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Occupation de la Ruhr

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Affiche anti-française dénonçant l'occupation de la Ruhr, 1923.

L'occupation de la Ruhr est une opération politique appuyée par des moyens militaires qui a été menée, en Allemagne rhénane, par les gouvernements français et belge de janvier 1923 à août 1925. Il s'agissait de contraindre les Allemands à verser sans le retard habituel et avec une monnaie qui avait un réel pouvoir d'achat, les sommes dues au titre des réparations des dégâts de la Première Guerre mondiale.

Dans la Ruhr, la plus importante des régions industrielles de l'Allemagne, quelques dizaines de techniciens franco-belges, prennent en main de la direction des usines métallurgiques, des mines et des installations produisant du coke sidérurgique allemands. Ils sont protégés par un déploiement de troupes franco-belges (environ 47 000 soldats). La production faite dans les installations allemandes était acheminée vers la France et la Belgique comme compensation des sommes dues. Le gouvernement allemand a encouragé la population et les travailleurs de la Ruhr à faire de la résistance passive afin d'entraver le fonctionnement normal des installations. Mais il y eu aussi de nombreux incidents voire des attentats contre les troupes d'occupation.

L'occupation franco-belge de la Ruhr, qui est condamnée par les gouvernements britanniques et américains (soucieux de ménager le client et fournisseurs allemand) et les milieux d'affaires européens, ainsi que par une partie de la gauche française (en particulier le parti communiste français), est loin d'avoir les résultats attendus. Sous la pression internationale le nouveau gouvernement allemand s'engage également à régler les dettes en temps voulu. Dès l'accès au pouvoir en France du Cartel des gauches en juin 1924, le gouvernement Herriot entreprend un retrait progressif des troupes françaises de la Ruhr.

L'Allemagne paiera[modifier | modifier le wikicode]

Afin de préserver la sécurité de l'Europe occidentale face au militarisme allemand les territoires allemands situés à l'ouest du Rhin et jouxtant la France et la Belgique sont occupés militairement par les Français, les Belges et les Britanniques (les Américains se retirent dès 1919 en confiant leur « zone » à la France. Une bande de terrain de 50 kilomètres située à l'est du Rhin est également occupée. Ces territoires devaient être progressivement « libérés » selon un programme étalé entre 5 et 15 ans. Le tout est administré par diverses commissions interalliées militaires et civiles où la France joue un rôle prépondérant.

Destruction des installations minières françaises pendant la Première Guerre. Ici à Liévin. Situation en 1920

Vaincue en novembre 1918, l'Allemagne doit subir la rigueur des conditions de paix imposées par ses vainqueurs et en particulier la France. L'article 231 du Traité de Versailles rend l'Allemagne responsable de la guerre : elle doit donc en payer les dégât (réparations matérielles, mais aussi pensions versées aux anciens combattants, aux veuves et aux orphelins de guerre. En 1921, le montant des réparations allemandes est fixé à 132 milliards de marks-or à verser sur 30 ans. L'Allemagne doit par ailleurs livrer obligatoirement à la France, du charbon et du coke sidérurgique (qui sera utilisé pour continuer à faire fonctionner les installations sidérurgiques de la Lorraine (territoire allemand de 1871 à 1919). Mais il est prévu que ces livraisons très avantageuses sur le plan financier seraient arrêtées en 1930.

L'Allemagne est en retard pour les paiement des indemnités de guerre. En 1920 elle n'a réglé que 7,5 milliards de marks-or sur les 20 qui étaient prévus. De mai 1921 à fin décembre 1922, seuls 2,9 milliards ont été versés sur les 4,9 attendus. Et sur ces sommes la France ne perçoit qu'un cinquième des versements, les 4/5eme restant sont versés à la Belgique qui a été déclaré prioritaire.

Monuments aux morts de la Première Guerre mondiale. Aubazine en Corrèze

En 1922 l'Allemagne n'a cessé de demandé des reports et des allègements de paiement, en cela elle est soutenue par les Britanniques et les financiers internationaux. Beaucoup d'Anglo-saxons pensent que l'Allemagne n'a pas les moyens de régler ses dettes et l'emprunt international de 26 milliards remboursable en 10 ans qu'elle envisage d'émettre auprès des financiers surtout anglo-saxons pour tenir ses obligations ne pourra se faire que si la dette allemande est considérablement réduite afin de na pas effrayer les prêteurs.

