Kulturkampf

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Le kulturkampf (ou "combat pour la civilisation") est la lutte, par le moyen du vote de nombreuses lois, menée de 1871 à 1878, par Bismarck, chancelier de l'empire allemand, contre l'emprise de l' Église catholique en Allemagne. Le but du gouvernement fédéral allemand était de rompre les liens entre l'ensemble des catholiques vivant dans l'empire allemand et la papauté, qui vient de renforcer en juillet 1870 ses pouvoirs religieux par la proclamation de l'infaillibilité pontificale.

Le pape Pie IX au moment du Kulturkampf.
Le chancelier Bismarck au moment du Kulturkampf.

Pour Bismarck le catholicisme, soumis aux décisions d'un pouvoir d'un étranger (le pape) était contraire à l'organisation des religions en Allemagne. En effet depuis le milieu du XVIe siècle, le protestantisme allemand majoritaire (le luthéranisme) dans les États allemands fait que le souverain impose sa religion à la population de son État. Le catholicisme lui semblait une menace contre l'unification récente des États allemands, réalisée militairement de 1866 à 1871, sous la direction de la Prusse. En effet dans des régions conquises par la Prusse comme l'ouest de la Pologne ou l'Alsace-Lorraine les catholiques tentaient de préserver de leurs particularités nationales face aux pressions exercées par la Prusse pour les « germaniser ». Le sud de l'Allemagne (Bavière et Pays de Bade pays majoritairement catholiques, étaient favorables à l'influence autrichienne (éliminée militairement d'Allemagne en 1866). Ces régions allemandes de l'empire semblaient animées de tendance séparatistes.

Le kulturkampf se traduit par une série de lois votées par le Reichstag (grâce à l'appui du parti national-libéral) : interdiction pour les prêtres de tenir des propos politiques dans leurs sermons publics ; expulsion des Jésuites (ordre religieux totalement soumis au pape) ; contrôle de l'enseignement primaire par des inspecteurs civils et nom plus par des religieux ; l'état-civil est désormais confié aux États et non plus aux autorités religieuses (aussi bien catholiques que protestantes) ; obligation du mariage civil avant la célébration du mariage religieux ; obligation pour les futurs prêtres de suivre un enseignement universitaire de culture générale avant d'exercer leurs fonctions ecclésiastiques ; contrôle des nominations des curés par les autorités civiles et non plus laissées à la seule disposition de l'évêque local. Condamnées par le pape Pie IX, ces lois créèrent une résistance d'une grande partie des catholiques allemands. Le gouvernement fédéral pris donc des mesures de répression. Plusieurs centaines de prêtres réfractaires (curés et évêques) sont déchus de leur nationalité, emprisonnés ou condamnés à des amendes. Des paroisses et des évêchés catholiques se trouvèrent sans desservants.

La situation semblait bloquées. En 1878, Bismarck, qui avait besoin de nouveaux appuis pour lutter contre le parti socialiste qui progressait parmi les ouvriers, rechercha le soutien du parti catholique (le zentrum). Il résolut d'alléger la pression sur les catholiques. L'avènement d'un nouveau pape Léon XIII permit de sauver la face. Les lois ne furent allégées ou bien plus appliquées (sauf l'expulsion des jésuites et la laïcisation du mariage et de l'état_civil). Le Kulturkampf est donc un semi-échec pour Bismarck.

Le catholicisme dans l'empire allemand[modifier | modifier le wikicode]

Les différentes religions chrétiennes en Allemagne au XVIIIe siècle. Les régions catholiques sont coloriées en bleu ; en rose les régions protestantes ; en jaune les régions où les deux confessions coexistent

En 1871, les catholiques sont minoritaires dans le tout nouvel empire allemand dont ils ne forment que le tiers de la population. Les catholiques ne sont majoritaires que dans le grand-duché de Bade et le royaume de Bavière, respectivement ( 64 et 71%). Mais ils sont nombreux en Silésie (ancienne terre polonaise conquise par la Prusse au XVIIIe siècle), en Rhénanie et en Westphalie (rattachées à la Pusse à la fin de la période napoléonienne) et en Alsace et en Lorraine (ancienne terres françaises conquises par l'Allemagne (en fait la Prusse) à l'issue de la guerre franco-allemande de 1870-1871). Partout ailleurs ils sont dominés en nombre par les protestants luthériens. Ainsi près de 80% des catholiques allemands vivent dans des pays officiellement protestants.

Depuis le milieu du XVIe siècle, l'accord entre les princes allemands a établi la règle que le souverain impose sa religion à ses sujets. Le nouvel empereur Guillaume Ier (par ailleurs roi de Prusse), le chancelier fédéral Bismarck et la plupart des ministres impériaux sont protestants. En fait il n'y a pas de religion d'État. Mais les États interviennent dans la nomination des évêques, paient les traitements des prêtres et entretiennent les lieux de culte. Les facultés de théologie (qui forment les futurs membres du clergé) se trouvent dans les universités sous leur contrôle.

