Calabre

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Calabre
Calabria in Italy.svg
Région
Drapeau Blason
Drapeau Blason
Administration
Nom local Calabria (it)
Pays Italie Italie
Chef-lieu Catanzaro
Président Roberto Occhiuto (FI)
Site web regione.calabria.it
Localisation
Coordonnées 38° 55′ 00″ Nord
16° 36′ 00″ Est Cartes, vues aériennes et satellitaires
Superficie 15 222 km2
Démographie
Population 1 877 527 hab. (en 2021)
Densité 123 hab./km2
Gentilé Calabrais (calabrese)
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La Calabre (en italien : Calabria ; en calabrais : Calabbria) est une région du sud de l'Italie. Elle forme une péninsule limitée par la Basilicate au nord, la mer Ionienne à l'est, le détroit de Messine au sud-ouest, qui la sépare de la Sicile, et la mer Tyrrhénienne à l'ouest. Elle compte près de 2 millions d'habitants1 et s'étend sur 15 222 km². Son chef-lieu est Catanzaro.

C'est de Calabre qu'est originaire le nom Italia, que les Grecs lui avaient attribué alors qu'ils commencèrent à s'y établir au VIIIe siècle av. J.-C. Ils y fondèrent une multitude de colonies, principalement sur les côtes, qui devinrent de brillantes cités où vécurent des personnages clefs de l'histoire ancienne tels que Pythagore, Hérodote et Milon.

À l'époque romaine, elle appartenait à la Regio III Lucania et Bruttii, l'une des régions de l'Italie augustéenne. Après la guerre des Goths, elle passa sous domination byzantine pour cinq siècles, période au cours de laquelle elle recouvra pleinement son caractère grec. Le cénobitisme (premiers monastères chrétiens) y a prospéré avec l'essor dans toute la péninsule de nombreuses églises, ermitages et monastères dans lesquels des moines basiliens se sont consacrés à la transcription d'anciens ouvrages. Ce sont les Byzantins qui introduisirent l'art de tisser la soie en Calabre qui en deviendra la principale de zone de production en Europe. À partir du XIe siècle, la conquête normande amorce un lent processus de latinisation.

Trois minorités ethnolinguistiques historiques sont officiellement reconnues en Calabre : le peuple Griko, parlant le grec de Calabre ; les Arberèches (Albanais) ; et les Occitans de Guardia Piemontese. Cette extraordinaire diversité culturelle fait de la région un objet d'étude pour les linguistes du monde entier.

La région calabraise est renommée pour ses villages anciens, ses eaux cristallines, ses châteaux et ses ruines archéologiques. Trois parcs nationaux y sont situés : le parc national du Pollino (le plus vaste d'Italie), le parc national de la Sila et celui de l'Aspromonte.

Toponymie[modifier | modifier le wikicode]

À l'origine, le nom Calabria était attribué à la côte adriatique de la péninsule du Salento, dans les Pouilles actuelles. Au Ier siècle av. J.-C., ce nom est étendu à l'ensemble du Salento qui, lorsque l'empereur romain Auguste a divisé l'Italie en régions, passe administrativement dans la Regio II Apulia et Calabria. À cette époque, la Calabre moderne était encore nommée Bruttium, du nom des Bruttiens qui peuplaient la région. Plus tard, au VIIe siècle apr. J.-C., l'Empire byzantin créa le duché de Calabre qui intégrait le Salento et le versant ionien du Bruttium. Lorsque la partie calabraise du duché (càd le Salento, donc celle qui ne l'est plus) fut conquise par les Lombards pour une courte période au VIIIe siècle, les Byzantins préservèrent le nom de Calabre pour désigner leurs territoires bruttiens.

Dans l'Antiquité, les Grecs utilisaient le nom Italoi pour désigner la population indigène de Calabre actuelle. Selon certains auteurs, ce nom dérivait de celui d'Italos, roi légendaire des Œnôtres.2 Au fil du temps, les Grecs ont fini par nommer Italia l'ensemble de la péninsule italienne méridionale. En conquérant la région, les Romains en adoptèrent le nom pour l'étendre à la totalité de la péninsule italienne du sud jusqu'aux Alpes au nord.

Géographie[modifier | modifier le wikicode]

Falaise de Tropea.
Parc national du Pollino.
Parc national de la Sila.
La Calabre photographiée depuis l'ISS.

La région recouvre le « pied » de la « botte » italienne. Il s'agit d'une péninsule longue et étroite qui s'étend sur 248 km du nord au sud avec une largeur maximale de 110 km.

Environ 42 % de la superficie calabraise (15 222 km²) est montagneuse, 49 % est vallonnée tandis que les plaines n'occupent que 9 % du territoire régional. Elle est cernée par les mers Ionienne et Tyrrhénienne et est séparée de la Sicile par le détroit de Messine, dont la largeur entre le cap Peloro (sur l'île) et le continent excède à peine les 3 km.

La Calabre est parcourue par trois massifs de montagnes : le Pollino, la Sila et l'Aspromonte, chacun présentant une faune et surtout une flore qui lui sont propres. Les montagnes du Pollino, au nord de la région, sont très accidentées et forment une barrière naturelle séparant la Calabre du reste de l'Italie. Les versants des montagnes sont fortement boisés tandis que les sommets et leurs vastes plateaux balayés par les vents sont faiblement végétalisés. La chaîne de montagne abrite une variété rare du pin de Bosnie qui est protégée au sein du parc national du Pollino, le plus étendu d'Italie avec ses 1 926 km².

La Sila, surnommée le « grand bois d'Italie », est un vaste plateaux montagneux s'élevant à 1 200 m au-dessus du niveau de la mer en moyenne et s'étendant sur près de 2 000 km² dans la partie centrale de la région. Son point culminant est le Botte Donato, qui s'élève à 1 928 m. Les paysages de la Sila se caractérisent par leurs nombreux lacs et leurs denses forêts de conifères dont certains spécimens, pouvant atteindre jusqu'à 40 m de hauteur, sont appelés les « géants de la Sila ». L'air du parc national de la Sila est réputé pour sa pureté.

Le massif de l'Aspromonte forme l'extrémité méridionale de la péninsule italienne et est bordé par la mer sur trois côtés. Il culmine au Montalto à 1 995 m d'altitude et est réaménagé à ses bords en de larges terrasses artificielles dédiées à l'agriculture s'abaissant jusqu'au littoral.