Or la France dont le territoire a été dans le Nord et l'Est ravagé par la guerre ne veut pas réduire la dette allemande. De plus les Français pensent que l'Allemagne peut payer . En effet le potentiel industriel allemand n'a que peu souffert de la guerre (l'armée française d'ailleurs n'a guère bombardé les installations sidérurgiques de la Lorraine alors allemande). De plus le budget militaire allemand est considérablement réduit du fait que le Traité de Versailles ne permet que l'existence d'une armée allemande aux effectifs et à l'armement réduits.

Pour obliger l'Allemagne à payer, Poincaré envisage donc de prendre un gage productif : la région minière et industrielle, de la Ruhr. À partir de l'été 1922, en vain, il espère convaincre les Britanniques de participer à l'opération. En effet les diplomates français jugent que l'Allemagne se montrera plus coopérative si elle voit l'unité des Alliés. Une occupation militaire de la Ruhr sera peut être même alors inutile. Mais les Britanniques refusent le plan français car en rien ils ne veulent favoriser la France et modifier l'équilibre européen. De plus les compagnies houillères britanniques ne veulent pas que la France trouve alors un nouveau fournisseur de charbon et de coke ce qui les priverait de la clientèle française. Les Britanniques n'acceptent le plan français qu'en cas de nouveaux manquements allemands pour régler leur dettes. Devant le maintien d'une position française intransigeante, à la conférence de Paris du 2 au 4 janvier 1923, les Britanniques indiquent seulement qu'ils n'interviendront pas pour contrarier l'opération militaire franco-belge. Poincaré pense alors avoir les mains libres pour une intervention militaire.

Le problème de l'approvisionnement en coke pour la sidérurgie française[modifier | modifier le wikicode]

Le 11 janvier 1923, à Paris devant la chambre des députés le Président du conseil et ministre et ministres des Affaires étrangères Raymond Poincaré justifie par avance l'invasion de la Ruhr : l'Allemagne ne respecte pas ses obligations de livraisons du charbon et du coke. « L'Allemagne ne nous a pas donné, le charbon qu'elle nous devait, il est naturel que nous allions le chercher maintenant sur le carreau des mines. Nous allons chercher du charbon ». Qu'en est-il exactement des livraisons allemandes ? En 1921 l'Allemagne a presque tenu ses obligations : elle a expédié 6,15 millions de tonnes de charbon et 3,5 millions de tonnes de coke ; en 1922 les livraisons sont de 3,3 millions de tonnes pour le charbon et 5 millions de tonnes pour le coke.

Jusqu'en 1919, la sidérurgie lorraine (alors terre de l'Empire allemand) recevait directement son coke de la Ruhr, elle en consommait environ 4 millions de tonnes par an. Avec le retour de la Lorraine à la France, la sidérurgie française (Lorraine plus les autres régions sidérurgiques) doit importer le coke nécessaire pour 7 millions de tonnes par an. Elle peut en recevoir à des conditions avantageuses de la Ruhr au titre des indemnités de guerre. Mais il est prévu que ces conditions doivent cesser en 1930. À partir de cette date les sidérurgistes français devront payer le coke plus cher et ils dépendront des contrats passés avec les compagnies minières allemandes qui ne leur feront certainement pas de cadeau. Le moyen d'éviter cet avenir difficile est de mettre la main sur le capital des compagnies minières de la Ruhr (les mines appartenant à l'État allemand et aussi celles des compagnies privées), en profitant de la situation diplomatique et militaire qui est encore favorable à la France en 1923. Le ministère des Affaires étrangères français a mis au point un plan allant dans ce sens.

L'occupation comme première étape de la constitution d'un État rhénan autonome[modifier | modifier le wikicode]

Dès 1922, le ministère français des Finances estimait que l'occupation de la Ruhr ne serait pas rentable financièrement. La présence militaire franco-belge coûterait beaucoup aux deux pays et la saisie des produits industriels serait trop peu rémunératrice. L'occupation en vue de se procurer le charbon peut alors cacher une autre intention.

