Despotat de Morée

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Despotat de Morée
(grc) Δεσποτᾶτον τοῦ Μορέως
1349 - 1460
Drapeau Blason
Drapeau Blason
Le despotat de Morée en 1450 (divisé entre les deux frères Démétrios et Thomas Paléologue).
Le despotat de Morée en 1450 (divisé entre les deux frères Démétrios et Thomas Paléologue).
Informations générales
Régime Despotat
Capitale Mistra
Langue Grec
Monnaie Hyperpérion
Religion Christianisme orthodoxe byzantin
Démographie et superficie
Population Inconnue
Superficie ~ 20 000 km2
Entités précédentes :
Empire byzantin Empire byzantin
Principauté d'Achaïe Principauté d'Achaïe
Entités suivantes :
Empire ottoman Empire ottoman
voir modèle • modifier

Le despotat de Morée est une province byzantine dont le statut a existé de 1349 à 1460. Son territoire comprenait tout le Péloponnèse (la Morée était d'ailleurs l'autre nom que l'on attribuait à cette région) et son souverain, vassal du basileus de Constantinople, portait le titre de despote. Cependant, contrairement aux autres régions de l'Empire byzantin tout au long de son histoire, le despotat de Morée gardait une certaine autonomie vis-à-vis de l'empereur ; le despote était d'ailleurs généralement un membre de la famille de celui-ci.

Après un lent déclin, le despotat de Morée finit, tout comme l'Empire byzantin, par être conquis par l'Empire ottoman en 1460.

Fondation[modifier | modifier le wikicode]

En 1347, Jean Cantacuzène est couronné empereur à Constantinople sous le nom de Jean VI. L'Empire byzantin est, à cette époque, ruiné, faible et ses territoires amputés par divers envahisseurs comme les Turcs ottomans ou les Francs de la principauté d'Achaïe qui tentent encore de ressusciter l'Empire latin conquis en 1261. Jean VI décide donc de prendre des mesures énergiques pour sauver l'Empire byzantin, et s'intéresse particulièrement au Péloponnèse, qu'à l'époque on désigne également sous le nom de Morée. Cette contrée de l'Empire byzantin est dévastée et le gouvernement local, basé dans la cité de Mistra, est incompétent ; de plus, elle côtoie un dangereux ennemi, la principauté d'Achaïe, qui organise des assauts et des pillages contre la Morée byzantine. Jean VI Cantacuzène veut faire de la Morée un territoire plus puissant et dont le souverain, bien que vassal de l'empereur, bénéficierait d'une certaine liberté dans ses actes. Il nomme ainsi son fils, Manuel Cantacuzène, qui occupe le titre de despote, suzerain de Morée, qui devient par conséquent le despotat de Morée (car il dirigé par un homme portant le titre de despote).

Sous Manuel Cantacuzène[modifier | modifier le wikicode]

Dès qu'il arrive en Morée, Manuel Cantacuzène doit faire face à une révolte des nobles byzantins du Péloponnèse. Il parvient à les calmer et fait la paix avec le prince d'Achaïe, son turbulent voisin. Manuel se tourne alors vers la menace turque, qui fait de nombreux raids qui ruinent le ports du despotat, mais sa bonne volonté se trouve freinée par un manque d'argent pour financer une flotte, indispensable pour repousser les galères ottomanes. Il met alors en place un nouvel impôt afin de récolter assez d'argent pour créer sa flotte ; mais, là encore, les nobles moréotes se rebellent car ils refusent de payer l'impôt. À la tête de trois cents soldats, Manuel Cantacuzène anéantit l'insurrection et ce sans le moindre combat : les séditieux s'enfuient ou se rendent. Certains d'entre eux tentent de poursuivre les hostilités, sans franc-succès.

