Crise du 6 février 1934

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Les crises de la IIIe République

La crise du 6 février 1934 à Paris s'est traduite par une manifestation extrêmement violente due aux tentatives de débordement des forces de police par les adhérents des ligues antiparlementaires d'extrême droite (wp).

Les manifestants voulaient protester contre la corruption qui existait selon eux dans le personnel politique de la Troisième république et empêcher la formation d'un nouveau gouvernement de centre-gauche. Il y eut une quinzaine de morts et plus de 2 000 blessés.

Le gouvernement prévu ne peut être constitué : il est remplacé le 9 février par un gouvernement d'Union nationale regroupant la droite (pourtant battue aux élections de 1932) et les radicaux. Cependant, la menace sur les institutions républicaines est telle que les partisans de la gauche (socialistes et communistes) jusque-là « frères ennemis » décident de contre-manifester le 12 février 1934. Ce rapprochement va donner lieu à la formation, en 1935, du « rassemblement populaire », alliance électorale des partis de gauche qui gagnera les élections législatives de 1936.

Les difficultés du régime parlementaire[modifier | modifier le wikicode]

Les ligues d'extrême-droite[modifier | modifier le wikicode]

Fichier:Waterloo (caricature du 6 février 1934).jpg
Les ligues d'extrême-droite défilent devant Jean Chiappe (qui était corse, d'où l'allusion à Napoléon). Caricature du Populaire (quotidien officiel du parti socialiste), 6 février 1934.

En France, depuis la fin de la Première Guerre mondiale se sont créés des groupements de mécontents qui mettent en cause les mauvaises conditions de vie faites aux anciens combattants après leur démobilisation. Certains anciens soldats rêvent d'un régime politique autoritaire qui effacerait les différences sociales (ce qui permettrait de retrouver la fraternité virile des tranchées). Beaucoup mettent en cause la démocratie parlementaire telle qu'elle fonctionne en France. Quelques-uns veulent même installer un régime de type fasciste. Ces groupes sont encouragés par la prise du pouvoir par Mussolini en Italie dès 1922 et par le récent succès des nazis d'Hitler en Allemagne, en janvier 1933.

Les partis de gauche divisés et ennemis[modifier | modifier le wikicode]

Les forces de la gauche française politique (socialistes de la SFIO et communistes du PCF) et syndicale (CGT et CGTU) sont divisées depuis 1920. Leurs relations sont extrêmement mauvaises, souvent violentes. Les communistes, appliquant les directives de l'Internationale communiste sous le contrôle strict de Staline, pratiquent la doctrine « classe contre classe » qui met dans le même sac les partis de droite et d'extrême-droite et les socialistes dénoncés comme des traîtres à la classe ouvrière.

L'impuissance des partis de gouvernement face à la crise économique[modifier | modifier le wikicode]

Les partis de gouvernement (centre droit avant 1932 et centre gauche depuis 1932) n'arrivent pas à lutter contre la grave crise économique qui atteint la France en 1931. Elle provoque une forte augmentation du chômage ouvrier (900 000 chômeurs, dont seulement la moitié reçoivent une aide). La baisse des revenus provoque une réduction des achats qui pénalise les affaires des petits commerçants. Les urbains touchés par la crise réduisent leur consommation de produits alimentaires, ce qui amène une réduction des achats de produits agricoles, une mévente de ceux-ci et une baisse de leurs prix qui indispose les agriculteurs. Les gouvernements dirigés par les radicaux sont en théorie soutenus par les socialistes. Or, les ministres, écoutant les milieux d'affaires, pratiquent une politique de rigueur budgétaire, de réduction des dépenses. Les socialistes, partisans d'une augmentation des revenus qui relancerait la consommation, donc la production et le recul du chômage, sont opposés à la politique gouvernementale. Les socialistes votent généralement contre les projets financiers proposés par les gouvernements radicaux. L'instabilité gouvernementale est extraordinaire : il y a une « valse des ministères » avec six gouvernements successifs entre mai 1932 et février 1934. Cette impuissance politique permet le développement de l'antiparlementarisme.

L'Affaire Stavisky[modifier | modifier le wikicode]

Les idées antiparlementaires et antirépublicaines progressent. Fin 1933 explose l'Affaire Stavisky. Alexandre Stavisky est un aventurier qui, par des combinaisons financières douteuses, a escroqué et ruiné des milliers d'épargnants français qui lui avaient fait confiance. Or, il apparaît que Stavisky avait bénéficié de protections de la part de quelques hommes politiques et même d'un ministre, en particulier liés au parti radical qui dirige depuis 1932 les différents gouvernements. Sur le point d'être arrêté, Stavisky est retrouvé mort. La police affirme qu'il s'est suicidé, mais une partie de l'opinion pense qu'on l'a assassiné pour le faire taire. Les ligues d'extrême-droite se déchaînent contre le milieu politique et se répandent en propos antisémites et xénophobes (Stavisky était juif et Ukrainien d'origine). L'extrême-droite organise de violentes manifestations, en particulier à Paris. Le gouvernement du radical Camille Chautemps, violemment pris à partie dans la presse, démissionne le 28 janvier 1934.

Pour en savoir plus, lis l’article : Affaire Stavisky.

