Analyse (mathématiques)

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Calcul d'intégrale

L'analyse est une branche des mathématiques qui met l'accent sur le calcul de limites (de suites ou de fonctions). Elle aborde notamment la continuité, la dérivation et l'intégration des fonctions, car ces notions sont établies à partir du concept de limite.

Histoire[modifier | modifier le wikicode]

Les prémisses[modifier | modifier le wikicode]

Une page de De la sphère et du cylindre d'Archimède en latin de 1270

Dans l'Antiquité et le Moyen-Âge, les mathématiciens grecs, indiens et chinois se sont intéressés à l’infinitésimal. Leurs résultats étaient prometteurs, mais en l’absence d’une méthodologie et de notations mathématiques rigoureux, sont restés fragmentaires.

On attribue au grec Eudoxe de Cnide l’invention de la méthode d’exhaustion, détaillée dans Les éléments d'Euclide. Cette méthode utilise des découpages pour montrer des égalités de grandeurs géométriques. Elle a été utilisé notamment par Archimède (IIIe siècle avant J-C), pour calculer des valeurs précises de π ou pour faire le lien entre volume du cylindre et volume de la sphère dans De la sphère et du cylindre.

En Chine, durant la période des 3 royaumes, Liu Hui (IIIe siècle) et Zu Chongzi (IVe siècle) développèrent des éléments de calcul infinitésimal. En Inde, Bhaskara II (XIIe siècle) et Madhava (XIVe siècle) utilise le calcul différentiel.

XVIIe siècle[modifier | modifier le wikicode]

À la fin du XVIe siècle, Galilée, Cavalieri, Toricelli, Wallis, Fermat1 ou encore Blaise Pascal se passionnent pour les problèmes de tangentes (étudier l'évolution d'une tangente à une courbe au fil des points) et des problèmes de quadratures (calculer l'aire d'une figure en la découpant en rectangles le plus finement possible). Leurs méthodes 2 marquent les prémisses des trois révolutions à venir.

La première révolution est le logarithme, introduit en 1614 par l'anglais John Napier dans Logarithmorum canonis descriptio. Ce qui n'est au départ qu'une table de correspondance facilitant les calculs astronomiques, va très vite devenir un outil indispensable avec l'invention de la règle à calcul en 1624. Le logarithme permet de transformer facilement une multiplication en une addition et une division en une soustraction, ce qui facilite grandement les calculs 3.

Le calcul infinitésimal permet à Newton de calculer les orbites des astres du système solaire

La deuxième révolution est la géométrie analytique, inventée par René Descartes en 1637 dans La géométrie. À la suite de Galilée qui a amené le mouvement dans la géométrie, Descartes voit les courbes comme l'évolution d'un point dans le temps. Il innove en plaçant ces courbes dans un repère et en voyant les coordonnées comme des fonctions du temps. C’est le mélange de la géométrie et de l'algèbre.

La troisième révolution est le calcul infinitésimal, inventé en parallèle par l'anglais Isaac Newton entre 1671 et 1704 (pour exprimer et utiliser ses lois de la gravitation) et l'allemand Gottfried Leibniz entre 1675 et 1684 (pour résoudre des problèmes de calcul d'aires et de tangentes à une courbe). Ces deux savants s’aperçoivent que les problèmes de tangente et les problèmes de quadrature sont les inverses les uns des autres, et les premiers s’étudiant avec le calcul différentiel et les seconds avec le calcul intégral. Une querelle de postérité aura d’ailleurs lieue eux deux.

Article à lire : Calcul infinitésimal.

XVIIIe siècle[modifier | modifier le wikicode]

L'analyse se nourrit du développement de l'astronomie et de la physique. Le monde et ses lois sont traduits en équations, que l'on manipule avec le calcul infinitésimal et visualise avec la géométrie analytique. La prédiction en 1705 par Edmond Halley du retour de la comète qui portera son nom en 1758 marque le triomphe de la physique mathématique.

La famille Bernoulli, Jean le Rond d'Alembert, Alexis Clairaut, mais surtout Leonhard Euler, enrichissent le domaine : étude de la fonction exponentielle, étude des fonctions trigonométriques, classification des fonctions, fonctions à plusieurs variables, établissement des notations encore utilisées aujourd'hui... À la fin du siècle, Joseph-Louis Lagrange fera la synthèse de tout ces travaux.

