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Nuit de Cristal

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Sur la dictature nazie
Un magasin juif saccagé lors de la nuit de Cristal.
Timbre de la République démocratique allemande avec pour mention Niemals wieder Kristallnacht (« Plus jamais de nuit de Cristal »).

La « Nuit de Cristal » (en allemand Reichskristallnacht, terme employé par les nazis eux-mêmes) est une attaque contre les Juifs du Troisième Reich qui se déroula dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 et dans la journée qui suivit. Présentée par les responsables nazis comme une réaction spontanée de la population à la suite de l'assassinat, le 7 novembre 1938, de Ernst vom Rath, un secrétaire de l'ambassade allemande à Paris, par un jeune polonais d'origine allemande et de confession juive, Herschel Grynszpan, cette attaque fut en réalité ordonnée par Adolf Hitler, et organisée par son ministre de la propagande Joseph Goebbels.

Les attaques ont été commises par des membres de la Sturmabteilung (SA), de la Schutzstaffel (SS) et de la Jeunesse hitlérienne, soutenus par le Sicherheitsdienst (SD), la Gestapo et d'autres forces de police.

Près de deux cents synagogues et autres lieux de culte furent détruits, 7 500 commerces et entreprises juives sont saccagés ; une centaine de Juifs furent assassinés, des centaines d'autres se suicidèrent ou moururent des suites de leurs blessures et près de 30 000 furent déportés en camp de concentration : au total, le pogrom et les déportations qui le suivirent causèrent la mort de 2 000 à 2 500 personnes. Point culminant de la vague antisémite qui se manifeste en Allemagne dès que les nazis se sont emparés du pouvoir en janvier 1933, la « nuit de Cristal » est vue par les historiens comme l'un des prémices de la Shoah1.

En provoquant ces violences antisémites, les nazis ont pour objectif d'accélérer l'émigration des Juifs hors d'Allemagne, laquelle est jugée trop lente, en dépit de la politique de persécution et d'exclusion mise en œuvre depuis février 1933. En effet, les nazis veulent faire de l'Allemagne et des autres territoires qu'ils contrôlent des terres « sans juifs » (judenfrei, en allemand), les assimilant à des parasites à l'origine des malheurs du peuple allemand.

Contexte[modifier | modifier le wikicode]

Fichier:Antisemitisme Duitsland 1933.jpg
Un SA à côté d'une affiche proclamant : « Allemands ! Défendez-vous ! N'achetez pas chez les Juifs ! ».

La NSDAP a rédigé le 24 février 1920 un texte, qui dit que « seule la race allemande prédomine et que les Juifs ne peuvent pas être considérés comme eux ». Dans Mein Kampf, le livre rédigé par Adolf Hitler, celui-ci fait part de ses problèmes avec les Juifs et souhaite voir leur départ d'Allemagne. Hitler désigne les Juifs comme un ennemi intérieur du peuple allemand, dont il faut se débarrasser.

Cet antisémitisme commence d'abord par le boycott des commerces juifs, voulu par Hitler, organisé par Julius Streicher et mis en œuvre par la SA, le 1er avril 1933, dans une opération au succès limité et largement critiqué à l'étranger. Au cours du même mois, les Juifs n'auront plus le droit d'exercer la fonction publique, sauf quelques exceptions.

Cette discrimination envers les Juifs est officialisée le 15 septembre 1935 lors de l'adoption des Lois de Nuremberg, principalement la « Loi pour la protection du sang et de l'honneur allemands » (Blutschutsgesetz) et la « Loi sur la citoyenneté du Reich » (Reichsbürgergesetz). Ces lois et les décrets qui suivent, établissent la détermination du caractère juif, « demi-juif » ou « quart de juif » (Mischling), en fonction de l'ascendance, interdisent les relations sexuelles et le mariage entre citoyens de sang allemand (dit race aryenne) ou apparentés et Juifs, privent ces derniers de la citoyenneté allemande, ainsi que de la plupart de leurs droits politiques, dont le droit de vote, et les excluent de certaines professions libérales et de l'enseignement. L'objectif est alors de rendre la vie intenable pour les Juifs, privés de droits et de toutes possibilités ou perspective dans la société allemande, pour les forcer à partir.

La campagne anti-juive se durcit en 1937, notamment via l'organisation de l'exposition Der ewige Jude (« Le Juif éternel »), mais surtout au cours de l'année suivante2. Début 1938, les passeports des Allemands de confession juive sont confisqués. Le 26 avril, les Juifs reçoivent l'ordre de faire enregistrer tous les biens qu'ils possèdent, ce qui facilite leur « aryanisation ». Le 17 août, les prénoms portés par les Juifs sont réglementés et trois décrets additionnels aux lois de Nuremberg définissent la notion d'entreprise juive et interdisent aux Juifs l'exercice de la profession médicale2.

Le prétexte : le meurtre de von Rath[modifier | modifier le wikicode]

Herschel Grynszpan après son arrestation à Paris.

Le 7 novembre 1938, un jeune Juif polonais d'origine allemande réfugié à Paris, Herschel Grynszpan, âgé de dix-sept ans, et dont la famille résidant à Hanovre a été expulsée le 27 octobre d'Allemagne vers la Pologne, se procure un pistolet pour se rendre à l'ambassade d'Allemagne situé à Paris. Là, il demande à voir un responsable. Envoyé au bureau du premier secrétaire Ernst vom Rath, Grynszpan tire sur celui-ci et le blesse gravement.

L'attentat contre von Rath n'a pas été déclaré publiquement par les responsables nazis, même si une campagne antisémite dans la presse orchestrée par Joseph Goebbels dès le 8 novembre 1938, encourage les premiers pogroms menés par des responsables locaux du parti nazi.

