Roman von Ungern-Sternberg

Une page de Vikidia, l’encyclopédie junior
Aller à la navigation Aller à la recherche
Super article Tu lis un « super article ».
Tu lis un « Super Article ».
Roman von Ungern-Sternberg
Ungern en 1919 (à 33 ans), deux ans avant sa mort.
Ungern en 1919 (à 33 ans), deux ans avant sa mort.
Nom de naissance Robert-Nicholas-Maximilian von Ungern-Sternberg
Surnom Le Baron Fou
Le Baron Sanglant
Le Dieu de la guerre
Date de naissance 10 janvier 1886 (selon le calendrier grégorien occidental)
29 décembre 1885 (selon le calendrier julien russe)
Lieu de naissance Graz (Autriche-Hongrie Autriche-Hongrie)
Date de décès 15 septembre 1921
Lieu de décès Novonikolaïevsk (République socialiste fédérative soviétique de Russie RSFS de Russie)
Carrière militaire
Origine Autriche-Hongrie Autriche-Hongrie
Allégeance Empire russe Empire russe
Mongolie autonome Mongolie autonome
Grade Major-général
Commandant de la Division asiatique
Années de service 1908 - 1921
Commandement Division asiatique
Distinctions Ordre impérial et militaire de Saint-Georges Ordre de Saint-Georges
Ordre de Sainte-Anne Ordre de Sainte-Anne
Famille Famille von Ungern-Sternberg
Blason de la famille von Ungern-Sternberg.
Blason de la famille von Ungern-Sternberg.
voir modèle • modifier

Roman Fiodorovitch von Ungern-Sternberg (en russe, jusqu'en 19181 : Романъ Ѳёдоровичъ фонъ Унгернъ-Штернергъ, et, après 1918, Роман Фёдорович фон Унгерн-Штернерг, Roman Fiodorovitch fon Ungern-Shternberg2), surnommé le Baron Sanglant ou le Baron Fou, est né le 10 janvier 18863 à Graz en Autriche-Hongrie, et mort exécuté le 15 septembre 1921 à Novossibirsk en RSFS de Russie. Il est d'origine germano-balte et officier de l'Empire russe.

Considéré comme un précurseur du nazisme de par ses idées radicales, mystiques, bouddhistes et antisémites, Roman von Ungern-Sternberg est notamment connu pour avoir combattu les Bolcheviks, mais aussi la Chine et les communistes mongols lors de la guerre civile russe.

Il a fasciné de nombreux auteurs et artistes, qui se sont inspirés de son odyssée en Mongolie, où il est, aujourd'hui, quasiment regardé comme un héros national.

Biographie[modifier | modifier le wikicode]

Origines[modifier | modifier le wikicode]

Blason de la famille von Ungern-Sternberg, datant de 1882. On peut y lire la devise en latin : « Nescit occasum » (« Qui ne connaît pas de déclin »).

La famille von Ungern-Sternberg est une ancienne famille noble germano-balte, c'est-à-dire d'origine allemande mais établie dans les pays Baltes. Les Ungern-Sternberg, eux, sont établis en Estonie, qui faisait alors partie de l'Empire russe. La lignée est fondée au XIIIe siècle par Hans von Ungern-Sternberg, décrit comme un chevalier Porte-Glaive par Roman. En 1653, la reine Christine de Suède donne aux seigneurs Ungern-Sternberg le titre de noblesse de baron (Freiherr en allemand). La devise de la famille est : « [Leur étoile] ne connaît pas de déclin » (Nescit occasum en latin).

Ungern lui-même dira plus tard au journaliste Ferdinand Ossendowski que sa famille a des origines hongroises et qu'elles remontent même jusqu'à Attila et aux Huns. C'est évidemment une invention, mais elle jouera un rôle dans l'idéologie d'Ungern. Ce dernier parle de sa famille comme d'une « race guerrière de chevaliers enclins au mysticisme et à l'ascétisme »4.

Ungern parle également avec fierté de « son grand-père », Otto-Reinhold-Ludwig von Ungern-Sternberg, qui aurait été un pirate de la mer Baltique et de l'océan Indien, devenu bouddhiste. Mais, en vérité, Otto-Reinhold Ludwig n'était ni un pirate, ni son grand-père : c'était son arrière-grand-père, et il avait bien voyagé dans l'océan Indien, mais simplement en tant que passager. Et, en mer Baltique, il récupérait seulement les possessions des naufragés qui s'échouaient sur l'île des Ungern-Sternberg. Otto-Reinhold-Ludwig fut exilé en Sibérie uniquement à cause d'une dispute avec le gouverneur russe d'Estonie. Le baron Ungern n'aime pas parler de son père et de son véritable grand-père, car ils n'étaient que de simples fonctionnaires, pas du tout des pirates ou des guerriers comme ses ancêtres.

Jeunesse et débuts dans l'armée[modifier | modifier le wikicode]

Ungern à l'âge de sept ans, en 1893.

Ungern naît à Graz, en Autriche-Hongrie, le 10 janvier 1886, sous le nom de Robert-Nicolas-Maximilian von Ungern-Sternberg. Ses parents, Théodore von Ungern-Sternberg et Sophie-Charlotte von Wimpfen, déménagent deux ans plus tard dans l'Empire russe, à Revel (aujourd'hui Tallinn, capitale de l'Estonie), et divorcent en 1891, alors qu'il n'a que cinq ans. Son père part vivre à Saint-Pétersbourg, tandis que sa mère se remarie en 1894 avec un autre baron germano-balte. Elle aura deux autres enfants, avec lesquels Robert s'entendra bien.

Durant son enfance, Ungern est décrit comme un garçon extrêmement cruel, à tel point que certains parents interdisent à leurs enfants de jouer avec lui.

Robert commence alors une carrière militaire. Renvoyé du lycée Nicolas Ier à cause de son mauvais caractère, il intègre le Corps de Marine de Saint-Pétersbourg en 1896. Il montre rapidement une passion pour l'Orient, surtout le bouddhisme et l'hindouisme, et abandonne son prénom Robert pour prendre celui de Roman, qui fait plus slave. Puis, en 1904, la guerre russo-japonaise éclate. Roman, qui a alors dix-huit ans, s'engage directement dans l'armée pour combattre, mais la guerre se finit avant qu'il arrive au front. Roman rentre donc chez lui et poursuit ses études, cette fois-ci à l'école Paul Ier. En 1905, une tentative de révolution secoue l'Empire russe, et des paysans estoniens se rebellent contre les nobles ; certains d'entre eux sont tués et leurs terres ravagées. Roman, qui est justement issu d'une famille noble, voit le domaine où il a grandi être saccagé par les révoltés estoniens. Ce traumatisme le rend encore plus méprisant vis-à-vis des paysans et des ouvriers.

En 1908, il est envoyé dans un régiment cosaque (une « sotnia ») à Daouria, en Transbaïkalie. Peu après, il est envoyé dans un régiment cosaque à Blagovechtchensk, une ville située sur les rives du fleuve Amour, proche de la frontière chinoise, à 430 kilomètres de Daouria. Ungern stupéfie alors ses contemporains : plutôt que de rejoindre Blagovechtchensk en train, il parcourt cette distance à cheval, seul, sans guide, son faucon sur l'épaule, avec pour seule nourriture le gibier, et à une vitesse surprenante. Quand on lui demandera ce qui l'a poussé à accomplir cet exploit, Ungern répondra simplement qu'il « ne supporte pas la vie paisible ».

À Blagovechtchensk, pourtant, les jours sont répétitifs, et Ungern, en quête d'exploits, s'ennuie à mourir. En 1911, il est finalement promu sotnik, c'est-à-dire chef d'une sotnia (régiment cosaque). Il demande la même année un congé de six mois et retourne à Revel. Mais, dans l'année, Ungern apprend que la Mongolie vient juste de déclarer son indépendance vis-à-vis de la Chine, et il veut combattre dans l'armée mongole. Il demande à être envoyé à Ourga (aujourd'hui Oulan-Bator), la capitale de la Mongolie, mais ses supérieurs refusent. Ungern démissionne et part pour la Mongolie. En 1913, en allant d'Ourga à une autre ville mongole, Ungern voyage en compagnie d'un jeune actionnaire russe nommé Bourdoukov. Celui-ci décrit alors Ungern comme négligé, avec un uniforme sale et rapiécé. « Ses yeux étaient décolorés et il avait un regard fixe de maniaque », ajoutera plus tard le jeune homme. Pendant le trajet, à la grande horreur de Bourdoukov, Ungern se révèle très violent à l'égard de ses guides, et parle peu. Bourdoukov dira qu'Ungern est « complètement fou ».