Mais, fin 1354, Jean VI Cantacuzène abdique et Jean V Paléologue, l'ancien empereur renversé, revient au pouvoir. Ses premiers actes sont de destituer tous les conseillers de Jean VI et il tente de faire de même avec Manuel, qui est tout de même le fils de Jean VI. Pour favoriser ses desseins, Jean V Paléologue attribue des titres importants dans le despotat à divers ennemis de Manuel Cantacuzène, qui encouragent les nobles byzantins à se révolter ; mais Cantacuzène parvient à garder son titre de despote, car, en plus de la loyauté du peuple de Mistra, la capitale du despotat, il a le soutien de la République de Venise. Le gouvernement de Manuel Cantacuzène se montre efficace. Pour trouver des soldats afin de repousser les Francs d'Achaïe et les Turcs Ottomans qui font toujours des incursions en territoire byzantin et, par la même occasion, repeupler quelque peu le despotat qui a perdu beaucoup d'habitants, Cantacuzène appelle de nombreux Albanais qui viennent « coloniser » la Morée.

À partir de 1355, Manuel Cantacuzène est co-empereur avec Jean V Paléologue, bien que les deux hommes se détestent l'un l'autre. Deux ans plus tard, en 1357, Cantacuzène abandonne ce titre. En 1361, toute la famille de Manuel, y compris son père Jean, qui est devenu moine, arrive à Mistra ; et Manuel décide de gouverner avec l'aide de son frère aîné, Mathieu Cantacuzène. Ce dernier lui succédera d'ailleurs à sa mort.

En 1363, Manuel Cantacuzène, pour lutter contre la menace turque, s'allie avec les Francs d'Achaïe, les Hospitaliers de Rhodes et les Vénitiens de Naxos ; leurs armées coalisées battent celle des Turcs au large de Mégare au cours d'une bataille navale. Cette victoire n'empêchera pas la conquête de la totalité de l'Empire byzantin par les Turcs Ottomans, mais la retardera de près d'un siècle.

En 1364, le prince d'Achaïe, Robert de Tarente, meurt sans enfants. Une guerre civile s'ensuit, qui oppose Philippe II de Tarente, le frère de Robert, à Hugues de Lusignan, fils d'un premier mariage de la femme de Robert de Tarente. Manuel Cantacuzène, dont le despotat est impliqué dans cette guerre, prend le parti d'Hugues ; la guerre, acharnée, se poursuit pendant près de cinq ans, jusqu'en mars 1370. Bien que Manuel et Hugues aient remporté un grand nombre de victoires, ce dernier accepte de renoncer à la principauté d'Achaïe à condition de recevoir un dédommagement en argent, ce qui est fait.

En 1375, une armée franque attaque la ville de Gardiki, en Morée. Manuel envoie aussitôt des troupes pour les arrêter ; après une bataille rangée, les Byzantins subissent de très lourdes pertes mais les Francs s'en vont au grand soulagement de Cantacuzène. Le despotat de Morée étant, tout comme l'Empire, directement concerné par une réunification des Églises catholique et orthodoxe, Manuel entame lui aussi des pourparlers avec le pape Grégoire XI pour négocier, tout comme l'empereur, des clauses de cette potentielle réconciliation des mondes latin et grec.

Le 10 avril 1380, Manuel Cantacuzène meurt. Son frère Mathieu Cantacuzène lui succède.

Les derniers Cantacuzènes[modifier | modifier le wikicode]

Blason de la maison Cantacuzène.

Mathieu Cantacuzène[modifier | modifier le wikicode]

Quand Manuel Cantacuzène meurt, l'empereur de Constantinople cherche à placer à la tête du despotat un membre de la famille Paléologue pour supplanter la famille des Cantacuzènes qui défient encore le pouvoir impérial. Malgré les efforts du basileus, le frère aîné de Manuel, Mathieu, lui succède et prend le titre de despote. Mathieu Cantacuzène, qui a déjà été co-empereur byzantin avec son père Jean VI Cantacuzène, règne sur un despotat secoué par de nombreuses crises provoquées autant par les querelles internes à l'Empire que par les invasions extérieures. En effet, les Turcs Ottomans menacent de plus en plus l'Empire byzantin et font des Paléologues leurs vassaux ; ils ont donc tout intérêt à ce que ce soient des Paléologues qui dirigent le despotat. Le despotat de Morée, qui se retrouve impliqué dans ces troubles, s'en trouve affaibli et le pouvoir de Mathieu Cantacuzène contesté. Celui-ci décide, après trois ans de règne, d'abdiquer et de se faire moine ; il passera le restant de ses jours à écrire des livres de théologie.

