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John Tanner

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Campement au bord du lac Huron au cours d'un voyage en canoë.

John Tanner (1780 – 1846) ou Shaw-shaw-wa-ne-ba-se (le faucon), son nom ojibwé, est un Américain qui a été enlevé enfant par des indiens Ojibwés peu après que sa famille s'était établie dans un territoire nouvellement colonisé. Il a été adopté par deux familles indiennes l'une après l'autre, a appris leur langue et a grandi avec la nation Ojibwé, dans la région des Grands Lacs. Adulte, Il a épousé une Indienne, a continué sa vie de chasseur puis il a servi de guide aux commerçants de fourrures européens et a travaillé comme interprète. L'histoire de sa vie avec les Amérindiens a été publiée en 1830. Ce fut un livre populaire et c'est toujours un document historique important.

Origine et enlèvement[modifier | modifier le wikicode]

John Tanner est né vers 1780. Son père, également nommé John Tanner, est un ancien pasteur (ou prédicateur) de Virginie. La mère de John est morte lorsqu'il avait deux ans, mais son père s'étant remarié, il a une belle-mère et plusieurs frères et sœurs plus âgés et plus jeunes que lui. En 1789, la famille s'installe aux abords de la rivière Ohio, près de la villa actuelle de Cincinnati au nord du Kentucky1. Les colons comme eux prenaient des terrains accordés pour des prix peu élevés par le gouvernement pour les cultiver, mais c'était le territoire de nations indiennes (en particulier les Chaouanons ou Shawnees en anglais) qui n'avaient pas donné leur accord pour ces distributions de terrains et pour l'installation de colons. Les attaques de colons par des Indiens se battant pour défendre leurs terres ainsi que les expéditions de colons contre les Indiens étaient fréquentes, et la région considérée comme dangereuse.

John a alors 9 ans. Il entend, bien sûr, parler des Indiens ; il est curieux de les connaître et quelques fois, trouvant son père trop sévère ou injuste, il se dit qu'il voudrait aller vivre avec les Indiens.

Un jour, il sort de la maison en cachette alors que son père le lui avait interdit et il franchit la palissade du jardin, curieux de voir les Indiens qui semblent être dans le voisinage. Il est alors surpris et kidnappé par deux hommes ojibwés (wp). Ceux-ci l'emmènent aussi vite que possible vers le Nord, à pied puis en canoë, jusque dans la région du lac Érié, en un voyage de plusieurs semaines et de près de 500 kilomètres. Les premiers jours, John essaye de repérer le chemin pour rentrer chez lui s'il arrive à s'échapper, et il tente de rester éveillé le soir pour s'enfuir quand les Indiens dorment. Mais très fatigué, il s'endort à chaque fois rapidement, et se réveille, le matin, après les Indiens.

Au cours du voyage, Il rencontre une fois des traiteurs (marchands de fourrure) qui lui parlent et tentent de le racheter pour lui permettre de rentrer chez lui, mais finalement ils ne peuvent rien faire. Un peu plus tard, il rencontre d'autres Blancs dont il ne comprend pas la langue : il s'agissait sans doute de Canadiens français.

Il avait été enlevé à la demande de la femme du plus vieux des deux hommes, pour remplacer son fils mort peu avant et qui avait à peu près son âge. Il est donc adopté par cette famille, avec qui il reste deux ans. On le fait beaucoup travailler et on le nourrit très mal. Il est régulièrement maltraité, battu par le père de famille, tandis que sa mère adoptive tente de le défendre. Au printemps suivant, son père adoptif après être parti en expédition, ramène le chapeau du frère aîné de John et lui fait croire qu'il a tué toute sa famille.

Plusieurs fois, il voit des personnes menacer de le tuer, soit alors qu'elles sont ivres ou parce qu'étant Blanc, elles le voient comme un ennemi. Il doit alors se cacher ou est sauvé par quelqu'un qui le protège.

Ensuite, une femme outaouaise (un groupe apparenté aux Ojibwés) : Net-no-kwa l'achète et l'adopte à son tour, également pour remplacer un fils qu'elle a perdu, et John est alors mieux traité.