Première Guerre mondiale[modifier | modifier le wikicode]

Ungern à trente ans (vers 1916-1917, en pleine Première Guerre mondiale).

Lors de la déclaration, fin juillet 1914, de la Première Guerre mondiale, Ungern, comme toute la jeunesse européenne, est enthousiaste. Pour lui, la guerre mettra fin à la « bourgeoisie » européenne qu'il déteste. Sur le front de Galicie, où il se bat avec son régiment contre les troupes d'Autriche-Hongrie, il est blessé quatre fois et se fait une réputation de grande témérité. En récompense de sa bravoure, il reçoit la croix de Saint-Georges et la croix de Sainte-Anne. Au début de l'année 1917, Ungern est rappelé à Saint-Pétersbourg. Sur le chemin, il roue de coups un sous-officier qui avait refusé de le laisser dormir chez lui et ça lui vaut une brève arrestation. Il retourne ensuite à Revel (aujourd'hui Tallinn).

Guerre civile russe[modifier | modifier le wikicode]

Article à lire : Guerre civile russe.

Rencontre avec Semionov et départ pour la Mongolie[modifier | modifier le wikicode]

Ungern est à peine rentré à Revel qu'éclatent les révolutions russes. En février 1917, le tsar Nicolas II est chassé du pouvoir et remplacé par un gouvernement provisoire. En octobre de la même année, les Bolcheviks, menés par Lénine, renversent le gouvernement provisoire et prennent les commandes de l'État. Sauf que beaucoup de Russes, les « Blancs », refusent d'obéir à ces Bolcheviks, ces « Rouges », et se mettent à les combattre : c'est le début de la guerre civile russe.

Ungern, fermement monarchiste, déteste les Bolcheviks et le communisme, qu'il considère comme une « religion sans dieu ». Pour Ungern, la monarchie est le seul régime politique parfait, surtout quand c'est aussi une théocratie. Il dira d'ailleurs plus tard, à son procès : « Il n'y a qu'un seul vrai monarchiste au monde, c'est moi. »

Rentré à Revel, Ungern y rencontre l'ataman Grigori Semionov, un officier d'origine bouriate qui cherche à créer une armée cosaque en Extrême-Orient. Ungern décide de le rejoindre à Mandchouria. Semionov lui donne le commandement de la gare de Khaïlar, où se trouvent huit cents soldats menés par le prince mongol Fuchenga, lui-même entouré d'officiers japonais. Ungern, officiellement conseiller de Fuchenga, devient rapidement le vrai maître de la petite armée mongole. Les Japonais, qui essaient à cette époque d'étendre leur influence en Extrême-Orient, vont vite être impressionnés par sa « poigne » et ses capacités de meneur d'hommes.

Daouria : la Division asiatique[modifier | modifier le wikicode]

En septembre 1918, Ungern rassemble ses troupes à Daouria, où il avait auparavant servi dans l'armée russe. Il commande non seulement les huit cents Mongols de Fuchenga, mais aussi les nombreux Cosaques, Bouriates, Mongols et Russes qui sont venus les rejoindre. Tous ces hommes forment une armée d'abord appelée « Corps indigène », puis qu'Ungern renomme en « Division sauvage », et finalement en « Division asiatique ». Cette armée, très hétérogène, obéit à un règlement qui devient de plus en plus strict. La moindre désobéissance est punie de très nombreux coups de bâton ou de fouet, entraînant parfois la mort du frappé. En novembre, Semionov nomme Ungern major-général. Le bras droit d'Ungern dans la Division asiatique est l'officier Boris Rézoukhine.

Ungern donne théoriquement plus de pouvoir aux officiers russes, mais il méprise ces derniers et se montre très sévère avec eux. Il est plus proche des Mongols, des Bouriates et des Cosaques. Il est surnommé « grand-père » par ceux-ci.

Ungern est le maître absolu à Daouria. Il déteste la bureaucratie et les « petits papiers » : tous ses ordres sont donnés oralement, jamais par écrit. Sa discipline, déjà très stricte, se durcit énormément en quelques mois. La prison de Daouria commence à devenir tristement célèbre pour ses conditions abominables : parmi les prisonniers, il y a des ennemis capturés, mais aussi des soldats de la Division asiatique qui n'ont commis qu'une simple faute, et même des gens qui y ont été enfermés sans aucune raison. La torture y est monnaie courante. Le baron déclarera lui-même au journaliste Alexander Greiner qu'il ne connaît pas la pitié. À Daouria, les notions de bien et de mal ne dépendent que d'Ungern, qui fait la justice comme bon lui semble, se prenant pour le « fouet de Dieu » qui anéantit le Mal en oubliant toute pitié. Certains témoins racontent que les cadavres des exécutés étaient abandonnés dans la forêt pour y être dévorés par les loups. C'est à ce moment-là qu'apparaît une légende concernant Ungern : le baron se promènerait dans la forêt, la nuit, avec un hibou, au milieu des os des morts rongés par les loups. Dans d'autres récits, le hibou est parfois remplacé par un corbeau, une façon de souligner le caractère mystique et ténébreux du baron.

Formation du gouvernement mongol[modifier | modifier le wikicode]

L'amiral Alexandre Koltchak, gouverneur de Sibérie. Semionov et Ungern refusent de reconnaître son autorité.

Pendant qu'Ungern règne en maître sur Daouria et que Semionov contrôle la Transbaïkalie depuis la ville de Tchita, plus à l'ouest, la guerre fait rage entre les Bolcheviks de Lénine et les armées blanches, alliées en théorie d'Ungern et de Semionov. En novembre 1918, l'amiral Alexandre Koltchak, chef des armées blanches, prend le titre de « gouverneur suprême de Russie », mais Semionov et Ungern refusent de se soumettre à lui. Koltchak considère qu'il s'agit d'une trahison, et les tensions sont tout près de dégénérer. Ungern méprise Koltchak. Il le considère comme une « mauviette libérale », une « marionnette » de l'Occident « décadent ».

En février 1919, à Daouria, une importante conférence a lieu, en présence de Semionov et de nombreux chefs mongols. Cette conférence a pour but de former un gouvernement mongol indépendant. Ce gouvernement est formé d'intellectuels mongols qui s'inspirent des idées occidentales républicaines et démocratiques, ce que n'aime pas Ungern qui déteste l'Occident et les républiques. Il dit que les membres de ce gouvernement sont des « nullités ».

Le 16 août 1919, Ungern se marie à une certaine Elena Pavlovna, une princesse chinoise dont le nom a été russisé. Le mariage d'Ungern avec cette princesse chinoise inconnue de tous est purement politique. Ungern était, en effet, connu pour sa très forte misogynie, « psychopathologique » selon Léonid Youzefovitch5. Ce qu'il voulait, c'était juste s'approprier le rang de la mariée, ce qui fut fait : tout de suite après son mariage, il est nommé prince du second degré. Et Elena Pavlovna rentre chez ses parents, très peu de temps après.

Cependant, le gouvernement mongol de Daouria ne dure pas. En août 1919, alors qu'Ungern est absent, des émissaires chinois viennent en mission diplomatique, officiellement pour voir le gouvernement mongol, mais secrètement aussi pour rencontrer le prince mongol Fuchenga, membre du gouvernement. Alors celui-ci est immédiatement accusé d'avoir été corrompu par les Chinois et de préparer un complot contre la Division asiatique. Une délégation militaire ordonne à Fuchenga de se rendre, mais celui-ci refuse et des combats éclatent. Après des tirs de canon, Fuchenga et sa garde rapprochée trouvent finalement la mort. D'autres officiers mongols sont également arrêtés, puis tués alors qu'ils cherchent à s'enfuir. Ainsi disparaît le gouvernement de la Grande Mongolie.

