Principaux ministres de Louis XV

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Le règne (1715-1774) de Louis XV peut se diviser en trois segments temporels (de 11, 17 et 31 ans) :

  • la Régence (1715-1723) qu'exerce, au nom du tout jeune Louis XV, le neveu de Louis XIV, Philippe d'Orléans, aidé de l'abbé Dubois ; avec ensuite ce qu'on peut appeler l'intérim du beaucoup moins doué duc de Bourbon (1723-1726) ;
  • le ministériat du cardinal de Fleury (1726-1743) qui, jusqu'à sa mort, garde la confiance du roi ;
  • enfin, le règne personnel de celui-ci, de 1743 (Louis XV a alors 33 ans) à 1774 (il meurt inopinément à 64 ans), règne personnel lui-même divisible en trois périodes avec :
    1. Un gouvernement dominé par Noailles et le comte d'Argenson, puis par Machault d'Arnouville (1743-1757) ;
    2. Un gouvernement dominé par Belle-Isle (1758-1761), puis par Choiseul et son cousin Choiseul-Praslin (1761-1770) ;
    3. Un gouvernement autour de Maupeou, Terray et d'Aiguillon, qui marque un renforcement de l'autorité royale (1771-1774).

Les principaux ministres de Louis XV ont tous été nommés ci-dessus. Chacun d'eux se rattache plus particulièrement à un segment ou une période donné, comme dit ci-dessous.

On ajoutera quelques autres ministres notables qui, chevauchant parfois plusieurs temps du règne, restèrent longtemps à leurs postes, mais dont le rôle fut sans doute moins important que celui des premiers nommés. On mentionnera même une mauvaise pioche1.

L'ensemble donnera ainsi une idée assez complète des hommes admis au Conseil du roi (ou, faveur recherchée, au « travail du roi »), dans l'intimité de ses appartements2, et qui l'ont aidé tout au long de son règne à gouverner le royaume.

La Régence, puis l'intérim du duc de Bourbon : 1715-1726[modifier | modifier le wikicode]

Philippe d'Orléans, Régent de France, en 1717 (par Jean-Baptiste Santerre).

Durant la minorité du roi Louis XV (1er septembre 1715 - 14 février 1923) qui coïncide avec ce qu'on appelle la Régence, le duc Philippe d'Orléans, neveu du roi Louis XIV, dirige le royaume3. Il est le chef de l'État (seul représentant du jeune roi durant sa minorité). Le Régent gouverne d'abord le royaume selon un système de polysynodie jusqu'en 1718, puis le conseil de Régence, dont il reste président, est principalement animé par son ancien précepteur et homme de confiance : l'abbé (archevêque de Cambrai en 1720, puis Cardinal en 1721) Dubois. Philippe le nomme secrétaire d'État aux Affaires Étrangères en 1718, avant de lui accorder le poste de Premier Ministre le 22 août 1722.

L'abbé Dubois, devenu cardinal et au faîte de son pouvoir (printemps-été 1723), juste après que la Régence a pris fin.

Sacré roi en la cathédrale de Reims le 25 octobre 1722, Louis XV devient majeur le 15 février 1723, soit le jour de ses treize ans. La Régence prend officiellement fin une semaine plus tard, mais le gouvernement reste ce qu'il était, à ceci près que le Conseil de régence reprend très logiquement l'appellation de Conseil d'en haut (ou Conseil d'État, ou encore Conseil des ministres) et que le précepteur très apprécié du jeune Louis XV : Fleury, nommé ministre d'État au moment de la majorité de son royal élève, en fait désormais partie.

Philippe d'Orléans continue de présider tous les Conseils gouvernementaux, mais le Cardinal Dubois, qui est toujours à la fois Premier ministre et ministre des Affaires Étrangères, est maintenant tout-puissant au gouvernement. Il est sur tous les dossiers et a, de fait, pris le pouvoir. Cela ne dure pourtant que quelques mois, car, épuisé, diabétique, Dubois meurt le 10 août 1723 d'une mauvaise opération de la vessie. Philippe d'Orléans le remplace comme Premier ministre et poursuit la politique du Cardinal. Malheureusement, il est lui-même usé par le travail, le chagrin, les excès divers... Il succombe à une attaque d'apoplexie le 2 décembre 1723.

Les deux hommes ayant joué un rôle majeur sous la Régence sont :

John Law, inventeur d'un Système devant permettre de restaurer les finances du royaume.
Louis IV Henry de Bourbon-Condé, dit « le duc de Bourbon ».

1. L'abbé Dubois pour la politique extérieure (les Affaires Étrangères). Il persuade le Régent de la nécessité d'une alliance anglo-française (4 janvier 1717 et 2 août 1718). Fort avantageuse pour l'Angleterre, cette alliance est à la source des graves déconvenues maritimes et coloniales que la France va subir à partir de la fin du ministère Fleury et durant les vingt premières années du règne personnel de Louis XV (1740-1763).

2. John Law (contrôleur général des Finances en 1720) pour la politique financière. Promoteur d'un papier-monnaie, John Law met en place un Système (mai 1716-octobre 1720) qui, pense-t-il, doit permettre de restaurer les finances du royaume (la Dette de l'État à la mort de Louis XIV est considérable). Après de brillants débuts, le Système s'emballe victime de spéculations et puis s'enraie, frôle4 la banqueroute... avant d'aboutir à une dévaluation massive mais contrôlée5, finalement plutôt bénéfique pour l'État, le petit peuple urbain et les paysans. Par contre, nombre de rentiers et de communautés religieuses en sortent ruinés ou très appauvris.

Quand Philippe d'Orléans meurt le 2 décembre 1723, un autre grand-oncle de Louis XV est, le jour même, nommé Premier ministre : Louis Henry de Bourbon-Condé, dit « le duc de Bourbon » (ou « Monsieur le Duc »). Il ne sera, pendant les deux ans et demi que dure son gouvernement, qu'un Premier ministre de façade. Dans l'ombre, c'est déjà Fleury, précepteur du roi depuis le 15 février 1717, qui valide ou conteste la politique, vite impopulaire, de Monsieur le Duc... qui, d'ailleurs, ne voie jamais le jeune roi en dehors de la présence de son précepteur et homme de confiance. Le duc de Bourbon est finalement disgracié le 11 juin 1726 ; Fleury devient dans les faits Premier ministre. Il a alors 73 ans. Le 11 septembre de la même année, il est nommé cardinal.

Le ministériat de Fleury : 1726-1743[modifier | modifier le wikicode]

Le cardinal de Fleury, que Louis XV regardait véritablement comme les père et mère qu'il n'avait pas connus.