Intégration parmi les Ojibwés[modifier | modifier le wikicode]

John ou Shaw-shaw-wa-ne-ba-se a alors 11 ans et il connait maintenant la langue ojibwé

Sa mère adoptive Net-no-kwa a une grande autorité parmi les Indiens. Elle a un mari beaucoup plus jeune qu'elle : Taw-ga-we-ninne. C'est elle qui dirige la famille. John en parle comme ceci :

Cette femme, déjà avancée en âge, était d’un extérieur plus avenant que ma première mère ; elle me prit par la main et me conduisit à sa cabane, à très peu de distance ; là je vis aussitôt que j’allais être traité bien plus doucement ; elle me donna beaucoup à manger, me revêtit de bons habits, et me dit d’aller jouer avec ses enfans.

(...)

Dans la première année, elle m’imposa quelques tâches ; elle me faisait couper du bois, porter du gibier ou de l’eau, et rendre d’autres services que l’on n’exige pas ordinairement des enfans de mon âge ; mais elle me traitait constamment avec tant de bonté que je me trouvais content et heureux, en comparant ma condition présente au traitement que j’avais éprouvé dans la famille de Manito-o-Geezhik. Elle me fouettait quelquefois comme ses autres enfans ; mais je n’étais battu ni aussi rudement, ni aussi souvent que jadis.

En grandissant, John aura toujours un grand respect pour elle.

Son nouveau père adoptif le traite très amicalement aussi. La famille se compose également de deux fils plus grands que John, deux jeunes "secondes" femmes de Taw-ga-we-ninne et de jeunes enfants.

La chasse[modifier | modifier le wikicode]

Avec le soutien de sa mère adoptive et les enseignements d'autres Indiens, John apprend à chasser et toutes sortes d'autres pratiques ou savoir-faire des Indiens de cette région. Il est dans sa nouvelle famille depuis un an quand il commence à chasser, à environ 12 ans, ce qu'il raconte ainsi :

Dans notre retour, les vents contraires nous retinrent à vingt-cinq ou trente milles du lieu de notre départ, sur les bords du lac, près d’une pointe assez étendue, nommée Me-nau-ko-king. Là nous campâmes avec quelques autres Indiens et des marchands. Les pigeons étaient communs dans les bois ; les enfans de mon âge et les marchands leur donnaient la chasse. Je n’avais de ma vie tué aucune pièce de gibier, pas même tiré un coup de fusil. Ma mère venait d’acheter à Mackinac un baril de poudre, Taw-ga-we-ninne possédait un grand pistolet d’arçon. Enhardi par son indulgence, je lui demandai cette arme pour aller tuer des pigeons. Ma mère appuya mon désir en disant : « Il est temps pour notre fils d’apprendre à devenir un chasseur ; » et mon père (j’appelais ainsi Taw-ga-we-ninne), mon père me donna le pistolet chargé en me disant : « Allez, mon fils, si vous parvenez à tuer quelque gibier, vous aurez aussitôt un fusil, et nous vous apprendrons à chasser. »

Depuis que je suis devenu homme, je me suis trouvé dans des positions difficiles ; mais mon ardeur de réussir n’a jamais été telle que dans ce premier essai de chasse. A peine étais-je sorti du camp, que je rencontrai des pigeons, dont plusieurs vinrent se poser dans le bois à très peu de distance. J’armai le pistolet, et l’élevai à la hauteur du visage, presqu’en contact avec mon nez ; j’ajustai ensuite les pigeons et lâchai la détente. Au même instant, je crus entendre une sorte de bourdonnement semblable au bruit d’une pierre rapidement lancée : le pistolet était allé tomber à quelques pas derrière moi, et le pigeon gisait au pied de l’arbre sur lequel il s’était posé.

Sans songer à ma figure toute meurtrie et couverte de sang, je courus au camp rapportant mon pigeon en triomphe. On pansa aussitôt mes petites blessures, mon pistolet fut changé pour un fusil de chasse ; je reçus une poudrière et du plomb, et l’on me permit d’aller chasser aux oiseaux. Un des jeunes Indiens m’accompagnait pour veiller sur ma manière de tirer. Dans l’après-midi, je tuai encore trois pigeons, sans avoir perdu un seul coup. Depuis ce moment, je commençai à me voir traité avec plus de considération, et l’on me permit souvent de chasser pour en acquérir l’habitude.

Plus tard, John apprend également à tendre des pièges à gibier.