Arrivée en Mongolie[modifier | modifier le wikicode]

À l'automne 1919, alors que les Bolcheviks progressent à l'ouest de la Russie, le Bogdo-geghen, chef spirituel de la Mongolie, se soumet aux Chinois qui entrent dans la capitale Ourga sous la direction du général Sui Suicheng. La Khalkha, plus grande région de Mongolie, retombe sous le contrôle chinois. En 1920, les Bolcheviks sont en train de gagner la guerre civile russe. Le principal général blanc, Alexandre Koltchak, est exécuté le 6 janvier par les Rouges, et Semionov, pour éviter de subir le même sort, propose en secret de s'allier aux Bolcheviks. Mais ces derniers attaquent et prennent Tchita, le quartier-général de Semionov, qui abandonne son armée pour s'enfuir en Mandchourie. Ungern se retrouve donc seul avec sa Division asiatique.

En octobre 1920, Ungern arrive en Mongolie avec sa troupe, et semble avoir complètement disparu. De nombreux journaux prétendent l'avoir vu à plusieurs endroits à la fois, la presse communiste prétend qu'il a été vaincu en même temps que Semionov... En vérité, personne ne sait où il est. Mais lui progresse toujours vers Ourga.

Avancée vers Ourga[modifier | modifier le wikicode]

Assemblée de princes mongols réunis à Pékin avec des ministres chinois, en 1920. Le gouverneur chinois Chen Yi est deuxième en partant de la gauche.

À Ourga, les Chinois, dirigés par le gouverneur Chen Yi et appuyés par une armée de douze mille hommes (plus trois mille volontaires), imposent rapidement un régime autoritaire, qui agace beaucoup les habitants mongols et russes. Au fur et à mesure que l'armée d'Ungern se rapproche de la ville, des rumeurs apparaissent, selon lesquelles un mystérieux baron blanc, parent du tsar en personne, viendrait « secourir le peuple mongol ». Il s'agit évidemment de la Division asiatique du baron Ungern. Ces rumeurs exagèrent considérablement les chiffres, quand elles affirment que l'armée de ce seigneur compte plus de dix mille hommes, mais elles sont renforcées par une vieille légende mongole prédisant qu'un jour, un « chef blanc venu du nord » sauverait la Mongolie.

La réalité est moins glorieuse. La Division asiatique d'Ungern n'est forte que de quelques centaines d'hommes ; elle ne dispose que de quatre canons. Autrement, il est seul et n'a aucun soutien. Pour donner l'impression que son armée est imposante, il fait avancer ses cavaliers en rang deux par deux. Dans la nuit du 27 au 28 octobre 1920, les troupes du baron s'installent près de la petite ville de Maïmatchen, à un peu plus de quatre kilomètres d'Ourga. La nuit suivante, Ungern part en éclaireur, seul, sans même savoir où aller, et arrive devant le mur de Maïmatchen presque par hasard. Mais, quand il retourne parmi ses hommes, les Chinois, qui ont eu le temps de voir son armée, lancent une attaque-surprise et capturent trois des quatre canons du baron. La Division asiatique se replie, et s'approche à nouveau d'Ourga. À partir du 2 novembre, le baron lance plusieurs assauts contre les Chinois, et reste à chaque fois au cœur des combats, sans armes, pour maintenir la discipline parmi ses hommes. Il n'est jamais blessé. Deux jours plus tard, les Chinois sont un peu repoussés, et les combats continuent jusqu'au 5 novembre. Les Chinois, fortement impressionnés et paniqués à cause de ces attaques folles, sont sur le point de fuir. Mais Ungern a perdu près de la moitié de ses hommes et presque toutes ses munitions, ce qui l'empêche de poursuivre les combats. Il se replie donc, plus à l'est.

Guerre psychologique[modifier | modifier le wikicode]

Au début de l'hiver 1920-1921, les Chinois emprisonnent le Bogdo-geghen, le chef religieux mongol. Ils veulent montrer aux Mongols qu'ils sont plus forts que leur religion. Mais, en fait, ça a l'effet inverse : tous les Mongols sont indignés, et les soldats chinois eux-mêmes, superstitieux, craignent les conséquences de leur acte. Plusieurs princes mongols se rallient à Ungern et lui offrent des vivres, des soins et des munitions. De plus, beaucoup de Mongols viennent s'engager dans la Division asiatique. Le Dalaï-lama lui-même, l'équivalent tibétain du Bogdo-geghen, le déclare « combattant de la foi » et lui envoie sept cents soldats d'élite. Et d'autres bataillons de Russes blancs et de Cosaques s'ajoutent également à son armée, qui compte désormais entre mille et mille deux cents soldats.

En parallèle, alors que la répression à l'encontre des Russes en Mongolie s'accentue, des déserteurs de la Division asiatique propagent des informations sur la cruauté du baron et des supplices qui sont infligés aux prisonniers. Cette cruauté dégoûte les Mongols, qui commencent à associer Ungern à Mahakala, une divinité bouddhiste qui ne peut pas atteindre le nirvana (en quelque sorte, le paradis bouddhiste) et qui répand la mort et la destruction chez tous les ennemis du bouddhisme. Les Mongols donnent aussi à Ungern le surnom de Beg-Tsé, le « Dieu de la guerre ».

Ungern s'installe ensuite avec sa troupe sur la montagne sacrée Bogd Khan Uul, tout près d'Ourga, sur laquelle il fait allumer, chaque nuit pendant deux mois, d'immenses feux. La superstition des Mongols et des Chinois aide beaucoup Ungern : les Mongols l'associent de plus en plus à une divinité bouddhiste, tandis que les Chinois, effrayés par les feux et ses prétendues origines divines, n'osent pas tirer sur la montagne. De plus, des agents d'Ungern propagent dans la ville toutes sortes de rumeurs, afin d'affaiblir le moral chinois. C'est une vraie guerre psychologique.

Ungern lui-même donne un grand coup au moral chinois. Un jour, il entre à cheval dans Ourga, arrive devant la résidence du gouverneur chinois de la ville, en fait le tour, et repart. Sur le chemin du retour, dans l'une des rues d'Ourga, il croise un soldat chinois qui dort devant la prison qu'il garde. Ungern s'énerve, descend de cheval, le frappe avec son bâton, lui dit qu'un soldat ne doit pas dormir pendant son service, et lui annonce que c'est le baron Ungern lui-même qui l'a corrigé. Puis le baron repart tranquillement et sort de la ville, avant que le soldat chinois ne puisse donner l'alerte. La nouvelle se répand rapidement, ce qui démoralise encore plus les Chinois.

La libération du Bogdo-geghen[modifier | modifier le wikicode]

Au mois de janvier 1921, les Chinois finissent par « libérer » le Bogdo-geghen, qui rentre dans son palais en dehors d'Ourga... sous la garde de soldats chinois. Personne n'est dupe : le Bogdo-geghen n'a pas le droit d'en sortir et reste surveillé. Ungern, qui a besoin d'un coup d'éclat, décide alors de le libérer. Mais la situation du palais rend tout enlèvement difficile, voire impossible : le palais borde une rivière et les alentours sont dégagés, ce qui fait que les sentinelles pourront voir venir de loin tout ennemi potentiel. De plus, les gardes chinois sont nombreux : trois cent cinquante hommes, avec une mitrailleuse à l'entrée du palais.

Le 31 janvier 1921, vers seize heures, un groupe de Tibétains envoyés par Ungern entrent dans le palais, déguisés en lamas (moines bouddhistes). Ils n'attirent pas l'attention des gardes chinois, qui sont habitués à voir des moines dans le palais du Bogdo-geghen. Une fois à l'intérieur, ils sortent des fusils qu'ils avaient cachés dans leurs vêtements et désarment discrètement les gardes qu'ils trouvent. Un petit groupe monte la garde, tandis qu'un autre part chercher le Bogdo-geghen et son épouse, qui avaient été prévenus et s'étaient préparés. Les kidnappeurs sortent ensuite du palais, et tirent quelques coups de feu pour disperser les soldats chinois qui sont à l'extérieur ; ces derniers, surpris, s'enfuient. Les kidnappeurs conduisent le Bogdo-geghen et sa femme jusqu'à un autre groupe de fidèles d'Ungern qui les amènent à leur tour à un autre groupe, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'ils soient tous deux en lieu sûr, dans un monastère, sur la montagne du Bogd Khan Ul, hors de portée des soldats chinois... qui, de toute façon, n'ont pas osé se lancer à leur poursuite.