Dès 1922, le ministère français des Affaires étrangères a élaboré un plan visant à établir une sorte de protectorat sur les régions rhénanes. Pour établir ce système, les Français envisagent d'expulser les fonctionnaires prussiens et bavarois (ces régions étant avant la guerre sous domination du royaume de Prusse et du royaume de Bavière). Ils seraient alors remplacés par des fonctionnaires d'origine rhénane (estimés anti-prussiens et anti-bavarois). Un cordon douanier serait institué à l'est de la région rhénane, au contact des autres états allemands, tandis que l'on diminuerait les droits de douanes à l'ouest ce qui réorienterait les courant commerciaux vers la France et la Belgique. Les diplomates français envisagent de créer une monnaie particulière pour la Rhénanie, monnaie ayant une forte relation avec le franc français. Il ne s'agit pas de donner l'indépendance à la Rhénanie (qui pourrait alors exiger le départ des troupes d'occupation) mais de lui accorder une très large autonomie dans le cadre d'un Reich allemand très éclaté (depuis des siècles la division de l'Allemagne est pour la diplomatie française la clé de la sécurité de la France) et soustrait à la prépondérance prussienne. Pour les Français qui en 1919 n'ont pu obtenir des Britanniques et des Américains, la garantie de leur sécurité par une intervention militaire en cas de conflit avec l'Allemagne, cela serait un énorme avantage.

Pour profiter d'une réaction probable, d'un appel à la résistance de la part du gouvernement allemand à l'occasion de l'occupation de la Ruhr, les Français imaginent qu'ils pourraient mettre en place le plan d'autonomie rhénane. Dans ce cas l'occupation de la Ruhr n'est que le camouflage d'une vaste opération politique.

L'occupation[modifier | modifier le wikicode]

Des cavaliers français du 5e régiment de dragons patrouillent dans les rues d'Essen. 13 janvier 1923

Dès le 11 janvier des formations militaires franco-belges, parties des territoires rhénans qu'elles occupaient depuis fin 1918, envahissent le bassin minier et industriel de la Ruhr. Le prétexte à cette invasion est la non-livraison par l'Allemagne du bois et des poteaux télégraphiques qu'elle devait fournir avant la fin décembre 1922. Dès le 13 janvier, le gouvernement allemand présidé par le chancelier Cuno appelle la population de la Ruhr à la résistance passive, c'est-à-dire sans action militaire, contre les troupes d'occupation. La population ne doit avoir aucun contacte avec les étrangers. Le personnel en charge des infrastructures de communication et de transport dérègle les installations. Il s'agit de paralyser le fonctionnement des usines et de gêner les mouvements des envahisseurs. Les grévistes seront indemnisés part le gouvernement. Les « collaborateurs » seront punis : privation des droits à la retraite pour les fonctionnaires, emprisonnement et confiscation des biens.

Affiche allemande de 1923 appelant les travailleurs allemands à la résistance passive

Le syndicat patronal des mines et des industries de la Ruhr, s'est enfui en emportant les archives et les plans des installations, afin de rendre l'exploitation très difficile. L'envahisseur a prévu de faire fonctionner les installations des régions passées sous son contrôle par 72 ingénieurs missionnés par la Mission interalliée de contrôle des mines et des usines. Ils seront protégé par plus de 47 000 soldats. Devant l'ampleur et la prolongation du mouvement de résistance, il faudra « importer » dans la Ruhr des fonctionnaires français, des mineurs, afin d'isoler la région du reste de l'Allemagne. Il faudra renforcer considérablement les effectifs des troupes occupantes dont 1 200 soldats du génie. Pour loger le personnel occupant 145 000 Allemands sont expulsés de leur domicile. Pour expliquer la situation aux Allemands et transmettre les décisions des autorités occupantes le groupe Hachette édite un journal en langue allemande tiré à 80 000 exemplaires.

Billet de 1 000 marks émis en décembre 1922, et surimprimé à un milliards de marks en 1923

L'occupation qui brise les liens économiques habituels, en particulier pour le ravitaillement alimentaires, l'arrêt du travail dans certains métiers provoquent une pénurie alimentaire. De plus les prix s'envolent : dans les huit premiers jours de l'occupation le prix du pain passe de 7 000 à 20 000 marks sur le marché libre (non réglementé). Pour réduire le poids réel de la dette due aux Alliés ; mais aussi pour régler les indemnités versées aux grévistes le gouvernement allemand multiplie les billets de banques. La valeur du marks s'effondre face au dollar US (En 1919 le dollar vaut 4 marks, en 1921 ; on atteint 7 marks, en décembre 1923 il faut 4 trillions de m:arks pour se procurer un dollar. Il faut surchargé les billets de banque pour en indiquer la valeur réelle au moment de l'utilisation. La hausse des prix devient vertigineuse, les prix changent quasiment d'heure en heure, les salariés exigent d'être payés à la fin de chaque demi-journée …

Pour en savoir plus, lis l’article : Crise de 1923 en Allemagne.

