Mathématiques de la civilisation arabo-musulmane

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Les mathématiques de la civilisation arabo-musulmane sont l'ensemble des travaux en mathématiques réalisés du VIIe siècle au XVIe siècle dans la civilisation arabo-musulmane.

Elles sont parfois appelées mathématiques arabes car les mathématiciens écrivaient en langue arabe.

Histoire[modifier | modifier le wikicode]

Une page de Le calcul par restauration et comparaison d'Al-Khwarizmi

La chute de Rome (476) marque le début du Moyen Âge. En Europe, cette période est marquée par une stagnation des connaissances scientifiques et techniques. C’est dans le monde arabo-musulman que les sciences, et particulièrement les mathématiques, eurent un développement notable, notamment à Bagdad.

Du VIIe au IXe siècle : l'essor[modifier | modifier le wikicode]

Au VIIe siècle, l'Islam, religion naissante, domine le nord de l'Afrique et s'étend jusqu'en Espagne et en Asie. Ces conquêtes mettent les savants arabes en contact avec les textes mathématiques de ces régions.

La langue arabe devenant la langue officielle des pays conquis, un vaste travail de traduction va être mené (notamment Les éléments d'Euclide, L'almageste de Ptolémée et L'arithmétique de Diophante). Les mathématiciens découvrent, commentent et poursuivent les travaux de la Grèce Antique (Pappus d'Alexandrie, Héron d'Alexandrie, Menelaüs, Archimède), de l'Inde (Aryabhata, Brahmagupta), et dans une moindre mesure de la Chine.

Au VIIIe siècle, le mathématicien persan Al-Khwarizmi écrit deux traités qui auront une grande importance :

  • Le calcul indien : une description du système d'écriture des nombres indiens et des facilités de calcul qu'il permet
  • Le calcul par restauration et comparaison : détaille une méthode pour résoudre des équations, livre fondateur de l'algèbre

A la suite d'Al-Khwarizmi, l'écriture en chiffres indiens se diffuse. La séparation de l'empire en trois califats (Abassides à l'est, Idrissides au Maroc et Omeyyades en Espagne) entraîne la différenciation de cette écriture selon les endroits (notre notation actuelle s'inspire de celle en cours en Espagne musulmane).

Pour en savoir plus, lis l’article : Algèbre#Moyen-Âge musulman.

Du Xe au XIIe siècle : l'âge d'or[modifier | modifier le wikicode]

Des savants dans une bibliothèque abasside

La capitale Bagdad devient un centre culturel dynamique au cours du IXe siècle. Le calife Al-Mamum y fonde la Maison de la sagesse, dont la grande bibliothèque regroupe toutes les traductions faites à cette époque. Beaucoup de grands mathématiciens y travailleront.

Les mathématiques arabes sont particulièrement florissantes durant les Xe et XIe siècles. Elles sont utilisées par les autres savants dans leur propre discipline : astronomie (établissement d'un calendrier lunaire, astrologie), architecture (mosaïques, construction de coupoles), géographie (cartographie, coordonnées)…

Les mathématiques prennent aussi plus d'indépendance et les mathématiciens de l'époque développent des techniques nouvelles, qui l'éloignent d'une science concrète et utilitaire : l'algèbre, mais aussi la trigonométrie, le dénombrement, la théorie des nombres... Parmi les grands noms de cette époque, on peut citer Abu l-Wafa, Al-Biruni, Ibn al-Hayttam (connu sous le nom d'Alhazen), Omar Khayyam ou Sharaf al-Din al-Tusi.

Du XIIIe au XVe siècle : déclin et héritage[modifier | modifier le wikicode]

À partir du XIIe siècle, la recherche scientifique décline alors que commence la Renaissance en Europe. Les causes de ce déclin sont les rivalités entre les différents califats. Deux mathématiciens dominent cette période : Nasir al-Din al-Tusi au XIIIe siècle puis al-Kashi au XVe siècle.