La libération du Bogdo-geghen a un immense impact, autant sur les Mongols que sur les Chinois. Pour eux, seule une force divine a pu libérer le chef bouddhiste, en plein jour, sous les yeux de ses gardiens. Une nouvelle attaque d'Ourga par les forces du baron est donc imminente.

La prise d'Ourga[modifier | modifier le wikicode]

Après la libération du Bogdo-geghen, beaucoup de hauts-gradés de l'armée chinoise d'Ourga perdent espoir. Dans la nuit du 31 janvier au 1er février, à peine quelques heures après l'évasion du Bogdo-geghen, Ungern fait allumer sur la montagne sacrée de très nombreux feux, pour faire croire que ses troupes sont plus nombreuses qu'en réalité. Les Chinois pensent alors que le baron a reçu des renforts, et, dans la journée du 1er février, l'un des principaux généraux chinois, Guo Songling, abandonne la ville avec ses trois mille cavaliers pour rentrer en Chine. Il ne reste plus que douze mille défenseurs chinois, en comptant les trois mille qui ne sont que des volontaires et pas des soldats de métier.

Au matin du 2 février, Ungern envoie deux de ses régiments s'emparer de Maïmatchen, la petite ville près d'Ourga qu'il n'avait pas réussi à conquérir trois mois plus tôt. Les soldats d'Ungern n'ont que très peu de munitions (dix par personne6), et des combats ont lieu au sabre, à la grenade, et même à l'arc. Les défenseurs chinois se réfugient d'abord dans un temple, mais ils sont massacrés par les Cosaques. Au même moment, une autre partie de l'armée d'Ungern entre dans Ourga et occupe la prison, où ils libèrent de nombreux Russes enfermés. La seule petite résistance chinoise a lieu près d'un cimetière. Le lendemain matin, le reste de l'armée chinoise abandonne Ourga.

Le butin de guerre est colossal pour la Division asiatique. Ils trouvent dans la ville tout ce qui, en matière de nourriture, commençait à leur manquer, ainsi que quantité d'armes : une quinzaine de canons, quatre mille armes automatiques, etc. Ils vident les banques et autres coffres de la ville. De plus, le fait qu'Ourga ait été prise la veille du jour de l'an mongol est interprété comme un bon présage. Ungern, lui, fait son entrée dans la ville le 4 février. Et à peine arrivé dans celle-ci, il voit deux femmes mongoles qui, clairement, ont volé des étoffes ; il ordonne immédiatement leur pendaison. Et c'est la première exécution publique de toute l'histoire d'Ourga.

Les pogroms[modifier | modifier le wikicode]

À partir du 5 février 1921, les pogroms commencent à Ourga. Ungern est profondément et maladivement antisémite : il considère les Juifs comme les « responsables de la décadence de l'Occident ». Les Cosaques de la Division asiatique se mettent à massacrer les habitants juifs, avec une brutalité et une violence jamais vues à Ourga. Les Mongols, pacifiques, sont horrifiés et indignés devant le carnage. Certaines familles juives réussissent à s'enfuir, d'autres se placent sous la protection de Mongols et de Russes (dont le journaliste Dmitri Perchine) qui acceptent de les cacher, voire de les défendre. D'autres Juifs parviennent aussi à échapper aux pogroms grâce à leur métier de commerçant ou de médecin. Selon Perchine, une cinquantaine de Juifs périssent au cours du massacre7.

De nombreuses autres exécutions, pour des raisons diverses et variées, ont également lieu, touchant cette fois-ci tout le monde. Toute personne suspectée de soutenir des idées bolchéviques est immédiatement exécutée. La torture, déjà pratiquée depuis Daouria par les bourreaux d'Ungern, bat son plein.

Le couronnement du Bogdo-geghen[modifier | modifier le wikicode]

Le 26 février 1921, le Bogdo-geghen fait son entrée dans Ourga pour y reprendre le trône mongol. Les rues, remplies de cadavres, sont vidées et nettoyées. Le Bogdo-geghen donne à Ungern le titre de khan, et récompense par divers titres d'autres officiers de la Division asiatique. De grandes festivités ont lieu en son honneur.

Contre-attaque chinoise[modifier | modifier le wikicode]

Bannière de l'Armée républicaine chinoise.

L'armée chinoise, qui a abandonné Ourga, fuit vers le nord, en direction de la frontière russe. Elle est dirigée par le gouverneur Chen Yi et le général Chu Lijiang. Ils espèrent négocier avec les Bolcheviks pour avoir le droit de traverser la Russie afin de rejoindre la Mandchourie chinoise. Mais, dans une ville frontalière entre la Mongolie et la Russie, les soldats chinois massacrent des habitants russes, ce qui met directement fin aux négociations. Chu Lijiang décide donc de repartir... vers Ourga.

Ungern, qui ne s'attend absolument pas à voir réapparaître l'armée chinoise, se lance à sa rencontre... mais la rate, de peu. Il doit donc revenir sur ses pas, pendant que les Chinois s'approchent de plus en plus d'Ourga, qui est seulement défendue par des volontaires mongols. L'armée du baron compte alors cinq mille hommes ; l'armée chinoise, plus du double. La bataille ne ressemble à aucune autre du XXe siècle : les soldats d'Ungern, qui n'ont pas assez de cartouches, se battent au sabre, voire tirent avec des balles en verre ; certains Mongols tirent à l'arc ; et un lama (moine bouddhiste) danse autour du champ de bataille pour implorer la victoire auprès des dieux mongols. Il s'agit de la plus grande bataille qu'ait connu la Mongolie depuis deux siècles. Finalement, après trois jours de combats et plusieurs milliers de victimes, les Chinois, encerclés, se rendent. Mille d'entre eux sont faits prisonniers par Ungern ; les autres disparaissent, soit parce qu'ils ont pu s'enfuir, soit parce qu'Ungern a jugé bon de les laisser partir (avoir la garde de plusieurs milliers de prisonniers serait une trop lourde contrainte pour la Division asiatique).

Ce qu'il reste de l'armée chinoise que dirige Chu Lijiang se rapproche de la frontière chinoise. La cavalerie de Guo Songling, qui avait abandonné Ourga avant l'arrivée d'Ungern, la rejoint. Les deux corps d'armée chinois campent sur la route de Kalgan, où ils pensent pouvoir reprendre des forces, afin de réattaquer Ourga. Mais le baron Ungern ne leur en laisse pas le temps ; il lance contre eux un brutal assaut. Toute l'infanterie chinoise, c'est-à-dire plus de quatre mille hommes, est exterminée. Seuls les cavaliers parviennent à s'enfuir et à rentrer en Chine... où la nouvelle de l'anéantissement d'une armée de quinze mille soldats chinois par la Division asiatique d'un baron Ungern (chef de guerre russe ayant restauré l'autonomie mongole) provoque un choc immense.

Occupation d'Ourga[modifier | modifier le wikicode]

Un billet de 10 dollars mongols, imprimé par Ungern.