Ayant plus que jamais la confiance du roi, le cardinal de Fleury gouverne la France durant près de 17 ans6, jusqu'à sa mort le 29 janvier 1743. D'ailleurs, compte tenu de son rôle constant et primordial auprès de Louis XV depuis 1717, on peut dire qu'il a été7 son principal conseiller pendant 26 ans, de 1717 à 1743. Habile diplomate, Fleury assure le rattachement de la Lorraine au royaume et prépare, par la pose d'utiles jalons, l'acquisition de la Corse.
De 1727 à 1737, le Cardinal est aidé dans sa tâche par « son élève, confident et adjoint »8 : Chauvelin, Garde des Sceaux de France et Secrétaire d'État aux Affaires Étrangères. Mais, en 1737, Chauvelin trompe ou perd la confiance du Cardinal et est disgracié.
Cet accroc excepté, le long et paisible ministériat de Fleury correspond à une période de stabilité gouvernementale, de paix relative et, grâce aux mérites de son Contrôleur général Orry, de bonne santé des finances publiques, de prospérité économique du royaume (par un développement du réseau routier, un développement du commerce intérieur et colonial, un essor des ports9 de la côte atlantique) et d'enrichissement de ses populations urbaines comme rurales.

L'Europe après la paix d'Aix-la-Chapelle (18 oct. 1748).

Dans les deux dernières années de son gouvernement (et de sa vie), Fleury, presque nonagénaire, perd hélas de sa fermeté ou lucidité. Après la mort (20 octobre 1740) de Charles VI du Saint-Empire et la prise de possession par Marie-Thérèse d'Autriche de son héritage, il se laisse, comme Louis XV (voire à la suite de celui-ci), entraîner10 dans la guerre de Succession d'Autriche. Le jeu des alliances rendra cette guerre très hasardeuse ; et bien que les armées françaises s'y couvrent de gloire, elle ne se conclut, avec la paix d'Aix-la-Chapelle (18 octobre 1748, soit plus de cinq ans après la mort du Cardinal !), que par un quasi-retour au statu quo ante bellum (retour des choses telles qu'elles étaient avant la guerre)11. Une paix blanche en somme, qui ne satisfait aucun des belligérants.

Le règne personnel de Louis XV : 1743-1774[modifier | modifier le wikicode]

Le comte d'Argenson, secrétaire d'État de la Guerre. Il est à Fontenoy et la veille de la bataille, le Roi et lui dorment sur la même paille12.

Louis XV est à la tête du gouvernement, et, sans Premier ministre officiel, de fin janvier 1743 (à partir de la mort de Fleury) au 10 mai 1774 (jour de sa propre mort). Dans ces 31 ans de règne personnel, on distingue trois grandes périodes :

Noailles et d'Argenson, puis Machault dominent le gouvernement (1743-1757)[modifier | modifier le wikicode]

Adrien Maurice, duc de Noailles. Au conseil d'En Haut depuis 1743 (et éphémère secrétaire d'État aux Affaires Étrangères courant 1744), il s'y montre favorable à un rapprochement avec Marie-Thérèse pour contrer l'Angleterre ; cela, bien avant le fameux « renversement des alliances » signé le 1er mai 1756.
Jean-Baptiste de Machault d'Arnouville voulait un impôt qui s'applique de façon égale à tous les sujets du royaume.

Le maréchal de Noailles, ministre d'État sans département et le comte d'Argenson, secrétaire d'État de la Guerre13 (8 janv. 1743 - 1er février 1757), que le roi considère comme "l'héritier politique et affectif de Fleury"14 dominent d'abord le gouvernement, qu'on appelait alors le Conseil d'État ou Conseil d'En Haut (c'était le Conseil des ministres). Il y a ensuite une montée en puissance de Machault d'Arnouville, d'abord Contrôleur général des Finances (du 6 décembre 1745 au 28 juillet 1754) et ministre d'État (nommé le 24 mai 1749)15, puis Secrétaire d'État de la Marine (1er août 1754 - 1er février 1757) ; pendant un temps, il joue quasiment le rôle de Ministre principal.

Mais, le 5 janvier 1757, a lieu l'attentat de Damiens contre le roi. Après cela,, Louis XV pense calmer la fronde parlementaire16 en renvoyant Machault et d'Argenson, car malgré leur rivalité, ils étaient ses deux ministres les plus compétents et expérimentés, donc les plus en vue et les plus attaqués. En fait, ce double départ suscite plus d'un an de relatif « tangage » au niveau du gouvernement.

Belle-Isle (1758-1761) et surtout Choiseul (1761-1770) s'imposent à leur tour[modifier | modifier le wikicode]

Charles Louis Auguste Fouquet, comte puis duc de Belle-Isle (1684-1761). Et petit-fils du surintendant de Louis XIV.
César Gabriel de Choiseul-Praslin, cousin et « adjoint » du duc de Choiseul.
  • Maréchal de France en 1741, ministre d'État (donc entré au Conseil d'En Haut) en 1756, le duc de Belle-Isle est nommé secrétaire d'État de la Guerre le 3 mars 1758, en pleine guerre de Sept Ans (1756-1763)). Dès la fin de cette année il prend la direction de toutes les forces armées (sur terre comme sur mer17), ainsi que l'ascendant sur le Conseil d'État, alors que Choiseul n'y joue encore qu'un rôle secondaire. Le chevronné (il a 73 ans) mais énergique maréchal, soucieux de modernité et d'efficacité administrative, se consacre entièrement à sa charge avec, dans l'adversité et les revers militaires, un but unique : tenir18. Il meurt au travail dans son cabinet le 26 janvier 1761.
Le duc de Choiseul, par Adélaïde Labille-Guiard.
  • Le plus connu des Choiseul : Étienne-François de Choiseul est entré au Conseil d'En Haut comme Secrétaire d'État aux Affaires Étrangères le 10 décembre 1758. En décembre 1761, il laisse son poste à son cousin Choiseul-Praslin, tandis qu'il prend, lui, en charge, le Secrétariat d'État de la Guerre (qu'il va assumer de 1761 à 1770) et celui de la Marine (qu'il tient de 1761 à 1766). En 1766, Choiseul reprend les Affaires Étrangères à son cousin Praslin qui, lui, récupère la Marine. Pendant près de dix ans, la famille Choiseul anime et domine le Conseil, le duc de Choiseul ayant au gouvernement une autorité comparable à celle d'un Premier ministre. De 1761 à 1766 notamment, Choiseul gère à la fois les départements de la Guerre et de la Marine : jamais auparavant, ces deux Secrétariats n'avaient été entre les mains d'un seul homme. Il réorganise l'armée, il réorganise et développe la marine ; bien décidé à effacer la « honte »19 du traité de Paris (10 février 1763), il agit en grand patriote et prépare la revanche.

Par contre, au passif de l'ère Choiseul, il faut mettre l'affaiblissement de l'autorité royale, le duc ayant une attitude plus qu'ambiguë vis-à-vis des parlements dont, d'une certaine manière, il protège l'insubordination. Dans les pleines années de sa faveur, le « roi Choiseul »20 se comporte parfois vis-à-vis de Louis XV comme une sorte de maire du palais. Enfin, grisé par les progrès réalisés en matière militaire et navale, il manigance une reprise des hostilités contre l'Angleterre à l'insu du roi qui, l'estimant prématurée, n'en veut pas. C'en est trop : le 24 décembre 1770, les deux Choiseul sont disgraciés. La chute de la maison Choiseul marque une rupture politique brutale au royaume des lys ; on assiste à une réaffirmation et même un renforcement de l'autorité royale, une autorité souveraine et (théoriquement21) sans bornes, dont Louis XV n'est, selon la tradition monarchique française, redevable qu'à Dieu seul.

