Utilisateur:Astirmays/Les devoirs

Un enfant sur ses devoirs.

J'indique sur ma page utilisateur que je suis contre les devoirs à la maison.

Voici un petit développement de ce que j'en pense.

Problèmes posés par les devoirs

Augmentation des inégalités

L'argument le plus fréquent de ceux qui s'opposent aux devoirs à la maison est qu'ils contribuent à augmenter les inégalités entre les élèves. Dans cette idée, les élèves disposent de conditions très différentes à la maison pour leurs devoirs : endroit calme ou pas, parents disponibles et assez initiés pour les aider ou non, voire cours particuliers, etc. Cela ferait que certains élèves s'en tirent beaucoup mieux, tandis que l'absence de devoirs rendrait des chances de réussites un peu plus équitables à tous les élèves.

Cet argument a sans doute une part de vrai, mais me semble limité, et peut-être même contre-productif. En effet, on ne travaille pas toujours mieux dans une grande chambre très calme, et l'attention des parents est souvent suffisante, sans qu'ils aient besoin de maitriser tout ce qui est abordé. Leur intervention vis-à-vis des devoir est parfois maladroite et mal avisée, et personne n'est à l'abri de cela, qu'il s'agisse d'une famille favorisée ou non. Enfin l'argument tend à pousser les parents à défendre les devoirs, dans la mesure où ils penseraient savoir s'y prendre mieux que la moyenne, et ainsi que chez eux, ce serait nécessaire à la réussite de leurs enfants voire que ceux-ci en tireraient sans doute un avantage par rapport aux autres.

Temps immobilisé

Un problème des devoirs à la maison selon moi est qu'il s'agit d'un travail qui n'a pas de limite de temps. Le temps de travail de la majorité des salariés est limité par les horaires : ils terminent leur mission en quittant leur lieu de travail, puis sont libres de se consacrer à d'autres occupations ou de se reposer. Il n'y a que certaines professions comme les chefs d'entreprise, les professions libérales, les gens travaillant à leur compte ou ayant des postes très qualifiés où l'on ramène du travail chez soi le soir, on termine des tâches le week-end. De la même façon, quoique le temps d'école est limité par les horaires, les élèves ont des devoirs à la maison comme des chefs d'entreprises, et cela sans limite de temps bien fixée.

Le temps nécessaire pour les des tâches et exercices à faire en dehors des classes peut être très variable et s'étendre beaucoup quand il y a des difficultés, un blocage. Une part des élèves parvient à exécuter ses devoirs dans un temps raisonnable, une autre part ne les fait qu'incomplètement ou avec peu de soin, et enfin une troisième part y consacre un temps déraisonnable et peu efficace, par obligation de les finir malgré les difficultés.

Les devoirs produisent ainsi des inégalités importantes entre élèves en matière de temps de travail. Ce sont des inégalités immédiates (qui ont lieu au moment donné de la scolarité), et qui ne méritent pas moins de considération que les inégalités qu'on estime qu'ils provoquent en matière de réussite scolaire puis de parcours d'étude voire professionnel.

Devoirs avec l'aide des parents ou non

Un autre problème est l'ambigüité qu'il y a très souvent sur le besoin des élèves d'êtres accompagnés, aidés pour faire leur devoirs, ou bien si ceux-ci sont fait pour être un travail à faire en autonomie. Les enseignants voudraient dire, ou disent souvent que les devoirs qu'ils donnent peuvent être faits en autonomie. En même temps il existe une opinion commune qui veut que les bons parents accompagnent les devoirs de leurs enfants. Ces contradictions posent problème puisqu'on ne dit pas clairement ce qu'il faut faire.

Justifications des devoirs

Les raisons pour lesquelles les devoirs à la maisons sont très répandus, voire systématiques sont très diverses et de nature variées. Il y a d'une part des justifications affichées, des idées auxquelles on est attachées, et des raisons beaucoup moins affichées, soit qu'elles soient moins avouables ou qu'on ne se les représente pas clairement.

Travail indispensable

La première justification des devoirs est que dans l'absolu, il y a besoin de travailler plus longtemps que les heures de cours, pour assurer tous les apprentissages que doivent faire les élèves, pour qu'ils n'aient pas de carence, de retard et qu'il réussissent dans les classes suivantes, puis dans les études vers lesquels ils s'orienteront. On n'aurait pas suffisamment de temps en classe et il serait nécessaire de déborder sur le soir, le week-end et les vacances pour compléter les apprentissages.

Pourtant certains enfants déscolarisés qui par exemple accompagnent leurs leurs parents dans un voyage de plusieurs mois à l'étranger, consacrent souvent moitié moins de temps à leurs études que s'ils étaient scolarisés, et n'ont finalement pas de retard notable quand ils réintègrent l'école. Il y a beaucoup d'autres exemples montrant que les apprentissages sont très irréguliers, qu'il peut y avoir des rattrapages très rapides, et globalement que le temps passé ne garanti rien en lui-même.

