Naufragés d'Ata

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Carte de l'île d'ʻAta
Forêt d'une île des Tonga

Les naufragés d'Ata sont six adolescents tongiens qui en 1965 ont fugué et pris un bateau de pêche, puis ont dérivé dans l'océan pacifique. Ils ont trouvé refuge sur l'île déserte d'Ata, l'île la plus au sud des Tonga, où ils ont vécu seuls pendant 15 mois avant d'être retrouvés par hasard par des marins-pêcheurs et de pouvoir rentrer chez eux. Ils ont dû s'organiser pour survivre pendant tout ce temps.

Origine et départ[modifier | modifier le wikicode]

Six adolescents : Luke Veikoso, Fatai Latu (ou Stephen, son prénom chrétien anglais), Sione Fataua, Tevita Siola'a (David), Kolo Fekitoa, (mort en 2017) et Mano Totau (Sione Filipe Totau) étaient élèves d'un lycée et internat religieux anglican située dans la capitale Nuku'alofa sur l'île Tongatapu (wp), l'île principale de leur pays les Tonga, en Polynésie. Cinq d'entre eux étaient pensionnaires, étant originaires d'Haʻafeva, une île située à environ 150 kilomètres de la capitale. Ils avaient de 15 à 17 ans au début de leur aventure (ou 13 à 16 ans selon les sources).

En juin 1965, comme ils n'aimaient pas les règles strictes ni la nourriture de l'internat, ils fuguent et sans beaucoup de préparation, ils volent un petit voilier de pêche et partent en mer. Un seul d'entre eux : Tevita Siola'a savait naviguer à la voile et c'était le plus jeune. Ils voulaient rejoindre les Fidji, un autre pays-archipel nettement plus grand que les Tonga. S'étant éloignés d'environ 10 kilomètres, ils mettent l'ancre, ils pêchent puis s'endorment.

Naufrage[modifier | modifier le wikicode]

Au cours de la nuit, une tempête casse la corde de l'ancre du bateau, puis la voile est rapidement abimée et le gouvernail se casse. Pendant les huit jours qui suivent, ils dérivent sur l'océan Pacifique en faisant une boucle de probablement plus de 300 kilomètres, en écopant l'eau de leur bateau abimé et manquant d'eau douce et de nourriture, jusqu'à ce qu'ils aperçoivent une île.

Ils arrivent à s'en approcher avec le bateau en pagayant avec des planches, puis à la nuit ils l'abandonnent et rejoignent l'île à la nage, ce qui est difficile parmi les rochers. Mano Totau est le premier à toucher la côte. Épuisé, il n'arrive plus à se relever mais dit aux autres qu'il y est arrivé et ceux-ci le rejoignent1. Ils se retrouvent naufragés sur l'île déserte d'ʻAta (wp).

Installation[modifier | modifier le wikicode]

S'étant sauvés des eaux, ils s'abritent dans des creux de la falaise. Assoiffés en arrivant, ils doivent boire du sang d'oiseaux marins pour se désaltérer. Ensuite, ils arrivent à récupérer le l'eau de pluie. Les premières semaines, ils chassent des oiseaux de mer qui nichent dans des trous de la falaise, ou cherchent leurs œufs pour se nourrir. Ils mangent la viande crue des oiseaux et trouvent quelques fruits.

ʻAta est une île volcanique (wp) à fort relief : elle est faite d'un plateau au centre de 60 à 170 mètres au dessus du niveau de la mer, entouré de falaises et de bords de mer rocheux. Le centre de l'île est donc difficile d'accès.

Après trois mois de survie difficile en bas de la falaise, ils parviennent à escalader celle-ci, ce qui leur prend deux jours à chercher les voies de passage possibles. Ils avaient tenté de le faire plusieurs fois avant, mais sans y arriver.

Méthode polynésienne pour faire du feu, que Fatai Latu est arrivé à retrouver.

Arrivés enfin sur le plateau de l'île, ils découvrent les restes d'un village abandonné cent ans plus tôt. Le roi des Tonga avait fait évacuer l'île en 1863, après qu'une grande part des habitants a été victime d'enlèvements pour les envoyer en travail forcé au Pérou. Cette île se trouve à 170 kilomètres à vol d'oiseau de la capitale des Tonga.