Résistance et répression[modifier | modifier le wikicode]

Cérémonie de funérailles des mineurs allemands tués par l'armée française au cours d'une manifestation. Essen. Avril 1923

Dès le 21 janvier les syndicats allemands (liés au Parti social-démocrate allemand ou ou tout nouveau parti communiste, appellent à la grève générale. Pour briser le mouvement de grève l'occupant fait venir des travailleurs français et belges. Les heurts de multiplient avec la population. Le 12 mars, deux militaires français sont assassinés dans la Ruhr.Le 31 mars les ouvriers des usines Krupp d'Essen refusent d'être réquisitionnés pour faire fonctionner les installations. L'armée française tire sur les protestataires et tue 13 ouvriers et en blesse 30 autres. Le 7 avril des péniches qui devaient emmener du charbon en Belgique sont sabotées et coulent. En riposte les occupants fusillent Léo Schlageter]] un jeune nationaliste allemand, membre d'un réseau d'espionnage patronné par l'armée allemande,qui en mars 1923 à la gare d'Essen et sur un pont de la ligne ferroviaire Düsseldorf–Duisbourg, a attaqué à l'explosif un convoi ferroviaire de charbon destiné à la France. Schlageter qui deviendra le martyr de la résistance à l'occupant et un exemple repris par la propagande nazie. .

Le mécontentement facilitent la propagande des partis extrémistes en particulier du parti nazi qui en novembre 1923 tente un coup d'État à Munich. Les communistes aussi bien allemand que français s'opposent à l'occupation. Ils créent des cellules pour diffuser le idées de résistance et de non-obéissance aux ordres reçus, à l'imitation de ce qui s'est passé en 1921 dans la flotte française de la mer Noire où une partie des marins refusent de lutter contre l'armée rouge bolchevique. Dans certains régiments des collectes sont organisées pour soutenir les grévistes et les opposants allemands.

Le gouvernement français tente d'enrayer l'action des communistes , en mai 1923 plusieurs députés communistes Marcel Cachin, Gabriel Péri, Georges Marrane, Gaston Monmousseau, sont inculpés pour « attentat contre la sureté extérieure et intérieure de l’État » et emprisonnés plusieurs mois.

L'échec de l'occupation[modifier | modifier le wikicode]

Les troupes françaises évacuent la ville de Dortmund. Octobre 1924

La forte hausse des prix, la menace de perdre son emploi à cause du remplacement par de la main d'œuvre étrangère, émousse la volonté de résistance des travailleurs allemands. Les industriels sont très mécontents de ne pouvoir écouler leur production et souhaitent un arrangement avec l'occupant. L'agitation politique devient violente, le 12 février 1924 à Pirmasens 40 autonomistes pro-français sont assassinés par les nationalistes allemands ; il n'y a pas d'intervention de la part des troupes françaises d'occupation. La réapparition de l'extrême gauche (le KPD) qui avait été décapitée en 1919 par le gouvernement socialiste, préoccupent les gouvernements aussi bien allemand que Français.

Le gouvernement du chancelier Cuno, est « lâché » par les milieux d'affaires et doit faire face à une grande vague de grève des salariés allemands; il démissionne le 12 août 1923 et est remplacé par un gouvernement présidé par Gustav Stresemann qui veut rétablir des relations plus normales avec la France. La résistance passive est abandonnée dès le 24 septembre.

Le gouvernement français présidé par Raymond Poincaré doit faire face à de fortes difficultés financières dues au coût élevé de la reconstruction et aux actions spéculatives contre le franc dont la valeur chute (la livre sterling valait 70 francs en 1922 mais 100 en 1924). Les Français ont besoin de l'aide financière des pays anglo-saxons et doivent donc se montrer plus compréhensifs vis à vis des positions de leurs ex-alliés qui veulent un allègement de la dette allemande. En janvier 1924, un comité international présidé par les Américains est chargé de résoudre le problème des réparations. Début septembre il en sortira le plan Dawes qui reprend les thèses anglo-saxonnes d'une réduction et d'un étalement de la dette. Les financiers anglo-saxons rassurés aident alors le gouvernement français.

En France la coalition des partis de droite (le Bloc national perd les élections législatives de mai 1924. La coalition électorale des partis de gauche regroupant le parti radical et le parti socialiste SFIO, accède au pouvoir en juin 1924. Édouard Herriot le nouveau président du conseil décide l'évacuation progressive de la Ruhr : les derniers soldats en sortiront le 25 août 1925. Cependant l'occupation militaire de la Rhénanie continuera jusqu'en 1930.

Pour compléter sur la période[modifier | modifier le wikicode]

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