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Déchristianisation (Révolution française)

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La déchristianisation est un épisode de la Révolution française entre l'été 1793 et le printemps 1794. Ce mouvement vise à effacer toutes les traces publiques du christianisme (en particulier dans sa version catholique qui jusqu'en 1789 est la religion d'État de la France monarchique). Le christianisme est alors une composante importante de la société française et certains révolutionnaires veulent le faire disparaitre au profit de l'athéisme. La déchristianisation est menée localement par les révolutionnaires les plus radicaux qui luttent contre le clergé catholique considéré comme trop royaliste ou favorable aux souverains étrangers qui attaquent alors la France pour rétablir la monarchie absolue et l'Ancien Régime. Ils sont soutenus par certains députés envoyés en mission dans les départements soulevés contre la République ou menacés par l'invasion étrangère. Ce mouvement n'est donc pas identique dans toute la France et surtout une grande partie de la population n'y prend pas part, voire y est hostile. La déchristianisation est combattue officiellement par certains chefs montagnards comme Robespierre ou Danton qui la trouvent dangereuse car elle risque d'augmenter le nombre des adversaires de la France révolutionnaire aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. La déchristianisation sera liquidée par l'arrestation et l'exécution des Hébertistes en mars 1794. En juin 1794, la tentative des Robespierristes de créer le culte de l'Être suprême, un culte républicain de substitution au catholicisme, ne survivra pas à l'exécution de Robespierre et de ses amis en juillet 1794.

Le clergé catholique et la Révolution

Un prêtre jure fidélité à la constitution de 1791

Le mouvement de déchristianisation est en grande partie lié à l'attitude du clergé catholique face aux bouleversements apportés par la Révolution depuis 1789. Avec la fin de la société d'Ancien Régime, le clergé catholique n'occupe plus la première place dans la société française. Avec le vote de la Constitution civile du clergé en 1790, le clergé est élu par les citoyens et devient fonctionnaire, il doit alors prêter le serment de fidélité à la Constitution.

La condamnation par le pape de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et de la Constitution civile divise le clergé et les fidèles. Certains prêtres refusent de prêter le serment, ils deviennent des réfractaires et passent dans la clandestinité et ils sont pourchassés par les autorités.

Le clergé constitutionnel, qui reste en place, est de tendance modérée : souvent royaliste ou bien favorable aux républicains modérés comme les Girondins qui ont tout fait pour sauver le roi Louis XVI. Les Girondins sont éliminés politiquement en juin 1793, et doivent se cacher, ou se mêler au mouvement fédéraliste qui entre en lutte contre le gouvernement révolutionnaire. Progressivement le clergé constitutionnel devient lui aussi suspect pour les révolutionnaires « les plus en pointe ».

Avant la déchristianisation

La méfiance vis à vis du clergé catholique se manifeste bien avant la grande vague de déchristianisation. Pendant l'été 1792, alors que la situation militaire est alarmante et après que le 10 août les Parisiens aient attaqué les Tuileries et obtenu la déchéance du roi, pour prévenir toutes manifestations d'hostilité de la part des éléments royalistes, la Commune de Paris prend des mesures contre le clergé catholique. Le 12 août le port du costume ecclésiastique est interdit en dehors des actes religieux ; le 16 août les processions et manifestations religieuses sont interdites. Pour subvenir aux besoins de la défense les ornements de bronze se trouvant dans les églises sont, dès le 17 août, réquisitionnés pour être fondus afin de fabriquer des canons.


En novembre 1792, Joseph Cambon, un des chefs montagnards, propose que l'on cesse de salarier les prêtres assermentés, ce qui aurait eu pour effet de priver nombre de paroisses de curé ou de vicaire donc de cérémonies religieuses. Si le clergé a été constamment associé aux cérémonies et célébrations patriotiques (comme celle de la Fête de la Fédération en juillet 1790), le 10 août 1793, la Fête de l'Unité et de l'Indivisibilité de la République, qui célèbre le renversement de la monarchie, se déroule sans participation du clergé. Un peu partout se met en place un culte populaire, hors de la présence du clergé, destiné à honorer les « martyrs de la Liberté », comme Chalier, Marat ou Lepeletier ; il veut concurrencer le culte des saints catholiques.

Les recherches historiques révèlent aussi que dans certaines régions comme la Nièvre, la Normandie ou la Champagne, la désaffection pour les pratiques religieuses publiques, voire même la fragilité des croyances, étaient installées bien avant la Révolution.

La déchristianisation

Le grand mouvement de déchristianisation commence loin de la capitale. Il est souvent lié aux conflits sociaux qui opposent les propriétaires de terres ou d'usines à leur paysans ou à leurs salariés. Il est souvent aiguisé par les conflits politiques entre patriotes et modérés ou réactionnaires. Mais l'action d'une personnalité peut également être décisive pour peu qu'elle rencontre sur place des gens suffisamment adversaires de l'église catholique et de la religion chrétienne pour relayer son action.

Ainsi dans la Nièvre, Joseph Fouché, député représentant en mission provoque une déchristianisation retentissante. Le 21 septembre 1793 à Nevers, il préside une cérémonie pour l'inauguration du buste de Brutus (le fondateur de la république romaine). Le 13 octobre, comme c'est son droit de représentant en mission, il interdit toute cérémonie religieuse en dehors des églises : désormais les convois mortuaires ne peuvent être accompagnés jusqu'au cimetière par un prêtre. Les cimetières sont désormais des « champs de repos », où tout emblème religieux est enlevé et on y fait inscrire que « la mort est un sommeil éternel »}, ce qui nie la croyance en la vie éternelle et la résurrection des morts, qui est un fondement du christianisme. Il interdit aux prêtres de rester célibataires et, pour ceux qui ne veulent pas se marier, il leur impose d'adopter un jeune orphelin ou de prendre en charge matérielle un vieillard indigent. Il s'agit de faire cesser la différence de vie entre les religieux et le reste de la population (différence qui est une des règles du catholicisme).