Démétrios Ier Cantacuzène[modifier | modifier le wikicode]

Quand Mathieu Cantacuzène abdique, l'empereur Jean V Paléologue voit là une occasion idéale pour nommer son fils, Théodore Paléologue, despote de Morée. Mais le fils de Mathieu, Démétrios Cantacuzène, refuse la domination Paléologue : il ne rêve en effet que de ceindre la couronne de Morée. Dans les derniers jours de 1382, il organise une révolte appuyée par les aristocrates byzantins du Péloponnèse et des pirates ottomans ; assez rapidement car populaire, Démétrios Cantacuzène prend le contrôle du despotat de Morée et s'affirme face à Théodore Paléologue, arrivé en Morée pour y devenir despote et remplacer l'ultime Cantacuzène. Démétrios Cantacuzène, qui règne dans un contexte précaire, est le premier despote de Morée à vouloir son indépendance totale vis-à-vis de Constantinople ; avec l'arrivée des Paléologues, ce désir de se détacher complètement de l'Empire disparaîtra. Car, en effet, Démétrios Cantacuzène meurt soudainement à la fin de l'année 1383. Sa mort marque la fin de la dynastie Cantacuzène en Morée.

L'arrivée des Paléologues[modifier | modifier le wikicode]

Blason des Paléologues.

En 1383, l'Empire byzantin est morcelé entre divers membres de la famille Paléologue ; Jean V Paléologue, le légitime empereur, ne contrôle en fait guère plus que Constantinople, son fils Andronic IV Paléologue tient la Propontide, et son autre fils Manuel II Paléologue occupe Thessalonique ; et, hormis ce dernier, tous ont le titre de basileus. Dans ce contexte de crises, de révoltes et d'invasions, Théodore Paléologue arrive dans le despotat de Morée où il devient despote. Théodore, qui n'apprécie que son frère Manuel II, ne se mêle pas des querelles familiales et dirige un Péloponnèse quasi-indépendant de l'Empire, qui est de toute façon trop divisé pour essayer de remettre la province sous sa complète autorité. Dans le despotat toutefois, l'arrivée d'un membre de la famille Paléologue suscite une vive hostilité de l'aristocratie moréote ; en effet, les nobles du despotat, attachés à la famille Cantacuzène, refusent de se soumettre à un Paléologue dont les proches se disputent à ce moment la couronne impériale. Mais les révoltes sont rapidement matées et Théodore affermit son pouvoir.

Sous Théodore Ier Paléologue[modifier | modifier le wikicode]

Lutte contre les Latins[modifier | modifier le wikicode]

Une fois despote de Morée, Théodore Ier Paléologue commence par lancer ses troupes contre celles de la principauté d'Achaïe, le dernier État latin de la région. Il leur inflige de lourdes défaites et agrandit considérablement le despotat, qui s'étend désormais sur une très grande partie du Péloponnèse — sur sa quasi-totalité. De plus, Théodore Ier a l'appui de Nerio Acciaiuoli, un baron florentin qui possédait de nombreuses terres du nord-est du Péloponnèse ; celui-ci lui donne d'ailleurs sa fille Bartolomea en mariage, avec, pour dot, les droits de succession de la ville de Corinthe que Nerio possède.

En 1388, le prince italien Raymond des Ursins des Baux, qui possédait quelques terres dans le Péloponnèse — parmi lesquelles les villes de Nauplie et d'Argos —, meurt. Sa femme, Marie d'Enghien, vend les villes de son mari à la République de Venise ; mais Théodore Ier et Nerio Acciaiuoli profitent de la situation pour s'emparer d'Argos pour le premier et de Nauplie pour le second, en joignant leurs forces. Mais les Vénitiens, qui finissent par apprendre les invasions moréote et florentine, débarquent en Morée et reprennent les territoires de Nerio ; pourtant, malgré leurs efforts, Théodore Ier leur résiste et parvient à conserver la ville d'Argos.

