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Journée du 12 germinal an III

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Les journées révolutionnaires

L’insurrection du 12 germinal an III (1er avril 1795) est un soulèvement populaire parisien dirigé contre la politique anti-sociale de la Convention thermidorienne. Les manifestants , poussés par les difficultés du ravitaillement alimentaire réclament aux dirigeants politiques du pain si possible à un prix raisonnable et l’application de la Constitution de l'an I (1793) supposée plus favorable aux classes populaires. Sur ordre de la Convention, le général Jean-Charles Pichegru disperse par la force armée la manifestation populaire

Les difficultés du ravitaillement de Paris pendant l'hiver 1795

Pendant l'été et l'automne 1794, la production agricole a été fortement réduite surtout en Île-de-France et dans le Nord, régions où Paris s'approvisionne en priorité. Les causes en sont des conditions climatiques défavorables ainsi que la pénurie de main d'œuvre due à l'absence de nombreux jeunes ruraux mobilisés dans les armées républicaines pour faire face à la coalition des souverains étrangers.

Ces difficultés naturelles sont aggravées par le comportement des paysans-vendeurs. Ceux-ci mécontents des réquisitions de grains ordonnées, dès septembre 1793 par le gouvernement des Montagnards ont dissimulé une partie de leurs maigres récoltes, ils y sont d'autant plus poussé par la dévaluation considérable de la monnaie avec laquelle ils sont payés : le billet (assignat) de 100 livres qui n'était plus accepté que pour payer l'équivalent de 31 livres de marchandises réelles en juillet 1794 (chute de Robespierre), est descendu à 8 livres en avril 1795. La hausse des prix est considérable, ce qui pénalise les classes populaires dont les revenus (qui sont surtout des salaires) sont bloqués. La suppression du maximum (prix fixés par les autorités départementales afin d'enrayer la hausse exagérée) dès décembre 1794, en laissant libre les vendeurs de fixer les prix favorise la hausse.

L'hiver 1795 est particulièrement rigoureux. Les oliviers gèlent dans le Midi de la France, on voit des loups jusqu'au portes de Paris. Le 25 janvier 1795, à Paris le thermomètre descend à 25 degrés sous zéro et cela fait quarante deux jours qu'il gèle. La circulation fluviale, très utilisée dans l'approvisionnement de Paris, est interrompue car les cours d'eau sont gelés. Les routes, le plus souvent peu carrossables sont impraticables. Les échanges commerciaux sont réduits. La pénurie alimentaire, mais aussi celle du bois de chauffage, augmente.

Le gouvernement tente d'approvisionner les marchés de gros pour les grains et la farine en important des céréales des pays riverains de la mer Baltique, mais aussi de la Thrace, (province de l'empire ottoman) et du Maghreb. Mais du fait des difficultés des communications entre les ports et la capitale la distribution est lente et insuffisante. Les municipalités sont contraintes de rationner la population et les rations ne cessent de diminuer car la période de soudure (le début du printemps) approche alors que les prix s'envolent. Des bandes de mendiants et de brigands parcourent les environs de Paris, la Beauce et la Picardie (réputées être de riches terres agricoles).

La réaction politique

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen annexée à la Constitution de l'an III

Depuis le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) et la chute des Montagnards, les républicains modérés dirigent la France. Ils annulent progressivement les mesures prises par les Montagnards en 1793-1794, pour convaincre les catégories populaires de défendre la république. Désormais les dirigeants politiques donnent leur revanche aux Français qui avaient été considérés alors comme des ennemis et combattus comme tels.

Le 7 Janvier 1795 (18 nivôse An III) les Émigrés qui ont quitté la France après la journée du 31 mai 1793, et qui pour certains ont peut être combattu la République, ont le droit de rentrer, s'ils acceptent de cultiver la terre ou d'exercer un métier manuel. Ils peuvent retrouver leurs biens non vendus et toucher une indemnité pour leur bien vendus.

Le 21 février 1795 (3 ventôse An III) cédant à la pression de l'opinion, en particulier des ruraux hostiles à la déchristianisation ou au Culte de l'Être suprême installé par Robespierre, la Convention rétablit la liberté de culte sur l'ensemble du territoire. Les prêtes réfractaires qui dans la clandestinité avaient le plus souvent prêché contre la république et appeler à la combattre peuvent réapparaître au grand jour.