L'abbé Terray, un Contrôleur général des Finances d'une redoutable efficacité.

Le roi reprend la main avec Maupeou, Terray et d'Aiguillon (1771-1774)[modifier | modifier le wikicode]

René-Nicolas de Maupeou, Chancelier de France et Garde des Sceaux. Le dernier grand homme d'État de la monarchie française22.
Le duc d'Aiguillon, arrière-petit-neveu de Richelieu, succède à Choiseul aux Affaires Étrangères (1771-1774).

Le Roi avait, les 16 et 18 septembre 1768, nommé René-Nicolas de Maupeou chancelier de France et garde des Sceaux. Sur les conseils de Maupeou, il avait ensuite nommé l'énergique abbé Terray au Contrôle général des Finances le 22 décembre 1769, atténuant ainsi la position dominante des Choiseul au Conseil des ministres. Quelques mois après la disgrâce des deux cousins, le duc d'Aiguillon obtient le Secrétariat d'État aux Affaires Étrangères le 6 juin 1771 (et celui de la Guerre le 27 janvier 1774). Les trois hommes (parfois désignés comme un "triumvirat"23) forment la base d'un gouvernement réformateur.

Maupeou emploie toute l'année 1771 à remanier l'administration et à réformer, moderniser la justice24 : il divise par six le ressort (ou territoire de juridiction) du parlement de Paris, bientôt complètement renouvelé au moyen de magistrats qui sont, non plus propriétaires de leurs charges, mais nommés par le roi et payés par l'État ; supprime à Paris d'autres cours supérieures (la cour des aides, le Grand Conseil), ainsi que les offices vénaux du Châtelet25  ; remplace les parlements de province les plus récalcitrants par des conseils supérieurs ; limite le droit de remontrance26 ; instaure une justice rapide et gratuite (les épices27 sont supprimées).
Et en novembre 1771, à la rentrée des parlements et conseils supérieurs, le fonctionnement de la justice est rétabli dans tout le royaume.

Du coup, l'abbé Terray peut, entre autres, réformer l'impôt sur le revenu (le « vingtième » créé par Machault), le rendre aussi exact que possible, éliminer les exemptions abusives ; et, en réduisant les dépenses, en améliorant la répartition des impôts, en luttant contre la fraude fiscale, en augmentant les recettes partout où il peut28, il rétablit les finances de l'État, pourtant proche de la banqueroute au moment de son arrivée aux commandes. Et la voie semble ouverte pour une réforme financière complète, une organisation plus rationnelle du royaume.

Quant au duc d'Aiguillon, il s'efforce de corriger les imprudences de Choiseul en matière de politique extérieure. Il apaise la tension franco-anglaise et rend le royaume moins dépendant de l'alliance autrichienne29. Il ne peut empêcher le premier partage de la Pologne le 5 août 1772 ; en revanche, il permet au roi Gustave III de Suède d'imposer une nouvelle constitution au pays (donc de réprimer l'anarchie ambiante), grâce à l'appui financier et diplomatique de la France le 19 août de la même année.

C'est donc avec un royaume sous la conduite d'un gouvernement honnête, intelligent et fort30 que Louis XV termine son règne.

Autres ministres s'étant illustrés durant le règne de Louis XV[modifier | modifier le wikicode]

Mise en contexte : gouvernement, ministres, « travail du roi », Conseil du roi[modifier | modifier le wikicode]

Louis XV en 1773, un an avant sa mort. De lui, le marquis d'Argenson31 a pu dire : « Il est encore plus absolu que Louis XIV ; il commande plus en se taisant que les autres maîtres en parlant haut ; son silence est une interdiction de continuer et une défense d'insister. »
Cependant, tout secret qu'il est, le Roi ne décide qu'après de mûres délibérations avec son Conseil et, presque toujours, selon l'avis majoritaire de celui-ci.

Le gouvernement assure la direction suprême de l'État sous l'autorité du roi, une autorité (au niveau des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire) absolue32... quoique tempérée par les coutumes, dites aussi Lois fondamentales du Royaume.

S'agissant des proches conseillers de Louis XV, le terme « ministre » a deux sens proches mais distincts :

1. Au sens courant, c'est un membre du gouvernement responsable d'une grande administration (sous l'Ancien Régime, on dit : un grand département). Les personnages chargés de ces départements sont :

  • le Chancelier, éventuellement suppléé par le Garde des sceaux, pour les affaires de justice ; c'est le premier magistrat du royaume et le régulateur de la législation ;
  • le Contrôleur général des Finances33 qui est à la tête d'une vaste administration divisée en plusieurs départements ; il traite le département groupant les sujets essentiels — son objectif principal étant de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État, de façon à faire face aux dépenses de celui-ci ; il doit pouvoir fournir chaque fois que demandé — et délègue les autres à des (entre 5 et 7) intendants des finances, eux-mêmes personnages quasi ministériels34, sur lesquels il exerce un droit de regard ;
  • le Secrétaire d'État aux Affaires Étrangères ;
  • le Secrétaire d'État de la Guerre ;
  • le Secrétaire d'État de la Marine et des Colonies ;
  • le Secrétaire d'État à la Maison du Roi (qu'on peut voir comme une sorte de ministre de l'Intérieur35) ;
  • le Secrétaire d'État titulaire d'une cinquième charge. Elle avait existé du temps de l'abbé Dubois (1718-1723), elle est recréée pour Henri Bertin à partir de 1763 et on l'appelle dès lors le « Secrétariat d'État de Monsieur Bertin ». C'est un département aux attributions économiques hétéroclites (agriculture principalement, mais aussi haras, mines, manufactures royales, messageries...) et souvent remaniées ; c'est aussi un « ministère de l'érudition »36.

Ces 6 à 8 personnes (chancelier, garde des sceaux, contrôleur général, secrétaires d'État), qui remplissent les grands emplois de la monarchie, sont ce qu'on appelle couramment des ministres et chacun d'eux est régulièrement amené à travailler en tête-à-tête avec le roi. À cette occasion, le ministre, muni de deux porte-documents contenant l'un les décisions à prendre pour son département, l'autre les nominations (les « grâces ») envisageables37, est admis dans l'appartement du souverain et le rejoint dans son cabinet intérieur38 où Louis XV et lui s'absorbent alors dans ce qu'on appelle le « travail du roi ». Ces tête-à-tête ont lieu sans témoin, à jour et heure fixes ; bien souvent, ils précèdent et préparent un Conseil où seront abordées les questions préalablement « travaillées » par le roi et le ministre concerné.

Cabinet du Conseil (état actuel) dans le grand appartement du roi, à Versailles. Louis XV en a fait la pièce centrale du château. Tout un symbole.

