Madame du Barry

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Jeanne Bécu, comtesse du Barry, par Élisabeth Vigée Le Brun

Jeanne Bécu, devenue la comtesse du Barry, est née le 19 août 1743 à Vaucouleurs et morte guillotinée le 8 décembre 1793 à Paris. Elle est la maîtresse officielle du roi Louis XV durant les cinq dernières années de son règne. Sa vie s'apparente à un conte de fées... qui finit mal.

Cendrillon est faite princesse[modifier | modifier le wikicode]

Née d'une mère célibataire, alors simple couturière au couvent de Picpus (le père étant probablement un franciscain du lieu : Jean-Baptiste Gomard de Vaubernier), Jeanne Bécu est confiée à l'âge de six ans aux religieuses d'un couvent parisien : les dames de Sainte-Aure, adoratrices du Sacré-Cœur, qui pendant neuf ans lui enseignent valeurs chrétiennes, bonnes manières et les matières de base.

Sortie du couvent à tout juste quinze ans1, Jeanne commence par mener l'existence frivole d'une jeune fille dont la merveilleuse beauté est la seule richesse. Lectrice et dame de compagnie chez la veuve d'un fermier général, mais bientôt renvoyée par celle-ci au motif qu'elle aurait une relation amoureuse avec son fils, elle devient demoiselle de magasin et dessinatrice de mode. Un comte Jean-Baptiste du Barry (dit « Le Roué »2 et assez méprisable) la remarque et l'installe dans sa maison, rue Jurassienne. Elle y ouvre un salon que fréquentent bientôt, attirés par son extrême beauté, écrivains et grands seigneurs, tels le prince de Ligne, le marquis de La Tour du Pin, les ducs de Duras et de Richelieu. C'est sans doute avec la double complicité de ce dernier et de Lebel, premier valet de chambre du roi, qu'elle est, en 1768, au prétexte de quelques commissions à Versailles, postée sur le passage de Louis XV. On la pense, en effet, susceptible de plaire à celui-ci dont la vie sentimentale, depuis la mort de Madame de Pompadour, est réduite à peu de choses.

Le joli piège fonctionne comme espéré : séduit au premier coup d'œil, le Roi, malgré ses presque soixante ans, est vite conquis. Tellement, qu'il veut la jeune femme à la Cour. Cela nécessite quelques préliminaires : Jeanne a besoin d'un état et d'un titre. Le Roué étant déjà marié, c'est son frère cadet Guillaume qui l'épouse puis retourne comme convenu (moyennant quelques milliers de livres de rente) dans son Languedoc natal sans user de ses droit d'époux. La nouvelle et ravissante3 comtesse du Barry peut dès lors être installée à Versailles, puis présentée à la Cour par sa marraine, une comtesse de Béarn que ses parents les ducs de Richelieu et d'Aiguillon4 ont obligeamment proposée pour la circonstance. La cérémonie a lieu le 22 avril 1769, devant une assistance clairsemée5. Présentation officielle au Roi (veuf depuis l'année précédente), à Mesdames ses filles6, et au tout jeune7 dauphin son petit-fils (le futur Louis XVI). C'est ainsi que la comtesse du Barry devient la nouvelle favorite en titre. Le luxueux logement, où s'était éteinte feu8 la dauphine Marie-Josèphe de Saxe et qui communique directement9 avec l'appartement privé du roi, lui est bientôt attribué.

Car c'est le bon plaisir du Roi[modifier | modifier le wikicode]

La comtesse du Barry en Flore (copie du tableau de F.-H. Drouais conservée à la Galerie nationale d'art, États-Unis, 1769).