La plupart des plaines de Calabre sont occupées par de vastes exploitations agricoles depuis de nombreux siècles et leur végétation sauvage présente un mélange de garrigues indigènes et de plantes introduites telles que le figuier de Barbarie. Elles abondent également en vignes et en vergers d'agrumes, dont le cédrat Diamante. Les collines et les rebords des montagnes sont pour leur part recouverts d'oliviers et de châtaigniers tandis que les denses forêts de chênes, de pins, de hêtres et de sapins se multiplient en altitude.

Climat[modifier | modifier le wikicode]

Le climat de la Calabre est à la fois soumis aux influences de la mer et de la montagne. Les zones côtières connaissent un climat méditerranéen typique avec des précipitations faibles mais concentrées dans les intersaisons (automne et, dans une moindre mesure, printemps) et des températures moyennes comprises entre 9 °C les nuits d'hiver et 33 °C les journées d'été. Les secteurs d'altitude connaissent plutôt un climat montagnard avec des chutes de neige fréquentes en hiver. L'air chargé en humidité de la mer Tyrrhénienne peut parfois provoquer de fortes précipitations sur le versant occidental des montagnes tandis que l'air chaud en provenance d'Afrique rend la côte est de la Calabre beaucoup plus sèche. Les montagnes divisent véritablement la région en deux ensembles climatiques distincts : le versant oriental présente des écarts de température quotidienne plus larges (journées plus chaudes mais nuits plus fraîches) que le versant occidental et ce dernier est plus souvent arrosé par la pluie en automne lorsque les nuages buttent contre les montagnes, qui les empêchent d'atteindre l'est de la région.

Géologie[modifier | modifier le wikicode]

Carte géotectonique de la Méditerranée centrale et de l'arc calabrien d'après Janpieter Van Dijk.

La Calabre est traditionnellement considérée comme appartenant à « l'arc calabrien », un domaine géotectonique en forme d'arc s'étendant du sud de la Basilicate jusqu'au nord-est de la Sicile en incluant les monts Péloritains (certains chercheurs l'intègrent dans un plus vaste ensemble qui va de Naples au nord jusqu'à Palerme au sud-ouest). La Calabre présente un socle de roches cristallines et métamorphiques datant du Paléozoïque au plus tôt et recouvert de sédiments au Néogène. Des études ont révélé que ces roches constituent la couche supérieure d'un empilement de roches dominant les Apennins et les Maghrébides siciliennes.

L'évolution néogène du système méditerranéen central est marquée par une migration de l'arc calabrien vers le sud-est, débordant ainsi sur la plaque africaine.

La géologie calabraise est étudiée depuis plus d'un siècle alors que les travaux antérieurs étaient essentiellement consacrés à l'évolution des roches du socle de la région. Les successions sédimentaires du Néogène étaient simplement considérées comme un remplissage « post-orogénique » de caractéristiques de tension « néotectoniques ».

La région connaît une activité sismique élevée. Certains chercheurs soutiennent ainsi que le processus de subduction est toujours en cours, ce qui reste débattu.

Histoire[modifier | modifier le wikicode]

L'un des plus anciens témoignages d'occupation humaine de l'Italie est attesté en Calabre, où l'Homo erectus s'est développé près des côtes vers 700 000 av. J.-C. Durant la période paléolithique, à l'âge de pierre, des hominidés ont réalisé le « Bos primigenius », une figure de taureau gravée il y a environ 12 000 ans dans la pierre de la grotte du Romito, à Papasidero. À l'aube de la période néolithique, des premiers villages furent fondés vers 3 500 av. J.-C.

Antiquité[modifier | modifier le wikicode]

À voir aussi : Colonisation grecque

La Grande-Grèce en 280 av. J.-C.

Vers 1 500 av. J.-C., les Œnôtres (« cultivateurs de vigne ») s'installent dans la région. Des sources anciennes affirment qu'il s'agissait de Grecs conduits sur place par leur roi Œnotros. En l'absence de sources fiables concernant cette affirmation, on continue de privilégier l'hypothèse selon laquelle il s'agissait d'un peuple italique. À partir du VIIIe siècle av. J.-C., des colons grecs ont fondé un certain nombre de colonies sur les côtes du sud de l'Italie. En Calabre, les Grecs se sont notamment établis à Sybaris (actuelle Sibari), Hipponion (Vibo Valentia), Kaulon (Monasterace), Locri Epizefiri (Locri), Kroton (Crotone), Laüs (Santa Maria del Cedro), Medma (Rosarno), Metauria (Gioia Tauro), Rhêgion (Reggio de Calabre), Scylletium (Borgia), Temesa (Campora San Giovanni), Terina (Nocera Terinese) et Thourioï (Corigliano Calabro).

Rhêgion et Metauria ont chacune vu la naissance de l'un des neuf poètes lyriques grecs, respectivement Ibycos et Stésichore. Quant à Kroton, elle a engendré de nombreux athlètes de haut rang vainqueurs des jeux olympiques et de plusieurs autres compétitions des jeux panhelléniques. Parmi ces grands athlètes figuraient le fameux Milon de Crotone, qui a remporté six épreuves de lutte lors des jeux olympiques consécutifs ainsi que sept épreuves aux jeux pythiques, neuf épreuves aux jeux néméens et enfin dix épreuves aux jeux isthmiques, ainsi qu'Astylos de Crotone, qui a remporté six épreuves de course à pied lors de trois jeux olympiques successifs. Grâce à Alcméon de Crotone et à Pythagore (tous deux philosophes et mathématiciens), qui s'y sont installé vers 530 av. J.-C., la cité de Kroton est devenue un centre intellectuel renommée dans les domaines de la philosophie, des sciences et de la médecine. Les Grecs de Sybaris ont créé le concept de « propriété intellectuelle » et fondèrent une vingtaine d'autres colonies, dont Poseidonia (Paestum en latin, sur la côte tyrrhénienne de la Lucanie) et Laüs. Locri était renommée pour sa part pour avoir été la cité où Zaleucos créa le « code Locrien », première loi grecque en Occident, et où est née la poétesse Nossis.