Les catholiques allemands tentent de résister à cette domination protestante. Au cours du XIXe siècle, ils fondent des associations, créent des journaux et des publications et regroupent leur représentants qui siègent dans les assemblées législatives des différents États allemands. En décembre 1870, alors que l'unification de l'Allemagne est sur le point de s'achever au profit de la Prusse, ils fondent un parti politique le Zentrum. Ce parti, formé essentiellement par des catholiques, obtient 18,6% des voix et 63 députés aux élections pour le Reichstag de février 1871 ; aux élections de 1874, il recueille 28% des suffrages.

Les catholiques allemands sont contre le mariage civil obligatoire ; ils refusent l'établissement d'une école dont le contrôle des maîtres échapperait aux autorités religieuses au profit des représentants de l'État. Par contre ils sont partisans d'un empire fédéraliste où les États conserveraient des droits importants face au gouvernement central de l'empire. Ils veulent un renforcement du contrôle parlementaire sur les projets gouvernementaux, en particulier ils refusent le vote des crédits militaires pour une période de sept ans. De ce fait ils apparaissent comme des ennemis de l'État tel que le conçoit le chancelier Bismarck. Les catholiques regrettent fortement la disparition de la protection dont ils bénéficiaient de la part de l'Autriche catholique, protection dont les a privé Bismarck en 1866.Ils sont considérés comme des partisans de la Grande Allemagne (comprenant l'Autriche) alors que le chancelier a mis sur pied la petite Allemagne (sans l'Autriche).

Pour mener la lutte législative contre l'Église catholique Bismarck s'appuie sur les libéraux. En Allemagne ceux-ci se recrutent surtout parmi les protestants. Les libéraux se considèrent comme les défenseurs de la modernité et souhaitent que l'école soit soustraite à l'emprise des Églises et en particulier de l'Église catholique. Les catholiques, sous l'influence des positions doctrinales exposées en 1864 dans l'encyclique Quanta Cura et le Syllabus condamnent la liberté de conscience, la liberté d'expression, la liberté religieuse, l'école publique (neutre religieusement), le mariage civil, la séparation des Églises et de l'État. Dans le domaine social, les catholiques allemands sont plus « progressistes ». Sous l'influence de Wilhelm von Ketteler archevêque de Mayence, ils réclament une amélioration sensible de la condition ouvrière : hausse des salaires, limitation du temps de travail, création des jours de repos, limitation du travail des enfants, des jeunes filles et des mères. En cela ils s'opposent aux libéraux, partisans de la liberté totale de l'entrepreneur. Cependant avant l'ouverture du concile de Vatican (1869-1870), une grande partie des évêques catholiques allemands sont réticents sur le dogme de l'infaillibilité pontificale.

Le kulturkampf[modifier | modifier le wikicode]

Dès la formation de l'empire allemand en 1871, Bismarck entreprend de limiter l'influence de l'Église catholique en Allemagne. À partir de janvier 1872 il est aidé par Adalbert Falk ministre de l'instruction publique (jusqu'à sa démission en 1879).

En juillet 1871, les dispositions constitutionnelles qui protègent l’Église sont abolies et le département catholique du ministère de l'instruction et des cultes est supprimé. En décembre 1871 est votée la loi dite de "paragraphe de la chaire" interdisant aux religieux de prendre des positions politiques dans le cadre de leur fonction sous peine d'emprisonnement d’une durée pouvant aller jusqu'à 2 ans.

En mars 1872, sous l'impulsion de Falk, la loi de surveillance de l’école est votée. Elle retire retire aux Églises (catholiques et protestantes) le droit d’inspection des écoles primaires, au profit d’inspecteurs laïcs. Les membres des ordres religieux ne peuvent plus enseigner dans les écoles publiques.

En juillet 1872, les établissements jésuites (ordre religieux catholique qui se consacre à l'enseignement) sont interdits sur tout le territoire de l'empire.

Les relations diplomatiques avec le Vatican se détériorent jusqu'à leurs rupture en 1872.

En mai 1873, une nouvelle série de lois transfèrent à l'État la responsabilité de la formation et de l'affectation des ecclésiastiques (nouveauté pour les catholiques). Les futurs prêtres, qui doivent être de nationalité allemande, doivent passer des examens de culture générale (littérature, histoire, philosophie) dans les universités contrôlées par l'État. Contrairement aux usages dans l'Église catholique, où ce droit était réservé aux évêques, l'État intervient dans la nomination des prêtres et celle-ci est désormais soumise à l’approbation des autorités civiles. Une nouvelle loi permet de faire appel devant la cour royale des sanctions disciplinaires prises par l’Église catholique, ce qui est un empiètement considérable du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel. Une autre loi facilite les départs des fidèles mécontents de leur l’Église

Les propriétés de l'Église catholique doivent être administrées par un représentant des communes. Les petits séminaires (qui donnaient une formation secondaire à de très nombreux adolescents et jeunes gens catholiques, dont certains se destinaient à la prêtrise) sont supprimés. Les congrégations religieuses, sauf celles délivrant un service hospitalier sont expulsées de l'empire. Leurs biens (couvents et écoles) sont confisqués.