À l'automne, ils rejoignent un regroupement en village mais celui-ci est frappé d'une épidémie de rougeole qui y fait de nombreuses victimes. Dans la famille de Net-no-kwa, tous sont atteints assez sévèrement, sauf elle et John qui doivent donc soigner tous les autres et... personne ne meurt.

Au printemps suivant, la famille est durement éprouvée puisque Taw-ga-we-ninne, le père de famille, est gravement blessé dans une bagarre entre gens ivres, puis le second fils : Ke-wa-tin, de 14 ou 15 ans, se blesse accidentellement au genou, dans un bateau. L'un et l'autre meurent quelque mois plus tard.

Il n'y a alors plus que Wa-me-gon-a-biew, âgé de 17 ans et John/Shaw-shaw-wa-ne-ba-se, qui a alors 13 ans, pour approvisionner la famille en gibier. Cela devient particulièrement difficile au cours de l'hiver suivant. Comme ils doivent chercher le gibier à deux ou trois journées de marche, ils se construisent une cabane, où ils viennent plusieurs fois passer la nuit dans l'hiver glacial en se réchauffant avec un feu. Une nuit, la cabane s'enflamme. Les deux garçons arrivent à en sortir indemnes, mais il leur faut rentrer rapidement au campement de la famille pour s'abriter. Ayant une plutôt grosse rivière à moitié gelée à traverser, ils glissent et tombent à l'eau presque entièrement et ont beaucoup de mal à s'en sortir. Ils voient alors leurs chaussures et pantalons geler sur eux. Alors qu'ils pensent bientôt mourir de froid, John parvient à allumer un feu. Ils se sèchent comme ils peuvent et tentent de se réchauffer un peu, puis rassemblent un stock de bois pour passer la nuit sans abri mais réchauffés par le feu. Leur mère inquiète les rejoint le lendemain matin.

Ensuite, voyant cette famille en difficulté, d'autres Indiens les invitent à se joindre à eux pour partager leur gibier.

L'hiver suivant, la famille s'installe avec deux autres familles apparentées avec qui ils se répartissent le territoire de chasse et ils partagent le résultat de la chasse quand une famille en manque. John apprend à piéger les castors. Il a 14 ans, son frère en a 18. La bande s'agrandit avec l'arrivée de quatre nouvelles cabanes, et au bout de 3 mois, le gibier commence à manquer et la faim se fait sentir.

John raconte un épisode de chasse de ce moment, pour lequel sa mère a fait appel à une sorte de magie pour connaître la présence du gibier :

A l’heure accoutumée, j’allai me coucher comme les plus jeunes membres de la famille ; mais je fus bientôt réveillé par les prières et les chants de la vieille femme, qui continua ses dévotions à haute voix pendant une grande partie de la nuit.

Le lendemain matin, de très bonne heure, elle nous réveilla pour mettre nos mocassins et nous tenir prêts au départ ; puis elle appela Wa-me-gon-a-biew auprès d’elle pour lui dire à demi-voix : « Mon fils, la nuit dernière, j’ai adressé des prières et des chants au Grand Esprit ; pendant mon sommeil, il m’est apparu sous la forme d’un homme, et m’a dit : Net-no-kwa, demain vous aurez un ours à manger ; il y a, près de la route que vous allez suivre, et dans telle direction (elle la lui expliqua), une petite prairie ronde d’où sort une espèce de sentier ; l’ours est dans ce sentier. » Maintenant, mon fils, je désire que vous suiviez cette direction sans en rien dire à personne, et vous trouverez bien sûrement l’ours comme je vous l’ai expliqué.

Mais le jeune homme, qui n’était pas très obéissant, et ne faisait pas toujours grand cas des paroles de sa mère, sortit de la cabane et raconta en riant le rêve aux autres Indiens : « La vieille femme, leur dit-il, assure que nous mangerons un ours aujourd’hui ; mais je ne sais qui le tuera. » Net-no-kwa, l’entendant, le rappela et lui fit des reproches, sans pouvoir obtenir de lui d’aller à la chasse. Nous nous dirigeâmes tous vers l’endroit où nous devions camper pendant la nuit ; les hommes marchaient les premiers, portant une partie de nos bagages, qu’ils déposèrent en arrivant pour aller chasser. Quelques enfans qui les avaient accompagnés furent chargés de garder ces bagages jusqu’à l’arrivée des femmes. J’étais de ce nombre ; j’avais mon fusil avec moi, et je pensais toujours à la conversation de ma mère et de Wa-me-gon-a-biew ; enfin je résolus d’aller à la recherche de la prairie qu’elle avait vue en songe ; sans confier mon projet à personne, je chargeai mon fusil pour la chasse de l’ours, puis je retournai sur nos pas.