Invasions ottomanes[modifier | modifier le wikicode]

En 1389, Evrenos Bey, un général ottoman, arrive en Morée avec une grande armée pour en faire son fief, conformément à une promesse faite par le sultan Bayezid Ier. La principauté d'Achaïe s'allie alors avec ce nouvel arrivant, tout comme Manomas, un seigneur byzantin de la région qui s'était vu privé de ses terres par Théodore Paléologue à cause de son insubordination. Alors qu'il s'apprête à lutter contre les envahisseurs, Théodore Ier Paléologue est convoqué, avec les autres grands seigneurs des Balkans vassaux des Ottomans, à Serrès, où se trouve le sultan. Ce dernier vient de remporter une victoire éclatante sur les Serbes à Kosovo ; aussi les « invités » — l'empereur byzantin Manuel II Paléologue ainsi que son neveu Jean VII Paléologue, le magnat de Serbie Constantin Dragaš et enfin le despote de Morée Théodore Ier Paléologue — s'attendent à être exécutés. Pourtant, Bayezid Ier ne fait que les prévenir que toute opposition sera sévèrement punie, avant de les laisser s'en aller — à l'exception de Théodore Ier Paléologue. En effet, le sultan l'emmène avec lui en Thessalie pendant qu'il guerroie contre ses ennemis balkaniques ; et, tout au long du trajet, le monarque ottoman insiste pour que Paléologue donne à la République de Venise et à Manomas plusieurs grandes villes de Morée ; Théodore, qui s'enfuit et retourne dans son despotat, refuse de les céder à quiconque, hormis Argos qu'il laisse aux Vénitiens en 1394 à condition que les habitants byzantins de la ville puissent partir avec leurs biens.

En 1394, Nero Acciaiuoli, entretemps monté sur le trône du duché d'Athènes, meurt. Il ne laisse à sa fille Bartolomea, épouse de Théodore Ier, qu'une somme d'argent, tandis que, malgré la promesse de Nerio, Corinthe échoit à son autre fille, Francesca Acciaiuoli, épouse du seigneur italien Carlo Ier Tocco ; Théodore Ier Paléologue décide alors de se saisir de ce qui lui revient de droit par la force, mais, occupé par un assaut ottoman, il est contraint de reporter son entreprise à la fin de l'année 1395. Battu par Carlo Ier Tocco, il apprend tout de même qu'un de ses généraux vient de vaincre les troupes de la principauté d'Achaïe, l'allié de Tocco, et a capturé leur chef ; Carlo Tocco préfère offrir Corinthe à Théodore Ier plutôt que de perdre son allié, qui est libéré fin 1395.

En 1396, le sultan Bayezid Ier attaque à nouveau le Péloponnèse après sa victoire à Nicopolis. Théodore Ier, en grande difficulté, appelle la République de Venise à l'aide et propose de lui offrir la ville de Corinthe si des troupes vénitiennes viennent à son secours ; mais les Vénitiens refusent. Les Ottomans traversent l'isthme de Corinthe et se séparent en deux contingents ; le premier assaillit et prend Argos, qui appartient aux Vénitiens, et le second s'attaque au despotat. L'armée de Théodore Ier Paléologue est vaincue et s'enfuit. Le despotat de Morée n'est sauvé que par le retrait des régiments turcs.

Accords avec les Hospitaliers[modifier | modifier le wikicode]

Armoiries de l'Ordre Hospitalier.

