Vue du petit port de Lorient

Une page de Vikidia, l’encyclopédie junior
Aller à la navigation Aller à la recherche
Vue du petit port de Lorient, huile sur toile signée au milieu, 1869, 43.5 cm x 73 cm, National Gallery of Art (Washington D.C., États-Unis).

Vue du petit port de Lorient est une huile sur toile peinte par l'artiste impressionniste Berthe Morisot en 1869 et aujourd'hui conservé à la National Gallery of Art de Washington D.C. La toile figure la sœur de l'artiste, elle aussi peintre Edma Morisot avec en arrière plan les quais du port de Lorient construit peu de temps avant.

Le tableau est offert par Berthe Morisot à Édouard Manet à son retour à Paris en 1869 et c'est vraisemblablement à ce moment qu'il commence à considérer le potentiel de Berthe, la faisant poser par la suite dans quelques uns de ses tableaux où bien la consulté artistiquement1. Le tableau a par la suite plusieurs fois changé de main appartenant à un cousin de Berthe Morisot, le financier Gabriel Thomas, en 1896 et il reste dans cette famille au moins jusqu'en 1941. Il figure dans la collection du couturier britannique, installé à Paris Edward Molynieux, et il est par la suite acquis lors d'une vente en 1955 par Ailson Mellon Bruce qui le léguera à la National Gallery of Art de Washington à sa mort en 1970.


Contexte de l'œuvre : Edma Morisot et le voyage de 1869 à Lorient[modifier | modifier le wikicode]

La Bretagne, un foyer artistique de la deuxième moitié du XIXe siècle[modifier | modifier le wikicode]

Pour en savoir plus, lis l’article : École de Pont-Aven.
Berthe Morisot, Rivière de Pont-Aven à Rosbras, 1866, huile sur toile, collection privée.

La Bretagne, tout comme la Normandie a attiré un grand nombre d'artiste dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cela est notamment dû au développement du chemin de fer notamment d'une ligne allant jusqu'à Quimper en 1863. C'est à cette même époque que des artistes américains notamment découvrent le petit village de Pont-Aven3 et y séjournent régulièrement. Les bretonneries se vendent particulièrement à cet époque au Salon4, notamment par la représentation d'une ruralité en déclin face à la Révolution industrielle. Ces artistes vont ainsi représenté la vie rural et il n'était pas rare qu'il paye les différents aubergistes en tableaux. Cet émulation dans le sud de la Bretagne va ainsi constitué ce que l'on a appelé postérieurement l'école de Pont-Aven qui s'étendra sur toute la seconde moitié du XIXe siècle.

Le premier séjour en Bretagne des sœurs Morisot remonte à 1866 dans les environs de Quimperlé non loin de Pont-Aven5, Berthe y réalise notamment une toile intitulé Rivière de Pont-Aven à Ros-Bras6 . Les sœurs Morisot séjourne probablement chez Théodore Gobillard, un militaire ayant perdu un bras au Mexique et qui a épousé leur deuxième sœur Yves Morisot6. Outre le séjour de deux mois en 1869, peu de temps après le mariage de sa sœur Edma7, Berthe retourna régulièrement en Bretagne notamment pour rendre visite à ses sœurs.

Edma Morisot[modifier | modifier le wikicode]

Pour en savoir plus, lis les articles : Berthe Morisot et Edma Morisot.
Berthe Morisot, La Lecture, huile sur toile peinte en 1873, Cleveland Museum of Art (Cleveland, États-Unis. Le modèle représenté en train de lire est Edma Morisot, la soeur de Berthe
Edma Pontillon à la fenêtre, huile sur toile, 1969, National Gallery of Art (Washington D.C., États-Unis).

Berthe, tout comme ses sœurs Yves et Edma reçoive, sous l'influence de leur mère, une éducation artistique en apprenant le dessin auprès du peintre néo-classique Geoffroy-Alphonse Chocarne (un élève de Jean-Baptiste Regnault), toutefois les deux sœurs étaient insatisfait de leur professeur et leur mère les confia au peintre Joseph Guichard un élève d'Ingres8. Le professeur est impressionné par le talent des deux jeunes filles9 et ils les encouragent à se rendre au musée du Louvre pour copier les grands maîtres, c'est à ce moment là que les sœurs font la rencontre d'Édouard Manet par l'intermédiaire de Henri Fantin-Latour8. Les deux sœurs souhaitent également se mettre à la peinture en extérieur et leur professeur les présente à Camille CorotNote 1. en 1861 et les deux jeunes femmes peignent avec lui en plein air. Corot bien que trouvant du talent aux deux jeunes femmes marque une légère préférence pour le travail d'Edma11. En 1863, pour achever leur formation, Corot les confie à son élève Achille Oudinot12 et c'est à ce moment là qu'Edma se met à réaliser des portraits, dont notamment un portrait de sa sœur Berthe. L'année suivante, les deux jeunes femmes sont admises au Salon et le seront systématiquement jusqu'en 18688.