L'émeute du 6 février 1934[modifier | modifier le wikicode]

Le radical Édouard Daladier, réputé intègre et énergique, forme un nouveau gouvernement. Pour reprendre la situation en main, le gouvernement démet de ses fonctions Jean Chiappe, le préfet de police de Paris qu'il juge trop complaisant envers les nombreuses manifestations de l'extrême-droite. Les ligues considèrent qu'il s'agit d'une provocation gouvernementale et décident d'y répondre par une manifestation de protestation. Les anciens combattants décident d'y participer pour faire entendre leurs voix et leurs revendications en réclamant l'ordre, l'honnêteté et l'épuration du personnel politique. Ces manifestations sont appuyées par les hommes politiques de droite (battus aux élections législatives de 1932) et par la presse du même bord.

Les ligues d'extrême-droite organisent une manifestation parisienne le 6 février 1934. Il s'agit de marcher sur le Palais-Bourbon où siège la Chambre des députés. Les députés doivent ce jour-là voter l'investiture au nouveau gouvernement Daladier. Les anciens combattants communistes (l'ARAC), quant à eux, organisent une manifestation sur les Champs-Élysées.

Le 6 février en fin de journée, les ligues d'extrême-droite tentent de converger sur le Palais Bourbon. Les Croix-de-Feu, regroupés sur la rive gauche essaient d'atteindre le palais (situé lui aussi sur la rive gauche), mais ils sont contenus par la police. Beaucoup se dispersent dès les premiers affrontements avec la police. Les adhérents des ligues les plus violentes (Solidarité française et Jeunesses patriotes, Action française) sont massés sur la rive droite de la Seine. Ils ne peuvent traverser le pont de la Concorde qui est bouclé par les policiers armés.

Les charges de policiers à cheval qui doivent disperser les manifestants groupés sur la place de la Concorde sont désorganisées, car ceux-ci lancent des billes sous les sabots des chevaux et des débris métalliques provenant des grilles entourant les arbres. Certains tirent à balle sur la police. Pour éviter d'être débordés, les policiers tirent à balle réelle. Il y aura une quinzaine de morts (14 parmi les manifestants) et plus de 2 000 blessés (plus de 1 600 dans la police). La manifestation de protestation se termine dans le sang.

Pendant ce temps à la Chambre, les députés de droite monopolisent les débats en espérant l'entrée des manifestants dans les locaux parlementaires. Déjà, dans la journée, des conseillers municipaux de droite et des députés de Paris, également de droite, s'étaient réunis à l'Hôtel de ville en vue d'envisager la formation d'un gouvernement provisoire.

Les conséquences de l'émeute[modifier | modifier le wikicode]

Cependant, le gouvernement obtient l'investiture à une large majorité. Il veut poursuivre en justice les manifestants, mais une partie des magistrats, de la police et des fonctionnaires de la ville de Paris entravent l'action gouvernementale. Le 7 février, plusieurs ministres démissionnent ; les dirigeants radicaux, en particulier Édouard Herriot, le président de la République, le président du Sénat et le président de la Chambre des députés ne soutiennent plus Daladier et lui demandent de démissionner. Seul le socialiste Léon Blum lui conseille de résister.

Le gouvernement Daladier démissionne le 7 février. Albert Lebrun, président de la République, demande à Gaston Doumergue (radical, ancien président de la République), de former un nouveau gouvernement d'Union nationale, regroupant les radicaux et la droite parlementaire. À cette occasion, le ministère de la guerre est confié au maréchal Pétain, idole des anciens combattants et André Tardieu (le chef de la droite battue aux élections) redevient ministre. L'émeute parisienne a annulé les votes des Français et des députés.

De nouvelles manifestations ont eu lieu les 7 et 9 février.

Les adhérents et sympathisants des partis de gauche ont le sentiment que le 6 février était une manifestation mettant en cause le régime républicain. Ils parlent d'une tentative de « coup d'État fasciste ». Le sentiment de l'antifascisme se développe parmi eux. C'est ce sentiment qui va permettre le regroupement des partis de gauche. Dès le 12 février 1934, à Paris, les partisans de gauche, et en particulier les syndicalistes de la CGT (socialiste) et de la CGTU (communiste), organisent deux manifestations de défense républicaine. En fin de journée, ces deux manifestations n'en formeront plus qu'une. L'Internationale communiste change alors de doctrine : désormais, elle appelle au rassemblement de toutes les forces anti-fascistes. Les communistes français vont alors entrer en négociations avec les socialistes : le 14 juillet 1934, un pacte d'unité d'action est signé entre socialistes et communistes ; en octobre, le PCF appelle à former le « front commun » par « l'alliance entre les classes moyennes et la classe ouvrière », appel lancé vers les radicaux, représentants traditionnels des classes moyennes. Une partie des radicaux favorables à Daladier rejoignent ce regroupement de gauche. Le 14 juillet 1935, à Paris, se déroule une grande manifestation unitaire, qui va déboucher sur des accords électoraux entre les radicaux, les socialistes et les communistes : ce sera le rassemblement populaire.

Pour en savoir plus, lis l’article : Formation du Front populaire.

Pour en savoir plus[modifier | modifier le wikicode]

  • [1] sur Youtube. Des images d'archives et des explications d'historiens.
  • [2] sur Youtube. Des images d'archives et un développement sur l'après 6 février 1934.
  • [3] sur Youtube. La crise économique, sociale et politique avec des images d'époque et des témoignages.
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