Théodore Ier Paléologue tente à nouveau d'avoir de l'aide de la République de Venise en promettant à nouveau Corinthe, mais le doge refuse à nouveau. C'est alors l'Ordre de Saint-Jean (les Chevaliers Hospitaliers) qui lui propose d'acheter Corinthe. En 1400, Théodore Ier leur vend la ville et l'Ordre y installe son siège. Peu après, les Hospitaliers ne réclament rien d'autre que Mistra, la capitale du despotat, ainsi que la ville de Kalávryta ; Théodore Ier cède et leur vend les deux villes, et s'installe à Monemvasia. Mais le peuple de ces deux villes, byzantin orthodoxe, contrairement aux Hospitaliers qui sont catholiques, se rebelle contre les nouveaux arrivants et Théodore Ier en profite pour récupérer les cités.

En 1404, après la chute en 1402 du sultan Bayezid Ier capturé et mort dans les geôles de l'empereur turco-mongol Tamerlan, Théodore Ier Paléologue profite des troubles internes à l'Empire ottoman pour reprendre, avec l'aide des Hospitaliers, la ville d'Amphissa, qu'il leur offre en échange de Corinthe. Théodore Ier Paléologue meurt de maladie en 1407.

Sous Théodore II Paléologue[modifier | modifier le wikicode]

L'empereur byzantin Manuel II Paléologue.

Théodore Ier Paléologue n'ayant pas d'enfants, son frère, l'empereur Manuel II Paléologue, place sur le trône du despotat son second fils, Théodore Paléologue, qui devient Théodore II. Initialement, Théodore II, qui est âgé de onze ans quand il est choisi pour succéder à son oncle, veut se consacrer à une vie monastique et aux études de l'arithmétique, mais il se retrouve malgré tout despote de la Morée byzantine. Celle-ci, ravagée par les invasions, est exposée à la menace croissante des Ottomans voisins. Théodore II Paléologue passe donc une grande partie de son règne à consolider ses troupes pour lutter face aux différents envahisseurs, qu'ils soient turcs (dans l'Empire ottoman), francs (dans la principauté d'Achaïe) ou italiens (dans le despotat d'Épire, dont seul le nom rappelle encore la période byzantine).

En 1415, sous l'œil vigilant du basileus Manuel II Paléologue en personne, le mur de l'Hexamilion, qui constitue le rempart le plus efficace du despotat, est reconstruit pour repousser plus efficacement de potentielles attaques. Deux ans plus tard, l'empereur envoie en Morée le frère aîné de Théodore II, Jean Paléologue, pour qu'il aide le despote dans ses fonctions ; c'est alors que les deux frères conçoivent le plan de conquérir les restes de la principauté d'Achaïe. Leur armée remporte de grands succès et s'empare de la quasi-totalité de la principauté à laquelle il ne reste que quelques châteaux épars.

En 1421, Jean Paléologue est couronné co-empereur à Constantinople sous le nom de Jean VIII, avec son père Manuel II. En 1422, après un assaut infructueux de Constantinople, le despotat de Morée est assailli par des armées turques qui détruisent le mur de l'Hexamilion et ravagent le Péloponnèse. Mistra n'est sauvée que par le retrait des troupes ottomanes.

En 1427, alors que Théodore II gère le despotat, l'empereur Jean VIII Paléologue envoie un autre de ses frères, Constantin, s'établir en Morée. Théodore II et lui se divisent le territoire du despotat, avant de lancer deux ans après, avec l'aide de l'empereur, une attaque contre le seigneur Carlo II Tocco, despote d'Épire et propriétaire d'une partie du nord du Péloponnèse. C'est un grand succès militaire, et Constantin conquiert la ville de Patras, une cité importante du nord de la Morée1.

Manuel II Paléologue, sa femme Hélène Dragaš et leurs fils Jean, Théodore et Andronic (mort en 1427).