Je rencontrai bientôt l’une de mes tantes, femme d’un des frères de Taw-ga-we-ninne ; elle nous avait montré peu d’amitié, nous regardant comme une charge pour son mari qui venait quelquefois à notre aide ; elle s’était souvent aussi moquée de moi. Cette femme me demanda où j’allais de la sorte, et si j’avais pris mon fusil pour tuer les Indiens. Je ne lui répondis pas ; et pensant que je devais être près de l’endroit où, selon les indications de ma mère, Wa-me-gon-a-biew aurait dû quitter le sentier, j’en sortis, continuant à observer avec soin toutes les instructions qu’elle avait données.

J’arrivai enfin dans un endroit où, d’après toutes les apparences, devait avoir été jadis un étang ; c’était une petite place ronde et ouverte au milieu des bois, où commençaient à s’élever du gazon et quelques arbrisseaux. Je pensai que ce devait être la prairie indiquée par ma mère, et, l’examinant tout autour, j’arrivai à une ouverture à travers les arbres, qui désignait probablement le cours d’un petit ruisseau sortant de la prairie ; mais la neige était si épaisse, que je ne pus m’en assurer.

Ma mère avait dit aussi que, dans son rêve, en voyant l’ours, elle avait aperçu au même instant une fumée qui s’élevait de la terre : j’étais sûr d’avoir découvert le lieu indiqué par elle, et je veillai long-temps pour attendre l’apparition de la fumée ; mais, fatigué enfin de ne point la voir, je fis quelques pas dans l’endroit découvert qui ressemblait à un sentier, et tout à coup je m’enfonçai dans la neige de la moitié de ma hauteur.

Facilement dégagé de ce mauvais pas, je continuais ma marche, lorsque me rappelant avoir entendu des Indiens parler d’ours tués dans leurs tanières, il me vint à l’idée que j’étais tombé peut-être dans la tanière d’un ours. Je me retournai ; la tête d’un ours paraissait dans l’enfoncement, j’appuyai le canon de mon fusil entre ses yeux, et je tirai. Dès que la fumée se fut dissipée, je pris un bâton que j’enfonçai dans les yeux et dans la blessure ; puis, voyant que l’ours était bien tué, je tâchai de le tirer de sa tanière ; mais ne pouvant y parvenir, je repris la route de notre camp, en suivant la trace de mes pas.

En approchant des cabanes que les femmes venaient d’élever, je rencontrai celle de mes tantes qui s’était déjà trouvée sur mon passage, et elle se mit encore à se moquer de moi : « Avez-vous tué un ours, me dit-elle, pour revenir si tôt et courir si vite. » Je me demandais en moi-même : Comment sait-elle que j’ai tué un ours ? Mais je passai mon chemin sans lui rien dire, et j’arrivai à la cabane de ma mère. Après quelques minutes, la vieille femme me dit : « Mon fils, regardez dans cette chaudière [un chaudron ou une marmite], vous y trouverez un peu de chair de castor, qu’un homme m’a donnée après votre départ ; laissez-en la moitié pour Wa-me-gon-a-biew, qui n’est pas encore rentré de la chasse, et n’a rien mangé aujourd’hui » Je pris donc mon repas, et voyant qu’enfin Net-no-kwa était seule, je m’approchai d’elle, et lui dis à l’oreille : « Ma mère, j’ai tué un ours ! — Que dites-vous, mon fils ? reprit-elle. — J’ai tué un ours. — Êtes-vous bien sûr de l’avoir tué ? — Oui. — Est-il bien mort ? — Oui. » Elle me regarda fixement quelques instans, me prit dans ses bras, m’embrassa tendrement, et me couvrit long-temps de caresses. Je lui rapportai ensuite tout ce que ma tante m’avait dit en allant et en venant, et son mari en ayant été instruit à son retour, la gronda et la battit sévèrement. On alla chercher l’ours, et comme c’était le premier que j’eusse tué, on le fit cuire tout d’une pièce, et tous les chasseurs de la bande furent invités à s’en régaler avec nous, selon la coutume des Indiens.