L'Occident prendra connaissances de la numération indienne à partir du Xe siècle, avec les échanges en Espagne musulmane. L'écriture des chiffres prendra le nom de « chiffres arabes » par confusion. Beaucoup de mots arabes seront latinisés et récupérés : chiffre, zéro, algorithme (dérive de algorismus, la forme latine de Al-Khwarizmi), algèbre, azimut, sinus, fraction

Il faudra cependant attendre la Renaissance pour voir les grands textes traduits en latin et les recherches poursuivies par les Européens. Mais la reconnaissance de l'importance des mathématiques arabes en occident tardera à venir : les traductions sont lacunaires, désordonnées, souvent mélangées avec d'autres textes, et certains mathématiciens (Omar Khayyam, Sharaf al-Din al-Tusi) sont ignorés jusqu'au XIXe siècle. Les idées et innovations se diffuseront et dynamiseront la recherche locale, qui prendront vite une tournure nouvelle.

Durant les XIXe et XXe siècle, les historiens des mathématiques s'apercevront que beaucoup d'innovations modernes avaient déjà été « pressenties » ou ébauchées par les mathématiciens arabes.1

Découvertes et innovations[modifier | modifier le wikicode]

Écriture et calculs[modifier | modifier le wikicode]

Dans le monde musulman médiéval, plusieurs types d'écriture des nombre étaient utilisés : un système décimal où 9 unités, 9 dizaines, 9 centaines et le millier sont symbolisés par des lettres de l'alphabet (utilisés pour les situations courantes et le calcul mental) et l'écriture sexagésimale des Babyloniens (utilisés pour écrire de grands nombres et dans l'astronomie)

Mais l'écriture indienne permet d'effectuer simplement de nombreux calculs, à l'aide d'algorithme très efficaces : multiplication, addition, extraction de racines carrées… Aux tablettes de sable utilisées par les indiens, les mathématiciens arabes préféraient l'encre et le papier pour conserver les résultats intermédiaires.

Les mathématiciens vont faire évoluer le statut de nombre :

  • ils donnent le statut de nombre à part entière aux irrationnels (comme ) dès le Xe siècle (Al-Khayyam), ce que les Grecs et les Indiens se refusaient à faire
  • ils n'admettent pas l'existence de nombres négatifs (notamment comme solution d'équation), mais les utilisent temporairement dans les résolutions 2
  • l'écriture indienne utilisaient un symbole pour le zéro, mais uniquement utilisé à l'intérieur d'un nombre pour représenter un rang manquant. Les mathématiciens arabes donneront au zéro un statut de nombre à part entière.

Arithmétique[modifier | modifier le wikicode]

Plusieurs mathématiciens (al-Baghdadi, al-Hayttam, Thabit ibn Qurra, al-Kashi) ont écrits des livres d'arithmétique, établissant les propriétés de nombres particuliers (nombres polygonaux, nombres pyramidaux, nombres parfaits) ou décomposant les nombres entiers en somme de carrés, de cubes ou de puissances de quatre3

Les mathématiciens arabes se sont aussi intéressés aux problèmes de dénombrement, à partir de problématiques issues de la linguistique : au VIIIe siècle, Khalil ibn Ahmad s'interroge « Combien de mots de 5 lettres peut-on former ? ». Leurs réflexions serviront aux linguistes et aux cryptographes. Aux XIIIe et XIVe siècles, Nasir al-Din al-Tusi et al-Kashi établiront des formules comptant le nombre de permutations d'un certain nombre d'éléments et réutiliseront le Triangle de Pascal.

Algèbre[modifier | modifier le wikicode]

Le livre d'Al-Khwarizmi Le calcul par restauration et comparaison ( Kitab al-jabr wa al-muqabala) est le premier traité d'algèbre et donnera son nom à la discipline (algèbre est une déformation latine de al-jabr). Il détaille les techniques de résolution des équations du premier et du second degré, en les classant en six groupes, auxquelles on peut toujours se ramener grâce aux techniques de restauration (ajouter une même quantité des côtés de l'égalité) et de comparaison (supprimer une même quantité présente des deux côtés de l'égalité).

Il faut avoir à l'esprit que les mathématiciens arabes n'utilisaient pas nos notations, mais décrivaient leur calcul avec des phrases4, et qu'ils n'utilisaient pas les nombres négatifs. Avec les notations modernes, les six types d'équations d'Al-Khwarizmi sont5 :

Pour résoudre x3+ax=b, Omar Khayyam utilise une parabole et un demi-cercle liés aux valeurs de a et b, la solution est la distance AE.

Il les résout en les transformant en situations géométriques où la résolution est plus simple, et établit des formules donnant les solutions.