Au même moment, un autre frère des co-despotes et de l'empereur, Thomas Paléologue, atteint sa majorité et reçoit, lui aussi, sa part du despotat de Morée. Ce dernier est maintenant bel et bien divisé : Théodore II, théoriquement suzerain des autres, a le sud-est du Péloponnèse, comprenant les villes majeures du despotat (Mistra et Sparte) ; Constantin possède le nord-ouest de la Morée, avec Corinthe et Patras ; quant à Thomas, il reçoit une partie du nord du despotat, avec pour capitale Kalavrýta. Thomas Paléologue se lance, comme son frère Constantin, à l'assaut des Latins de Morée, et assaillit en 1430 les restes de la principauté d'Achaïe, qu'il envahit rapidement. Le dernier prince, Centurione II Zaccaria, lui donne sa fille en mariage et garde une place forte avec l'autorisation de Thomas à condition qu'il la lui lègue à sa mort. Deux ans plus tard, quand Centurione II Zaccaria meurt, tout le Péloponnèse est sous domination byzantine.

En cette même année, les frontières internes du despotat sont modifiées ; Théodore II obtient tout le sud du Péloponnèse et une grande partie du centre, Thomas et Constantin échangent leurs capitales respectives et ce dernier a désormais le contrôle sur tout le nord du despotat. Cependant, un autre frère Paléologue, Démétrios, inquiète fortement l'empereur Jean VIII car il se rapproche beaucoup du sultan ottoman, Mourad II. Le basileus appelle donc Constantin auprès de lui pour l'aider à se défendre d'une potentielle attaque — qui n'aura pas lieu. Pour le convaincre de laisser la Morée, l'empereur lui offre le territoire de Démétrios, une région en Thrace byzantine ; il accepte et laisse la Morée en 1442 à Théodore qui la partage toujours avec Thomas. Mais, l'année suivante, Théodore, qui rêve de succéder à Jean VIII Paléologue sur le trône impérial de Constantinople, propose à Constantin d'échanger la Thrace contre le despotat de Morée afin d'éloigner Constantin du pouvoir impérial. Constantin accepte, et retourne en Morée ; Théodore II Paléologue va donc en Thrace et s'apprête à succéder prochainement à Jean VIII, mais, coup du sort, il meurt de la peste trois mois avant l'empereur2. C'est Constantin qui ceindra la couronne de Constantinople, et qui deviendra le dernier empereur byzantin.

Constantin XI[modifier | modifier le wikicode]

Article à lire : Constantin XI Paléologue.

En 1443, avant la mort de ses frères aînés, Constantin Paléologue retourne donc en Morée gouverner le despotat. Il y règne conjointement avec son frère Thomas ; et Constantin poursuit sa politique défensive et agressive. Il fortifie à nouveau le mur de l'Hexamilion, et attaque le duché d'Athènes, le dernier État latin de la région. En 1444, il conquiert Athènes, capitale du duché, puis Thèbes, une autre grande ville latine. Le duc d'Athènes, qui auparavant était vassal du sultan ottoman, devient vassal du despote de Morée et doit lui verser un tribut annuel. À la fin de l'année, le duc de Bourgogne envoie trois cents soldats pour aider le despotat à tenir après la terrible défaite des croisés à Varna. Constantin utilise cette aide précieuse pour assaillir, au-delà de l'isthme de Corinthe, la Grèce continentale. Il finit par envahir la Thessalie et son général Constantin Cantacuzène conquiert la ville de Lidoríki. Outre ses conquêtes, Constantin Paléologue restructure le despotat de Morée pour affirmer sa puissance.

Mais le sultan Mourad II, exaspéré par l'attitude belliqueuse du despote, décide de sévir. Avec une armée d'environ soixante milliers d'hommes et de nombreux canons, il attaque en 1446 le Péloponnèse et les vingt mille défenseurs de Constantin. Ce dernier a, pense-t-il, suffisamment d'hommes pour défendre le mur de l'Hexamilion ; mais il commet une grave erreur. En effet, il néglige le rapport d'un éclaireur qui lui apprend que les Ottomans possèdent des canons et reste confiant. Le 10 décembre, il détruit complètement l'Hexamilion et écrase les défenseurs, tandis qu'un général turc, Turahan Beg, saccage le despotat et assiège Mistra, la capitale — sans succès. Mourad II décide cependant de ne pas envahir le Péloponnèse, mais impose un important tribut au despote, lequel n'a plus le droit de reconstruire le mur désormais détruit de l'Hexamilion.

