Mystère (théâtre)

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Représentation d'un mystère en 2016 en Angleterre. Ici l'épisode biblique du Déluge avec l'Arche de Noé. L'eau du déluge est symbolisée par le voile bleu.

Le mystère est un genre théâtral de l'époque médiévale, à partir du XIe siècle avec comme précurseur le drame liturgique. Il s'agissait d'une suite de tableaux animés et dialogués représentants des épisodes de la vie de Jésus, surtout les épisodes entourant la Passion mais aussi de la vie des saints ou de l'Ancien Testament. Ces représentations, d'abord données dans les églises se déroulèrent sur le parvis des édifices religieux, voire dans les rues des villes. Ces œuvres renforçaient d'une manière plaisante et collective l'enseignement de la doctrine chrétienne et de l'histoire sainte parmi un public en grande partie analphabète.

Le texte de ces pièces était souvent très volumineux (plusieurs dizaines de milliers de vers). Il était versifié et écrit en langue vulgaire afin d'être compris par un large public. Le spectacle se déroulait pendant plusieurs jours au moment des grandes fêtes religieuses (Noël, Pâques, la Pentecôte) . Les personnages étaient très nombreux (plusieurs centaines dans certains mystères) et les acteurs, uniquement des hommes, étaient pour la plupart des amateurs, qui se préparaient des semaines en avance de la représentation. Cela donnait une certaine cohésion à la population urbaine qui se regroupait autour de la religion.

La période la plus productive en œuvres de ce genre fut le XIVe-XVe siècles. À Paris la représentation des mystères est interdite par le Parlement de Paris (cour de justice suprême du Nord du royaume) en 1548, à cause des débordements qui s'y manifestaient.

Origine des mystères[modifier | modifier le wikicode]

Le mistère, orthographe primitive du mot, vient du latin ministerium qui veut dire « métier » ce qui débouche sur l'idée de représenter matériellement une chose (une cérémonie). Il a été ensuite confondu avec le mot grec mustêrion qui est basé sur l'idée de l' « initié » au sens religieux (comme les mystères d'Éleusis dans la Grèce antique), il va alors s'écrire mystère.

Le mystère est donc une représentation théâtrale d'un fait religieux. Le fait de représenter des épisodes tirés de la vie de Jésus (et surtout sa passion) peut provenir, dès le XIe siècle, de l'habitude d'agrémenter les cérémonies religieuses célébrant ces épisodes, par des interventions genre question-réponse, en latin, concernant les textes évangéliques, auxquelles s'ajoutent des prières. Dans les couvents les intervenants et le public sont des religieux connaissant l'histoire chrétienne, le tout reste à peu près compréhensible.

Mais s'il s'agit de porter la « bonne parole » au milieu des fidèles, qui sont ignorants en matière d'histoire sainte, il faut matérialiser les idées. On peut commencer par les faire visualiser, à partir d'images muettes, des statues en plâtre ou en bois. Si l'on veut faire naître l'émotion, il faut incarner les idées. Si l'on veut être plus explicatif il faut introduire des passages en langue vulgaire. Il faut donc écrire un texte original, complémentaire de la base religieuse. Le clergé doit alors s' adjoindre d'autres acteurs, pris parmi les fidèles. Le spectacle qui se déroulait jusque là dans l'édifice religieux doit disposer de plus de place. Il doit sortir des églises ou des cloîtres, tout en restant à proximité, d'où l'installation des mystères sur le parvis (la place devant l'entrée) des églises.

Un exemple de cette modification de la représentation est illustré par la pièce le Jeu d'Adam, écrite par un auteur anonyme dans la seconde moitié du XIIe siècle. Il mêle des chants liturgiques (environ la moité de ce qui est dit) à des dialogues en langue vulgaire (ici le français). On y note de plus de nombreuses didascalies qui fournissent des indications, sur le décors, la gestuelle des acteurs et indiquent que l'action se déroule dans plusieurs lieux, différenciés par des éléments sommaires de décor.

Les œuvres[modifier | modifier le wikicode]

Il subsiste quelques textes très anciens de mystères. En France, au XIe siècle, à Limoges était joué le Mystère des Vierges folles et des Vierges sages (avec un mélange de latin -texte dit par Jésus-, de français- texte dit par les vierges sages-et de dialecte provençal- texte réservé aux vierges folles). Pour le XIIe siècle on dispose du texte d'un Mystères sur la Rédemption dû à Guillaume Hermann, prête anglo-normand et un autre avec le même titre dû à Étienne Langton, archevêque de Canterbury. Un Mystère sur la venue de l'Antéchrist a été joué devant l'empereur germanique Frédéric Barberousse.

Cependant la grande période de production (du moins pour les textes qui nous sont parvenus) reste les XIVe et XVe siècles.

Les Anglais produisent des mystères. Les pièces sont regroupées par cycles : comme le cycle d'Oxford (financé par la guilde des merciers) ou celui de Chester. Les titres sont variés : la Chute de Lucifer, la Création et la Chute d'Adam, le Sacrifice d'Isaac, la Résurrection de Lazare, la Passion et la Résurrection voisinent avec le Baptême du Christ, la tentation du Christ, l’Assomption pour la Vierge Marie.

Du côté français on remarque des mystères à sujet religieux : le Mystère de la patience de Job (vers 1450), le Mystère de la Nativité (1474), le Mystère de saint Fiacre (début du XVe siècle), le Mystère de saint Christophe (1464), le Mystère de la vengeance de Notre Seigneur (vers 1490). À côté de ces sujets religieux vers la fin du XVe siècle apparaissent des mystères avec des sujets historiques, le Mystère de la destruction de Troie la Grande, (1452), le Mystère du siège d'Orléans, (1453).