2. Au sens strict, c'est un "ministre d'État" (ex. : Fleury a été élevé au titre de Ministre d'État quand le roi est devenu majeur en 1723). Les ministres d'État, et seulement eux39, sont membres du Conseil d'En Haut (aussi appelé Conseil d'État40). Tenu dans l'appartement du Roi et en sa présence, ce Conseil éminent qui, initialement, traitait tous les grands problèmes de l'État, ne se consacre plus, à partir de 1730, qu'à ceux de politique extérieure (diplomatie, questions militaires et navales, ainsi, en temps de guerre, que préparation des campagnes et conduite des opérations). Il se réunit invariablement le dimanche et le mercredi, mais en temps de crise, il y a un surplus de séances extraordinaires.

À partir de 1730, toutes les questions de politique intérieure sont, elles, traitées par un autre conseil de gouvernement : le Conseil des Dépêches réuni tous les samedis41. Y assistent le Roi, le Chancelier, le Contrôleur des Finances, les ministres d'État et les Secrétaires d'État.

C'est autour de cette table que se réunissent, à 11 heures du matin, les membres du Conseil d'En Haut ou des Dépêches.

Une précision : un ministre d'État n'est pas forcément en charge d'un département (il peut ne pas être ministre au sens courant du terme), mais il participe systématiquement à chaque réunion du Conseil (d'En Haut ou des Dépêches), c'est-à-dire qu'il donne son avis au roi (sur le sujet en cours), quand c'est à son tour de le faire42, opine ou non aux avis des autres, et plus rarement débat. Exemple : le duc d'Orléans (fils du Régent), le duc de Noailles, le prince de Soubise (ami d'enfance de Louis XV) ont été des ministres d'État sans département ; le roi les a nommés ministres d'État pour qu'ils assistent aux Conseils d'En Haut et des Dépêches et qu'il puisse bénéficier de leur avis.

En plus de ces deux conseils dits de gouvernement, le Conseil du roi en comporte un autre : le Conseil privé (Conseil d'État privé) ou Conseil des Parties, compétent en matière administrative, judiciaire et de contentieux. Le Conseil des Parties est présidé par le Chancelier, car le roi n'y assiste que très exceptionnellement43 ; il est composé des grands administrateurs de la monarchie (conseillers d'État et maîtres des requêtes) et se tient le lundi dans la « salle du conseil » (au rez-de-chaussée du château de Versailles, le grand appartement du roi étant, lui, au premier étage). L'assistance y est beaucoup plus nombreuse que pour les deux conseils de gouvernement : de trente-cinq à soixante (voire, parfois, plus de cent) participants selon les circonstances. Au fil des centaines d'arrêts qu'il rend chaque année, ce Conseil se comporte de plus en plus comme une sorte de « cour de cassation »44, une cour suprême, où le droit (donc la justice) s'affine et se perfectionne.

En résumé, le Conseil du roi est un peu le cœur de la monarchie : le roi y éclaire son action et y déclare sa volonté45.

Henri François d'Aguesseau, Chancelier de France de 1717 à 1750. Il démissionne à 82 ans.

Autres ministres ayant joué un rôle non négligeable auprès de Louis XV[modifier | modifier le wikicode]

  • Comme Chancelier de France. Il y eut deux grands ministres à ce poste : D'Aguesseau de 1717 à 1750 et Maupeou (cité plus haut) de 1768 à fin août 177446. D'Aguesseau est un magistrat et un juriste éminent. Son œuvre législative considérable - lois sur les donations (1731), les testaments (1735), les faux et usages de faux (1737) et les substitutions héréditaires (1747) - est à l'origine du code civil des Français ou Code Napoléon. D'Aguesseau tient son poste 33 ans et en démissionne le jour de ses 82 ans.
Après quinze ans de bons et loyaux services au Contrôle général des Finances, Philibert Orry (ici, dans un pastel de Quentin de La Tour) est contraint de démissionner en déc. 1745, du fait d'un conflit avec les frères Pâris, financiers et fournisseurs des armées, apparentés47 à Madame de Pompadour.
  • Comme Contrôleur général des Finances. Outre le météore Law (1720), trois hommes s'illustrèrent à la tête de ce vaste département : Philibert Orry de 1730 à 1745, Machault d'Arnouville de 1745 à 1754 et l'abbé Terray (cité plus haut) de 1769 à 1774. Sinon, la difficulté du poste le rendit particulièrement instable : onze autres titulaires s'y succédèrent entre 1718 (fin de la polysynodie) et 1774 (mort de Louis XV). Par contre, la longévité et compétence de certains intendants des finances furent remarquables : Trudaine exerce cette fonction 34 ans (1735-1769) et dirige le département des Ponts et Chaussées pendant 26 (1743-1769). Il refuse à deux ou trois reprises d'être Contrôleur général des Finances et, sans sa surdité, eût pu être Chancelier48.
  • Parmi les secrétaires d'État, ont déjà été évoqués :
  1. Le comte d'Argenson à la Guerre (1743-1757) ;
  2. Machault à la Marine (1754-1757) ;
  3. Belle-Isle à la Guerre (1758-1761) ;
  4. Choiseul successivement, de 1758 à 1770, aux Affaires Étrangères, puis à la Guerre et à la Marine, puis à la Guerre et aux Affaires Étrangères ;
  5. Son cousin Choiseul-Praslin qui, de 1761 à 1770, reprend d'abord les Affaires Étrangères, puis les échange avec Choiseul contre la Marine ;
  6. Le duc d'Aiguillon aux Affaires Étrangères (1771-1774) et à la Guerre (1774).

Il faut encore citer Maurepas, Saint-Florentin et Bertin.

Jean-Frédéric Phélipeaux, comte de Maurepas. Il fit preuve d'une grande habileté comme secrétaire d'État de la Marine. Sa destitution en 1749 fut une perte pour celle-ci.
  • Le comte de Maurepas fut secrétaire d'État à la Maison du Roi (1718-1749) et de la Marine (1724-1749), département où il excella, bien qu'il ne lui fût, malheureusement, attribué qu'assez peu de moyens financiers. Responsable de la haute police, de la Cour, de Paris (et des haras), il se crut indispensable, invulnérable... jusqu'à sa disgrâce49, le 23 avril 1749. Vingt-cinq ans plus tard, à la mort de Louis XV, le jeune Louis XVI le choisit, plutôt que Machault, comme ministre principal de son gouvernement (ce qui fut une erreur50,51).
Louis Phélipeaux, comte de Saint-Florentin, puis duc de La Vrillière52. Une sorte de « ministre de l'Intérieur » de Louis XV.
Il est cousin de Maurepas, qui a de plus épousé sa sœur ; et le bel-oncle de d'Aiguillon qui a épousé sa nièce.
  • Le comte de Saint-Florentin fut secrétaire d'État de 1725 à 1775, soit la plus longue carrière ministérielle du règne, principalement effectuée à la Maison du Roi (1749-1775) où il prit la suite de Maurepas, son cousin. Sorte de ministre de l'Intérieur de l'époque, il a la fâcheuse réputation53 d'être très généreux dans la délivrance des lettres de cachet, mais il dirige avec bonheur54 un immense département : Paris (via le Lieutenant général de police55), et les intendances non frontalières56 ; il est également en charge du Clergé et de la « religion prétendue réformée » (le protestantisme). Louis XV le nomme ministre d'État en 1761, puis le fait duc de La Vrillière et pair de France en 1770.
Henri Bertin. Après sa démission du Contrôle général des Finances en 1763, il se voit confier un cinquième secrétariat d'État, spécialement créé pour lui.
  • Henri Léonard Bertin. D'abord Lieutenant général de police de Paris (1757-1759), il est en 1759 nommé Contrôleur Général des Finances. Les mesures fiscales, que nécessite la guerre de Sept Ans, dont la création du cadastre qui doit améliorer la répartition de l'impôt, se heurtent à l'hostilité du Parlement. Nommé ministre d'État en 1762, Bertin démissionne du poste de Contrôleur général en fin d'année suivante ; mais Louis XV, qui apprécie son intelligence, tient à le garder au Gouvernement. Il crée spécialement pour lui un cinquième secrétariat d'État ayant un certain nombre d'attributions économiques (le développement de l'agriculture, les mines, la navigation). Depuis le départ de Machault, Bertin est, avec Soubise, le seul ministre pour qui le roi a non seulement de l'estime mais de l'amitié. Il lui a d'ailleurs confié la gestion de ses fonds personnels. Bertin restera à la tête de son petit « ministère » jusqu'en 1780 et celui-ci sera supprimé juste après sa démission.