Toutes ces cités grecques subirent la pression des Lucaniens qui conquirent le nord et l'intérieur du centre de la Calabre après avoir vaincu Thourioï dans les environs de Laüs en 390 av. J.-C. Quelques décennies plus tard, ce sont les Bruttiens qui profitèrent de l'affaiblissement des cités grecques, trop occupées à se faire la guerre entre elles, pour s'emparer successivement d'Hipponion, Terina et Thourioï. Les Bruttiens se sont alliés aux Lucaniens pour combattre Alexandre Ier d'Épire, venu défendre la cité de Tarente (dans les Pouilles). Agathocle de Syracuse reconquit Hipponion et contraignit les Bruttiens qui l'occupaient à accepter des conditions de paix défavorables pour eux, non sans avoir ravagé les côtes de Calabre avec sa flotte. À la mort d'Agathocle, les Lucaniens et les Bruttiens dévastèrent à nouveau la cité de Thourioï, qui sollicita l'aide de Rome en 282 av. J.-C. Cette dernière accepta d'y envoyer des forces en garnison, c'est l'épisode qui déclenchera la guerre de Pyrrhus. En effet, cette main tendue de la part de Rome n'était pas totalement désintéressée puisque après avoir conquis le centre et une partie du nord de l'actuelle Italie, la cité latine cherchait encore de nouvelles terres arables.

Guerre de Pyrrhus[modifier | modifier le wikicode]

Expansion romaine en Italie de 500 à 218 av. J.-C.

Lors de la guerre de Pyrrhus (280-275 av. J.-C.), les Lucaniens et les Bruttiens se rangèrent aux côtés du roi d'Épire en lui fournissant des contingents qui combattirent dans son armée. Après leur défaite, pour minimiser les représailles des Romains, les Bruttiens se soumirent volontairement à eux leur cédèrent la moitié de la Sila, plateau montagneux déjà précieux pour ses riches ressources en bois. Rome va par la suite soumettre le reste du sud de l'Italie par des traités avec les différentes cités grecques.

Guerres puniques[modifier | modifier le wikicode]

Article détaillé : Guerres puniques

Alliés d'Hannibal (bleu) pendant la deuxième guerre punique.

Pendant la deuxième guerre punique (218-201 av. J.-C.), les Bruttiens s'allièrent à Hannibal qui envoya l'un de ses généraux chercher du soutien en Calabre. Ce dernier refit marche vers Capoue (en Campanie) accompagné de soldats bruttiens pour les faire rencontrer Hannibal au plus près du front mais ils furent vaincus par leurs ennemis en chemin. Constatant que sa campagne d'Italie est en train d'aboutir à une impasse, Hannibal se retire en Calabre, dont les montagnes escarpées lui assurent une certaine protection face aux légions romaines. Il installa son quartier général à Kroton et y demeura pendant quatre ans avant d'être rappelé à Carthage. Les Romains lui auraient livré une ultime bataille aux abords de Kroton mais les détails nous en sont inconnus. Les Bruttiens se rendirent une nouvelle fois aux Romains et la Calabre fut placée sous commandement militaire.

Époque romaine[modifier | modifier le wikicode]

Carte du sud de l'Italie à l'époque romaine.

Près d'une décennie après la guerre, les Romains établissent quelques colonies en Calabre : Croto (latinisation de Kroton) en 194 av. J.-C., Copiae à l'emplacement de Thourioï, déchue, en 193 av. J.-C. et Vibo Valentia à l'emplacement d'Hipponion en 192 av. J.-C.

À la fin du Ier siècle av. J.-C., lorsque l'empereur romain Auguste divise l'Italie en régions, la Calabre est placée dans la Regio III Lucania et Bruttii alors que le nom de Calabria sert encore à désigner la péninsule du Salento, au sud des Pouilles.

Après avoir pillé Rome en 410, Alaric Ier, roi des Wisigoths, se rendit en Calabre avec l'intention de traverser la mer jusqu'en Afrique. Ses intentions furent déjouées lorsqu'il contracta le paludisme et il mourut de fièvre à Cosentia (Cosenza). La légende raconte qu'il fut enterré avec le trésor pillé de Rome sous le lit de la rivière Busento.

Moyen Âge[modifier | modifier le wikicode]

Le thème, ou duché, de Calabre.

Après la chute de la partie occidentale de l'Empire romain en 476, l'Italie est envahie par les barbares germaniques sous le commandement d'Odoacre avant d'intégrer le royaume Ostrogoth en 489. Les rois ostrogoths régnant officiellement en tant que Magistri militum des empereurs byzantins, c'est ces derniers qui régnaient de fait sur la péninsule italienne et qui y légiféraient les lois primaires. Ainsi, au cours du VIe siècle, sous le règne des Ostrogoths, la vie culturelle romaine a continué de prospérer sous l'égide de Cassiodore (romain originaire de Calabre) qui, à l'instar de Boèce et de Symmaque, s'est imposé comme l'un des hommes les plus éminents de son temps. Administrateur, érudit et historien né à Scylletium (près de Catanzaro), il a consacré la majeure partie de sa carrière à tenter de combler les fossés culturels entre l'Orient et l'Occident, les cultures grecque et latine, mais aussi entre les Romains et les Goths, le christianisme officiel et l'arianisme des Ostrogoths, qui était jusqu'alors proscrit. Il installe son Vivarium (monastère) à Scylletium, où il a supervisé la compilation de trois éditions de la Bible en latin. Voyant l'intérêt pratique de réunir tous les livres de la Bible en un seul volume, il fut le premier à effectuer cette tâche en langue latine. La plus connue des ces éditions est celle du Codex Grandior, l'ancêtre de toutes les bibles occidentales modernes.

Cassiodore était au cœur de l'administration du royaume ostrogoth. Théodoric le fit quaestor sacri palatii (questeur du palais sacré, haute autorité judiciaire) en 507, gouverneur de Lucanie et du Bruttium, consul en 514 et magister officiorum (maître des offices, l'une des plus hautes fonctions dans l'administration du royaume) en 523. Il fut préfet du prétoire (ministre en chef) sous les successeurs de Théodoric : sous Athalaric (petit-fils de Théodoric, qui régna de 526 à 534) puis Théodat (neveu de Théodoric, 534-536) et Vitigès (petit-fils de Théodoric, 536-540). Les œuvres majeures de Cassiodore, outre les bibles susmentionnées, étaient l'Historia Gothorum, une histoire des Goths, les Variae, récit de sa carrière administrative, et les Institutiones divinarum et saecularium litterarum, une introduction à l'études des textes sacrés et des arts libéraux, trois ouvrages qui eurent une très grande influence sur les cercles intellectuels du Moyen Âge.