L'algèbre s'autonomisera et se développera grandement dans les siècles suivants :

  • Abu Kamil (Xe siècle) utilise des coefficients irrationnels et considère des équations de degré 3
  • al-Hayttam (Xe siècle) utilise les méthodes grecques et indiennes de calcul de valeur approchée de racines carrées et de racines cubiques pour résoudre des équations
  • Omar Khayyam (XI siècle) utilise les intersections de courbes coniques et de droites pour résoudre des équations de degré 3, qu'il classe aussi en catégories
  • al-Karaji et al-Samaw'al (XII siècle) étudient les équations à plusieurs inconnues

Géométrie[modifier | modifier le wikicode]

La géométrie arabe se développe dans plusieurs directions et avec de nouveaux outils. Les formules sur les aires (disque, triangle, polygones réguliers) et les volumes (sphère, cylindre, cône) connues des Grecs et des Indiens sont connues dès le IX siècle. Les calculs s'affinent et la formule des cônes et pyramides tronqués est conçue.

Coniques[modifier | modifier le wikicode]

Construction d'une hyperbole : la règle pivote autour du foyer F2 et le crayon M s'appuie sur une corde F1MD de longueur fixe

La résolution des équations de degré 3 et le développement de l'optique incitent les mathématiciens à s'intéresser aux coniques (ellipse, parabole, hyperbole). Ils en étudient les propriétés focales et imaginent leur procédé de construction avec des cordes et des poulies (Thabit ib Qurra).


Ils utilisent la méthode de calcul infinitésimal d'Archimède (utilisée pour la sphère) pour calculer l'aire de coniques : Thabit ibn Qurra calcule l'aire de la parabole par découpage en trapèzes.

Transformations et projections[modifier | modifier le wikicode]

Les mathématiciens arabes ont moins de réticence que les Grecs (comme Euclide) à utiliser le mouvement et les transformations en géométrie.

  • l'homothétie est utilisée et étudiée par Abu I-Wafa et al-Hayttam
  • des cercles sont transformés en coniques grâce à des transformations projectives par Thabit ibn Qurra
  • les astronomes, poussés par la construction d'astrolabes et la détermination de la qibla, s'intéressent aux projections d'une sphère sur un plan

Réflexion sur les axiomes[modifier | modifier le wikicode]

De nombreux mathématiciens arabes (ibn Qurra, al-Hayttam, al-Biruni, Omar Khayyam, Nasir al-Din al-Tusi) se sont interrogé sur les axiomes de la géométrie euclidienne. Ils ont cherché à déduire le postulat des parallèles des autres, afin de réduire le nombre d'axiome, sans succès. Ces travaux posent les bases des géométries non euclidiennes qui apparaîtront au XIXe siècle.

Trigonométrie[modifier | modifier le wikicode]

Les mathématiciens arabes détachent la trigonométrie de l’astronomie et l'autonomisent. Omar Khayyam, Al-Biruni ou Nasir Al-Din Al-Tusi utilisent l'algèbre pour construire des tables trigonométriques détaillées, développent la trigonométrie à la surface d’une sphère et démontrent plusieurs formules (relation entre sinus, cosinus et tangente, sinus de l’angle double, sinus d’une somme…).

Al-Kashi démontre le théorème qui porte aujourd’hui son nom (qu’on appelait alors la loi des cosinus) : il généralise le Théorème de Pythagore dans les triangles qui ne sont pas rectangle en utilisant le cosinus. A cette époque, les tables trigonométriques donnaient des valeurs précises à 8 décimales après la virgule !

Liens internes[modifier | modifier le wikicode]


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  1. Voir les méthodes proches du calcul infinitésimal utilisées par Thabit ibn Qurra au Xe siècle ou les réflexions sur les axiomes de la géométrie euclidienne d'Omar Khayyam
  2. au XIIe siècle, Al-Samaw'al exposera la règles des signes dans la multiplication.
  3. En lien avec le Grand Théorème de Fermat, les mathématiciens arabes affirment l'inexistence de solutions dans le cas ou , sans le démontrer.
  4. L'inconnue était appelé say (la chose) et son carré mâl (le trésor ou le bien).
  5. a, b et c sont des nombres entiers ou rationnels positifs.