Extrêmophile

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Les couleurs vives jaunes-oranges (plus vertes en hiver) de Grand Prismatic Spring (taille réelle : plus de 100 m de diamètre), une source d'eau chaude dans le parc de Yellowstone, est produite par des tapis d'organismes extrêmophiles à plus de 70 °C (le bleu par contre est la couleur naturelle de l'eau).

Un extrêmophile est un être vivant qui existe dans les milieux extrêmes : très chauds ou froids, très acides ou basiques, très salés, à très forte pression, en présence de substances toxiques pour la plupart du vivant, etc. L'extrêmophilie peut être un avantage dans la compétition entre espèces, puisque très peu d'êtres vivants arrivent à vivre dans les milieux fréquentés par ces extrêmophiles. Ils sont donc plus « tranquilles » pour vivre leur vie, en quelque sorte. L'inconvénient est que les extrêmophiles sont souvent aussi cantonnés dans des écosystèmes très étroits (correspondant à leur mode de vie particulier) dont ils ne peuvent pas facilement s'éloigner (même certains peuvent, à l'instar de beaucoup d'organismes, se « mettre en sommeil » en attendant de retrouver de bonnes conditions pour eux).

Il faut bien distinguer deux cas de figure :

  • l'extrêmophilie obligatoire : ces « conditions extrêmes » sont les conditions normales de vie pour cet organisme, les organismes extrêmophiles au sens strict vivent souvent dans des environnements très particuliers hostiles à la plupart des formes de vie ; exemple Pyrolobus fumarii, une archée des fumeurs noirs qui se multiplie normalement à plus de 110 °C et s'arrête de le faire à moins de 90 °C
  • l'extrêmophilie facultative ou « de survie » : dans ces conditions extrêmes, l'organisme peut vivre sans que ces conditions lui soient nécessaires, ou bien résiste mais ne vit pas normalement non plus, il survit ou carrément se met en pause en attendant des conditions plus adaptées, et peut même en mourir si ces conditions durent trop longtemps ou sont trop intenses ; exemple les tardigrades
Pyrolobus fumarii, un extrêmophile obligatoire qui vit à plus de 110 °C

La grande majorité des extrêmophiles (surtout les extrêmophiles obligatoires) sont des organismes unicellulaires procaryotes, soit des bactéries ou des archées.

Aucun être vivant ne peut vivre dans tous les milieux abritant la vie, même si certains peuvent être extrêmophiles sur plusieurs aspects, par exemple Sulfolobus (archées vivant dans les sources d'eau chaude) sont à la fois thermophiles et acidophiles, et Deinococcus radiodurans (voir image ci-dessous) qui résiste à de nombreuses agressions, en particulier les radiations. Leur gamme de tolérance sur le plan de la température, de l'acidité, de la salinité, etc. est également variable : certains micro-organismes se rencontrent quasiment partout, d'autres sont limités à des écosystèmes très spécifiques.

Lexique extrêmophile[modifier | modifier le wikicode]

Précision[modifier | modifier le wikicode]

Deinococcus radiodurans, surnommée humoristiquement « Conan la bactérie »

On utilise le suffixe -phile pour un organisme qui vit normalement dans l'environnement extrême, ou qui en a besoin pour vivre. On utilise -tolérant pour un organisme qui le supporte, mais peut vivre dans un environnement moins extrême. En pratique, l'usage d’extrêmophile (et de des termes en -phile) est bien plus fréquent, surtout dans le langage courant (moins en biologie où la distinction est importante).