Hitler fait envoyer son médecin personnel, Karl Brandt3 pour qu'il s'occupe de von Rath. Mais ce dernier décède le 9 novembre 1938. Hitler en est informé le soir même, alors qu'il participe, à Munich, au dîner traditionnel des « compagnons de combat », qui commémore le putsch raté de Munich en 1923.

Réaction à l'assassinat[modifier | modifier le wikicode]

Après avoir discuté avec Joseph Goebbels, Hitler est particulièrement agité4. Vers 22 heures, Goebbels, dans un discours, annonce aux participants la mort d'Ernst von Rath et leur apprend que des émeutes anti-juives ont éclaté en Hesse-Cassel et en Saxe-Anhalt, tout cela avec l'accord d'Hitler ; il espère que l'émeute touchera l'ensemble du Reich. « Le parti devrait organiser et exécuter l'affaire sans paraître ouvertement y être engagé ».

Le 10 novembre 1938, Goebbels consulte Hitler par téléphone et le rencontre ensuite lors du déjeuner, alors que les violences se poursuivent. Goebbels donne l'ordre d'arrêter le pogrom5. Cette information sera relayée par la presse berlinoise mais aussi par les stations de radio6. Elle est suivie par des messages de Heydrich aux forces de police dont les patrouilles « qui avaient disparu comme par enchantement, resurgissent à tous les coins de rue7 ».

Le pogrom[modifier | modifier le wikicode]

Expansion[modifier | modifier le wikicode]

La synagogue de la Herzog Rudolf Strasse à Munich après son incendie.

Le pogrom va s'étendre partout en Allemagne. La SA suivit à 23 heures, la police peu avant minuit et les SS.

À Innsbruck, dans le Reichsgau du Tyrol-Vorarlberg, où vivent un petit nombre de Juifs, les SS pénètrent dans la ville dans le but de tuer plusieurs responsables influents8. Des diplomates témoignent de la violence des saccages opérés à Cologne et à Leipzig.

Humiliations[modifier | modifier le wikicode]

Destruction humaine[modifier | modifier le wikicode]

Les violences sont suivies à chaque coup de l'humiliation des victimes. On oblige les Juifs à danser, à s'agenouiller et à chanter des chants religieux devant la synagogue, avant de les asperger à la lance à incendie. On met le feu à leur barbe, on les force à baiser le sol devant le quartier général de la SA, pendant qu'ils sont frappés à coup de pied9.

On oblige aussi les Juifs à pénétrer dans les synagogues afin qu'ils chantent des chants allemands et qu'ils lisent à voix haute Mein Kampf.

Des femmes, des enfants et des vieillards sont battus et victimes de brutalités. Certains décident de se suicider pendant qu'environs 20 000 Juifs sont déportés dans les camps de concentration, où ils sont victimes de sadisme et de tortures de la part des gardiens10. Un nombre indéterminé de viols et une centaine d'assassinats11 sont également perpétrés.

Destruction matérielle[modifier | modifier le wikicode]

Magasin juif saccagé à Munich.

En plus de brûler les synagogues, les Allemands brûlent aussi les magasins juifs ou même leurs logements. Les cimetières juifs sont profanés.

Bilan[modifier | modifier le wikicode]

Le 11 novembre 1938, Reinhard Heydrich fait état de 36 morts et d'autant de blessés graves pour l'ensemble du Reich dans un rapport. Pour Saul Friedländer, « le bilan se révéla bien plus lourd ; dans toute l'Allemagne [y compris l'Autriche annexée], outre les 267 synagogues détruites et les 7 500 entreprises et commerces saccagés, 91 Juifs périrent et des centaines se suicidèrent ou moururent par la suite des sévices infligés dans les camps ». L'événement est un véritable traumatisme pour la communauté juive allemande.

Raul Hilberg, lui, dit qu'environ voire plus de 25 000 personnes ont été envoyées dans les camps de concentration nazis, comme celui de Dachau où (10 911 dont environ 4 600 en provenance de Vienne), Buchenwald (9 845 personnes) et Sachsenhausen (au moins 6 000)12.

Sources[modifier | modifier le wikicode]

Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. « Si le pogrom ne permettait point encore de soupçonner ce qu'allait être la réalité d'Auschwitz, de Belzec, de Sobibor de Treblinka ou de Chelmno, il laissait toutefois deviner les rouages d'une entreprise meurtrière dont l'existence et le fonctionnement auraient été inconcevables auparavant en Europe », Kurt Pätzold, La « nuit de cristal » : les responsables, les victimes et la « majorité silencieuse », in, François Bédarida (dir.), La politique nazie d'extermination, Albin Michel, Paris, 1989, p.201.
  2. 2,0 et 2,1 Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécutionp.319-331
  3. Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945 p.229
  4. Gerald Schwab, The day the holocaust began. The odyssey of Herschel Grynszpan
  5. Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939 p.664
  6. Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938 p.131
  7. Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938 p.131-132
  8. Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution p.345-346
  9. Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939 p.664-665
  10. Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945 p.234-235
  11. Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945 p.235
  12. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe p.81

Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • Kurt Pätzold, La « nuit de cristal » : les responsables, les victimes et la « majorité silencieuse », in, François Bédarida (dir.), La politique nazie d'extermination, Albin Michel, Paris, 1989
  • Ian Kershaw, Hitler, 1889-1936
  • Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe
  • Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution
  • Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe

Liens internes[modifier | modifier le wikicode]

Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

Article mis en lumière la semaine du 24 janvier 2022.
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