processus du tissage[modifier | modifier le wikicode]

La femme passe les fils de laine «toâma» tentre les fils de tissage, appelés «jedded» ou «guiyem» (fils de laine rigides fait maison). En utilisant «rattab», un morceau de bois pointu de 15 cm à peu près. En frappant avec «kholella», les fils fusionnent les uns avec les autres et forment un tissu.

Diversité des produits[modifier | modifier le wikicode]

«Margoum»[modifier | modifier le wikicode]

Le «margoum» est un tapis de sol typiquement tunisien. Son  tissu est totalement en laine. Les klims margoums sont décorés de bandes parallèles et de motifs berbères. Les uns se font en rayures vivement colorées. Les autres sont entièrement couverts de motifs géométriques qu’on appelle «Ragma» ou «Nakcha». Ces motifs sont puisés d’un répertoire traditionnel ou de la nature. On trouve des étoiles, le croissant lunaire,  des palmiers, des oliviers, les dessins  d’animaux (des poules, des dromadaires, des oiseaux …).

Klim chlalig[modifier | modifier le wikicode]

Tout est utile, les vêtements délaissés seront découpés en bandes, tissées plus tard pour fabriquer de petits tapis utilisés quotidiennement comme tapis d’entrée ou tapis de sol (klim chlalig). Ils sont tissés uniquement en lignes horizontales. C’est une sorte de recyclage. Les friperies et les souks sont les destinations des femmes afin de trouver d’autres couleurs de tissu.

Batania[modifier | modifier le wikicode]

Ce qui fait la différence entre un klim et une battania, ce sont les couleurs. À savoir, la batania est filée uniquement de la laine blanche bandée d’une ligne horizontale après chaque «dhraâ». Jadis, on tissait la batania essentiellement pour se protéger du froid mais parfois elle peut être utilisée en tant que drap.

Burnous et Kachabia[modifier | modifier le wikicode]

La femme doit tisser la toile d’une forme triangulaire puis la coudre pour son mari.  On met le burnous pour se protéger du froid sec. Il est de couleur blanche avec un grand capuchon. Dans ce dernier, l’homme cache les cadeaux ramenés du souk.

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Autrefois, cet habit traditionnel était un signe de noblesse et de richesse pour son porteur. Il est aussi signe de professionnalisme pour sa tisseuse. À savoir, la plus douée et talentueuse en fait double capuchons.

Dans les rituels des funérailles de la région de Sidi Bouzid, le décédé doit être couvert par son burnous blanc.  

La chanson traditionnelle célèbre lors du tissage du burnous est: «Burnous du sud sur les épaules de mon Cid C'est moi qui l'a tissé les fils de laine serrés par Al kholela.»

La kachabia, souvent marron, se porte comme un manteau.  La méthode de couture est différente de celle du burnous car elle est fermée. Elle a deux manches et un petit capuchon.

Al tarf[modifier | modifier le wikicode]

Les villageoises tissent pour elles de petits draps appelés {{"|al tarf». La jeune fille comme la femme, le pose sur sa tête jusqu’au bas des jambes pour sortir de chez elle. Ces pièces de laine tout noires sont portées par les femmes mariées. Les rouges sont faits pour les jeunes. La femme qui va se marier bientôt doit mettre un «tarf» orné de lignes verticales et de tresses multicolores avec un capuchon.

Le «Tarf» est signe de décence et de pudeur.

Flij[modifier | modifier le wikicode]

C’est un textile fait essentiellement pour la fabrication des tentes. Le flij a une couleur terne en vue de se protéger à son ombre. Les fils utilisés sont le mélange des fibres de laine et du poil.

Le métier à tisser du «Flij» est un peu plus long par rapport à la «sadaya». Il est attaché par terre par quatre piquets. Sa longueur est généralement aux alentours de «dhrâa». La largeur est de deux «dhrâa» le plus souvent.  

D’abord, la tisseuse entoure un bâton lisse, de 60 cm, par al toâma puis l’enfile entre le fil de tissage. Ensuite, avec une «emdira» elle attache les fils. Enfin, en utilisant la «soussia», elle serre les fils de poil les uns contre les autres à deux coups de suite.

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Gharara[modifier | modifier le wikicode]

La gharara est essentiellement un sac de conservation. Vu la matière première utilisée, la laine et le poil, elle donne l’opportunité de conserver le produit pour une longue durée.

Le tissu est connu pour ses propriétés isolantes, donc il tient chaud. Mais, il facilite aussi le passage de l'air lors des variations thermiques. Il a une forte capacité à réguler l’humidité afin de privilégier un milieu sec et sain. La laine ne produit pas d’électricité statique pour cela, elle n’attire pas la poussière. Pour tous ces bienfaits, la Ghrara est utilisée pour conserver le blé, le foin … ou emporter les vêtements.

Souvent, on met deux ghraras sur la bosse du dromadaire pendant les déplacements des nomades.

À l’encontre du flij, elle est ornée de bandes en laine colorée. Ce sac en laine et poil est tissé de la même façon que le flij. Puis, il est cousu par les hommes pour prendre la forme d’un sac. Ce dernier peut contenir  de 5 à 7 {{"|galba» de blé c’est-à-dire de 75 kg à 100 kg.

Tissage des liens humains[modifier | modifier le wikicode]

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Les femmes rurales sont très solidaires. Pendant le processus du tissage naissent des liens d’amitié entre les jeunes filles et des affinités pour le mariage. Les capacités de la fileuse sont prises en compte pour choisir la future épouse.

Le rassemblement des femmes et des jeunes filles s’appelle «Raghâata». On entend de loin les chants traditionnels et les «youyous» des femmes rassemblées chez l’une d’elles.

Métier en voie de disparition[modifier | modifier le wikicode]

Malgré les interventions de quelques associations pour valoriser le  tissage du «Margoum», ce métier semble délaissé.

La jeune fille rurale se contente des tissus  hérités de sa mère ou grand-mère. De nos jours, elle achète souvent des tapis industriels pour son trousseau de mariage appelé «al jihaz». Le ministère tunisien d’artisanat essaie d’inscrire le «margoum» sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO.

Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

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