La "scandaleuse" élévation de Jeanne10 au statut de maîtresse officielle du Roi agite et divise la Cour. Choiseul, qui espérait glisser sa sœur la duchesse de Gramont dans le lit du Roi et assurer ainsi sa position officieuse de ministre principal, devient l'ennemi déclaré de l'intruse. Son clan, la presque totalité des princes du sang, tous ses amis parlementaire se déchaînent contre Jeanne et font courir sur elle toutes sortes de rumeurs viles et de contes ignobles11. Louis XV, très amoureux de sa jeune maîtresse (33 ans de moins que lui) s'irrite de l'hostilité à peine dissimulée qu'elle rencontre. Douce, gaie, mutine, sans méchanceté ni rancune, Jeanne12 le distraie, l'amuse, le rajeunit, lui redonne du punch, le goût de vivre et de régner. Aussi la couvre-t-il d'or et de bijoux, connaissant son goût des parures et des pierres précieuses.
Imposant ainsi à sa Cour une sublime comtesse endiamantée que tous savent venue de la roture, Louis affirme haut et fort qu'il est, dans son royaume, le seul maître des rangs, des honneurs et que, selon son bon plaisir, il aime et distingue qui il veut. Mais par contre-coup, cet impudent défi aux usages du monde contribue à lui attirer l'animosité méprisante de la Cour, du peuple (surtout parisien), et de l'opinion publique des cent cinquante ans qui vont suivre.

Le Pavillon de musique de Louveciennes

En juillet 1769, le roi donne en toute propriété à sa chère comtesse le domaine et château de Louveciennes (près de sa résidence de Marly, où lui-même se rend souvent) ; elle le fait rénover et agrandir (1769-1771) par Ange-Jacques Gabriel13, puis charge Claude-Nicolas Ledoux de lui construire, pour ses soirs de réception, un pavillon de musique (déc. 1770- janv. 1772) avec vue sur les méandres de la Seine et Paris au loin.

2 septembre 1771, une réception à Louveciennes. Par Moreau le Jeune (Musée du Louvre).

Le 16 mai 1770, c'est le mariage en grande pompe du jeune dauphin avec Marie-Antoinette, donc l'arrivée à Versailles d'une dauphine de quatorze ans déjà très imbue de son rang et dont Choiseul, l'artisan de son mariage, compte bien qu'elle contrebalancera l'influence grandissante de Mme du Barry. Car tous les opposants au tout-puissant ministre : d'Aiguillon et Richelieu en tête, Soubise (et les Rohan), La Vauguyon et une partie du clan des dévots14 font désormais bloc autour de la favorite ; et le chancelier Maupeou lui rend régulièrement des visites de courtoisie.
Le 24 décembre de cette même année, coup de théâtre à la Cour : Choiseul15 est démis et exilé dans ses terres, ainsi que son cousin Praslin. Leur renvoi désole Marie-Antoinette, car elle y voit une victoire de la favorite (alors que celle-ci y est pour peu de choses, c'est une décision personnelle du Roi). Dès lors, l'orgueilleuse dauphine ne cache plus sa détestation pour la comtesse à qui elle refuse insolemment, à la table du roi, au jeu, dans les salons, d'adresser la parole. Cela dure des mois. Il faut les interventions répétées de sa mère l'impératrice Marie-Thérèse, du chancelier Kaunitz, de sa première dame d'honneur Mme de Noailles et de l'ambassadeur d'Autriche à Paris Mercy-Argenteau pour qu'enfin, le 1er janvier 1772, elle adresse à Jeanne, devant toute la Cour, une petite phrase qui dénoue la crise : "Il y a bien du monde aujourd'hui à Versailles". En tout cas, le climat en cette nouvelle année y devient tout de suite beaucoup plus léger, et le Roi, que chiffonnait cette guéguerre entre sa compagne (reine de son coeur) et sa petite-fille (future reine de France), pousse un soupir de soulagement.

La comtesse du Barry en Flore (autre version, musée du Prado, 1770).

Les années 1772 et 1773 sont des années heureuses pour Madame du Barry. Elle est plus que jamais la favorite en titre. Louis lui est très attaché et continue à la couvrir de bijoux et autres cadeaux. Il y a aussi la vie trépidante16 de la Cour, les réceptions continuelles, bals, spectacles. La santé du roi devient un souci, il a forci, il fatigue... sans pouvoir se passer d'une maîtresse trop aimée. Le 27 avril 1774, il tombe malade. Le 29, ses médecins diagnostiquent la variole. Le 2 mai au soir, enfin conscient de la gravité de son mal, Louis confie à Jeanne qu'il se doit désormais à Dieu et à son peuple, qu'elle doit se retirer et qu'il donnera des ordres pour qu'elle puisse le faire décemment dès le lendemain. Le 3 mai à 16 heures, Mme du Barry quitte Versailles dans le carrosse de son amie la duchesse d'Aiguillon qui la conduit dans sa propriété de Rueil17. Le 10 mai, à quinze heures quinze, le roi est mort.