L'empereur byzantin (ou romain oriental) Justinien Ier reprend l'Italie aux Ostrogoths entre 536 et 556. Les Byzantins en reperdirent rapidement une grande partie au profit des Lombards entre 568 et 590 mais conservèrent le sud pendant environ 500 ans, jusqu'en 1071, où leur culture a prospéré et a permis au grec de s'y affirmer comme langue officielle et vernaculaire. En Calabre, certaines villes telles que Stilo, Rossano ou San Demetrio Corone ont acquis un haut statut religieux. À partir du siècle suivant, de nombreux monastères furent édifiés dans les vallées de l'Amendolea et de Stilaro tandis que Stilo devenait le principal centre religieux de la région, fréquenté par un grand nombre d'ermites et de moines basiliens. Beaucoup d'églises byzantines sont encore visibles en Calabre. Celle de Rossano, qui date du Xe siècle, ainsi que celle de Sant'Adriano à San Demetrio Corone (fondée en 955 puis reconstruite par les Normands sur les fondations encore visibles de l'église byzantine préexistante) sont considérées comme les églises byzantines les mieux préservées d'Italie. Elles ont toutes deux étaient construites par saint Nil de Rossano comme refuge pour les moines qui vivaient dans les grottes de tuf situées en contrebas. Le nom actuel de la Calabre lui vient du duché de Calabre qui est fondé à cette époque.

Vers l'an 800, les Sarrasins tentèrent d'arracher le contrôle de la Calabre aux Byzantins en y lançant des raids dévastateurs après avoir déjà réussi à conquérir la Sicile. Les habitants des côtes se sont retirés vers les montagnes pour fuir les invasions arabes et bien que ces derniers n'aient jamais réussi à s'implanter avec succès dans la totalité de la région, ils sont parvenus à prendre certaines villes côtières. En 903, les Sarrasins capturèrent Catanzaro où ils fondèrent le petit émirat de قطنصار (Qaṭanṣār). La présence musulmane y a été mise en évidence par la découverte d'une nécropole contenant des objets qui portaient des inscriptions arabes. Vers 1050, Catanzaro se rebelle contre ses occupants sarrasins et retourne pour une brève période sous contrôle byzantin. En 918, ils capturèrent Reggio (rebaptisée ريو, Riyū) et rançonnèrent ou réduisirent en esclavage la majorité de ses habitants. Cette sombre période d'invasions arabes aura toutefois permis d'enrichir la cuisine calabraise qui adopta à cette époque certaines habitudes alimentaires incluant des alimentes orientaux : les agrumes ou les aubergines par exemple. Des épices exotiques telles que le clou de girofle et la muscade sont également introduites à cette époque.

À partir de la fin du IXe siècle, toujours sous la domination byzantine, la Calabre devient l'une des premières régions d'Europe à pratiquer la sériciculture (production de la soie). Selon André Guillou, les mûriers destinés à nourrir les vers à soie ont été introduits dans le sud de l'Italie par les Byzantins. Vers 1050, le thème de Calabre comptait 24 000 mûriers cultivés pour leur feuillage et leur production tendait à augmenter.

Château de Gioiosa Jonica.

Dans les années 1060, les Normands, menés par les frères Robert Guiscard et Roger Ier de Sicile, établirent une marche frontalière en Calabre et y organisèrent une administration sur le même modèle que celle de l'Empire romain d'Orient, dirigée par l'aristocratie locale. Il convient de souligner que les Normands ont conquis la Calabre et le sud de l'Italie environ six ans avant l'Angleterre. L'objectif de cette conquête était de jeter les bases des croisades 30 ans plus tard avec la création de deux royaumes normands en Sicile et à Jérusalem. Les navires croisés se rendant en Terre Sainte faisaient escale en Calabre. La région s'enrichit et est embellie par les familles nobles d'Angleterre et de France qui y font construire de magnifiques palais pour leur servir de résidences sur la route vers la Terre Sainte. Bohémond, fils de Guiscard né à San Marco Argentano, fut l'un des principaux meneurs de la première croisade. La Calabre, bien que ne se trouvant pas directement sur l'itinéraire de la Via Francigena (route de pèlerinage reliant Canterbury à Rome), était la destination logique des croisés qui, vivant, priant et s'entraînant, embarquaient soit par la Calabre, la Basilicate ou les Pouilles pour se rendre en Orient.

En 1098, Roger Ier de Sicile fut nommé légat apostolique par le pape Urbain II et son fils Roger II de Sicile devint le premier monarque de ce qui allait devenir le royaume de Sicile pendant plus de 700 ans. Sous les Normands, le sud de l'Italie fut unifié en un seul royaume dominé par le système féodal dans lequel les riches seigneurs étaient propriétaires des terres et les paysans vivaient en effectuant leurs travaux agricoles.

En 1147, Roger II de Sicile attaqua Corinthe et Thèbes, deux centres byzantins majeurs de production de la soie, et captura ses tisserands et leurs matériaux pour refaire prospérer la soierie calabraise, qui avait commencé à montrer des signes de déclin depuis la conquête normande.

En 1194, Frédéric II prend possession du royaume après en avoir hérité par sa mère Constance, reine de Sicile. Sous son règne la culture, la philosophie et les coutumes calabraises connut un nouvel essor pendant qu'il fit construire de nouveaux châteaux tout en fortifiant ceux qui avaient été édifiés par les Normands auparavant. À sa mort, en 1250, la Calabre passe aux mains de la maison capétienne d'Anjou sous le règne de Charles Ier d'Anjou, qui reçoit la couronne sicilienne de la part du pape Clément IV. En 1282, la Calabre devient un domaine du royaume de Naples, et non plus de celui de Sicile qui a pris son indépendance du monarque angevin lors de la rébellion des Vêpres siciliennes. Au XIVe siècle naissent Barlaam de Seminara, qui enseignera le grec à Pétrarque, et son disciple Léonce Pilate, qui traduira les œuvres d'Homère pour les faire lire à Boccace.

Tandis que la culture du mûrier en était encore à ses balbutiements dans le nord de l'Italie, la production de soie calabraise atteignait son apogée et comptait pour 50 % de la production européenne totale. Le climat rigoureux d'Europe du Nord empêchant le mûrier de croître dans les régions continentales, les commerçants nordiques se rendaient en Calabre pour y acheter la matière première (la soie), finir les produits par leurs propres soins et la revendre à un meilleur prix. Les artisans génois utilisaient la soie calabraise pour leur fine production de velours. La ville de Catanzaro, particulièrement, approvisionnait toute l'Europe en soie et était vendue dans les grands marchés espagnols, vénitiens et génois. Elle devint également la capitale européenne de la dentelle et avait notamment la charge de produire le linge de maison utilisé au Vatican. Outre la soie, velours, damas et brocarts ont fait la renommée du savoir-faire artisanal de Calabre.