Au fil des saisons et des déplacements, John côtoie des hommes apparentés ou alliés qui lui apprennent à être un meilleur chasseur.

Wa-me-gon-a-biew devenant adulte, il se marie et rejoint sa belle-famille. Alors qu'il a 17 ou 18 ans, John est à une période le seul chasseur de sa famille composée de sa mère, une fille de 12 ans, un garçon "qui commençait à sortir de l’enfance" et deux petits enfants.

John Tanner devient petit à petit un très bon chasseur. Les espèces qu'il chasse sont nombreuses et varient selon les régions où il se trouve, mais ce sont principalement le wapiti (appelé élan dans les Mémoires de John Tanner), l'orignal (appelé élan en Europe et moose dans les Mémoires), le castor du Canada, la loutre de rivière, le rat musqué, le caribou (sous-espèce du renne en Amérique du Nord), l'ours noir et le bison d'Amérique du Nord. Les pigeons qu'il décrit comme le premier gibier qu'il chasse à 12 ans sont sans doute des tourtes voyageuses, une espèce aujourd'hui disparue.

Déplacements et commerce[modifier | modifier le wikicode]

La famille de Tanner se déplace beaucoup au cours de l'année. Cela se fait à pied ou en canoë ou avec des raquettes à neige en hiver. Les territoires qu'ils parcourent correspondent, au Canada, aux actuelles provinces du Canada l'Ontario et le Manitoba ; et côté États-Unis, aux États du Michigan et de l'Ohio qui avoisinent les Grands Lacs.

Au début du printemps, ils récoltent la sève d'érable et en font du sirop d'érable. plus tard dans la saison, ils récoltent du riz sauvage et des baies de canneberge. Périodiquement, les Indiens se rendent dans les comptoirs ou postes de traite des marchands pour y vendre leurs fourrures et y acheter des fournitures.

À l'époque à laquelle Tanner vit parmi les Indiens, leur mode de vie traditionnel de chasseurs-cueilleurs dans les forêts du Nord a commencé à changer. Les Indiens de cette région chassent avec des armes à feu qui n'existaient pas avant les contacts avec les Européens. Ils s'en fournissent (ainsi que de la poudre et des munitions) auprès de marchands des postes de traite, où ils achètent également d'autres objets de première nécessité qu'ils ne peuvent pas produire eux-même : des couvertures, du tissu pour les vêtements, des ustensiles en métal, etc., tout cela principalement en échange de fourrures. Mais certains marchands malhonnêtes cherchent à leur échanger aussi de l'alcool, de façon à obtenir les fourrures à meilleurs prix. L'alcool a de graves et néfastes conséquences sur les tribus indiennes de la région.

John raconte plusieurs épisodes, au cours desquels les marchands tentent ou réussissent à escroquer les Indiens au moyen de l'alcool ou par intimidation. Il décrit à plusieurs reprises comment sa famille ou des Indiens voisins dépensent en alcool, en quelques jours, presque tout ce qu'ils ont gagné en plusieurs mois de chasse. Il arrive même à Net-no-kwa, après la perte de son fils et de son mari, de s'enivrer à en perdre connaissance, ce qu'il ne lui arrivait jamais avant.

John a parfaitement conscience des graves méfaits de l'alcool tel qu'il est consommé chez les Indiens : les vols, les accidents, les violences, le gaspillage des ressources rares et les situations de misère qui s'ensuivent. Il tente d'éviter que sa famille ne s'attarde dans les comptoirs qui en délivrent, ou il s'occupe de troquer ses fourrures contre des produits essentiels avant que tout ne soit dépensé en alcool, mais lui-même s'enivre plusieurs fois.

Malgré les activités de chasse et de cueillette, les moyens employés pour faire des réserves de nourriture et le partage de celle-ci entre familles plus ou moins chanceuses à la chasse, John et son groupe connaissent plusieurs épisodes de famine.

Vie adulte[modifier | modifier le wikicode]

Un jour, alors que John a 20 ans, sa mère lui propose une jeune fille avec qui se marier, s'étant arrangé avec le père de cette fille et celle-ci ayant donné son consentement. Mais comme il envisageait de retourner chez les Blancs quand il serait en âge de prendre femme, il refuse.