Mais le conte de fées finit mal[modifier | modifier le wikicode]

La comtesse du Barry, à l'approche de la quarantaine. Par Élisabeth Vigée Le Brun (1782).

La mort de Louis XV signe à la Cour la disgrâce de Mme du Barry. Le trône échoit à Louis XVI et la détestation de Marie-Antoinette envers l'ex-favorite n'est pas éteinte. Le 12 mai, la comtesse est contrainte, par lettre de cachet, de quitter Rueil et conduite de force à l'abbaye de Pont-aux-Dames18, où elle reste enfermée19 onze mois. Au terme de longues manœuvres, elle est ensuite autorisée à regagner sa propriété de Louveciennes. Elle y retrouve le duc de Cossé-Brissac qui devient son amant et avec qui elle entame une liaison longue et heureuse.

Lorsque la Révolution éclate, Madame du Barry est encore très riche. Ses bijoux lui sont volés en 1791. On les lui signale en Angleterre où, dans le but de les récupérer, elle fait plusieurs voyages. Ce qui lui vaut d'être mise sur la liste des Émigrés. En 1793, elle est, sous la Terreur, considérée comme suspecte aux yeux des révolutionnaires et son domaine de Louveciennes mis sous scellés. Incarcérée le 22 septembre à la prison de Sainte-Pélagie à Paris, elle est condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire, et guillotinée20 le 8 décembre 1793 (quelque deux mois après Marie-Antoinette), place de la Concorde21.

Après sa mort, sa propriété de Louveciennes devient bien national.

Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. "|...| à quinze ans, elle sort du couvent, armée d'un joli bagage. Elle connaît les auteurs anciens, lit Voltaire, pince la harpe, joue du clavecin." Jean-François Chiappe, Louis XV, Fayard, 1996, p. 514.
  2. Il était, selon l'ambassadeur d'Autriche à Paris Mercy-Argenteau (qui en informe la cour de Vienne), « le courtier des plaisirs de M. le duc de Richelieu ». D'après J. C. Petitfils, Louis XV, Perrin, Collect. tempus, 2018, p. 755.
  3. Voici, par exemple, le portrait de la comtesse tracé par un certain M. de Belleval, des chevau-légers de la Garde, que le duc d'Aiguillon (qui en est le capitaine) lui a présenté afin qu'elle intercède en sa faveur auprès du Roi et obtienne de lui la grâce d'un déserteur : « Mme du Barry était l'une des plus jolies femmes de la Cour, où il y en avait tant, et certainement la plus séduisante par les perfections de toute sa personne. Ses cheveux, qu'elle portait souvent sans poudre, était du plus beau blond et elle en avait une profusion à n'en savoir que faire ; ses yeux bleus avaient un regard caressant et franc qui s'attachait sur celui à qui elle parlait et semblait suivre sur son visage l'effet de ses paroles. Elle avait un nez mignon, une bouche toute petite et une peau d'une blancheur éclatante. Enfin l'on était bientôt sous le charme et c'est ce qui m'arriva si fort, que j'en oubliai presque ma supplique dans le ravissement où j'étais de la contempler. » D'après : Pierre Gaxotte, Le Siècle de Louis XV, Fayard, 1997, p. 440.
  4. Emmanuel-Armand de Vignerot du Plessis de Richelieu, duc d'Aiguillon, est le cousin germain du maréchal-duc de Richelieu, et le neveu (par alliance) du duc de La Vrillière. Lui (sans doute de façon intéressée) et sa femme sont très amis de Mme du Barry, à qui il sert de chevalier servant à la Cour, quand le Roi est pris par ailleurs.
    C'est dans son château de Rueil que la comtesse se retire, quelques jours avant que le souverain ne décède, emporté par la variole.
  5. ... car les dames de la Cour, s'offusquant à l'instar du clan Choiseul que le Roi ait opté pour une roturière et la leur impose, ont boudé la cérémonie.
  6. Il en reste trois à la Cour : Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, la benjamine Louise venant juste d'entrer au Carmel de Saint-Denis (un couvent).
  7. Il a alors 14 ans et demie.
  8. Le terme "feu(e)" placé devant un nom indique que cette personne est décédée. Attention, "feu" est invariable quand il n’est pas précédé d’un article défini ou d’un adjectif possessif. Ainsi, "feu ma grand mère", mais "ma feue grand mère".
  9. Car c'est celui-là même que Madame de Pompadour occupait, jusqu'à sa mort le 15 avril 1764.
  10. "La dernière favorite fut une roturière de bas étage, Jeanne Bécu, devenue par son mariage comtesse Du Barry, qui venait de la prostitution de luxe. Le roi l'imposa comme favorite officielle, avec la volonté évidente de narguer les courtisans, particulièrement les ducs et pairs, dont il méprisait les chuchotements, les intrigues et les vénéneuses cabales." (Jean-Christian Petitfils, article Le mystère Louis XV, dans "Le Figaro Histoire n° 64, oct. - nov. 2022 : Louis XV, le mal-aimé", extrait de la p. 61).
  11. ... qui, par ricochet, atteignent le Roi et contribuent à ternir son image.
  12. Le « cher cœur » du Roi. Selon J. C. Petitfils, Louis XV, 2018, p. 788 : "La présence aimante de celle qu'il appelait son « cher cœur » lui était bienfaisante".
  13. Ange-Jacques Gabriel (1698-1782), Premier Architecte du Roi (Louis XV). Son chef d'oeuvre est le Petit Trianon à Versailles. On lui doit aussi : l'École militaire du Champ-de-Mars et la place de la Concorde à Paris, ainsi que le château de Compiègne.
  14. selon le principe qu'entre deux maux (Choiseul et Mme du Barry), il faut choisir le moindre.
  15. Qui, à l'occasion de la crise des Malouines entre Espagne (alliée de la France) et Angleterre, préparait le déclenchement d'une nouvelle guerre contre cette dernière, sans même en aviser le roi, derrière son dos.
  16. "Pendant quatre ans (ndlr
    Tu peux lire la définition de ndlr sur le Dico des Ados.
     : de ses 60 à 64 ans), Louis XV mène une existence presque frénétique. Soupers, jeux, chasses, conseils, travail, réceptions se bousculent dans des journées trop courtes.|...| on le voit à Compiègne, à Fontainebleau, à Chantilly, à Trianon, à Bellevue, à Neuilly |...| Pour le mariage de ses trois petits-fils, il ordonne coup sur coup des fêtes éblouissantes où il fait éclater la majesté royale." P. Gaxotte, Le Siècle de Louis XV, Fayard, 1997, p. 445.
  17. Par la route, c'est à 15 km de Versailles.
  18. Datant du XIIIème siècle, cette abbaye cistercienne de femmes était située à Coigny-Pont-aux-Dames, à 45 km à l'Est de Paris. Elle fut saccagée à la Révolution. On trouve aujourd'hui, à son emplacement, une maison de retraite pour artistes.
  19. Avec simple droit de circulation à l'intérieur du couvent.
  20. Dans son roman L'Idiot, Dostoïevski donne un récit des derniers instants de Mme du Barry : "Voici quelle fut sa mort : après tant d’honneurs, après s’être vue quasiment souveraine, elle a été guillotinée par le bourreau Samson ; elle était innocente, mais il fallait cela pour la satisfaction des poissardes de Paris. Sa frayeur était telle qu’elle ne comprenait rien à ce qui lui arrivait. Lorsque Samson lui fit courber la tête et la poussa à coups de pied sous le couperet, elle cria d'une voix tremblante : « Encore un moment, monsieur le bourreau, encore un moment !  ». Eh bien, pour cette minute, le Seigneur lui pardonnera peut-être, car il est impossible à l’âme humaine d’imaginer une situation plus douloureuse […] ".
  21. Nommée à l'origine : place Louis XV et rebaptisée alors : place de la Révolution.
Article mis en lumière la semaine du 9 janvier 2023.
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