Avec l'argent volé dans les banques chinoises, le baron fait frapper sa propre monnaie à Ourga, la capitale mongole. Et comme à Daouria, deux ans et demi plus tôt, il y fait régner la terreur. Il interdit à tous les habitants de quitter la ville, et instaure une très sévère répression. N'importe qui peut être pendu pour n'importe quelle raison, et la dénonciation de coupables est fortement encouragée, car quelqu'un qui dénonce quelqu'un d'autre reçoit un tiers des biens de ce dernier (les deux autres tiers sont confisqués par la Division asiatique). Cela entraîne évidemment beaucoup de chantage : des personnes menacent de dénoncer un tel, qui, pour éviter d'être dénoncé, doit leur donner de l'argent. Les plus impactés sont la communauté russe d'Ourga : selon le témoignage de Dmitri Perchine, entre cent cinquante et deux cents Russes d'Ourga sont tués dès les premiers jours (même s'il précise que ces chiffres sont probablement exagérés), et Leonid Youzefovitch, biographe d'Ungern, écrit qu'un dixième de la communauté russe d'Ourga est tué sous le règne du baron8. Mais, comme à Daouria, les soldats de la Division asiatique eux-mêmes subissent les conséquences de cette tyrannie : la moindre faute ou erreur peut conduire à des châtiments complètement disproportionnés. La plupart du temps, les malheureux sont frappés très violemment avec des bambous, des bâtons en bois ou des fouets, et selon la faute, la punition peut devenir extrême : le condamné peut ainsi être attaché à une corde et traîné d'une rive à l'autre d'un fleuve gelé, ou même brûlé vif. Les châtiments et les exécutions sont, comme à Daouria, appliqués par les « bourreaux » d'Ungern : Sipaïlo, Bourdoukovski et le tout récemment arrivé Bezrodny. Ces bourreaux sont de vrais sadiques, réputés pour leur violence et leur cruauté, mais le baron Ungern, qui n'assiste jamais aux exécutions, s'en remet à eux et les laisse faire.

L'occupation d'Ourga par la Division asiatique du baron Ungern a d'autres conséquences. Premièrement, l'armée a besoin de beaucoup de nourriture, et vide littéralement les campagnes aux alentours de la ville. La Mongolie étant assez pauvre en ressources, l'occupation d'Ourga est très pénible pour les locaux. Deuxièmement, le baron Ungern a, sans le vouloir, donné aux Bolcheviks, ses ennemis, un bon prétexte pour envahir la Mongolie. En effet, comme l'explique Dmitri Perchine, avant qu'Ungern n'entre dans ce pays et n'en conquiert la capitale Ourga, les Bolcheviks n'auraient jamais attaqué la Mongolie, une Mongolie sous occupation chinoise, car il leur importait d'être et de rester en bons termes avec la Chine. Mais le fait qu'Ungern, baron russe anticommuniste, se soit rendu maître de la Mongolie change tout cela : en envahissant celle-ci, les Bolcheviks peuvent désormais prétexter qu'ils se débarrassent simplement d'un ennemi du communisme, sans attaquer pour autant la Chine, puisqu'elle n'a plus le contrôle du pays qu'ils envahissent9. Les Bolcheviks créent donc, en mars 1921, un gouvernement communiste mongol, dirigé par Damdin Sükhbaatar et basé dans la ville russe frontalière de Kiakhta.

Préparatifs de la dernière campagne militaire[modifier | modifier le wikicode]

La propagande des communistes mongols souligne les crimes d'Ungern et de son armée pour valoriser par comparaison leur propre gouvernement. Aussi Ungern, qui fait l'objet d'un début de rejet de la part des Mongols et même du Bogdo-geghen, sent la nécessité d'une action rapide pour contrer celle des Bolcheviks. Car plus sa présence et celle de son armée s'éternisent à Ourga, moins les Mongols sont de cœur avec lui et le soutiennent. Une autre raison d'agir est le fait que Semionov le contacte à nouveau et lui propose une attaque commune contre les Bolcheviks.

Ungern commence donc à préparer une campagne militaire pour attaquer les Bolcheviks en Russie. Il tente de recruter plus de soldats pour agrandir sa Division asiatique alors composée de trois mille hommes, mais ne parvient à en engager qu'environ cinquante de plus. Il fait même enrôler dans son armée de simples hommes qui se trouvent dehors par hasard, ou pour faire leurs courses. La Division asiatique possède vingt mitrailleuses et encore huit canons en état de fonctionnement, sauf qu'elle n'a pas les boulets adaptés à ces canons. Elle manque aussi de moyens de communication comme des radios ou des téléphones de campagne.

Le 13 mai 1921, Ungern quitte Ourga pour aller attaquer Kiakhta, siège du gouvernement communiste mongol. Selon le témoignage de Perchine, le départ d'Ungern est très discret, à tel point que beaucoup ne le remarquent même pas10. Le même jour, Ungern fait publier son « ordre n°15 », un mélange confus d'écrits mystiques, religieux et politiques. Les chiffres qu'il comporte sont ou paraissent incohérents. Déjà, il a pour nom : « ordre n°15 », alors qu'il s'agit du seul ordre de ce type imprimé par Ungern. Ensuite, il est daté du 21 mai, alors que publié le 13. En fait, les chiffres de cet ordre ont des significations mystiques et religieuses : le 21 mai est le 15e jour de la 4e lune pour les Mongols, et le Bogdo-geghen avait été libéré le 15e jour de la 1re lune11. L'ordre n°15 contient notamment des consignes pour les soldats qu'il laisse à Ourga, dont certaines antisémites et anticommunistes comme le « point n°9 » : « Exterminer les commissaires, les communistes et les Juifs avec leurs familles. Confisquer tous leurs biens. »

Premières défaites contre les Bolcheviks[modifier | modifier le wikicode]

Le futur maréchal Constantin Rokossovski participe aux combats contre Ungern.

Ungern ne connaît pas du tout l'état des forces bolchéviques, et ne prend pas leur menace au sérieux. De plus, il espère qu'à son arrivée, les paysans le soutiendront et se rebelleront contre les Bolcheviks. Il envoie donc deux régiments à deux endroits différents pour « rallier le peuple à sa cause » et pour désorienter les Bolcheviks, mais ceux-ci comprennent parfaitement la stratégie d'Ungern et les obligent à retourner en Mongolie. Les paysans ne se soulèvent pas pour aider le baron. Ce dernier envoie alors son fidèle second et ami Boris Rézoukhine et ses bataillons traverser la frontière à leur tour, mais Rézoukhine se retrouve nez-à-nez avec la 35e Division de la Ve Armée rouge, aux troupes deux fois plus nombreuses et dont la cavalerie, notamment, est commandée par le futur héros soviétique de la Seconde Guerre mondiale, Constantin Rokossovski. Les Bolcheviks essayant de l'encercler, Rézoukhine doit combattre plusieurs jours durant avant de parvenir à rentrer en Mongolie. Il retraverse la frontière un peu plus loin, presque aussitôt après, sans rencontrer cette fois de forces bolchéviques.

De son côté, un prince mongol de la Division asiatique arrive avec ses hommes devant Altanboulag, une petite ville juste à côté de Kiakhta. Il l'attaque le 3 juin avec l'aide de déserteurs mongols communistes, mais ses troupes sont finalement décimées par les mitrailleuses bolchéviques. Le même jour, des régiments de l'Armée rouge atteignent et conquièrent Ourga, que le baron a laissée sans défense.

Ungern, lui, renonce à prendre Altanboulag, pour d'obscures raisons mystiques et de dates religieuses. Le 11 juin, les communistes faisant semblant de battre en retraite, Ungern les poursuit et, dans les montagnes, tombe avec ses hommes dans le piège qu'en fait, ils lui tendaient. Quand il le réalise, il refuse de reculer. Encerclées, ses troupes se font bombarder par les Bolcheviks, pendant deux jours. Ceux qui survivent au massacre et parviennent à s'échapper se regroupent un peu peu plus loin. Et la Division asiatique, ou ce qu'il en reste, se replie en Mongolie dans le plus grand désordre.

Nouveau revers face aux Bolcheviks[modifier | modifier le wikicode]

La Division asiatique reprend des forces sur les rives du fleuve Selenga. Elle compte encore de deux mille cinq cents soldats. La discipline y est toujours d'une effrayante sévérité. Un prince mongol est ainsi enterré vivant pour avoir osé dire qu'il avait des doutes sur l'utilité d'une nouvelle campagne militaire. Le climat de tension et de mécontentement qui règne au sein de l'armée du baron est tel que l'idée d'un complot visant à le renverser prend de plus en plus forme. Et des rumeurs s'y propagent : l'armée japonaise s'apprêterait à lancer une attaque contre les Bolcheviks ; aider les Japonais serait pour la Division asiatique l'occasion ou jamais de tirer son épingle du jeu et de s'en sortir. Tout de suite, Ungern veut croire que Semionov a tenu sa promesse et qu'il est effectivement derrière cette attaque japonaise annoncée et tant attendue. Hélas, les rumeurs ne se confirment pas ; les Japonais n'attaquent pas.