Une loi de mars 1874 rend le mariage civil obligatoire dans le royaume de Prusse et transfère la tenue des registres d’état civil à l’État. Le mariage religieux n'est autorisé qu'après conclusion d'un mariage civil. La loi est étendue à l'ensemble de l'Empire allemand en février 1875.

En mai 1874 une loi rend possible dans une paroisse vacante l’élection d’un ecclésiastique par l’ensemble de la population masculine en âge de voter.

En avril 1875, la loi dite de "la corbeille de pain" retire les subventions publiques aux institutions catholiques qui ne se soumettent pas à la volonté de l'État.

Résistance des catholiques au Kulturkampf et répression[modifier | modifier le wikicode]

En octobre 1873,à Kevelaer, l'évêque de Mayence Wilhelm von Ketteler devant plus de 25 000 personnes dénonce les lois de mai. En application de celles-ci, il est arrêté juste après son sermon et condamné à deux années de prison (la peine maximale prévue). Cela déclenche une vague de protestation chez les catholiques et en 1874 pour les élections au Reichstag, le parti du centre remporte 99 sièges de députés. Le 13 juillet 1874, Eduard Kullmann, un artisan catholique de 21 ans, attente à la vie de Bismarck qui n'est que légèrement blessé. L'archevêque de Poznań est emprisonné pour deux ans sous motif de haute-trahison puis est expulsé ; l'archevêque de Paderborn, l'archevêque de Cologne et l'archevêque de Trêve sont emprisonnés (ce denier mourra en prison). L'évêque de Munster est déposé et doit s'exiler aux Pays-Bas. La répression frappe les revues et journaux catholiques. En 1877, sur 12 diocèses catholiques d'Allemagne, 8 sont vacants (6 par la destitution des titulaires désobéissants et 2 pour cause de décès). En 1880, environ 1 000 paroisses, soit environ un quart des communes, n'ont pas de prêtre.

Le 5 février 1875, le pape Pie IX menace d'excommunication tous catholiques respectant les lois de mai.

L'échec du kulturkampf[modifier | modifier le wikicode]

Certains des soutiens du chancelier se montrent également irrités par cette politique. Les protestants conservateurs sont opposés au mariage civil et à la tutelle des écoles par l'État. Les libéraux craignent une atteinte profonde contre les droits de l'homme. Beaucoup se rendent compte que la répression soude les catholiques autour de leur Église qui ainsi se renforce.

Le pape Léon XIII en 1878

De plus Bismarck doit chercher de nouveaux appuis pour entamer la lutte contre les mouvements socialistes qui progressent parmi les ouvriers allemands. Les lois qu'il envisage, en particulier une intervention de l'État pour créer une législation sociale plus protectrice seront rejetées par les libéraux. Le chancelier va renverser ses alliances politiques : pour cela il doit clore la lutte qu'il mène contre l'Église catholique. La mort du pape Pie IX et son remplacement par le pape Léon XIII plus « ouvert » aux idées sociales et soucieux de mettre fin au conflit religieux permet un règlement progressif du conflit.

Adalbert Falk, la cheville ouvrière du kulturkampf est renvoyé dès juillet 1879. Une série de nouvelle lois adoptés de 1880 à 1887 met en veilleuse ou supprime les lois du kulturkampf.

En 1881, les 1 500 prêtres expulsés sont réintégrés dans leurs paroisses, les congrégations religieuses peuvent rentrer d’exil (à l’exception des jésuites, qui ne seront autorisés à le faire qu'en 1903). Les archevêques de Cologne et de Poznan, opposants au kulturkampf sont "rappelés" par le pape à Rome afin de pouvoir les remplacer par des prélats plus conciliants.

En 1882, les traitements des ecclésiastiques sont de nouveaux payés par l'État prussien. À l'été 1882, les relations diplomatiques entre l'Empire allemand et le Saint-Siège, suspendues en 1872, sont rétablies. En 1883, une nouvelle loi permet aux évêques de ne plus soumettre la nomination des curés aux autorités civiles. Les lois de mai sont révisées en 1886. En échange le pape contraint le parti Zentrum à voter les lois anti-socialistes et à voter la loi autorisant le gouvernement à obtenir les crédit militaires pour sept ans. En mai 1887, le pape décrète que le conflit est terminé.

Ne restera de la législation du kulturkampf que les lois sur l'interdiction de parler politique pendant les cérémonies du culte (jusqu'en 1953), sur le mariage civil obligatoire avant le mariage religieux (jusqu'en 2009) et la loi sur l'inspection des écoles religieuses toujours en vigueur.

sources[modifier | modifier le wikicode]

  • [1] un article de Sylvie Toscer-Angot
  • Les articles Kulturkampf et Zentrum sur Wikipedia.
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