Époque moderne[modifier | modifier le wikicode]

Plan de Monteleone di Calabria (actuelle Vibo Valentia) en 1710.

La renommée des maîtres tisserands de Catanzaro se répandit ensuite dans toute la France et le roi Louis XI fit appel à eux en 1466 afin de développer l'industrie française de la soie à Lyon. En 1470, l'un de ces tisserands, connu en France comme Jean le Calabrais, inventa le plus ancien prototype d'un métier à tisser de type Jacquard, capable de travailler les fils plus rapidement.

Dès 1442, Alphonse V de la couronne d'Aragon, qui régnait sur la Sicile voisine, souhaitait prend pied sur la péninsule italienne. Cet objectif sera accompli en 1501 par Ferdinand II d'Aragon dont l'épouse, la reine Isabelle de Castille, est restée célèbre pour avoir parrainé la première expédition de Christophe Colomb en 1492. Dès lors, la Calabre souffrit beaucoup de la domination aragonaise qui lui imposait de lourdes taxes. Parallèlement, elle eut à subir d'autres malheurs du fait des conflits entre aristocrates, de la famine et des épidémies. Après une brève période sous la tutelle des Habsbourg autrichiens à partir de 1700, la Calabre passa sous le contrôle des Bourbons espagnols en 1735. C'est au XVIe siècle que le médecin et astronome calabrais Luigi Giglio créa le calendrier grégorien.

Charles Quint reconnut formellement la nécessité de développer l'industrie de la soie de Catanzaro en 1519 et autorisa pour ce faire la ville à établir un consulat chargé de réglementer et de contrôler les différentes étapes de production qui prospéra encore tout au long des deux siècles à venir. Au moment de la création de la corporation, la ville déclarait posséder plus de 500 métiers à tisser. En 1660, alors qu'elle comptait environ 16 000 habitants, son industrie de la soie occupait au moins 5 000 personnes. La soie et les différents textiles de Catanzaro n'étaient pas seulement vendus sur les marchés du royaume de Naples, mais aussi à Venise, en France et en Espagne. La Calabre connaît alors un fort développement démographique et économique grâce à la demande croissante de produits en soie et à la croissance simultanée des prix qui en faisaient l'un des marchés méditerranéens de textile les plus florissants.

En 1563, le philosophe calabrais Bernardino Telesio publia « De la nature des choses selon leurs principes propres » et fut le pionnier de l'empirisme moderne. Son œuvre influencera celles de Francis Bacon, René Descartes ou encore Giordano Bruno. En 1602, le philosophe et poète Tommaso Campanella écrivit sa célèbre utopie La Cité du Soleil et prendra plus tard la défense de Galilée dans son Apologie en 1616. En 1613, le le philosophe Antonio Serra écrivait son Breve trattato delle cause che possono far abbondare li regni d’oro e d’argento dove non sono miniere (Court traité sur la richesse et la pauvreté des nations) et a été l'un des pionniers de la tradition mercantiliste.

Au XVIIe siècle, la soie de Calabre commence à souffrir de la rude concurrence que lui mènent les autres régions de la péninsule italienne et la France.

En 1783, une succession de tremblements de terre causa environ 50 000 morts et de nombreux dégâts dans toute la Calabre. Les destructions matérielles furent telles que la plupart des bâtiments historiques actuels datent de la reconstruction qui a suivi ce drame.

Populations arberèches (albanaises) de Calabre vers 1800.

À la fin du XVIIIe siècle, Napoléon Bonaparte envahit la Calabre et confia le royaume de Naples à son beau-frère Joachim Murat, qui conserva le royaume jusqu'à la restauration des Bourbons en 1815. En 1844, la population calabraise était de 1,1 million d'habitants.

Les provinces du royaume des Deux-Siciles.

La région est secouée par de multiples révoltes paysannes lors du Printemps des peuples en 1848. Ces révolutions européennes ouvriront la voie à l'unification italienne en 1861, lorsque le royaume des Deux-Siciles sera annexé par les troupes de Giuseppe Garibaldi. L'Aspromonte fut le théâtre de l'une des batailles les plus emblématiques de l'unification italienne.

Époque contemporaine[modifier | modifier le wikicode]

Garibaldi blessé dans l'Aspromonte.

Le 19 août 1860, la Calabre est envahie depuis la Sicile par Giuseppe Garibaldi et ses chemises rouges dans le cadre de l'Expédition des Mille. Le roi François II de Naples riposta en envoyant 16 000 soldats pour capturer les chemises rouges qui, malgré leur large infériorité numérique (3 500), remportèrent une bataille décisive sur les troupes royales à Reggio, dont les habitants acclamèrent Garibaldi en libérateur face au régime oppressif de Naples. La Calabre et le reste du royaume des Deux-Siciles sont incorporés en 1861 au royaume d'Italie. Depuis le sud, Garibaldi prévoyait d'achever le Risorgimento en envahissant Rome, toujours sous l'autorité du pape et protégée par une garnison française mais le roi Victor-Emmanuel II estima qu'une guerre avec la France serait trop dangereuse pour le jeune royaume et, le 29 août 1862, les troupes garibaldiennes sont attaquées par le Regio Esercito (armée royale italienne) dans l'Aspromonte. Cette bataille s'est soldée par la défaite des chemises rouges, dont bon nombre seront exécutées tandis que Garibaldi lui-même s'est retrouvé grièvement blessé.

Au sein du royaume d'Italie nouvellement unifié, il existait des différences significatives de développement économique entre le nord et le Mezzogiorno (sud). La Calabre, comme le reste du Mezzogiorno, a souvent été négligée par Rome qui la jugeait désespérément arriérée et pauvre. À la fin du XIXe siècle, environ 70 % de la population du sud était encore analphabète étant donné que le gouvernement italien n'avait jamais investi d'argent dans l'éducation au sud de Rome. L'Église catholique avait interdit, sous peine d'excommunication, aux hommes de voter aux élections italiennes (les femmes n'auront le droit de vote qu'en 1946) en raison de la question romaine qui perdure jusqu'en 1903. Alors que la fervente population catholique de Calabre avait tendance à boycotter les élections, les députés élus dans la région étaient à la botte du système clientéliste ne représentant guère que les intérêts de l'aristocratie foncière. Tous les députés du Mezzogiorno ont voté contre l'investissement d'argent pour l'éducation, estimant qu'une population instruite exigerait des changements qui menaceraient la mainmise économique des élites traditionnelles. En raison de la faiblesse du pouvoir de l'État, la société calabraise a été dominée à la fin du XIXe siècle par une organisation criminelle connue sous le nom 'Ndragheta qui, tout comme la mafia sicilienne ou la Camorra en Campanie, a formé un « État parallèle » qui coexistait avec le royaume italien. Entre 1901 et 1914, environ 800 000 Calabrais ont émigré, principalement vers les Amériques.