Edma se marie toutefois en 1869 avec un officier de marine Adolphe Pontillon, ami de Manet, et quitte Paris pour Lorient13. Les deux sœurs entretiennent toutefois une correspondance nourri où Edma semble parfois quelque peu nostalgique de leur association artistique14. Même si Edma ne peint plus, elle continue de poser pour les peintures de sa sœur, soit seule soit avec ses filles comme dans Le Berceau en 1872 avec Blanche ou dans la Chasse aux papillons en 1874 avec Blanche et Jeanne. Lors de son voyage à Lorient en 1869, juste après le mariage de sa sœur, Berthe réalise deux toiles avec sa sœur pour modèle : Vue du petit port de Lorient et Femme à la fenêtre où sa sœur est assise devant sa fenêtre tenant un éventail dans sa main.

Description[modifier | modifier le wikicode]

Vue photographique du même endroit prise quelques années avant en 1866
Berthe Morisot, Le Berceau, 1872, huile sur toile, musée d'Orsay (Paris, France). Cette toile fera partie des quelques toiles qu'exposera Berthe Morisot lors de la première exposition impressionniste en 1874 dans l'ancien atelier de Nadar.

La toile signée en bas au milieu B. Morisot avec une peinture plus sombre représente les quais du port de Lorient construit par la ville entre les années 1805 et 186315 et notamment le quai des Indes tandis que l'artiste se trouve sur le quai de Rohan. Il s'agit d'une toile rectangulaire dans un format allongé horizontalement (48 x 72 cm) assez classique pour ce genre de tableau. Le parapet au premier plan vient couper le tableau en deux avec d'un côté une femme au teint pâle assise dessus et de l'autre le paysage.

Le modèle de la jeune femme tenant une ombrelle est la sœur de Berthe, Edma qui pose ici dans une robe blanche, légèrement coupé par le cadrage choisi par l'artiste, avec des manches longues et qui descend jusqu'aux chevilles. L'ombrelle qu'elle tient de la main gauche est de la même couleur que sa robe. Elle porte en outre un chapeau noir avec une légère touche de blanc, laissant suggérer qu'il est agrémenté d'une fleur. La moitié supérieur de son corps jusqu'à mi-cuisse se trouve dans l'ombre crée par l'ombrelle. Elle pose de profil, sa main droite appuyé sur le mur, les jambes inclinés vers la droite du tableau, et son regard est baissé en direction de l'eau en contrebas.

Camille Corot, Pont et moulin près de Mantes, huile sur toile, circa 1860-1865, Neue Pinakothek (Munich, Allemagne).

Le reste du tableau est occupé par la représentation du port de Lorient dans des tons bruns et gris qui tranche un peu avec le bleu du ciel qui se reflète également dans le bassin à flot du port. Au second plan, on distingue des bateaux de pêche au mouillage munies d'un ou deux mâts et à la coque noire. En fond on distingue le marché au poisson peu animée, avec seulement deux personnages visibles16. De l'autre côté, le quai des Indes est bordé d'une longue rangées d'arbres et d'un groupe de bâtiments dont on ne distingue que le haut voire uniquement les toits, on peut toutefois identifier au loin la tour de la Découverte dans le coin supérieur gauche16.

Analyse de l'œuvre[modifier | modifier le wikicode]

La représentation d'une figure féminine (tel que ses sœurs, sa nièce et plus tard sa fille avec un paysage flou en arrière plan est typique de l'oeuvre de Berthe Morisot et l'on peut voir dans cette répartition laissant une large place au paysage une trace de l'influence de son professeur Camille Corot après avoir eut comme professeur Joseph Guichard. L'usage de blancs détrempés agrémentés de touches de rose l'est tout autant chez cet artiste. Tout comme dans Le Berceau réalisé quelques années plus tard et où Edma Morisot pose de nouveau, le personnage semble avoir le regard dans le vague emprunt d'une certaine mélancolie peut être lié à son mariage et à sa maternité future qui l'a conduit à renoncé à la peinture.

Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

Sur l'impressionnisme[modifier | modifier le wikicode]

Autres œuvres de Berthe Morisot[modifier | modifier le wikicode]

Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

Sources[modifier | modifier le wikicode]

  • Marie-Louise Bataille, Georges Wildenstein et Denis Rouart, Berthe Morisot : catalogue raisonné des peintures, pastels et aquarelles, Paris, Wildenstein Institute, 1961, 306 p. Consultable en ligne.
  • Joséphine Bindet, Berthe Morisot, Éditions Place de la Victoire, 2019, 188 p.
  • Dominique Bona, Berthe Morisot : Le Secret de la femme en noir, Éditions Grasset, 2000, 347 p.
  • Axelle Corty, « Berthe Morisot : une vie pour la peinture », Connaissance des arts, 14 janvier 2020 Consultable en ligne
  • Denise Delouche, Les peintres de la Bretagne, Palantines, octobre 2011, 352 p.
  • Théodore Duret, Histoire des peintres impressionnistes, Floury, 1922, 208 p.
  • Sophie Monneret, L'Impressionnisme et son époque, vol. 2, t. 1, Paris, Robert Laffont, 1987, 997 p.
  • Sylvie Patry, Berthe Morisot, coédition Flammarion et Musée d'Orsay, 2019, 312 p. Catalogue de la rétrospective organisée par le musée d'Orsay sur l'œuvre de Berthe Morisot.
  • Stuckey Scott Lindsay (trad. de l'anglais), Berthe Morisot : rétrospective au Mount Holyoke College Art Museum et National Gallery of art Washington, New York et Paris, Hudson Hill Press et éditions Herscher, 1987, 277 p.
  • Notice de l'œuvre sur le site de la National Gallery of Art

Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Armand Fourreau indique que les soeurs Morisot furent présenté à Corot puis a Oudinot par l'intermédiaire du premier, tandis qu'Armand Fourreau indique l'inverse10

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Dominique Bona, Berthe Morisot : Le Secret de la femme en noir, Éditions Grasset, 2000, p. 112
  2. Portrait de Berthe Morisot étendue, notice de l'oeuvre sur le site internet du musée Marmottant-Monet
  3. (en) Artists and Pont-Aven
  4. La Bretagne sous l'oeil du Salon au XIXe siècle
  5. Denise Delouche, Les peintres de la Bretagne, Palantines, octobre 2011, p. 332
  6. 6,0 et 6,1 Marie-Louise Bataille, Georges Wildenstein et Denis Rouart, Berthe Morisot : catalogue raisonné des peintures, pastels et aquarelles, Paris, Wildenstein Institute, 1961, pp. 18-19
  7. Jacqueline Duroc et Léo Kerlo, Peintres des côtes de Bretagne : Tome 5 : De la rade de Lorient à Nantes, Chasse-Marée, octobre 2007
  8. 8,0 8,1 et 8,2 Théodore Duret, Histoire des peintres impressionnistes, Floury, 1922
  9. Stuckey Scott Lindsay (trad. de l'anglais), Berthe Morisot : rétrospective au Mount Holyoke College Art Museum et National Gallery of art Washington, New York et Paris, Hudson Hill Press et éditions Herscher, 1987, p.17
  10. Armand Fourreau, Berthe Morisot, Paris, Frédéric Rieder, 1925, p.16
  11. Sophie Chauveau, Manet : le secret, Paris, Télémaque, 2014, pp. 181-183.
  12. Dominique Bona, Berthe Morisot : le secret de la femme en noir, Grasset, 2000.
  13. Sophie Monneret, L'Impressionnisme et son époque, vol. 2, t. 1, Paris, Robert Laffont, 1987, p. 596
  14. Monique Agoulvent, Berthe Morisot, Albert Morancé, 1933.
  15. Bassin à flot, Lorient sur le site Topic Topos
  16. 16,0 et 16,1 Article de blog sur la représentation de la ville de Lorient par les peintres
Peinture - palette - pinceaux.jpg Portail de la peinture —  Tous les articles sur la peinture.
Portail de la Bretagne —  Accédez au portail sur la Bretagne.
Portail du XIXe siècle - Tous les articles concernant les années 1801 jusqu'à 1900.