Une mauvaise pioche[modifier | modifier le wikicode]

En décembre 1763, convaincu par Choiseul que son geste apaisera un peu les parlementaires, le Roi choisit un des leurs, le conseiller L'Averdy, pour succéder à Bertin au Contrôle général des Finances.

L'Averdy est érudit, pieux (janséniste), honnête, mais dépourvu de compétences en matière financière ou administrative.

Ses cinq années de ministère se révèlent désastreuses57 : mesures financières inefficaces et surtout politique économique libérale imprudente, occasionnant bientôt la rumeur d'une entente des grossistes de la meunerie avec la haute aristocratie et même le Roi, pour s'accaparer les blés à bas prix, spéculer sur la pénurie et la misère ainsi créées, et revendre alors leurs stocks de blés au prix fort... bref un complot abominable connu comme le « pacte de famine »58,59.

Cette rumeur, fausse mais tenace, fait apparaître Louis XV comme un odieux affameur des petites gens et contribue à en faire, vers la fin de son règne, un personnage exécré du peuple parisien. Quant au pauvre L'Averdy qui n'en peut mais, s'étant progressivement éloigné de Choiseul et ne bénéficiant plus de sa protection, il est congédié le 20 septembre 176860.

Conclusion[modifier | modifier le wikicode]

Le Conseil du Roi se renouvelle avec une extrême lenteur. Les nouveaux venus s'y imprègnent insensiblement des méthodes et des principes de leurs anciens. De 1718 (fin de la polysynodie) à 1774 (mort de Louis XV), cinquante-cinq personnes seulement ont rempli tous les grands emplois de la monarchie61, une plus grande instabilité ministérielle étant néanmoins apparue au cours du règne personnel (1743-1774) du souverain62, surtout au poste de Contrôleur général des Finances.

Maintenant, si on considère non plus les principaux ministres s'étant illustrés sous le règne de Louis XV63, mais tout l'appareil central de l'État à cette époque : grand officier de la Couronne (le Chancelier de France), ministres, tiercelets de ministre64, les conseillers d'État (ils sont trente), maîtres des requêtes (ils sont quatre-vingts), gouverneurs et intendants de provinces (qui administrent celles-ci civilement — « ayant pouvoir de justice, police, finances, commerce, agriculture, industrie, voirie »65 — et, en partie, militairement), ainsi que leurs subdélégués, greffiers et commis des Secrétariats d'État, etc., on arrive à un total d'environ 1 500 personnes66.

Ces 1 500 personnes67 font fonctionner les rouages d'une monarchie administrative qui, en la personne de Louis XV, règne, dans les années 1770, sur 27 millions de sujets constituant un corps social à la fois extraordinairement divers et cependant uni par toutes sortes de liens. En somme, « un mélange détonnant d'ancien et de moderne »68, qui explosera à la Révolution.

Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

Sources[modifier | modifier le wikicode]

  • Michel Antoine, Louis XV, Fayard, 1989 ;
  • Pierre Gaxotte, Le Siècle de Louis XV, Fayard, 1974 (rééd. 1997) ;
  • François Bluche, Louis XV, Perrin (collection tempus), 2003 ;
  • Yves Combeau, Louis XV - L'inconnu bien-aimé, Belin, 2012 (rééd. 2016) ;
  • Jean-Christian Petitfils, Louis XV, Perrin (collection tempus), 2018.
Ainsi que
  • Jean-François Chiappe, Louis XV, Perrin, 1996 ;
  • Comte Maxime de Sars, Le cardinal de Fleury - Apôtre de la paix, Hachette, 1942 ;
  • Louis XV, le mal-aimé - Les derniers feux de l'Ancien Régime, Le Figaro Histoire, n°64 oct.-nov. 2022 ;
  • Pierre Gaxotte, La Révolution française, Fayard, 1962.

Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Car « Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes
    Ils peuvent
    se tromper comme les autres hommes. » Pierre Corneille, Le Cid, Acte I, scène 3.
  2. Si le Conseil se réunissait dans son appartement du château de Versailles, il lui arrivait aussi de se réunir dans ceux des autres châteaux royaux : Fontainebleau, Compiègne, voire (en lisière du parc de Versailles) au Grand puis, plus tard, Petit Trianon ou dans ses nouveaux châteaux de Choisy-le-Roy, Saint-Hubert (au nord de la forêt de Rambouillet) et Bellevue (près de Meudon). Car dans sa jeunesse (et même après), au gré de ses chasses, le roi menait une vie itinérante et son Conseil devait suivre, même le vieux cardinal de Fleury ; une partie de la cour suivait aussi, comme elle pouvait. Le roi était un homme vigoureux, athlétique, qui adorait la chasse, les courses à cheval, le grand air, la vie ; il n'était pas du genre à rester claquemuré à Versailles toute l'année.
  3. Néanmoins, pour se faire reconnaître comme Régent (et non pas simple président du Conseil de Régence) par le Parlement, Philippe d'Orléans a dû lui restituer le droit de remontrance (avant l'enregistrement des actes royaux ayant force de lois), droit que Louis XIV lui avait retiré depuis 1673. La récupération par le Parlement de son droit de remontrances avant qu'il n'enregistre les lois (édits, ordonnances, lettres patentes) royales va favoriser une fronde des magistrats du Parlement et autres gens de robe qui, par un blocage des institutions du royaume, empoisonnera tout le règne de Louis XV.
  4. D'après François Bluche, Louis XV, Perrin, Collect. Tempus, 2003, p. 24.
  5. Grâce au sang-froid du Régent et à l'intervention des frères Pâris (surtout Joseph Pâris Duverney), d'habiles financiers acquis à son service et à celui du Trésor royal. Quant à John Law, il démissionne et s'enfuit à Bruxelles, le 9 décembre de cette même année 1720. Il n'a plus un sou en poche. Il meurt à Venise en 1729.
  6. Période parfois appelée : la transition Fleury.
  7. Avec Philippe d'Orléans qui, jusqu'à sa mort en 1723, a exercé un rôle formateur bénéfique sur son petit-neveu Louis XV, lui transmettant, aussi affectueusement que possible, son expérience de Chef d'État.
  8. C'est le Cardinal de Fleury lui-même qui l'appelle ainsi (Gaxotte, Le siècle de Louis XV, Fayard, 1974, p. 366).
  9. Bordeaux et Nantes, notamment.
  10. Par l'opinion publique restée en France absurdement austrophobe, alors que la menace Habsbourg d'encerclement du royaume n'existe plus, depuis qu'un petit-fils de Louis XIV (Philippe V) est installé sur le trône espagnol. Opinion publique française personnifiée alors principalement par Belle-Isle, qui joua un rôle moteur dans l'implication de la France dans cette Guerre de Succession d'Autriche. « Ce fut le premier cas dans l'histoire de France d'un conflit décidé par l'opinion et non par le roi [...] » (J.-C. Petitfils).
  11. Cela, pour toutes les puissances concernées, à l'exception de la Prusse qui arrache la riche Silésie à Marie-Thérèse d'Autriche.
  12. Yves Combeau, Louis XV, l'inconnu bien-aimé, Belin, 2016, p. 199.
  13. D'Argenson est également nommé surintendant des postes de 1744 à 1757, puis responsable du département de Paris et des haras de 1749 à 1757, fonctions qu'il récupère de Maurepas, lors de la disgrâce de celui-ci.
  14. Yves Combeau, Le comte d'Argenson, ministre de Louis XV, École des Chartes, 1999, p. 98.
  15. « Autour des années 1750, deux personnalités dominaient nettement le Conseil : le comte d'Argenson et Machault d'Arnouville. En outre, Noailles y resta longtemps très influent, inspirant en coulisse la conduite de la diplomatie (entré au Conseil en 1743, il ne s'en retire, du fait de son âge, qu'en avril 1756) ». D'après Michel Antoine, Louis XV, Fayard, 1989, p. 615.
  16. Opposition d'autant plus fâcheuse que la guerre avec l'Angleterre (la Guerre de Sept ans) a officiellement débuté l'année précédente (le 17 mai 1756) et que son financement va forcément nécessiter la levée de nouveaux impôts, donc l'accord des Parlements à l'enregistrement des déclarations royales stipulant ces nouvelles dispositions fiscales.
  17. Berryer, le secrétaire d'État de la Marine (1758-1761), n'administrant que la partie « bureaucratique » du département.
  18. Le paragraphe sur le duc de Belle-Isle est largement inspiré de : Yves Combeau, Louis XV, l'inconnu bien-aimé, Belin, Collect. alpha, 2016, p. 165-166.
  19. Même s'il sanctionne une nette diminution de l'influence et du prestige français dans le monde, le traité de Paris, qui met un terme à la Guerre de Sept ans, n'a pas été si mal négocié que ça par les deux Choiseul qui ont, du moins au plan économique, « sauvé les meubles ». Le secrétaire d'État aux Affaires Étrangères, préparateur et signataire du traité : César Gabriel de Choiseul-Praslin (le cousin du duc de Choiseul) y gagna d'ailleurs d'être élevé au rang de duc et pair, le roi le remerciant ainsi du travail accompli.
  20. Expression citée par Jean-Christian Petitfils dans son Louis XV, Perrin, Collect. Tempus, 2020, p.779.
  21. Contrairement à ce que pensaient certains historiens du XIXe siècle, l'absolutisme louis-quatorzien n'avait pas impitoyablement broyé les corps intermédiaires, anticipant le travail de la Révolution française. La centralisation administrative avait rencontré des résistances, connu des régressions, été contrainte à des compromis avec l'aristocratie et les élites provinciales, en particulier pour le partage de la manne fiscale. La souveraineté royale, toute puissante en théorie, était en réalité limitée, corsetée par les pouvoirs locaux et les corps sociaux. Ces freins entravaient fortement la marche de la modernisation étatique. L'aristocratie, quoique "domestiquée" par Louis XIV, réagissait sous Louis XV en investissant insidieusement l'État et la société. La charpente bureaucratique, progressivement édifiée par la monarchie administrative, n'avait en rien affaibli la puissance des élites, qui avaient vite investi ces structures nouvelles. Ainsi se produisait une subversion de l'État par le clanisme néo-féodal, qui se parait au besoin des feux de la modernité. Deux mouvements contraires, l'un progressant vers l'Etat moderne, l'autre régressant vers l'État baroque, rongeaient le coeur du système politique. Leur développement parallèle fut sans doute une des causes principales de la dislocation de l'Ancien Régime. En province, par ex., sous le gouvernement Fleury, les élites enrichies, bien introduites dans les parlements ou les états (des "pays d'états" : Bretagne, Languedoc, Provence, Dauphiné...), se laissaient rarement dominer par l'intendant (représentant du roi), souvent dépourvu d'implantation locale. Sous Louis XV, les différentes noblesses, non seulement d'épée ou de cour, mais aussi de robe (80 % des familles de parlementaires étaient nobles ou l'étaient devenues avec l'achat de leurs charges ; la plupart des magistrats étaient riches, parfois très riches, cherchaient à se hausser du col, à intégrer la frange supérieure de l'élite), tendaient à se rapprocher. Le corps social se coagulait, se coalisait progressivement contre le pouvoir royal. Au point de se demander si ça n'était pas désormais la noblesse qui rêvait de « domestiquer » la monarchie. (Cette note résume et cite assez fidèlement : Jean-Christian Petitfils, Louis XV, Perrin, Collect. Tempus, 2020, p. 350 à 354.)