Le 28 décembre 1908, la Calabre et la Sicile furent dévastées par un tremblement de terre suivi d'un tsunami qui causa environ 80 000 morts. Quelques heures après la catastrophe, des navires des marines britannique et russe traversant la Méditerranée débarquèrent sur la côte afin de venir en aide aux survivants tandis qu'il a fallu deux jours à la Regia Marina (marine italienne) pour envoyer des renforts depuis Naples. La réponse maladroite et inefficace des autorités italiennes a contribué au nombre élevé de victimes et a suscité un fort ressentiment en Calabre. Afin de contredire les critiques désormais généralisées qui accusaient son gouvernement d'être dominé par le nord et de ne pas se soucier du sort de la Calabre, le roi Victor-Emmanuel III a mené personnellement une opération de secours et a visité les nombreux villages détruits par le séisme, ce qui a valu à la maison de Savoie un regain de popularité dans la région. Par effet domino, après que le roi ait montré l'exemple en prenant personnellement en charge les secours, les querelles entre fonctionnaires ont cessé et l'aide humanitaire a enfin été fournie avec beaucoup plus d'efficacité, ce qui est à l'origine de la gratitude que les Calabrais portent au roi Victor-Emmanuel III.

Le fascisme était plutôt impopulaire en Calabre. En décembre 1924, lorsqu'une fausse rumeur selon laquelle Benito Mussolini avait démissionné de son poste de premier ministre suite à l'affaire Matteotti se répandit à Reggio, des célébrations joyeuses eurent lieu dans toute la ville et durèrent jusqu'à l'aube. Dans la matinée, les habitants apprirent que la nouvelle était fausse et certains responsables fascistes locaux furent licenciés pour ne pas avoir réprimé les célébrations. L'aristocratie foncière et la noblesse de Calabre, bien que généralement peu engagées idéologiquement en faveur de la dictature fasciste, considéraient ce régime comme une force d'ordre et de stabilité sociale. De même, les préfets et les policiers calabrais, qui étaient plutôt conservateurs, se considéraient comme étant au service du roi avant d'être à celui de Mussolini mais soutenaient le fascisme et persécutaient les socialistes et communistes. Ainsi, les élites traditionnelles de Calabre ont rejoint le Parti fasciste afin de servir leurs propres intérêts et les branches locales du Parti étaient caractérisées par de nombreuses bousculades pour le pouvoir et l'influence entre les familles d'élite. Sous le régime fasciste, quelques camps de concentration ont été créés en Calabre afin d'incarcérer les étrangers, dont la présence en Italie était considérée comme indésirable, à commencer par les Chinois, les Juifs (mais pas les Juifs italiens) et la minorité Rom dont le mode de vie nomade était mal perçu. Si ces camps (ayant fonctionné de 1938 à 1943) n'étaient pas des "camps de la mort" et que la majorité de leurs occupants ont survécu à la guerre, les conditions de vie y étaient difficiles pour les détenus.

Le 3 septembre 1943, des troupes britanniques et canadiennes débarquèrent en Calabre dans le cadre de l'opération Baytown, marquant le premier débarquement des Alliés sur le continent italien (càd hors Sicile). Toutefois, ces débarquements faisaient office de feinte et la principale opération militaire eut lieu le 8 septembre lors du débarquement de l'armée américaine à Salerne, en Campanie, qui visait à couper les forces de l'Axe dans le Mezzogiorno. Les Allemands ayant anticipé que les Alliés débarqueraient à Salerne, la Calabre a été relativement épargnée par les combats. Les soldats italiens qui stationnaient sur place se sont rapidement rendus face à l'avancée des troupes anglo-canadiennes et les forces allemandes, occupées plus au nord, ne leur ont fourni qu'une faible assistance. En réalité, le principal obstacle à l'avancée des troupes alliées était d'ordre logistique puisque la Wehrmacht faisait systématiquement sauter les ponts et minait les routes et les voies ferrées à mesure qu'elle se retirait vers le nord. Le jour même où les Américains débarquèrent à Salerne, le général Dwight Eisenhower annonça à la radio que l'armistice de Cassibile avait été signé cinq jours plus tôt, signifiant que l'armée italienne allait cesser toute résistance. Par conséquent, les Allemands ont dû engager la plupart de leurs forces du Mezzogiorno à Salerne dans le but de repousser les Alliés vers la mer, abandonnant définitivement la Calabre aux Alliés. Sous l'occupation alliée, certains résistants fascistes en Calabre ont mené une lutte clandestine au nom de la République de Salò, mais leur nombre était assez faible étant donné que la majorité des fascistes calabrais étaient issues des familles aisées, plus préoccupés par la possibilité de réformes sociales susceptibles d'affaiblir leur pouvoir que par l'idéologie fasciste en elle-même (ardemment défendue par le prince Valerio Pignatelli). Ainsi, en juin 1944, la nouvelle de la libération de Rome fut accueillie par de nouvelles célébrations dans les rues de Reggio, cette fois perturbées par des attentats menés par les brigands fascistes.

Le 2 juin 1946, lors du référendum, la Calabre et le Mezzogiorno se prononcèrent majoritairement en faveur du maintien de la monarchie. Le système politique clientéliste de la Calabre, dans lequel les familles de l'élite traditionnelle accordaient leur bénédiction à un certain nombre de partisans qui avaient pour objectif de réprimer avec violence leurs ennemis, qui a gangrené la région tout au long des époques libérales et fascistes s'est poursuivi après 1945. La Seconde Guerre mondiale a encore plus dégradé le niveau de vie des habitants de la Calabre, qui même au sein du Mezzogiorno était vue comme l'une des régions les plus violentes et les plus pro-anarchistes. Les nombreuses tentatives des paysans calabrais de s'emparer des terres appartenant à l'élite se heurtaient la plupart du temps à l'opposition des autorités. Le 28 octobre 1949, à Melissa, la police ouvre le feu sur des paysans qui s'étaient emparés des terres d'un baron local, tuant trois hommes qui reçurent des balles dans le dos alors qu'ils tentaient de s'enfuir. De 1949 à 1966 eut lieu une nouvelle vague d'émigration qui a vu plus de 500 000 Calabrais quitter leur terre natale.