Les anciens habitants ont laissé des coqs et poules qui se sont reproduits à l'état sauvage ainsi que des plantes comestibles : le taro cultivé, des cocotiers et des bananiers. Cela permet aux garçons de se nourrir plus facilement. Ils retrouvent également quelques outils comme un vieux couteau qui leur sont utiles. L'eau n'est cependant pas facile à trouver puisqu'il n'y a pas de cours d'eau ni de source sur l'île.

Fatai Latu parvient à allumer un feu par frottement de morceaux de bois. Cela lui prend plusieurs heures, mais permet au groupe de manger son premier repas cuit depuis longtemps. Ils entretiennent leur feu pendant plus d'un an jusqu'à ce qu'ils soient secourus. Le feu leur était nécessaire pour cuisiner, pour s'éclairer et se réchauffer en soirée, pour garder les rats à distance la nuit et pour tenter de signaler leur présence en cas de passage de bateaux.

Vie sur l'île[modifier | modifier le wikicode]

Une construction des années 1960 aux Tonga, semblable à la maison construite par les naufragés

Les garçons se construisent une maison et s'organisent pour cultiver un jardin potager, chasser, recueillir de l'eau et monter la garde pour repérer les bateaux qui pourraient les ramener chez eux.

Ils mangent principalement du taro, des noix de coco, des oiseaux sauvages, des poulets et des bananes et du poisson. Cultiver les taros et les bananiers leur permet d'obtenir plus de nourriture. Il arrivent à capturer et à élever des poules et coqs, qu'ils ne mangent que s'il manquent d'oiseaux marins chassés. Ils appliquent ou tentent de retrouver des techniques qu'on leur a appris en famille ou qu'ils ont vu pratiquer, comme la façon de percer le tronc de certaines espèces d'arbre pour en tirer de la sève très diluée, presque de l'eau, pour la boire2.

Les garçons commencent la journée par une prière et s'organisent pour le travail3. Ils se répartissent le travail, en général par équipe de deux pour le jardin, la cuisine, la garde, etc. Les deux garçons les plus âgés prennent le rôle de chefs du groupe, l'un pour les aspects pratiques et l'autre pour le côté moral ou spirituel. Les garçons se disputaient parfois, mais leur méthode pour se réconcilier était de passer plusieurs heures éloignés sur leur territoire.

Ils s'étaient même aménagé une sorte de terrain de badminton pour faire du sport.

Le soir, ils chantaient et jouaient d'une guitare construite par Kolo Fekito avec des fils de fer provenant du bateau et des noix de coco, pour se réconforter et garder le moral. Ils ont composé cinq chansons pendant leur exil. Leurs familles et amis leur manquaient, et ils se demandaient s'ils pourraient les retrouver un jour. C'était parfois très difficile.

Une fois, ils ont tenté de repartir de l'île en construisant un radeau de troncs d'arbre avec un abri et en y chargeant autant de réserves de nourriture que possible, mais les vagues les ramènent vers l'île, ils n'arrivent pas à s'éloigner beaucoup et ce radeau finit par se disloquer contre les rochers, ils reviennent alors à la nage. Cela les a sans doute sauvés, parce que n'ayant pas compris où ils se trouvaient, ils seraient partis vers le sud où il n'y a pas de terre avant très loin, et se seraient sans doute perdus en mer.

Le groupe était finalement très uni. Un jour, Fatai Latu s'est cassé la jambe en tombant de plusieurs mètres dans les rochers lors d'une chasse aux oiseaux. Ses camarades l'ont ramené à leur camp, l'ont soigné en lui faisant une attelle avec des bâtons et des feuilles, se sont occupés de lui et l'ont fait se reposer le temps qu'il guérisse. En fin de compte, chacun était en bonne santé au bout de son séjour.

Sauvetage et retour[modifier | modifier le wikicode]

Bien qu'ils ont tenté des signaux à chaque passage d'un navire, quatre d'entre eux sont passés sans les voir ou sans s'arrêter.

Le 11 septembre 1966, le bateau de pêche australien Just David, dont le capitaine s'appelle Peter Warner, s'approche d'ʻAta, et Warner remarque des parcelles de terrain brûlées sur la falaise, ce qui n'arrive pas normalement sur une île déserte. Peter Warner était le fils du propriétaire d'une entreprise d'électronique assez importante, mais la pêche l'intéressait plus que de travailler dans l'entreprise familiale. Sa petite flotte de pêche était basée en Tasmanie et il cherchait des lieux de pêche aux Tonga4.