Le 23 février 1795 (5 ventôse An III) la Convention décide d'assigner à résidence dans leur commune tous les fonctionnaires civils et militaires destitués ou suspendus depuis Thermidor pour avoir appliquer les mesures votées par la Convention alors sous influence des Montagnards.

Le 1er mars 1795 (11 ventôse An III), à la Convention le député Fréron attaque violemment l'existence de la Constitution de l'An I ( 1793) pourtant jamais appliquée du fait de la situation dramatique sur le plan militaire existant alors, qu'il dénonce comme étant trop favorable au peuple.

Le 2 mars 1795 (12 ventôse An III ) la Convention vote le décret d'accusation contre les députés montagnards Barère, Collot d'Herbois, Vadier et Billaud-Varenne, membres du Comité de Salut public qui avaient dirigé la France de juillet 1793 à juillet 1794 et avaient organisé la défense de la république.

Le 8 mars 1795 (18 ventôse An III) la Convention réintègre les députés Girondins survivants qui avaient été proscrits en juin 1793. Aussitôt ceux-ci demandent les têtes de ceux qui les avaient exclus le 2 juin 1793.

Devant ce spectaculaire retour en arrière, les catégories populaires peuvent se demander à quoi ont servi leurs sacrifices et leurs privations de 1793-1794.

Les inégalités sociales augmentent

Des muscadins. La jeunesse dorée de 1795

Depuis l'abolition du Maximum et le rétablissement du commerce des grains le 04 nivôse An III (24 décembre 1794), deux systèmes d’approvisionnement parallèles du pain coexistent : un marché libre, sans réglementation où les prix s’envolent, et un marché encore contrôlé, taxé. Le marché libre est correctement fourni mais est seulement accessible à ceux qui ont des moyens financiers importants, tandis que le marché réglementé est très peu approvisionné, or c'est le seul marché où ceux qui ont peu de revenus peuvent acheter.

Depuis l'élimination des Montagnards(juillet 1794), est apparue au grand jour une nouvelle catégorie de population. Il s'agit de la « jeunesse dorée », les Muscadinset les Merveilleuses. Ces jeunes gens riches bénéficient de la libéralisation des prix et du besoin en fourniture des armées qu'ils se chargent de satisfaire. De par la profession et les relations de leurs parents ils ont pu échapper à la mobilisation militaire décrété en aôut 1793. Ils sont restés dans leurs familles tandis que les classes populaires se battaient pour la défense de la république. Le « règne de la vertu » que les Montagnards avaient mis en place les avait contraint à ne pas se montrer. Maintenant que les Montagnards sont pourchassés ils ressortent au soleil. Paradant dans les rues des grandes villes, et en particulier de Paris, ils se moquent, insultent voire agressent physiquement les Sans-culottes. Ils mènent la grande vie, font continuellement la fête et dépensent sans compter. Ils ont des relais parmi le personnel politique thermidorien. De nombreux députés de la Convention comme Tallien, Fréron, Legendre ... sont parmi leurs chefs.

Les catégories populaires non seulement doivent se rationner durement mais elles voient à côté d'elles des profiteurs qui s'en donnent à cœur joie. Les difficultés ne sont donc pas partagées et ceux-qui ont le moins contribué à la défense de la république sont les gagnants du jour. Ces inégalités visibles sont une grande source du mécontentement populaire. Les rapports de police décrivent bien la généralisation de ce sentiment de frustration et le mécontentement contre les nouveaux privilégiés. Mécontentement d'autant plus grand que la politique gouvernementale s'acharne contre les hommes et les lois de la période précédente qui avaient « favorisé » les classes populaires.

L'insurrection du 12 germinal

Devant la fin de non-recevoir des autorités, les Sans-culottes s'agitent. Le premier germinal (21 mars 1795), il y a des émeutes à Paris pour réclamer du pain et la Constitution de 1793. Pour faire face à de nouvelles émeutes la Convention vote une loi prévoyant la peine de mort pour les auteurs de mouvements séditieux contre l'assemblée. Les éléments paraissant les plus sûrs de la Garde nationale reçoivent des fusils afin de pouvoir aider à rétablir l'ordre.