L'hiver suivant, ils ont la visite d'un homme d'un certain âge qui « était du nombre de ceux qui se vouent à la condition des femmes, et que les Indiens appellent femmes ». C'est une personne transgenre qui avait eu plusieurs maris auparavant. Elle était venu de loin pour proposer à John de vivre avec lui, d'être sa femme. John, qui trouve cela dégoutant, est très embarrassé de l'insistance de cette personne qui, trouve-t-il, le harcèle. Mais sa mère Net-no-kwa, qui connaît bien la personne, s'amuse beaucoup de la situation et de l'embarras de son fils. Finalement, un homme qui a déjà deux femmes prend cette personne comme troisième femme.

À 23 ans, Tanner épouse finalement une femme Ojibwé, Mis-kwa-bun-o-kwa. Vers 1807, sa première épouse le quitte et il se remarie en 1810 avec une autre Indienne. Chacun des deux mariages est l'occasion de disputes avec sa belle-famille, dont il reçoit des menaces. En 1812, il envisage de retourner dans sa famille d'origine au Kentucky, mais la Guerre anglo-américaine de 1812 rend les voyages impossibles1.

Toujours en 1812, Lord Selkirk établit la colonie de la rivière Rouge dans la province actuelle du Manitoba, sur des terres achetées à la Compagnie de la Baie d'Hudson. Tanner s'y fait engager pour chasser le bison et fournir les colons pendant leur premier hiver quand la nourriture se fait rare. En 1817, Selkirk emploie Tanner comme guide et ils entreprennent de reprendre Fort Douglas des mains de la Compagnie du Nord-Ouest anglaise de traite des fourrures. Après le succès de leur entreprise, Lord Selkirk s'intéresse à Tanner. Utilisant les vagues souvenirs d'enfance de celui-ci, Selkirk localise sa famille aux États-Unis et établit un contact avec eux. Tanner parvient, après un voyage difficile, à rejoindre sa famille d'origine aux États-Unis, mais en fin de compte, il renonce à s'installer auprès d'eux.2.

Tanner retourne dans les territoires canadiens, où il travaille pendant un certain temps comme marchand pour l'American Fur Company sur le lac à la Pluie. En 1823, il tente de récupérer les enfants de son premier mariage. Son ex-femme refuse de les lui rendre et elle, ou son clan, tente de le faire tuer. Bien que grièvement blessé, il survit à l'attaque. Son fils aîné, déjà grand, décide de rester vivre avec les Indiens, tandis que les deux filles de son premier mariage disparaissent, elles lui sont reprises pendant qu'il est en convalescence3.

Recueil de ses mémoires[modifier | modifier le wikicode]

Portrait de Tanner dans son livre A Narrative of the Captivity and Adventures of John Tanner, 1830

En 1827, après une longue convalescence, il s'installe quelques temps avec sa seconde épouse sur l'île Mackinac, puis en 1828, il déménage à Sault Sainte-Marie, pour travailler comme interprète.

C'est là que Tanner rencontre Edwin James, un explorateur, botaniste et médecin, et ils conviennent de recueillir et retranscrire son histoire. Ce récit : A Narrative of the Captivity and Adventures of John Tanner est publié en anglais en 1830, puis traduit et publié en 1835 en français sous l'intitulé Mémoires de John Tanner ou trente années dans les déserts de l'Amérique du Nord. Ce livre a été un succès populaire, ainsi qu'une source d'informations importante et détaillée du peuple Ojibwé de cette époque.

En août 1831, Tanner rencontre Alexis de Tocqueville, un jeune Français en voyage d'études aux États-Unis et qui en tirera un livre toujours connu et réputé en France comme aux États-Unis : De la démocratie en Amérique. La traduction des mémoires de Tanner en français s'est faite à partir de l'exemplaire de Narrative of the Captivity and Adventures of John Tanner que ce futur écrivain et homme politique français a acheté à Tanner lui-même et qu'il a ramené de son voyage. Tocqueville évoque dans une note de bas de page les échanges qu'il a eus avec Tanner et son récit comme ceci :

Il y a dans la vie aventureuse des peuples chasseurs je ne sais quel attrait irrésistible qui saisit le cœur de l’homme et l’entraîne en dépit de sa raison et de l’expérience. On peut se convaincre de cette vérité en lisant les Mémoires de Tanner.