  22. Selon Michel Antoine, Louis XV, Fayard, 1989, p. 186.
  23. Un « triumvirat » fictif, car le principe de cloisonnement (entre les différents ministres, différents départements) et d'arbitrage souverain (du roi) observé dès les années 1740 et qui avait été celui de Fleury, est toujours en vigueur. Le débat politique va bon train, l'on agite des grands mots, mais Monteynard, secrétaire d'État de la Guerre, mène les réformes de l'armée, Bourgeois de Boynes, secrétaire d'État de la Marine, poursuit son réarmement, la justice que vient de réformer Maupeou fonctionne : les juges jugent... et le roi, silencieux, gouverne. (D'après : Yves Combeau, Louis XV, l'inconnu bien-aimé, p. 220-221).
  24. Cette tentative de réforme et modernisation de la justice est mise au point entre le roi, le Chancelier Maupeou (assisté de Bourgeois de Boynes), le duc de La Vrillière et l'abbé Terray. Les juges ne sont plus propriétaires de leurs charges ; ils sont choisis, nommés et payés par le Roi. La justice est gratuite : défense est faite aux juges de retirer le moindre avantage des causes qu'ils examinent, et aux plaideurs de leur offrir des cadeaux ou épices. D'après : P. Gaxotte, Le Siècle de Louis XV, Fayard, 1997, p. 453.
  25. Le Châtelet ou Tribunal de Grande Instance de Paris, le plus grand tribunal d'Europe.
  26. Voici, lors de l'installation du nouveau Parlement de Paris le 13 avril 1771, un extrait du discours de Maupeou aux magistrats : « Vous ne serez point les instruments aveugles et passifs d'une volonté absolue. Sa Majesté écoutera vos conseils. [...] Vous vous souviendrez que le devoir d'avertir l'autorité n'est pas le droit de la combattre. [...] Que resterait-il au Roi si les magistrats, liés par une association générale, formaient un ordre nouveau qui pût opposer au souverain une résistance active et combinée, si maîtres de suspendre ou d'abandonner à leur gré les fonctions de leur ministère, ils pouvaient intercepter tous à la fois dans toutes les provinces le cours de la justice, si enfin le droit d'exercer une portion de l'autorité royale était entre leurs mains le droit de ne reconnaître aucune autorité. » Cité par : Gaxotte dans Le Siècle de Louis XV, 1997, p. 456.
  27. Les épices étaient des frais de justice arbitraires (fixés par consentement mutuel entre juge et plaideur), censés rémunérer la confection du rapport pendant la phase écrite du procès; en fait, un moyen pour le plaideur d'acheter la faveur du juge et d'influencer sa décision. Cette pratique judiciaire remontait au Moyen-âge.
  28. Même si le nouveau parlement objecte aux mesures fiscales de Terray, il ne peut plus, son droit de remontrance ayant été limité, les empêcher.
  29. D'après le Louis XV de François Bluche, Perrin, Collect. Tempus, 2003, p. 172.
  30. Les trois qualificatifs sont repris de l'historien François Bluche dans son Louis XV, Perrin (Collect. Tempus), 2003, p. 173.
  31. Frère aîné du comte d'Argenson, le marquis d'Argenson fut secrétaire d'État aux Affaires Étrangères de 1744 à 1747. Le propos rapporté ci-dessus est tiré de son Journal et cité par : Yves Combeau, Louis XV, l'inconnu bien-aimé, p. 90.
  32. Sacré roi de France à Reims, Louis XV tient sa souveraineté de Dieu, et de personne d'autre (la monarchie française est une monarchie de droit divin).
  33. Les attributions du Contrôleur général sont immenses. "Patron" d'un collège de 5 à 7 intendants des finances (à la fois ses seconds et ses collaborateurs), il administre non seulement les finances et la fiscalité, mais aussi les affaires économiques, le commerce, l'industrie, les mines, les ponts et chaussées, les eaux et forêts... soit six ou sept départements, qu'on appellerait aujourd'hui des ministères (d'après François Bluche, Louis XV, Édit. Perrin, 2003, p. 255).
  34. Ces « tiercelets de ministre », selon l'expression de Saint-Simon, ont à leur poste (la direction d'un département) une durée de vie normalement beaucoup plus longue que le Contrôleur général des Finances, sous l'autorité duquel ils travaillent. Ainsi, Daniel Trudaine a été intendant des finances, et comme tel en charge du "département" (ou service) des ponts et chaussées, pendant 34 ans, jusqu'à sa mort en 1769.
  35. Jean-François Chiappe, Louis XV, Perrin, 1996, p. 122.
  36. Michel Antoine, Louis XV, Fayard, 1989, p. 861.
  37. D'après Yves Combeau, Louis XV, l'inconnu bien-aimé, p. 80.
  38. Ce cabinet intérieur n'était pas réservé qu'aux séances de travail en tête à tête avec chacun de ses ministres ; pour le roi, ce cabinet était ce qu'on appellerait aujourd'hui son "bureau", le lieu dans lequel il travaillait « seul, longtemps et beaucoup » (Yves Combeau, Louis XV, l'inconnu bien-aimé, p. 80-81). Là, il lisait et annotait les multiples ordres financiers, les dépêches provenant des quatre coins du royaume et de l'étranger, des états ou rapports d'un peu tout, sur tous les sujets, etc. ; sa correspondance personnelle était aussi très abondante. Sauf les jours de chasse, le roi passait deux bonnes heures, le matin, dans son cabinet et il pouvait y retourner l'après-midi et le soir. Il lisait et écrivait beaucoup. Et dans la pièce adjacente (connue comme son cabinet des Dépêches), tous ses "papiers" (dossiers, états de toutes questions, plans, moyens, etc.) étaient soigneusement rangés et étiquetés de sa propre main ; dans ce cabinet des Dépêches, personne n'était admis, hormis son gros chat angora blanc. À la mort du roi, le dauphin devenu Louis XVI est entré en possession de tous ces dossiers, qu'il aurait finalement brûlés.
  39. Sous Louis XV, leur nombre oscille entre quatre et sept ; et noter qu'aucun de ses chanceliers ne fut ministre d'État, contrairement à certains de ses gardes des Sceaux (Michel Antoine, Louis XV, Fayard, 1989, p. 185-186).
  40. Aujourd'hui, on dirait : Conseil des ministres.
  41. Et si empêchement du Roi, le vendredi.
  42. L'ordre de préséance respecte généralement l'ancienneté au Conseil, ceux qui y sont les plus anciens parlant en dernier... juste avant le roi, qui a le dernier mot et décide.
  43. Il n'y vint que deux fois dans tout son règne :
    1. Le 3 mai 1762 ;
    2. Le lundi 22 décembre 1766, pour éteindre et mettre un terme à l'affaire La Chalotais (le procureur général du Parlement de Bretagne).
  44. Yves Combeau, Louis XV, L'inconnu bien-aimé, p. 78.
  45. D'après Michel Antoine, Louis XV, Fayard, 1989, p. 196. Un propos auquel on apportera la nuance suivante : lorsqu'une affaire est examinée au gouvernement (au conseil d'En Haut ou des Dépêches), Louis XV ne prend que très rarement une décision allant à l'encontre de l'opinion majoritaire qui se dégage de la prise d'avis de ses ministres ; il peut donc lui arriver, s'il doute que l'opinion qui se dessine soit la bonne, d'interrompre la réunion, quitte à reprendre l'examen de cette affaire lors d'une autre séance.