Sous la République italienne, à partir des années 1960, ont été lancés des plans d'investissement dans le cadre desquels l'État italien a parrainé l'industrialisation et a tenté d'améliorer les infrastructures de la région en construisant de nouvelles routes et chemins de fer, des ports modernes, etc. Ce plan s'est révélé être un cuisant échec car les projets d'infrastructures dépassaient largement le budget prévu à l'origine, ce qui a eu pour conséquence de faire s'éterniser les chantiers : par exemple, la construction de l'autoroute A3 visant à relier Reggio de Calabre à Salerne a débuté en 1964 mais ne s'est achevée qu'en 2016. L'échec de l'achèvement de l'autoroute A3 après des décennies d'efforts est considéré comme un scandale en Italie et la Calabre, mal desservie, est décrite comme un « cimetière industriel » où les nombreuses aciéries et usines chimiques ont mis la clef sous la porte après avoir fait faillite. De juillet 1970 à février 1971 s'est déroulée la révolte de Reggio en conséquence à la décision gouvernementale de faire de Catanzaro le nouveau chef-lieu régional. Les protestations massives ont conduit le gouvernement à adopter un compromis en faisant de Catanzaro le siège du pouvoir exécutif régional et de Reggio celui du pouvoir administratif, l'administration territoriale de la Calabre désormais divisée s'en retrouve d'autant plus inefficace. Le taux de chômage élevé dans la région empêche l'émigration de se tarir et, de nos jours, la principale exportation calabraise est sa population qui continue de s'en aller pour le nord de l'Italie et les États-Unis afin de chercher de meilleures opportunités de vie. En 2016, on estimait que 18 % des personnes nées en Calabre vivaient à l'étranger.

Économie[modifier | modifier le wikicode]

Le produit intérieur brut (PIB) de la Calabre est réparti comme suit : industrie (28,9 %), activités financières et immobilières (21,1 %), commerce, tourisme, transports et communications (19,4 %), fiscalité (11,5 %), industrie artisanale (8,8 %), construction (6,2 %) et agriculture (4,1 %). Le PIB par habitant est 2,3 fois inférieur et le taux de chômage 4 fois plus élevé qu'en Lombardie. L'économie de la Calabre repose encore grandement sur l'agriculture.

La puissance économique de la région est fortement affectée par l'infiltration de la 'Ndrangheta (organisation mafieuse locale).

Agriculture[modifier | modifier le wikicode]

Oliveraie calabraise.

La Calabre est riche sur le plan agricole et possède le deuxième plus grand nombre d'agriculteurs biologiques d'Italie derrière la Sicile.3

L'oignon rouge de Tropea est cultivé pendant la période estivale sur la côte tyrrhénienne du centre de la Calabre et dispose d'un label d'indication géographique protégée (IGP).4

L'olivier représente 29,6 % de la surface agricole calabraise environ 70 % de l'arboriculture (culture sous forme d'arbres). L'oléiculture s'étend des littoraux jusqu'au sommet des collines et aux basses montagnes. La Calabre est la deuxième plus grande région productrice d'huile d'olive et ses principaux cultivars sont les olives Carolea, Ogliarola et Saracena.

Trois variétés d'huile y sont protégées par une AOP : "Bruzio" dans la province de Cosenza, "Lametia" dans les alentours de Lamezia Terme et "Alto Crotonese". Quant à l'IGP "Olio di Calabria", élaborée exclusivement à partir d'olives indigènes, elle s'étend sur tout le territoire régional.

La Calabre produit également un quart des agrumes italiens, notamment des clémentines, oranges, mandarines et citrons.5 Elle est de loin la principale région italienne productrice de clémentines puisqu'elle détient 62 % de la surface agricole nationale dédiée à ce fruit (plus de 16 000 ha) et 69 % de sa production totale (438 000 tonnes/an). Ce fruit est lui aussi protégé par l'IGP "Clementina di Calabria".6 Le chinotto est surtout cultivé pour produire la boisson gazeuse du même nom.

Un cédrat.

Certains fruits hybrides dérivés du citron ne poussent qu'exclusivement en Calabre, notamment la bergamote et le cédrat.7 La côte sud de la région produit 90 % des bergamotes mondiales et une importante industrie y travaille sur l'extraction de l'essence de bergamote. Elle est cultivée de manière intensive depuis le XVIIIe siècle mais uniquement sur la bande côtière proche de Reggio, où les conditions climatiques et géologiques sont optimales.

La province de Cosenza est réputée pour ses figues "Dottato" qui servent principalement à la confection des figues séchées "Fichi di Cosenza" qui bénéficient d'une AOP.8

Dans la province de Catanzaro, entre San Floro et Cortale, l'ancienne tradition de la sériciculture (culture du mûrier pour produire de la soie) est encore vivante et se transmet toujours aux jeunes générations.

La Calabre est la principale région italienne productrice de cèpes grâce à ses vastes forêts sur les collines et montagnes du Pollino, de la Sila, des Serre et de l'Aspromonte.9 Outre la cèpe, le champignon comestible le plus commun dans la région est le lactaire délicieux. La production de châtaignes est également pratiquée dans les montagnes calabraises.

Les pêches et les nectarines de Calabre sont également très appréciées pour leur saveur et leur qualité. Si la majorité de la production s'écoule dans les marchés locaux et intérieurs, le reste est exporté vers l'Europe du Nord (Scandinavie et Allemagne).

La région possède une très ancienne tradition de culture et de production de la réglisse. 90 % de la production nationale de cette plante sont concentrées en Calabre.

Enfin, les longues côtes calabraises sont très poissonneuses et lui permettent de vendre des produits de pêche très distinctifs (poutargue de thon, espadon, etc.).

Démographie[modifier | modifier le wikicode]

Près de deux millions de personnes vivent en Calabre. La population calabraise compte 1,3 % d'étrangers principalement immigrée du Maghreb, d'Albanie mais aussi de Chine. La province la plus peuplée est celle de Cosenza avec ses 727 624 habitants.

Les communes les plus importantes sont :

Un village typiquement calabrais
Ville Population
2019
Reggio de Calabre 192 332 hab.
Catanzaro 88 435 hab.
Corigliano-Rossano 75 126 hab.
Lamezia Terme 70 341 hab.
Cosenza 66 800 hab.
Crotone 65 373 hab.
Rende 35 708 hab.
Vibo Valentia 33 068 hab.