Le capitaine s'approche avec le bateau pour tenter de comprendre les marques de feu et un des marins croit entendre des cris humains. Warner aperçoit alors avec ses jumelles les garçons qui font de grands signes. Il approche alors son bateau avec prudence. On lui avait dit que parfois dans cette région, on bannissait des criminels en les abandonnant sur une île reculée. Fatai Latu descend du plateau, plonge et rejoint le bateau à la nage puis les autres arrivent à leur tour.

Les voyant tout nus, aux cheveux longs et ébouriffés, Warner un peu effrayé ne leur envoie pas tout de suite l'échelle pour monter sur le bateau. Mais ils se présentent en anglais (qu'ils avaient appris à l'école), ils disent d'où ils viennent et qu'ils sont sur l'île depuis 15 mois. Ils avaient compté le temps et ne se trompaient que de deux jours. Warner envoie un message radio à la capitale des Tonga en donnant le nom des garçons, demandant de vérifier auprès de l'école si l'histoire est vraie. Vingt minutes plus tard, on lui répond : « Vous les avez trouvés ! Ces garçons étaient tenus pour morts. des funérailles ont eu lieu. Si c'est eux, c'est un miracle ! ».

Le bateau de pêche les ramène à Nuku'alofa puis dans leur île d'origine où le retour des garçons est une grande fête. Néanmoins à Nuku'alofa le propriétaire du bateau volé et perdu les fait arrêter, mais ils sont rapidement libérés après que Warner a payé un dédommagement pour cette perte.

Par la suite, le roi des Tonga offre à Peter Warner un droit de pêche à la langouste dans les eaux des Tonga, en récompense du sauvetage, et le capitaine embauche plusieurs des garçons comme marins-pêcheurs.

Postérité[modifier | modifier le wikicode]

Cette histoire a été rapporté par les journaux aux Tonga et en Australie quand les naufragés ont été retrouvés, puis elle a été plutôt oubliée. Elle s'est diffusée à nouveau en 2020 grâce à l'écrivain néerlandais Rutger Bregman, qui en a retrouvé les traces. Il a enquêté et a pu interviewer deux des quatre anciens naufragés encore en vie et le capitaine qui les a secouru. Il en a tiré le chapitre d'un de ses livres, puis un article publié en ligne par le journal The Guardian, qui a eu beaucoup de succès5.

L'histoire est alors comparée au roman Sa Majesté des mouches pour avancer l'idée que ce roman et le film qui est est tiré, assez pessimistes, ne représentent pas ce qui s'est passé réellement dans une situation comparable. Dans cette fiction (le roman), les enfants rescapés et qui se retrouvent sans adultes s'ensauvagent, forment des bandes qui s'opposent et ils deviennent assez vite violents, tandis que les adolescents d'Ata (néanmoins plus âgés que les personnages du roman) ont su s'organiser et rester unis pour survivre sur leur île.

Sources[modifier | modifier le wikicode]

Source : cette page a été partiellement adaptée de la page en:ʻAta#Shipwrecked de Wikipédia.
  1. The 'real Lord of the Flies': a survivor's story of shipwreck and salvation 13 mai 2020
  2. The castaways, 1966, Youtube, documentaire tourné avec les anciens naufragés peu après après leur retour.
  3. Tongan Robinson Crusoes Gaoled After 15 Months On Lonely Isle, Dorothy Lavin, Pacific Shipping and Cruising Yachts, 1er octobre 1966
  4. The Dropout Who Went to Sea, Kay Keavney, The Australian Women's Weekly, 19 juin 1974]
  5. The real Lord of the Flies: what happened when six boys were shipwrecked for 15 months, Rutger Bregman, The Guardian, 6 mai 2020. (En français : « Sa Majesté des mouches en vrai : que s'est-il passé lorsque six garçons ont été naufragés pendant 15 mois ») ; traduction en français : La véritable histoire de Sa majesté des mouches, partage-le.com, 13 mai 2020

Wikidata Naufragés d'Ata sur Wikidata


Article mis en lumière la semaine du 21 juin 2021.
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