Chaumette un des principaux déchristianisateurs parisiens

L'exemple de Fouché est suivi à Paris par Chaumette, le procureur de la Commune de Paris, qui était à Nevers le 21 septembre. Dès le 14 octobre, la Commune de Paris interdit les cérémonies religieuses en dehors des églises. Le 7 novembre, au comité central des sociétés populaires (réunions des personnes les plus radicales politiquement), on demande la suppression du budget des cultes. Le 7 novembre, ces mêmes sociétés obtiennent la démission de l'évêque assermenté de Paris et de ses vicaires. La cathédrale Notre-Dame de Paris, dépourvue de clergé, est transformée en Temple de la Raison le 10 novembre. On y célèbrera une fête de la Liberté (symbolisée par une demoiselle de l'Opéra) en présence des députés de la Convention. Le 23 novembre toutes les églises de Paris sont fermées.

Le 14 octobre, à Ris-Orangis, petit village au sud de Paris, le conseil communal décide que désormais Brutus sera son « saint » patron. Le 6 novembre, les habitants du village voisin de Mennecy, renoncent au catholicisme et défilent en faisant des mascarades anti-religieuses devant les députés de la Convention.

Une église transformée en club féminin. 1793. caricature contre-révolutionnaire

Sur le coup la Convention décrète, le 6 novembre, que les communes de France pourront, si elles le décident, renoncer au culte catholique. On peut alors fermer les églises et les presbytères, en évincer les religieux qui les occupent. Les locaux libérés peuvent être affectés à d'autres usages (école, hospice, bâtiment agricole ...) ou on en démonte les pierres pour de nouvelles constructions. Afin de financer l'effort de guerre on confisque les objets précieux ayant servi au culte (les vases sacrés comme les ciboires ou les calices, les ornements et habits du culte souvent brodés de fils en métal précieux, les tableaux et statues) et on les envoie à la Convention.

Quelquefois, les déchristianisateurs se livrent à des profanations. On brûle les reliques de saints plus ou moins réels conservées depuis des siècles, afin de faire disparaître la superstition (le culte des saints et des reliques est très important dans le catholicisme). Ainsi dans la Nièvre, un déchristianisateur de Clamecy dans la Nièvre fait manger des hosties à son cheval, ou bien une mascarade défile en promenant les vases sacrés attachés parmi des os (Tannay dans la Nièvre).

On se déguise avec les habits utilisés pendant les cérémonies religieuses. Ainsi, le 10 novembre, à Lyon ville rebelle qui vient d'être reprise par les républicains, le représentant en mission Collot d'Herbois organise une grande cérémonie en l'honneur du député Chalier exécuté par les rebelles lors de l'insurrection de juin. Dans le cortège, un sans-culotte portant mitre et crosse précède un âne recouvert d'habits pontificaux. L'âne est coiffé d'une mitre, portant un calice sous le cou, un missel et une bible attachés à sa queue. Le 20 novembre, des citoyens de la section parisienne de l'Unité, revêtus d'ornements religieux, défilent devant la Convention en chantant et en dansant.

La Convention et la déchristianisation

Alors que des actions de déchristianisation apparaissent en France, le 5 octobre 1793, la Convention (assemblée qui dirige alors la France), vote une mesure très anti-chrétienne : l'adoption du calendrier républicain. Désormais le comptage des années ne se fera plus en référence à la naissance de Jésus mais l'an I commencera avec la proclamation de la République le 22 septembre 1792. La nouvelle organisation des mois fait disparaître le dimanche traditionnellement consacré à la prière collective catholique, le repos est désormais fixé tous les dix jours (décadi). Les noms des saints qui jusqu'alors étaient attribués aux jours de l'année sont remplacés par des noms de légumes, d'outils agricoles ou de vertus. Il s'agit bien de faire basculer la vie quotidienne des Français dans un avenir sans références chrétiennes. Si cette mesure est adoptée par la force des choses dans les administrations, la population rechigne à ce bouleversement et continue quotidiennement à se servir du calendrier traditionnel.

Robespierre un des adversaires de la déchristianisation

Cependant alors que le 6 novembre, l'assemblée autorise les communes à renoncer à la religion catholique, le 11 novembre elle refuse de supprimer le budget des cultes, ce qui permet de continuer la pratique religieuse publique là où la population n'y est pas opposée.

Le 17 novembre 1793, dans une réunion du comité de Salut public, qui est alors le gouvernement effectif de la République, Robespierre dénonce la déchristianisation qui pour lui risque de faire basculer les pays neutres (surtout protestants) dans l'opposition à la France. Le 21 novembre dans un discours au club des Jacobins, il se prononce pour la liberté des cultes. Danton le soutient dans sa lutte contre les Hébertistes qui sont alors les principaux hommes politiques favorables à la déchristianisation. Aussi le 6 décembre, la Convention réaffirme la liberté des cultes, même si le 8 elle décide de na pas rouvrir les églises fermées.

Une partie des Montagnards sont partisans d'instaurer le culte de l'Être suprême, un culte républicain sans clergé ni divinité, pour le substituer au culte catholique. Ce sera un échec.

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Sources

  • [1] article de Wikipédia sur la déchristianisation
  • [2] site du musée protestant
  • [3] Déchristianisation sur l'Encyclopédie Larousse
  • Histoire de la révolution française. Albert Soboul. Gallimard Idées. 1962
  • La Révolution française. François Furet et Denis Richet. Fayard. 1997