Le 10 germinal (30 mars), les sections de la capitale réunissent leurs assemblées générales. Les sections de l'Est et des faubourgs (tous des quartiers populaires) réclament du pain, la mise en application de la Constitution de 1793, la réouverture des clubs et la libération des patriotes incarcérés. Oiurtant au même moment la Convention nomme une commission chargée de rédiger une nouvelle constitution, moins favorables aux catégories populaires. Le lendemain, 11 germinal, une délégation de la section des Quinze-Vingts vient porter les réclamations populaires à la barre de la Convention elle dénonce également les incarcérations de républicains qui continuent. Le même jour, dans le quartier de la section des Droits de l’homme, une réunion de citoyens et citoyennes était allée trouver le président de la section « pour l’engager à ouvrir une assemblée générale ». Le commissaire de police accouru pour empêcher la réunion est élu président de séance et parvient à calmer les personnes présentes qui selon lui «  veulent seulement trouver un moyen légal de faire parvenir leurs réclamations à la Convention nationale ».

Le matin du 12 germinal (1er avril), des manifestants se regroupent sur l'île de la Cité. Sont présents des hommes et des femmes en grand nombre ; il y a beaucoup d'ouvriers du bâtiments non domiciliés à Paris et de ce fait exclus du rationnement. Pour la plupart ils viennent des faubourgs Saint-Antoine, Saint-Marceau, Saint-Jacques et des sections des Thermes, de la Halle-au-Blé, de Cité et de Poissonnière. Par précaution, le Comité de Sûreté générale fait garder les abords de la Convention par des muscadins.

Vers 14 heures, les portes de la salle de la Convention Nationale sont forcées par la foule qui hurle : « Du pain ! ! !...du pain ! ! ! La constitution de 1793 ! ! ! ». À cet instant Boissy d'Anglas, membre du Comité de salut public chargé des subsistances, faisait un rapport sur la prétendue réussite du système d'approvisionnement. Devant l'irruption des manifestants les députés Les Montagnards, a priori favorable au mouvement, hésitent et proposent même l'évacuation de la salle. Montagnards et Thermidoriens s'interpellent et se dénonçent mutuellement. Un représentant des manifestants monte à la tribune de l'assemblée pour présenter les revendications des manifestants. Pour convaincre les députés il fait appel aux souvenir « patriotiques » du 14 juillet, du et du 31 mai 1793, et il réclame du pain, l'application de la Constitution de 1793, la libération des patriotes victimes de la réaction thermidorienne, le châtiment de Fréron et de sa Jeunesse dorée. Puis les autres sections présentent leurs doléances.

Le président André Dumont, un thermidorien proche des royalistes, tente sans grand succès de calmer les manifestants. Pendant ce temps, la plupart des députés de droite et de la Plaine quittent la salle. L'occupation continue jusqu'à 18 heures.

Le Comité de sûreté générale fait appel aux bataillons de la Garde nationale, composés d'éléments sûrs des sections parisiennes aux mains des bourgeois. Ceux-ci se massent aux abords de la Convention vers la fin de l'après-midi. Le Comité fait également sonner le tocsin et battre la générale. Vers six heures, Legendre à la tête d'environ trois cents muscadins aidés par quelques soldats commandés par le général Pichegru envahissent le bâtiment de l'assemblée et au chant du Réveil du peuple (le chant des Muscadins) en chassent les manifestants. L'armée et les Gardes nationaux dispersent la foule affamée. La répression des Sans-culottes continuera le lendemain. Le 12, la Convention ordonne la déportation sans jugement et immédiate de Billaud-Varenne, de Collot-d'Herbois, de Barère et de Vadier, mais ce dernier est en fuite.

D'autres députés montagnards sont également arrêtés dans les jours qui suivent.

Conséquences de l'insurrection du 12 germinal

Dès le 14 germinal An III ( 3 avril 1795) la Convention nomme une commission de sept membres qui est chargée de préparer le texte d'une nouvelle constitution en remplacement de celle de 1793. Cependant afin de renforcer le républicanisme modéré dans les diverses autorités locales , le 22 germinal (11 avril) les citoyens qui avaient été exclus de leurs fonctions début juin 1793 retrouvent leurs droits civiques (mais en sont exclus certains individus ayant trop manifesté leur royalisme).

Pour parer à des nouvelles émeutes, le 28 germinal (17 avril) la Garde nationale est épurée de ses membres les plus révolutionnaires. Désormais les gardes nationaux devront s'équiper à leurs frais ce qui élimine les artisans et les ouvriers incapables de faire de telles dépenses.

Quelques émeutes ont lieu dans les départements (en particulier à Rouen et à Amiens) mais elles sont vite réprimées.

Cependant la question d'un ravitaillement à prix acceptable pour la population n'est pas réglé. Un mois plus tard, le1er prairial (20 mai) une nouvelle insurrection parisienne éclate pour l'obtenir.


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