Une variante est qu'il serait nécessaire de s'exercer à travailler beaucoup pour être prêt pour les niveaux suivants. Les devoirs permettraient d'acquérir des habitudes et une capacité de travail nécessaires dans les étapes suivantes de la scolarité et des études. C'est sans doute une bonne raison dans l'absolu, et en effet il est judicieux de savoir apprendre, de s'exercer à fournir un travail efficace, ou même de faire par moment l'expérience de phases de travail intense, comme ça existe dans certains cursus de l'enseignement supérieur. Mais les conditions des devoirs à la maisons font qu'ils remplissent sans doute assez mal cet objectif : l'élève est isolé (sans dynamique de groupe) et l'enseignant ne voit pas comment ces devoirs se font : il ne peut pas faire d'ajustement. Si l'élève s'habitue à passer des heures sans beaucoup avancer sur des tâches qu'il comprend mal et qui l'ennuient, on obtient l'inverse de cet objectif.

Travail individuel

Une autre justification est qu'un travail individuel est nécessaire en complément d'un cours. Je crois que cette raison est beaucoup plus pertinente. Il y a un certain équilibre pour apprendre quand cela se fait dans plusieurs situations qui se suivent, comme écouter un cours, un exposé, des explications, et puis se consacrer à une tâche, à un exercice à son rythme, et également échanger, observer, proposer, etc. Néanmoins, le travail individuel peut difficilement être conduit tout-à-fait seul par un élève. Il peut prendre une fausse route, avoir des questions, buter sur un point, etc.

Justifications non dites

Ce qui amène à une raison cachée des devoirs selon moi : les enseignants connaissent le besoin que les élèves travaillent individuellement, mais c'est assez difficile à mener pendant les heures de cours avec certains principes d'organisation. Les difficultés sont que les rythmes de travail des élèves sont très variés (alors qu'on voudrait une organisation où tout le monde fait la même chose dans le même temps) et que les élèves ont fréquemment besoin d'aide individuelle. Quand le principe d'organisation est que c'est uniquement l'enseignant qui apporte cette aide, cela devient quasiment impossible avec un enseignant pour 25, 30 élèves ou plus. Certains élèves finissent telle tâche en avance, d'autres butent sur une difficulté et attendent de l'aide, et ainsi, rapidement, une bonne part des élèves ne travaille plus et tend à distraire ceux qui avanceraient normalement sur l'exercice.

Constatant cette impasse, on reporte ce travail individuel en devoirs à la maison, ce qui parait résoudre ces difficultés : le temps pour réaliser un exercice peut s'étendre sans limite ferme suivant les difficultés ou non de chaque élève (et l'enseignant ne voit plus combien de temps les élèves passent à telle tâche), et les parents pourront fournir cette aide individuelle à la fois très souvent nécessaire et pratiquement impossible à proposer par le seul enseignant en classe.

Une autre raison cachée de la part des parents est la tranquillité et la sécurité que leur apporte le fait que les enfants soient immobilisés par leurs devoirs, plutôt qu'ils sortent, jouent dehors, qu'ils bricolent, c'est-à-dire qu'ils se consacrent à des activités que les parents peuvent percevoir comme plus risquées ou demandant de la surveillance. Cela se combine et se renforce avec l'idée que c'est pour le bien et la réussite de leurs enfants.

Tradition

C'est aussi une tradition bien ancrée qu'on tient à perpétuer comme beaucoup de traditions de la culture à laquelle on appartient. Veiller aux devoirs de ses enfants ou les aider à les faire est une représentation typique de la relation parents-enfant et de la vie paisible du foyer. Ceci quand bien même en réalité cela se passe souvent de façon tendue et peu agréable aussi bien pour les enfants que les parents, et que ces devoirs immobilisent un temps limité qui pourrait donner lieu à d'autres types de moment de relation parents-enfant et de vie du foyer. Même quand les enfants feraient une bonne partie de leurs devoirs seuls, cela réduit leur disponibilité pour participer à quelques tâches domestiques et cela alourdit la charge des parents.

Il a existé de nombreuses traditions éducatives dans l'absolu assez désagréables, mais qu'on estimait nécessaires et justifiées, qui sont devenues ensuite obsolètes et même impensables. Par exemple, pendant une grande part du XIX^e siècle et du XX^e siècle, beaucoup d'enfants (en particulier les garçons et parmi les familles aisées) étaient placés dans des internats aux conditions assez dures dès la classe de sixième, et ne rentraient pas dans leur famille entre la rentrée et Noël. La majorité d'entre eux n'aimait pas du tout ça (c'était même souvent un cauchemar pour eux), mais leur parents et la société estimait que c'était bien pour eux.

Alternatives

Les devoirs à la maison auraient dont des défauts notables en matière d'efficacité très hasardeuse, de temps assez illimité qu'ils immobilisent, mais on ne pourrait pas s'en passer non plus. Y-a-t-il une porte de sortie ?

Certaines écoles ont des façons de faire qui répondent à cette impasse : le travail individuel étant indispensable, l'aide individuelle aussi, mais les élèves ne pouvant pas travailler sur les même tâches au même rythme, elles mettent en place une organisation permettant que les élèves se consacrent à leur travail individuel suivant un programme organisé, mais sans faire nécessairement chacun la même chose que ses camarade et avec une structure pour qu'ils s'aident les uns les autres, puisque cette aide est nécessaire (ainsi que d'autres tâches) mais qu'il est impossible à l'enseignant de l'apporter seul et directement à chaque élève.