La population calabraise vit principalement en dehors des villes, dans de nombreux villages qui embellissent le paysage calabrais.

Culture et religion[modifier | modifier le wikicode]

Piazza Italia dans le centre de Reggio Calabria

La principale religion de la Calabre est le catholicisme (comme le reste de l'Italie septentrionale et méridionale). Les Calabrais sont très attachés à leurs croyances et leurs valeurs morales. La mentalité calabraise est assez particulière.

Elle est enracinée dans l'idée d'honneur, de respect et de machisme. En effet, les pères de familles sont très jaloux envers leurs filles et ne les laissent pas sortir par peur qu'elles se fassent séduire par des garçons. En outre, l'idée de la « femme au foyer » qui doit rester à la maison pour s'occuper des tâches ménagères est encore très répandue. Mais les mentalités ont tendance à changer avec les nouvelles générations et de plus en plus de femmes travaillent.

Un grand problème de la Calabre est la 'Ndrangheta, la mafia locale. Les mafiosi obligent les commerçants à payer le « pizzo », une somme versée à la mafia en échange de protection. Souvent quand le commerçant refuse, la mafia détruit son magasin. Certains commerçants de Palerme (ville sicilienne) ont décidé de ne plus payer le « pizzo », le Gouvernement italien a donc décidé de ne plus faire payer de taxes à tout commerçant qui refuse de payer le « pizzo ». Les activités mafieuses se comptent par centaines, elles passent par la vente de stupéfiants et d'armes, par le blanchiment d'argent ou encore par la cybercriminalité (piratage et détournement de fonds sur Internet). La Ndrangheta, pour sa part, gagne chaque année 36 milliards d'euros. En Allemagne, le BND (principal service de renseignements), a déclaré que la Ndrangheta serait selon eux la mafia la plus dangereuse d'Europe.

Les Calabrais célèbrent chaque fête chrétienne différemment. À Pâques, lors du Vendredi saint, on peut assister dans les villages à des Processions qui sont des reconstitutions du dernier jour de vie du Christ (donc le Vendredi saint). À Noël, les paroisses montent une Crèche de Noël plus ou moins grande qui met en scène la Nativité, la naissance de Jésus-Christ. Chaque Calabrais se fait baptiser, communier, confirmer et se marie selon les règles catholiques. Les enterrements sont aussi un rite typiquement calabrais, les femmes portent un ensemble noir et un foulard qu'elles portent sur la tête. On assiste là aussi à une procession mais différente, on suit la voiture dans lequel le cercueil est mis jusqu'au cimetière. Le deuil peut durer plusieurs jours.

Langues et dialectes de Calabre[modifier | modifier le wikicode]

La population parle couramment le dialecte calabrais, mais qui a, comme de nombreux autres dialectes italiens, rien d'officiel. Bien que le calabrais est principalement parlé en Calabre, on peut le retrouver dans le nord de l'Italie et dans d'autres pays dans les communautés immigrées calabraises. On trouve des racines grecques et arabes dans ce dialecte, mais aussi des racines françaises. Ceci est dû au fait des invasions grecques, arabes (en Sicile) et normandes. En Calabre, il y a des minorités linguistiques reconnues par l'État, ces langues sont :

Ces langues sont protégées par l’État et toute personne a le droit de les parler sans crainte de répressions. Néanmoins le grecanique est une langue à risque d’extinction, de moins en moins de personnes la parlent. Des associations se sont organisées pour essayer de la sauver.

Drapeau de la Calabre[modifier | modifier le wikicode]

Drapeau de la Calabre

Le blason ovale sur le drapeau calabrais a été adopté en version définitive le 15 juin 1992. Dans ce blason, on peut voir :

  • Le Larix (en haut), arbre typiquement calabrais qui représente les beautés naturelles de la Calabre
  • Le chapiteau dorique (en bas), symbolise la splendide période de la Magna Graecia et son héritage
  • La croix byzantine (à gauche) rappelle la longue période à laquelle la Calabre fit partie de l'Empyre Byzantin
  • La croix potencée (à droite) rappelle le courage des douze mille hommes calabrais qui participèrent à la Première Croisade 11. En effet, le drapeau du royaume de Jérusalem avait une croix potencée au milieu et une petite à chaque angle.

Gastronomie calabraise[modifier | modifier le wikicode]

La cuisine calabraise est variée, elle comporte de nombreux produits propres à la Calabre.

La 'Nduja, le salami piquant de la Calabre

Elle se base surtout sur le salami piquant. On peut par exemple déguster la célèbre 'nduja, saucisse extrêmement piquante où l'on mélange la viande avec du piment, ou encore la pancetta (équivalent du lard en italien) qui est une fine tranche de lard mais cette fois-ci douce et non pas piquante.

On peut aussi goûter de nombreux fromages tels que le pecorino calabrais, fromage plutôt salé.

De nombreuses recettes végétariennes figurent au menu de la gastronomie calabraise : les poivrons et aubergines farcies (on vide la tomate/le poivron et on remplit avec un mélange de tomates, d'oignons ou d'autres farcitures mixtes), les tomates séchées, les piments (on peut en rajouter partout, les piments sont très courants en Calabre) et la suriaca (haricots verts souvent consommés en Calabre du fait qu'ils soient pas chers et très nutritifs).

Bouteille de Brasilena

On peut voir diverses recettes de poissons, comme l'espadon (cuit sur la grille ou cuisiné en boulettes) et encore le stocco (ou baccalà) morue séchée qui peut être cuisiné frit, en salades ou à la Mammola (recette calabraise où l'on mélange le stocco à des pommes de terre, des poivrons, des olives et une sauce spéciale).

Comme dessert, on ne peut contourner le Tartufo di Pizzo, glace à la noisette modelée à la main, en forme de demi-sphère contenant du chocolat fondu à l'intérieur et recouvert de cacao en poudre. C'est un dessert calabrais exporté dans le monde entier.

La Brasilena est une boisson à base de café sans alcool. Elle est produite depuis 60 ans spécialement en Calabre, mais est exportée aussi dans le reste de l'Italie.

Comme alcools, les Calabrais ont inventé de nombreuses liqueurs comme le Vecchio Amaro del Capo avec ses herbes calabraises et le Liquorice, une liqueur douce à base de réglisse. Ces deux liqueurs sont exportées dans le monde et sont quelques-uns des nombreux symboles des produits calabrais.

Article mis en lumière la semaine du 11 août 2008.
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