  • Thermophile, hyperthermophile : organisme qui se développe dans des températures chaudes, de 50 à 80 °C pour un thermophile, 80 °C ou plus pour un hyperthermophile. Certains peuvent toutefois se développer à moins de 50 °C (chez les thermophiles) car leur gamme de températures de développement est assez large. La limite actuellement observée pour un organisme est d'un peu plus de 120 °C, et il est probable que ce soit une limite indépassable (ou alors peu dépassable). On ne verra ainsi donc jamais d'organismes vivants à des centaines de °C.
  • Barophile ou piézophile : organisme qui se développe à des pressions très élevées. Comme pour les thermophiles, certains barophiles ont absolument besoin d'une pression très élevée pour vivre. On trouve ainsi des bactéries dans la fosse des Mariannes à près de 11 000 m de profondeur et à une pression supérieure à 1000 fois l'atmosphère terrestre, par exemple la bactérie MT-41 qui est incapable de se reproduire à la pression atmosphérique.
  • Acidophile : organisme qui se développe dans des milieux très acides (pH de 2 ou moins, c'est-à-dire comme suc gastrique de l'estomac, voire encore plus acide).
  • Radio-résistant : se dit d'un organisme qui résiste aux radiations, grâce à sa faculté de réparer son ADN même s'il est très abîmé. Un des plus connus est Deinococcus radiodurans, parfois surnommée « Conan la bactérie », capable de vivre dans une piscine de réacteur nucléaire et de résister à des doses supérieures à plus de 1 000 fois celles qui pourraient tuer un humain. À la différence du reste, les radiations ne sont presque jamais utiles (on connaît quelques exceptions, voir ci-dessous) à la vie d'un être vivant car elles abîment de toute façon les molécules organiques (l'ADN en particulier), mais ils se trouvent que certains ont des mécanismes de réparation plus efficaces que d'autres. Par exemple l'ADN découpé en petits morceaux de 100 nucléotides ADN est reconstitué pour le faire vivre normalement.
  • Halophile : organismes qui vivent dans des milieux concentrés en sel (plus que l'océan, de 50 à plus de 300 g de sel par litre).
  • Psychrophile : être vivant qui se développe le mieux dans des milieux froids (en dessous de 10 °C), parfois à des température négatives. Cependant, aucune réaction chimique du vivant ne peut avoir lieu dans l'eau solide, il faut donc que d'une manière ou d'une autre il aient accès à de l'eau liquide même à des températures négatives (c'est possible dans certaines conditions).
  • Radiotrophe : il ne s'agit pas d’extrêmophilie à proprement parler, ou alors d'une extrêmophilie très particulière, mais il se trouve qu'au moins un champignon, l'espèce Cryptococcus_neoformans, est capable d’utiliser la radioactivité comme source d'énergie pour certains processus biologiques. La radiotrophie se rapprocherait davantage de la phototrophie (photosynthèse), puisque les rayons gamma sont aussi de la lumière, mais beaucoup plus énergétiques que ceux de la lumière visible.

Des extrêmophiles qui l'ont été un peu trop[modifier | modifier le wikicode]

Parfois, on entend parler d'une expérience qui aurait mis en évidence des bactéries poussant à 250 °C sous une pression 300 fois plus grande que l'atmosphère terrestre. Il existe des micro-organismes (et aussi des macroorganismes d'ailleurs) qui vivent à de telles pressions, et même encore plus : la pression dans la fosse des Mariannes est supérieure à 1000 atmosphères et on y a trouvé des micro-organismes, la pression au niveau de l’épave du Titanic est de plus de 380 atmosphères et la vie est loin d'y être absente. Mais est-ce possible de vivre à 250 °C ? C’est très au-dessus des précédents records.

C'est ce qu’on a pensé à une époque, tant que l'eau restait liquide, que de la vie pourrait s'y développer quelle que soit la température. Au début des années 1980, pour reproduire l'expérience qui aurait mis en évidence ces bactéries, on a mis en culture à 250 °C du matériau issu de fumeurs noirs mais on n'a pas vu de micro-organisme vu se développer. On a vu en revanche la matière organique dont on se sert pour les nourrir, mise en valeur par un produit dont ont se sert aussi pour mettre en valeur l'ADN ! Voilà pourquoi on a cru y voir des organismes vivants alors qu'ils n'y en avait pas du tout1. Conclusion : pas de "superhyperthermophiles" à 250 °C. En fait, le plus hyperthermophile des hyperthermophiles qu'on a trouvé s'est développé à 121 °C, il s'agit d'une souche d'une archée déjà connue, Pyrolobus fumarii citée plus haut dans l'article : elle porte en anglais le nom de strain 121 (strain veut dire ici « souche (archéo-)bactérienne »). Ce chiffre est peut-être dépassable, mais sûrement alors de peu, on atteint là les limites de résistance du vivant en matière de température.

Il ne faut donc pas s'imaginer d’organismes dans l’eau à 300 °C de fumeurs, celle-ci tuerait n'importe quel être vivant. Ils vivent en réalité dans les parois des fumeurs, chauffés par l'eau mais qui n'atteignent pas 300 °C.

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Patrick Forterre, Les Microbes de l'enfer, éd. Belin 2007, p. 38
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