Les œuvres étaient très longues. Ainsi la Passion d'Arras qui date de 1420 expose la vie de Jésus en 25 000 vers. La passion due à Jean Michel en 1486 compte près de 34 000 vers, il est vrai récités sur une durée de dix « journées » (une dizaine d'après-midi). Certaines passions durent près de 25 journées et peuvent dépasser les 60 000 vers. Les textes n'étaient le plus souvent que des versions dialoguées de la Bible ou des légendes des saints. On ne s'écartaient guère de la forme des textes originaux. Les traductions en langue vulgaire à partir de textes écrits en latin laissent souvent à désirer quant à leur exactitude et fourmillent de nombreux anachronismes.

Les représentations des mystères[modifier | modifier le wikicode]

Enluminure du XVe siècle illustrant la représentation d'un mystère évoquant le martyre de sainte Apolline. On remarque à droite la partie du décor simulant l'Enfer avec un diable, au centre un siège sous un dais représentant un palais et à gauche la représentation du Paradis avec Dieu et des anges.

La représentation avait lieu le plus souvent en plein air. Cependant à Paris, une confrérie appelée « maîtres et gouverneurs de la Passion et Rédemption de Nostre-Seigneur » fondée pendant le règne du roi Charles VI louait à des moines une salle de taille importante (21 toises de long sur 6 toises de large, soit 40 sur 12 mètres environ) dans l'hôpital de la Trinité.

Le mystère se déroulaient pendant plusieurs jours, avec quelquefois un intervalle d'une semaine entre différents épisodes (si on jouait le dimanche seulement).

Le lieu du spectacle était aménagé avec une scène pour les acteurs, des estrades et des galeries pour les spectateurs. La scène était divisée en plusieurs parties, car contrairement au théâtre moderne on ne faisant pas se succéder au même endroit les différents décors nécessaires. Il pouvait y en avoir une vingtaine. Les décors étaient juxtaposés les uns à côté des autres. Les acteurs se déplaçaient d'un décor à l'autre au cours du déroulement de la pièce. Il n'y avait pas de coulisses et les acteurs ayant terminé leurs prestations restaient souvent sur la scène qui se vidait. Les différentes parties portaient le nom de mansion. Généralement elles comportaient à une extrémité une représentation de l'Enfer et à l'autre une représentation du Paradis. Entre ces deux extrêmes des représentations de la Terre où se déroulait l'essentiel de l'action dramatique.

La caractérisation des différents lieux était schématique. Ainsi un mur percé d'une porte symbolisait une ville, un fauteuil placé sous un dais était censé représenter un palais, quelques branches voire quelques arbres figuraient une forêt, la mer était réduite à un basin où flottait un modèle réduit de bateau... L'Enfer, comme dans les décors sculptés des églises romanes, était généralement représenté par une gueule de dragon, grande ouverte, d'où s'échappaient des flammes et des démons. On pouvait même y ajouter un bruitage avec des tonneaux remplis de chaînes et des cris qui étaient censés imiter les plaintes des âmes damnées ou les hurlements des créatures de Satan. Dans certaines pièces pour donner plus de spectacle, des diables sortaient par des trappes, des anges volaient au travers du Paradis.

Les acteurs[modifier | modifier le wikicode]

Les acteurs sont des amateurs, qui jouent bénévolement. Ce sont exclusivement des hommes, personnages féminins compris (comme c'est le cas dans de nombreuses traditions théâtrale à travers le monde). Cependant il n'est pas rare de voir des rôles, comme celui de Jésus ou celui de Judas, se transmettre de père en fils. Certains amateurs se regroupent en confrérie comme celle de la passion à la fin du XIVe siècle (elle ne cessa de jouer qu'en 1548 ; sous le règne de Louis XIII elle vendit son droit exclusif de jouer dans la capitale (monopole obtenu en 1402) aux comédiens de l'Hôtel de Bourgogne et ne fut dissoute qu'en 1676.

Les personnages étaient nombreux afin de faire participer le maximum d'habitant à ces fêtes collectives. En 1452 fut représentée à Paris la Passion d'Arnoul Gréban est jouées par près de 420 personnages. Comme un acteur pouvait tenir plusieurs rôles on en rassembla alors plus de 220. Pour disposer d'un tel vivier de bonnes volontés le recrutement des acteur devait être très ouvert : des artisans côtoyaient des avocats, des prêtres, des étudiants (escoliers) ... Certains rôles demandant des efforts de mémoires, les moins instruits des citadins devaient se contenter d'être des spectateurs ou de fournir de la main d'œuvre pour l'installation des décors.

Les acteurs devaient être facilement identifiables. Certaines conventions vestimentaires permettaient de savoir quel rôle ils jouaient. Un roi (comme Hérode présent dans de nombreuses passions) porte un manteau ressemblant à celui des rois de France, un diable porte des cornes, Dieu est ceint de la tiare (couronne réservée au pape), la Vierge est vêtue comme une nonne … Parfois le rôle devient dangereux : ainsi à Metz en 1437 il fallut réanimer l'acteur jouant le rôle de Judas (qui se suicide en se pendant ) tant il avait serré la corde autour de son cou.

Sources[modifier | modifier le wikicode]

  • [1] article de Wikipedia
  • [2] article de Imago Mundi
  • [3] article de l'encyclopédie Larousse en ligne
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