Alors Ungern tente une manoeuvre de diversion qui détournerait l'attention des Bolcheviks de la Mongolie et lui permettrait de la reconquérir. Le 17 juillet, il retraverse la frontière, entre en territoire russe et arrive très rapidement au lac Goussinoïé, où se trouve une garnison bolchévique. Pour les soldats de celle-ci, la surprise est totale : Ungern leur tombe dessus avec sa Division asiatique, avant qu'ils n'aient le temps de réagir. Les commissaires bolcheviks préfèrent se suicider plutôt que d'être faits prisonniers, ce qui étonne et suscite l'admiration du baron. Plus tard, lors de son procès, il dira : « Ils ont de la classe. Ils se défendent jusqu'à la dernière cartouche, puis ils se tirent une balle. » Sur les quatre cents soldats communistes capturés, cent sont fusillés au hasard, et les autres sont recrutés dans la Division asiatique. Celle-ci gagne également trois canons supplémentaires. D'abord sidérés par l'attaque-surprise d'Ungern, les Bolcheviks lancent bientôt quinze mille hommes à sa poursuite et tentent d'encercler sa petite armée. Le baron décide alors de faire demi-tour et de retourner en Mongolie. Deux bataillons communistes, qui se prennent l'un et l'autre pour la Division asiatique, s'entretuent pendant plusieurs heures, tandis qu'Ungern zigzague entre les différentes troupes bolcheviques pour finalement se heurter à leur infanterie. La confrontation tourne à son désavantage, mais évitant l'encerclement, il parvient à ramener son armée en Mongolie au milieu du mois d'août. Son escapade en Russie, bien qu'elle ne lui ait coûté que que très peu d'hommes, se solde quand même par un cinglant échec.

Révolte de la Division asiatique et chute d'Ungern[modifier | modifier le wikicode]

La Division asiatique a beau être rentrée en Mongolie, elle est maintenant complètement isolée, désespérément seule. Ungern n'a plus aucun soutien, aucun endroit où se réfugier, et son état-major ne voit que deux issues possibles, soit Kobdo, à l'ouest de la Mongolie, où une partie de la Division s'est regroupée, soit la Mandchourie, à l'est de l'Asie, d'où Ungern et ses hommes pourraient essayer de fuir par l'océan Pacifique. Mais le baron n'envisage même pas la fuite. Il refuse d'abandonner ses rêves d'une « Grande Mongolie » et n'a, de toute façon, pas l'argent qui lui permettrait de s'établir ailleurs. Quant aux aspirations de ses soldats, qui tous ne pensent plus maintenant qu'à survivre, il n'en a rien à faire. Comme un tigre piégé ne sachant plus où aller, Ungern devient plus féroce encore avec ses hommes. Il fait fusiller tout soldat soupçonné de vouloir déserter, fouetter quiconque ose soutenir son regard trop longtemps. Il alterne les crises de démence et les moments dépressifs. Il en vient même à frapper Boris Rézoukhine, son second de toujours et plus fidèle ami. Finalement, il décide d'emmener son armée en direction du sud-ouest. Il a la secrète idée de mener la Division asiatique jusqu'au Tibet et de s'y mettre au service du Dalaï-lama. Peu convaincu par le projet, qui inclut l'inquiétante perspective d'avoir, en chemin, à traverser le désert de Gobi, Rézoukhine tente de l'en dissuader, mais Ungern lui déclare tout net qu'il ne changera pas d'avis. Et il prévoit de séparer son armée en deux, pour éviter un encerclement par les Bolcheviks, lui commandant une moitié de la division et Rézoukhine l'autre.

Mais le projet du baron est découvert par certains de ses officiers qui, sans qu'Ungern et Rézoukhine le sachent, avaient écouté leur conversation. Et comme l'ensemble des commandants de la Division asiatique trouvent complètement déraisonnable de vouloir traverser le désert de Gobi, un complot s'organise très vite à leur niveau. On tirera au sort qui d'entre eux tuera le baron. Le commandement de la Division sera ensuite confié à Rézoukhine, qui devra les conduire en Mandchourie afin de fuir ensuite par le Pacifique. Le sort l'ayant désigné, Machtakov reçoit pour consigne de tuer le baron au cours de la nuit, tout de suite après la réunion qu'il a l'habitude d'avoir avec les moines bouddhistes. Sauf qu'exceptionnellement, Ungern reste toute la nuit avec les moines-devins, et Machtakov ne peut donc l'assassiner comme prévu. Du coup, les conspirateurs le renvoient dans son régiment. En fait, ils hésitent à tuer le baron.

Un évènement va tout précipiter. Les comploteurs proposent en secret à Rézoukhine, qui se trouve plus loin avec le deuxième groupe de la Division asiatique, de renverser le baron et de prendre sa place à la tête de leur petite armée. Mais le fidèle second d'Ungern refuse de le trahir, et comme il ordonne au bourreau Bezrodny d'arrêter les conspirateurs, des combats éclatent entre eux et Rézoukhine est tué d'une balle dans la tête. Le colonel Kosterine prend alors le commandement du deuxième groupe et envoie un Tatar prévenir les comploteurs du groupe d'Ungern de ce qu'il s'est passé. Pour éviter d'être considéré comme un déserteur, en cas d'interception par les hommes d'Ungern, le Tatar est censé leur dire que, malade, on l'envoyait à l'infirmerie de la Division. Mais arrivé dans le groupe d'Ungern, le Tatar prend peur et avoue au baron qu'il y a eu des combats dans le groupe Rézoukhine et qu'il s'est enfui. Ces explications semblant peu claires, Ungern décide de soumettre le "fuyard" à la torture pour lui en faire dire davantage. Les comploteurs comprennent, eux, que leur proposition a été mal reçue par Rézoukhine, et ils redoutent que, sous la torture, le Tatar révèle tout au baron. De plus, un autre messager de Kosterine, parvenu jusqu'à eux, cette fois sans être intercepté par les hommes d'Ungern, les informe de tout ce qui s'est passé au niveau du deuxième groupe. Réalisant qu'ils ne peuvent plus reculer, les comploteurs décident de tuer le baron cette nuit même.

Le colonel Eufaritski et d'autres membres du complot s'approchent donc de la tente d'Ungern, qui est située à l'écart avec les bourreaux de Bourdoukovski. Les Mongols partisans d'Ungern dressent d'ordinaire leurs tentes à côté de celle du baron, mais par chance pour les conspirateurs, cette nuit-là, ils ne l'ont pas fait : Ungern sera plus facile à tuer... Sauf que le baron n'est pas dans sa tente. Il est chez les moines bouddhistes, comme souvent. C'est alors qu'Eufaritski aperçoit le chef de la garde personnelle d'Ungern, le colonel Ostrovski, et, dans le noir, le prend pour le baron. Il tire... et rate sa cible. Au coup de feu, le baron sort de la tente des lamas pour voir ce qu'il se passe... Les conspirateurs lui tirent tous dessus. Ungern, bénéficiant d'une chance incroyable, n'est pas touché, il échappe aux tirs en s'enfuyant dans les buissons. Les soldats de la Division asiatique, qui ont tous entendu les coups de feu mais qui ne voient rien à cause de la nuit, commencent à paniquer, craignant une attaque surprise des Bolcheviks. Les officiers organisateurs du complot les rassurent, restaurent l'ordre parmi les troupes et ordonnent le départ vers un monastère proche. Les Mongols, qui restent fidèles à Ungern, sont encerclés par des mitrailleuses, pour éviter que le baron ne les utilise pour reprendre le contrôle de la Division.