En 1448, l'empereur byzantin Jean VIII Paléologue meurt. Constantin, qui est son frère, s'empresse d'aller à Constantinople se faire couronner, et laisse la Morée à ses deux jeunes frères, Démétrios et Thomas.

La fin du despotat[modifier | modifier le wikicode]

Thomas Paléologue, despote de Morée.

Quand Constantin XI Paléologue devient empereur, il divise le despotat entre ses deux derniers frères, Thomas et Démétrios ; au premier, il donne l'ouest de la Morée, tandis qu'au second, il offre l'est, dont Mistra. Mais, très vite, les deux frères se querellent, jusqu'à ce que Thomas envahisse une région au centre du Péloponnèse, dans laquelle se trouve une importante cité de Démétrios. Celui-ci réplique en invoquant l'appui du sultan turc, qui lui envoie son général Turahan Beg. Ce dernier arrive à la tête d'une armée turque et force Thomas à rendre la ville de Kalamata en compensation à Démétrios, mais Thomas garde la région qu'il avait envahie.

En 1451, le sultan Mourad II meurt. Son fils, Mehmed II, lui succède. Celui-ci se jure rapidement de conquérir Constantinople, vestige de l'Empire byzantin, et commence dès son accession au pouvoir à préparer l'assaut de la ville. Faisant construire des fortifications pour mieux s'ancrer dans le Bosphore, il décide d'anéantir une potentielle aide des chrétiens des Balkans, à commencer par les frères du basileus Constantin XI. En octobre 1452, il envoie Turahan Beg envahir le despotat avec une importante armée ottomane, dont il se sert pour piller et saccager la Morée. Les deux frères Paléologues s'unissent malgré eux et consacrent tous leurs efforts à repousser le général ottoman et à tenter de relever le despotat, très affaibli. Cette manœuvre de diversion permet à Mehmed II d'éliminer un ennemi de l'échiquier de Constantinople. Le siège de la ville, décrété en avril 1453, dure deux mois avant que Constantinople ne tombe le 29 mai, sans qu'aucun des deux frères de l'empereur aient pu lui envoyer de l'aide. Le despotat de Morée est donc l'héritier direct de la culture byzantine, avec l'Empire de Trébizonde au nord de l'Anatolie. Le sultan Mehmed II, désormais affublé de l'épithète de Conquérant, augmente le tribut que doivent lui verser les deux despotes : 10 000 ducats annuellement, ce qui fragilise encore plus la timide économie du despotat.

Mais, très peu de temps après la chute de Constantinople, les « colons » albanais du Péloponnèse se révoltent contre les despotes, soulèvement auquel une grande partie de la population byzantine prend vite part ; et la République de Venise apporte son soutien aux révoltés. Finalement, Thomas et Démétrios appellent le sultan à l'aide ; le général Turahan Beg débarque une fois de plus en Morée et mate l'insurrection, avant de regagner l'Empire ottoman. Mais la discorde revient vite entre les deux frères, ainsi qu'avec la population ; et ni Thomas, ni Démétrios, ne peuvent payer le tribut imposé par le sultan. Ce dernier, furieux, arrive en Morée en 1458 avec une grande armée, et s'empare de Corinthe et d'autres villes qui résistent un temps (Corinthe tient plusieurs mois), mais tombent toutes face à l'armée turque. Cette dernière en profite pour saccager le despotat, et les deux frères Paléologues sont contraints de demander la paix. Il doivent payer une lourde indemnité en argent et en terres : en effet, ils cèdent au sultan la moitié nord du Péloponnèse, ne gardant qu'une petite portion de ce qui était autrefois leur despotat. Ce dernier n'est plus que l'ombre de lui-même.

Le pape Pie II, qui accueille le dernier co-despote Thomas Paléologue à Rome avec sa famille.
André Paléologue, fils du despote Thomas, portera le titre de despote des Romains, même s'il n'aura dans les faits aucun pouvoir.