  46. En fait, le Chancelier reste à son poste, qui est inamovible, jusque décembre 1790, date de la suppression de cet office. Mais à son avènement, Louis XVI, sur les conseils de Maurepas qu'il a choisi comme principal ministre, retire à Maupeou la garde des Sceaux pour la confier à Miromesnil le 24 août 1774. En même temps, il rappelle les anciens Parlements et les rétablit dans tous leurs pouvoirs, anéantissant ainsi la réforme de la justice que Maupeou avait mise en place. On peut donc considérer que la carrière ministérielle de Maupeou s'arrête (ou en tout cas que son influence au gouvernement cesse) ce 24 août 1774.
  47. Yves Combeau, Louis XV, l'inconnu bien-aimé, p. 197.
  48. D'après Pierre Gaxotte, Le Siècle de Louis XV, Fayard, 1974, p. 377.
  49. Louis XV lui reprochant sans doute son insolence envers Mme de Pompadour, mais aussi sa présomption et surtout d'être trop proche des factions aristocratiques qui ne comprenaient pas la nécessité d'une réforme de la fiscalité (D'après J.-C. Petitfils, Louis XV, p. 551-552).
  50. Une erreur, puisque six mois après le début de son règne, cédant aux conseils insistants de Maurepas, le jeune roi rétablit les anciens parlements (!), et qu'ils purent reprendre leur action paralysante de l'administration du royaume et leur obstruction à toute réforme. (D'après J.-C. Petitfils, Louis XV, p. 836).
  51. « Le nouveau règne (celui de Louis XVI) commença par une faute, la plus grosse qui se pût commettre, la seule qui fût irréparable : le rappel des Parlements. Pour qui a médité, ne fût-ce que deux minutes, sur les désordres qu'ils avaient provoqués depuis un demi-siècle, cette mesure est incompréhensible [...] ». Gaxotte, La Révolution française, Fayard, édit. 1962, p. 87.
  52. Lorsque le duc de La Vrillière mourut en 1777, des esprits facétieux ou revanchards lui dédièrent cette épitaphe sarcastique :
    Ci-gît, malgré son rang, un homme assez commun,
    Ayant porté trois noms, il n'en laissa aucun.
    D'après Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Les éditions de Minuit, 1973. Voir Tome 2, à : Saint-Florentin (rue), p. 407.
  53. C'est lui notamment qui, en novembre 1765, fit arrêter et emprisonner La Chalotais, procureur général du parlement de Rennes et meneur du grand trouble qui agitait la ville. (D'après Y. Combeau, Louis XV, l'inconnu bien-aimé, 2016, p. 178).
  54. D'après J. F. Chiappe, Louis XV, Perrin, 1996, p. 528.
  55. Le Lieutenant général de police est, par ordre de préséance, le 3ème magistrat du Tribunal de Grande Instance de Paris ou Châtelet, mais également et surtout un « tiercelet de ministre » (un « quasi-ministre »), admis au « travail du roi » avec lequel il s'entretient en tête-à-tête si besoin. À Paris, sous le contrôle de Maurepas (jusqu'à la disgrâce de celui-ci en 1749) puis de Saint-Florentin (jusqu'à son remplacement par Malesherbes en 1775), il veille sur la sûreté et l'ordre public, sur le ravitaillement de la ville, sur les métiers, sur le livre en général. La lieutenance de police de Paris est une administration qui, dans la deuxième partie du règne personnel de Louis XV, atteint une stabilité et une efficacité (administrative et policière) remarquables. C'est Antoine de Sartine qui, de 1759 à 1774 assume cette lourde et importante fonction (puis Louis XVI le nommera, en août 1774, Secrétaire d'État de la Marine).
  56. C'est à dire qu'il assure la liaison avec les intendants des provinces non-frontalières (la liaison ou correspondance avec les intendants des provinces frontalières étant, elle, assurée par le Secrétaire d'État de la Guerre).
  57. « Ses cinq années de ministère doivent être tenues pour une véritable catastrophe. Les intendants n'osent plus administrer, les impôts ne sont perçus qu'avec des retards invraisemblables, l'autorité du Roi est bafouée, les citoyens dévoués au bien public se cachent et se taisent. Enfin la présence au Conseil d'un parlementaire enflamme tous les autres. » Gaxotte, Le Siècle de Louis XV, 1974, p. 335.
  58. "Au début des années 1760, le premier libéralisme avait inspiré une déréglementation du commerce des blés (la denrée de base) qui jusqu'à présent était strictement encadré. Le roi, en bon père du peuple de France, devait garantir à ses sujets leur pain quotidien. La libéralisation du marché suscita l'inquiétude face à la hausse des prix, puis la colère lorsque de mauvaises récoltes survinrent. La rumeur d'un « complot de famine » circula, des émeutes éclatèrent et le roi fut mis en cause : que faisait-il de son devoir nourricier ? Le retour à la réglementation n'éteignit pas la méfiance." (Bernard Hours, article Les derniers feux de l'Ancien Régime, dans "Le Figaro Histoire n° 64, oct. - nov. 2022 : Louis XV, le mal-aimé", extrait de la p. 51).
  59. appelé ainsi par référence sarcastique au Pacte de Famille, alliance (concoctée par Choiseul et signée en août 1761) entre les différents Bourbons régnant en France, en Espagne, à Parme, à Naples et qui détermina l'entrée en guerre de l'Espagne, au côté de la France, contre l'Angleterre (pendant la Guerre de Sept ans).
  60. Et cette tenace rumeur du « pacte de famine » (et d'en avoir été l'un des instigateurs) lui vaudra, vingt-cinq ans plus tard, d'être guillotiné, le 24 novembre 1793.
  61. D'après Pierre Gaxotte, Le Siècle de Louis XV, p. 377.
  62. Quarante-trois ministres durant les trente et un ans du règne personnel de Louis XV (1743-1774), alors que le cardinal de Fleury avait gouverné avec douze ministres en dix-sept ans. D'après : Jean-Christian Petitfils, Louis XV, 2018, p.835.
  63. Louis XV qui, cependant, dans son testament daté du 6 janvier 1766 (soit huit ans avant sa mort), regrette de « n'avoir pas été secondé comme il l'aurait désiré, surtout dans les affaires de la religion » (François Bluche, Louis XV, 2003, p. 194).
  64. Un « tiercelet de ministre » est, répétons-le, le chef d'un petit département (on dirait aujourd'hui : d'un petit ministère). Ces « tiercelets de ministres » prolongent et complètent le gouvernement. Les intendants des finances (par ex. Trudaine, chef du département administrant les Ponts et Chaussées), mais aussi le surintendant des postes, le directeur général des Bâtiments, le lieutenant général de police de Paris, etc., sont des « tiercelets de ministres » souvent très compétents, et/car à des postes extrêmement stables.
  65. François Bluche, Louis XV, 2003, p. 262.
  66. Indépendamment du personnel privé des Fermiers généraux (gestionnaires des impôts indirects affermés) et des agents du fisc. (D'après Jean-Christian Petitfils, Louis XV, 2018, p. 806.)
  67. "Pendant trente ans, l'opinion publique contraria sans cesse l'autorité du Roi et elle se montra d'autant plus hardie dans ses entreprises qu'une soumission d'un siècle avait déshabitué la monarchie de ce genre de luttes. À y regarder de près, on s'aperçoit vite que la couronne ne disposait que d'un très faible appareil administratif et militaire. Ses deux grandes forces étaient l'attachement et le respect de ses sujets. Ces sentiments ruinés ou affaiblis, il ne manquait pas dans le royaume d'institutions assez fortes pour la tenir en échec. Assemblée du clergé, États provinciaux, Parlements : autant de corps puissants et ambitieux, prêts aux revendications les plus audacieuses." Pierre Gaxotte, Le siècle de Louis XV, 1974 (1997). P. 182-183.
  68. Jean-Christian Petitfils, Louis XV, 2018, p. 806.
Article mis en lumière la semaine du 19 décembre 2022.
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