Soudain, Ungern réapparaît à cheval devant eux. Du fait de l'obscurité de la nuit, il n'a pas vu ses agresseurs et n'a pas encore réalisé qu'une mutinerie est en cours. Il pense qu'ils ont été attaqués par des Bolcheviks. Voyant que l'armée s'est mise en marche, il en demande la raison au commandant des soldats bouriates et lui ordonne un demi-tour immédiat. Le chef bouriate refuse et dit, au nom de tous, qu'ils n'ont rien à faire au Tibet. Le baron tente de les convaincre ; personne ne lui répond. Il fait de même avec les artilleurs ; tous se taisent. Ungern se met alors à appeler tous ses officiers par leurs noms, en leur donnant des ordres, en les insultant, mais personne n'ose obéir, et personne n'ose le tuer non plus. Il recommence à faire peur à ses hommes. Et puis, brutalement, un coup de feu claque : c'est l'essaoul Makeïev qui vient de tirer sur le baron. Aussitôt, tout le monde l'imite. Sous une pluie de balles, Ungern fait demi-tour avec sa jument et s'enfuit dans la nuit.

Capture par les Rouges[modifier | modifier le wikicode]

Après la mutinerie, Ungern, indemne mais seul, parvient à rejoindre un groupe de Mongols. Ces derniers lui servent à boire, puis soudain le ligotent et lui couvrent la tête. N'osant le tuer, ils se prosternent devant lui, lui présentent leurs excuses... et l'abandonnent dans une tente. Une patrouille de Bolcheviks, passant par là peu de temps après, remarquent la tente, y pénètrent et découvrent le baron ligoté. Quand, interrogé sur son identité, il leur révèle qui il est, ils pensent d'abord qu'il se moque d'eux, tellement il leur paraît absurde qu'ils aient pu s'emparer aussi facilement de ce fameux général d'armée, hier encore redouté dans toute la Mongolie. Sa capture est d'autant plus précieuse qu'il est, avec Alexandre Koltchak, le seul général blanc à être tombé vivant entre les mains des Bolcheviks. Ungern est rapidement amené à Troïtskosavsk, siège de la Ve Armée rouge, pour y être jugé.

Procès et exécution[modifier | modifier le wikicode]

Le baron Ungern, capturé par les Bolcheviks.

Transféré ensuite à Verkhneoudinsk, puis à Irkoutsk, Ungern est interrogé de nombreuses fois, puis son procès a lieu à Novonikolaïevsk (aujourd'hui Novossibirsk). Il est traité avec beaucoup de respect. Les Bolcheviks, par exemple, lui montrent avec fierté les nouveaux bâtiments soviétiques, ainsi que la nouvelle administration.

Le procès a lieu le 15 septembre 1921. Il est présidé par le Bolchevik Oparine ; l'accusateur est le fonctionnaire Iemelian Iaroslavski, tandis que l'avocat Bogolioubov est chargé de la défense, presque fictive, d'Ungern.

Lors de ses interrogatoires, Ungern reste évasif, particulièrement sur le caractère sanglant de ses méthodes pour faire régner l'ordre. Il répond des : « je ne me souviens plus... » ou autres phrases laconiques. Pour lui, il s'agissait seulement d'« éliminer » des « éléments nuisibles ». Lorsque Iaroslavski lui demande pourquoi, en 1917, il a frappé l'adjudant qui refusait de l'héberger, le baron répond que l'homme ne voulait pas le loger pour la nuit. Iaroslavski s'étonne : « Seulement parce qu'il refusait de vous loger ? » Ungern répond : « Je ne sais pas. Il faisait nuit. »

Ungern est finalement accusé d'avoir :

  1. Lutté contre les Bolcheviks pour restaurer la monarchie ;
  2. Reçu de l'aide japonaise pour fonder un État mongol ;
  3. Fait régner la terreur et d'être responsable de nombreuses horreurs.

Le baron reconnaît tout, sauf l'aide du Japon.

Dernière photographie d'Ungern, le 15 septembre 1921, juste avant son exécution.

L'accusateur Iaroslavski, dans le droit-fil de la propagande bolchévique, s'efforce de présenter Ungern comme un aristocrate qui se croit tout permis à cause de sa classe sociale, comme un agent du capitalisme, comme un religieux fanatique, enfin comme un anti-russe (à cause de ses origines estoniennes). Il réclame, bien sûr, la peine de mort, « que méritent tous les nobles qui lèvent la main sur le pouvoir des ouvriers et des paysans ».

Bogolioubov, l'avocat chargé de la défense d'Ungern, objecte qu'un être normalement constitué, même noble de naissance et motivé par la religion, n'aurait jamais pu commettre de telles atrocités. Pour lui, l'accusé est « un homme au psychisme vicié, que la société n'a pas su isoler à temps » ; comme châtiment, il propose l'alternative suivante : soit l'enfermement à vie, durant lequel Ungern pourra prendre la pleine mesure de ses actes, soit une simple balle dans la tête, comme « on achève un animal malade ».

On donne la parole à Ungern, pour qu'il puisse émettre une ultime défense ou dire quelques derniers mots. Il déclare seulement : « Je n'ai rien à dire. » Et donc, le 15 septembre 1921, à 17 heures 15, il est déclaré coupable de tout (y compris de collaboration avec le Japon), et condamné à mort. Il est exécuté le jour même.

Postérité[modifier | modifier le wikicode]

Lorsqu'il apprend la mort d'Ungern, le Bogdo-geghen ordonne que tous les monastères mongols prient pour lui. Des rumeurs commencent aussi à circuler sur sa prétendue survie : Ungern se serait réfugié à tel endroit, membre de telle organisation, etc. Il pourrait même, selon les croyances bouddhistes, se réincarner dans un autre corps pour achever son œuvre. Avec la dictature communiste qui s'installe en Mongolie, les Mongols commencent à regretter et à idéaliser Ungern, le « Dieu de la guerre » qui avait restauré leur indépendance. Ungern devient rapidement en Mongolie un héros national, défenseur du bouddhisme, réincarnation du Mahakala et bras armé du Bogdo Khan. Alexandre Greiner écrit à ce propos : « Les voyageurs en Asie centrale peuvent entendre une mélopée que chantent les guides et les bergers assis auprès du feu. Elle parle d'un brave guerrier qui a délivré les Mongols, a été trahi, capturé et emmené en Russie, mais qui reviendra un jour et restaurera le grand empire de Gengis Khan. »

En Union soviétique, à l'inverse, Ungern est l'incarnation idéale aux yeux des communistes de l'aristocrate sanguinaire, le vil monarchiste inhumain, ennemi du peuple et des classes ouvrières, que le noble bolchévisme a su combattre et vaincre.

L'Allemagne nazie reprendra aussi la figure d'Ungern pour l'idéaliser. Pour Adolf Hitler, le baron Ungern était un « Aryen » qui a lutté contre les Juifs (en référence à l'antisémitisme d'Ungern) et qui est revenu en Asie centrale, qui est, dans la mythologie nazie, la terre originelle des « Aryens » et l'origine de la svastika que les nazis reprendront pour leur croix gammée.

Dans sa biographie sur Ungern, Leonid Youzefovitch cite, pour dépeindre Ungern une dernière fois, « une phrase prononcée par quelqu'un bien après la mort d'Ungern » : « Du fond des brumes d'Orient, un hystérique à cheval, un souverain fou du désert, nous regarde de ses yeux exorbités de monstre, du fond des brumes d'Orient. » La légende engendrée par Ungern n'est, elle, pas morte.

Personnalité[modifier | modifier le wikicode]

Apparence physique[modifier | modifier le wikicode]

Le baron Roman von Ungern-Sternberg est décrit comme un homme blond et maigre, qui ne prend soin ni de son apparence ni de ses vêtements. Ses yeux sont décrits, d'après des photographies et des témoignages, comme « pâles », « grisâtres », « inexpressifs ». Leonid Youzefovitch l'explique par une faiblesse des muscles des yeux, ce qui est souvent lié à un défaut dans la zone du cerveau responsable de l'empathie et des émotions. Cela expliquerait une partie de son état mental.