Après son départ, les deux frères poursuivent leurs querelles. Thomas affirme qu'il bénéficiera du soutien du pape pour sauver leur principauté ; mais Démétrios, lui, pense que la meilleure solution est de se soumettre complètement aux Ottomans. En été 1459, trois cents mercenaires italiens — deux cents envoyés par le pape Pie II et cent envoyés par la duchesse de Milan — arrivent en Morée se mettre au service de Thomas Paléologue. Cependant, en désaccord entre eux et avec Thomas, ils repartent peu après en Italie. Et, de son côté, Démétrios sollicite encore l'aide des Turcs ; le sultan Mehmed II, inquiété par l'intervention du pape et lassé de l'anarchie qui règne en Morée, décide d'y mettre un terme.

En mai 1460, le sultan débarque en Morée avec une grande armée pour soumettre le despotat. Démétrios II Paléologue se rend avec sa partie du despotat et lui livre sans combattre Mistra avant de partir vivre à Constantinople, tandis que Thomas, lui, s'enfuit à Corfou puis en Italie. Quelques citadelles tentent de résister aux Ottomans, mais toutes sont prises et leurs défenseurs tués. Le Péloponnèse passe sous domination ottomane ; c'est la fin du despotat de Morée.

Politique[modifier | modifier le wikicode]

Bien que de fait très autonome, le despotat de Morée n'est, officiellement, durant toute son histoire, qu'une province de l'Empire byzantin. Le basileus de Constantinople détient donc théoriquement tous les pouvoirs sur la Morée ; et le despote n'a pas le droit de frapper des pièces de monnaie à son effigie ou de promulguer de nouvelles lois.

Pour ce qui est de l'administration du territoire, le despotat de Morée se base sur le modèle byzantin ; le despote, qui a les pleins pouvoirs — parfois contestés —, nomme les fonctionnaires qui administrent la Morée. Le gouvernement du despotat tient peu compte des libertés des seigneurs locaux, ce qui entraîne parfois des révoltes. Derrière le despote, l'équivalent du premier ministre est le mésazon, tout comme à Constantinople.

Armée[modifier | modifier le wikicode]

Le despotat de Morée a une armée qui lui est propre et qui se distingue de l'armée byzantine. Le fonctionnement de cette armée se base sur un recrutement local (chaque seigneur envoie des soldats au despote), ce qui permet au despotat d'avoir un grande nombre d'hommes à sa disposition. De plus, les colons albanais de Morée viennent grossir les effectifs moréotes.

En 1395, un voyageur italien affirme que l'armée moréote compte 20 000 soldats dans ses rangs. En 1320, on parle de 36 000 combattants ; en 1437, un anonyme dénombre 50 000 cavaliers en omettant les fantassins ; et l'historien Doukas décrit 60 000 défenseurs du mur de l'Hexamilion. Ces nombres, grandement exagérés, sont démentis par des témoignages plus mesurés et plus réalistes : 15 000 hommes en 1439, environ 20 000 en 1446.

Le principal défaut de l'armée du despotat est son absence de troupes permanentes. En effet, une armée permanente coûtant trop d'argent au despote, celui-ci se contente de mobiliser des soldats en cas de guerre ou engage des mercenaires.

Liste des despotes de Morée[modifier | modifier le wikicode]

Dynastie Cantacuzène[modifier | modifier le wikicode]

Dynastie Paléologue[modifier | modifier le wikicode]

Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. « À propos de la ville de Patras aux XIIIe et XVe siècles », Persée
  2. La Chute de Constantinople, 1453, Steven Runciman, éd. Tallandier, p. 92

Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • Récits tirés de l'Histoire de Byzance, Jean Defrasne, éd. Fernand Nathan ;
  • Chute et mort de Constantinople, Jacques Heers, éd. Perrin ;
  • La Chute de Constantinople, 1453, Steven Runciman, éd. Tallandier.
Article mis en lumière la semaine du 03 octobre 2022.
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