Quand un tel système est mis en place dans une classe et qu'il est bien conduit, on arrive à ce que le travail individuel se fasse sur le temps d'école, et que les élèves puissent obtenir de l'aide, et ne soient pas seuls et isolés lorsqu'ils ont une difficulté, comme ils peuvent l'être souvent chez eux. Cela s'appelle parfois le tutorat, c'est assez voisin du parrainage sur Vikidia (qui a un grand succès parmi les vikidiens, autant pour être parrainé que pour être parrain ou marraine quelque temps plus tard).

Les enseignants voire les parents et autres adultes sont souvent réticents à ces principes de fonctionnement, partant de l'idée que les enfants ne devraient pas avoir de responsabilité, que ce n'est pas leur rôle, ou qu'on sacrifie les bons élèves si on leur demande d'aider ceux en difficulté. Néanmoins ceux qui promeuvent ce fonctionnement font en sorte que les rôles tournent, de sorte que chacun soit parfois en position d'aider quelqu'un d'autre, et ils considèrent que ça aide à mieux apprendre d'aider ou d'expliquer quelque-chose à un autre élève.

Pour permettre un travail individuel fluide et efficace pendant le temps d'école, il faut sans doute accepter de renoncer à plusieurs principes :

• l'enseignement dit simultané, c'est-à-dire le principe que tous les élèves d'une classe travaillent sur la même chose en même temps, s'arrêtent en même temps pour passer à une autre étape, etc. ;
• le principe que chaque élèves n'ait à faire qu'à l'enseignant directement pour tout ce qui est enseigné, les communications entre élèves n'étant qu'accessoires voire un dérangement à limiter autant que possible ;
• le principe que les élèves ne devraient travailler que pour eux, ne devraient avoir aucune tâche utile aux autre (ce serait réservé aux adultes salariés) et encore moins avoir des responsabilités (ce ne serait pas de leur âge).

Cela pour permettre (et organiser) :

• qu'il y ait des moments où chaque élève puissent se consacrer à des tâches d'apprentissage adaptées à son avancement, son rythme et ses besoins, sur des moments suffisamment longs pour ne pas être interrompu à tout moment ;
• que les élèves aient un rôle actif les uns vis-à-vis des autres, (aide, tutorat voire évaluation, correction et gestion des conflits) et comme ça augmenter beaucoup l'aide nécessaire ainsi que la réalisation de différentes tâches. Cela peut aussi réduire la charge de l'enseignant, lui rendre de la disponibilité et du recul pour organiser, piloter l'ensemble, c'est-à-dire notamment observer, adapter, vérifier et rectifier le cap.

Les devoirs à la maisons sont alors beaucoup moins indispensables. Quand effectivement ils sont fortement réduits, cela rend de la liberté aux élèves hors du temps scolaire et leur permet de se consacrer à d'autres activités, non seulement pour eux mais parfois pour participer à différentes choses et se rendre utiles. Ce temps gagné n'est sans doute pas perdu pour leurs apprentissages, puisque ce qu'ils peuvent faire de plus a de forte chances de leur apprendre des choses complémentaires de ce qu'ils étudient en classe.

Comment faire ses devoirs

Néanmoins ce principe d'organisation est rare, et quand il n'existe pas, il y a bien des devoirs à la maison, et il y en a même besoin puisque le système est fait en les intégrant. Que faire dans cette situation ?

Il ne s'agit pas alors d'esquiver les devoirs, puisqu'à la fois cela attirerait des ennuis et que cela déséquilibrerait les apprentissages quand l'enseignement étant prévu pour fonctionner avec eux. Il reste alors à savoir les faire efficacement, c'est-à-dire faire en sorte de ne pas y passer un temps excessif, bien comprendre leurs objectifs et faire en sorte qu'ils aident bien dans les apprentissages.

En effet, il y a souvent des malentendus sur les consignes et les objectifs d'un exercice ou d'une tâche. Par exemple un exercice, une recherche à faire à la maison peut être pensée par un enseignant comme une préparation, une sensibilisation sur un sujet pour mieux comprendre, mieux profiter de ce qui va être abordé en cours ensuite. L'élève qui pense devoir trouver à tout prix la réponse à ce stade va peut-être s'épuiser faute d'avoir compris cet objectif. Parfois, l'objectif est de s'entrainer sur un type d'exercice, pour retrouver presque le même en contrôle. Les élèves peuvent alors s'attacher à ce que l'exercice soit fait (quitte à copier, se faire donner les réponses), et oublier de faire attention à se préparer à le refaire vite et bien lors d'un contrôle. Ce ne sont que quelques aspects d'une grande question !

Liens

• Devoirs à la maison : "Comme un chef d'entreprise, mon fils ramène du boulot... après le boulot", Marc Serrand, publié le 05/12/2012.
• « Devoirs faits » : beaucoup de questions et quelques craintes Laurent Fillion, Cahiers pédagogiques, publié le 7 juillet 2017.