Psychologie[modifier | modifier le wikicode]

Ungern souffrait vraisemblablement de troubles mentaux, même si cela n'a été envisagé qu'après sa mort (pendant la guerre civile russe, les atrocités étaient tellement courantes que sa grande cruauté n'a pas été remarquée tout de suite). Le baron était un homme violent qui frappait régulièrement son entourage avec son tachour (fouet mongol). Il n'éprouvait aucune empathie pour les autres et était convaincu qu'il était un élu désigné par des forces surnaturelles de l'Univers. Pourtant, malgré les crimes qu'il a commis, Ungern n'était pas sadique, c'est-à-dire qu'il n'éprouvait pas de plaisir à faire souffrir les autres. Il n'assistait presque jamais aux mises à mort, et, quand il le faisait, il ordonnait qu'elles se passent vite.

Idéologie et mysticisme[modifier | modifier le wikicode]

Ungern a été élevé dans la religion protestante luthérienne. Il croit en un seul Dieu, mais estime qu'il y a de nombreuses manières de croire. Il est profondément mystique, c'est-à-dire qu'il croit en des forces de l'au-delà et en des puissances surnaturelles. Pour justifier ses croyances, il mélange ainsi la Bible avec des mythes bouddhistes. Ungern croit également en de nombreux signes, comme les chiffres, les dates et les symboles, et il a lu des livres de Friedrich Nietzsche. Il est également persuadé d'être un « élu », celui qui déclenchera la « purification du monde ».

L'idéologie d'Ungern est particulière. Elle reprend des craintes eurasiatiques de penseurs russes tels que Vladimir Soloviev, qui pensait fermement que les peuples asiatiques déferleraient comme une vague sur l'Europe et la détruiraient. Ungern est fermement convaincu que les civilisations européennes, après avoir connu un âge d'or au XIVe siècle, sont en plein « déclin », selon lui à cause de la bourgeoisie et des Juifs qui les ont « corrompues ». Ungern était partisan d'un système contrôlé par un monarque absolu de droit divin, avec une aristocratie guerrière et le soutien des paysans ; il détestait le commerce et la bourgeoisie. Les révolutions russes sont, d'après lui, l'évènement qui annonce la fin de l'Occident « déclinant ». Pour Ungern, c'est un peuple venu d'Orient, encore « pur », « primitif » et « guerrier », qui sauvera l'Europe : le peuple mongol. À ses yeux, Mongols et Juifs représentent deux opposés : les premiers incarneraient la pureté et la spiritualité, tandis que les seconds incarneraient le matérialisme, le démon. Et toujours selon lui, les Mongols (et d'autres peuples asiatiques) doivent anéantir toute la civilisation occidentale « décadente » pour revenir à « une société pure et spirituelle » basée sur la société mongole. Pour lui, un combat entre l'Orient et l'Occident est inévitable, et c'est l'Orient qui doit gagner.

Ungern est également un guerrier. La guerre est pour lui quelque chose de noble. Leonid Youzefovitch compare le baron Ungern aux chevaliers solitaires et tragiques, et dit qu'Ungern est un anachronisme. Ungern voyait les non-combattants comme des poids morts.

Même s'il a passé presque toute sa vie en Russie, Ungern n'aime pas le peuple russe, qu'il trouve « mou » et « lâche ».

Par ailleurs, le baron déteste le communisme : il le considère comme une « religion sans dieu ». Pour lui, la guerre qu'il mène contre les Bolcheviks est donc une guerre de religion. À son procès, il dira très sérieusement que, selon lui, le communisme est apparu à Babylone « il y a trois mille ans ». En fait, dans la religion chrétienne, Babylone symbolise le satanisme, la décadence et la corruption ; il est donc logique qu'Ungern l'associe au communisme qu'il trouve satanique.

Enfin, en plus d'être très antisémite, le baron est très fortement misogyne. Tout comme les Juifs, les femmes incarnent à ses yeux ce qu'il hait, à savoir la « corruption » et l'« hypocrisie ». Son mariage n'avait eu lieu que pour des raisons politiques, et son épouse et lui ne s'étaient presque jamais adressés la parole.

Dans la culture[modifier | modifier le wikicode]

Le personnage d'Ungern a inspiré un grand nombre d'artistes.

Littérature[modifier | modifier le wikicode]

Romans[modifier | modifier le wikicode]

Bandes dessinées[modifier | modifier le wikicode]

  • Corto Maltese en Sibérie (1979), d'Hugo Pratt : Ungern y rencontre le personnage principal.
  • Ungern Kahn (1988), de Crisse, deuxième volume de la série L'Ombre des damnés.
  • Taïga Rouge (2008), de Perriot et Malherbe, dans lequel Ungern fait une apparition.
  • Le Baron Fou (2015), de Rodolphe et Michel Faure, en deux volumes, dédié à Ungern.

Poésie[modifier | modifier le wikicode]

  • Ce curieux atour des ténèbres (2023), dans lequel Ungern est mentionné.

Cinéma[modifier | modifier le wikicode]

Musique[modifier | modifier le wikicode]

Jeu vidéo[modifier | modifier le wikicode]

  • Le jeu vidéo Iron Storm présente un monde uchronique dans lequel la Première Guerre mondiale ne s'est jamais terminée, et où un certain baron Ungeberg règne sur un « empire russo-mongol »... Il imagine donc ce qu'il se serait passé si Ungern avait réussi à reconquérir la Russie depuis la Mongolie.

Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • Le Baron Ungern, Khan des steppes, Leonid Youzefovitch, éd. des Syrtes Document utilisé pour la rédaction de l’article ;
  • L'Épopée du baron Ungern-Sternberg en Mongolie. Mémoire d'un témoin sur le temps des troubles en Mongolie-Extérieure (1919-1921), Dmitri Perchine, éd. La Lanterne magique Document utilisé pour la rédaction de l’article ;
  • La sanglante vie du baron Ungern von Sternberg racontée par lui-même, traduit par Vladimir Volodine, éd. Tatamis ;
  • (en) The Story of Baron Ungern-Sternberg told by his Staff Physician, Nikolaï Riaboukhine, Hoover Institution Archives ;
  • (en) About Ungern, Boris Volkov, Hoover Institution Archives.

Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

Article mis en lumière la semaine du 23 octobre 2023.

Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. En 1918, les Bolcheviks réforment l'orthographe russe, supprimant plusieurs lettres, dont le Ѳ de Ѳёдоровичъ (qui se prononçait comme un f et qui a été remplacé par une lettre identique, Ф) et le signe dur muet ъ, qui était présent à la fin de chaque mot.
  2. En allemand, le v de von se prononce comme un f, et le S de Sternberg se prononce comme un ch, d'où la transcription russe qui respecte la prononciation.
  3. Selon le calendrier grégorien qui était utilisé en Occident, mais pas en Russie.
  4. Le Baron Ungern, Khan des steppes, Leonid Youzefovitch, éd. des Syrtes, p. 32.
  5. Le Baron Ungern, Khan des steppes, Leonid Youzefovitch, éd. des Syrtes, p. 94.
  6. Le Baron Ungern, Khan des steppes, Leonid Youzefovitch, éd. des Syrtes, p. 146.
  7. L'Épopée du baron Ungern-Sternberg en Mongolie. Mémoire d'un témoin sur le temps des troubles en Mongolie-Extérieure (1919-1921), Dmitri Perchine, éd. La Lanterne magique, p. 133.
  8. Le Baron Ungern, Khan des steppes, Leonid Youzefovitch, éd. des Syrtes, p. 220.
  9. L'Épopée du baron Ungern-Sternberg en Mongolie. Mémoire d'un témoin sur le temps des troubles en Mongolie-Extérieure (1919-1921), Dmitri Perchine, éd. La Lanterne magique, p. 127 à 129.
  10. L'Épopée du baron Ungern-Sternberg en Mongolie. Mémoire d'un témoin sur le temps des troubles en Mongolie-Extérieure (1919-1921), Dmitri Perchine, éd. La Lanterne magique, p. 162.
  11. Le Baron Ungern, Khan des steppes, Leonid Youzefovitch, éd. des Syrtes, p. 234.
Portail de la Russie - Tous les articles concernant la Russie.
Portail du XXe siècle —  Tous les articles concernant les années 1901 jusqu'à 2000.
Portail de l'histoire militaire —  Tous les articles sur l'histoire militaire, les batailles, les chefs de guerre...