Tanner est un Européen qui a été enlevé à l’âge de six ans par les Indiens, et qui est resté trente ans dans les bois avec eux. Il est impossible de rien voir de plus affreux que les misères qu’il décrit. Il nous montre des tribus sans chefs, des familles sans nations, des hommes isolés, débris mutilés de tribus puissantes, errant au hasard au milieu des glaces et parmi les solitudes désolées du Canada. La faim et le froid les poursuivent ; chaque jour la vie semble prête à leur échapper. Chez eux les mœurs ont perdu leur empire, les traditions sont sans pouvoir. Les hommes deviennent de plus en plus barbares. Tanner partage tous ces maux ; il connaît son origine européenne ; il n’est point retenu de force loin des blancs ; il vient au contraire chaque année trafiquer avec eux, parcourt leurs demeures, voit leur aisance ; il sait que du jour où il voudra rentrer au sein de la vie civilisée il pourra facilement y parvenir, et il reste trente ans dans les déserts. Lorsqu’il retourne enfin au milieu d’une société civilisée, il confesse que l’existence dont il a décrit les misères a pour lui des charmes secrets qu’il ne saurait définir ; il y revient sans cesse après l’avoir quittée; il ne s’arrache à tant de maux qu’avec mille regrets ; et lorsqu’il est enfin fixé au milieu des blancs, plusieurs de ses enfants refusent de venir partager avec lui sa tranquillité et son aisance.

J’ai moi-même rencontré Tanner à l’entrée du lac Supérieur. Il m’a paru ressembler bien plus encore à un sauvage qu’à un homme civilisé4.

Vie d'interprète et dernières années[modifier | modifier le wikicode]

À Sault Sainte-Marie, un avant-poste de l'armée américaine, il obtient un emploi, celui d'interprète de Henry Rowe Schoolcraft, un représentant du Gouvernement des États-Unis leur servant d'agent auprès des Indiens. La vie de Tanner est néanmoins difficile, même après la publication de ses mémoires. Son poste est mal rémunéré et ses salaires irrégulièrement versés, ce qui mène à des disputes5.

Il rejoint une mission évangéliste baptiste installée dans la ville, qui comprend une école pour les enfants indiens et il y est également interprète et traducteur, mais cette communauté tarde aussi à lui offrir un salaire. Il y travaille avec Edwin James à une traduction en ojibwe du Nouveau Testament16. Malheureusement, l'agent des Indiens entre en conflit avec les dirigeants de cette mission, et Tanner est pris dans cette dispute.

Il a une nouvelle femme, dont il semblerait qu'on le sépare de force.

Pauvre, vieillissant et affecté par ces événements, il reste néanmoins à Sault Sainte-Marie. En 1846, sa cabane brûle et quelques jours plus tard, il disparait, à 66 ans, en même temps que James Schoolcraft, le frère d'Henry Rowe Schoolcraft, qu'on retrouve assassiné. Les habitants de la ville soupçonneront Tanner d'avoir tué Schoolcraft, mais cela n'a pas été prouvé. On découvrira, des années plus tard, le corps de John Tanner dans une tourbière, non loin de la ville7.

Sources et notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 1,1 et 1,2 Woodcock (1988)
  2. Bowsfield, « Meet John Tanner », Manitoba Pageant, Manitoba Historical Society,‎ 1957 (lire en ligne)
  3. À travers le prisme de l’histoire : John Tanner, un Indien blanc entre l’arbre et l’écorce (I), Jean Delisle (L’Actualité langagière, volume 8, numéro 2, 2011, page 16)
  4. De la démocratie en Amérique, tome 2.
  5. À travers le prisme de l’histoire : John Tanner, un Indien blanc entre l’arbre et l’écorce (II), Jean Delisle (L’Actualité langagière, volume 8, numéro 3, 2011, page 14)
  6. Sayre, « Tanner, John », American National Biography Online, Oxford University Press, 2007
  7. Fierst, « Return to "Civilization": John Tanner's Troubled Years at Sault Ste. Marie », Minnesota History Magazine, vol. 50, no 1,‎ 1986, p. 23–36 (lire en ligne)

Wikidata John Tanner sur Wikidata


Source : cette page a été partiellement adaptée de la page John Tanner (captive) de Wikipédia.
Article mis en lumière la semaine du 14 novembre 2022.
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