Les Effarés (Rimbaud)

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Une boulangerie, en 1880.

Les Effarés est une poésie d'Arthur Rimbaud.


  Les Effarés


  Noirs dans la neige et dans la brume,
  Au grand soupirail qui s’allume,

      Leurs culs en rond,

  À genoux, cinq petits, − misère ! −
  Regardent le boulanger faire

      Le lourd pain blond…

  Ils voient le fort bras blanc qui tourne
  La pâte grise, et qui l’enfourne

      Dans un trou clair.

  Ils écoutent le bon pain cuire.
  Le boulanger au gras sourire

      Chante un vieil air.

  Ils sont blottis, pas un ne bouge,
  Au souffle du soupirail rouge,

      Chaud comme un sein.

  Et quand, pendant que minuit sonne,
  Façonné, pétillant et jaune,

      On sort le pain ;

  Quand, sous les poutres enfumées,
  Chantent les croûtes parfumées,

      Et les grillons ;

  Quand ce trou chaud souffle la vie ;
  Ils ont leur âme si ravie

      Sous leurs haillons,

  Ils se ressentent si bien vivre,
  Les pauvres petits pleins de givre !

      − Qu’ils sont là, tous,

  Collant leurs petits museaux roses
  Au grillage, chantant des choses,

      Entre les trous,

  Mais bien bas, − comme une prière…
  Repliés vers cette lumière

      Du ciel rouvert,

  − Si fort, qu’ils crèvent leur culotte,
  − Et que leur lange blanc tremblotte

      Au vent d’hiver…

20 septembre 1870.

Sources[modifier | modifier le wikicode]

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