XIXe siècle[modifier | modifier le wikicode]

Les courbes indiquent les coordonnées des nombres dont l'image par la fonction Zêta de Riemann vaut zéro. Leur répartition est le sujet de la Conjecture de Riemann

Augustin Louis Cauchy est au début du siècle le chantre de la rigueur en analyse : il met de l'ordre dans les définitions et les notations et revérifie les théorèmes fondamentaux4. Il développe aussi la théorie des fonctions à variable complexe (appelées fonctions analytiques) et la résolution des équations différentielles (équations mêlant une fonction et sa dérivée).

De nombreux mathématiciens suivront cette voie. Bernhard Riemann (en utilisant la géométrie) et Karl Weiestrass (utilisant la logique pure) définiront rigoureusement les notions de limites et de convergence, pour les suites et les fonctions, et détailleront la construction des ensembles de nombres par l'analyse.

L'analyse est désormais assez solide pour avoir des applications en arithmétique : en 1859 Riemann énonce la conjecture de Riemann (qui est encore à démontrer aujourd'hui), Charles Hermite montre en 1873 que est un nombre transcendant, Lindemann montre en 1882 que π est un nombre transcendant, le Théorème des nombres premiers est démontré en 1896 par Hadamard et La Vallée Poussin.

En astronomie, la planète Neptune est découverte en 1846, grâce aux calculs sur l'orbite d'Uranus de John Adams et Urbain Le Verrier. Mais parfois les mathématiques sont insuffisantes pour trancher : Henri Poincaré établit dans son Mémoire de Stockholm (1889) que parfois la moindre variation sur les conditions initiales change l'évolution d'un système de trois astres de manière imprévisible, ce qui empêche la prédiction. C'est le début de l’étude des systèmes dynamiques.

XXe siècle[modifier | modifier le wikicode]

Entre 1900 et 1930, Henri Lebesgue, David Hilbert et Stefan Banach font le lien entre l'analyse et la théorie des ensembles. Ils étudient les ensembles de fonctions et les fonctions entre ces super-ensembles : c'est le début de l’analyse fonctionnelle.

Dans les années 1930, le mathématicien russe Andreï Kolmogorov fait le lien entre probabilités et fonctions, notamment à l’aide des travaux de Henri Lebesgue. Les probabilités font désormais partie de l’analyse.

À partir des années 1940, l'arrivée des premiers calculateurs électroniques pousse les mathématiciens à créer des algorithmes efficaces et bien construits. John von Neumann et Stanislam Ulam, avec leurs méthodes de Monte-Carlo, comptent parmi les pionniers de l’analyse numérique.

Dans les années 1960-1970, l'étude des systèmes dynamiques évolue vers la théorie du chaos. Devant l’incapacité de prédire l'évolution de certains systèmes très instables , les mathématiciens inventent des fonctions et des ensembles particulièrement étranges (illustrés par le célèbre « effet papillon » ou les fractales de Benoît Mandelbrot).

Domaines et méthodes[modifier | modifier le wikicode]

Analyse réelle[modifier | modifier le wikicode]

Un exemple de fonction : une fonction polynomiale de degré 5

L’analyse réelle concerne l’étude des fonctions et des suites à variable réelle. Cela concerne, entre autres, leur dérivation et leur intégration, la détermination de leur convergence, de leurs limites ou de leur continuité, et la résolution d'équations différentielles.

On découvre généralement les fonctions en classe de 3e, avec les fonctions linéaires et les fonctions affines. L’analyse réelle est un large pan des programmes de mathématiques au lycée. Les domaines suivants sont plutôt travaillés durant les études supérieures scientifiques.

Analyse complexe[modifier | modifier le wikicode]

L'analyse complexe concerne l'étude des fonctions de une ou plusieurs variables complexes. Ce type de fonction possède des propriétés plus fortes que celles d'analyse réelle. La géométrie qui en découle est particulièrement ardue.


Géométrie différentielle[modifier | modifier le wikicode]

Un triangle sur une surface en forme de selle de cheval que l'on peut étudier en géométrie différentielle

La géométrie différentielle concerne l'étude des formes géométriques à l'aide du calcul différentiel. Les formes étudiées (courbes, surfaces) sont définies par des fonctions et sont suffisamment régulières pour qu'on puisse leur appliquer la dérivation.

Analyse harmonique[modifier | modifier le wikicode]

L'analyse harmonique concerne l'utilisation et l'étude du développement en séries de Fourier de fonctions. Il s'agit de transformer une fonction en l'écrivant avec les fonctions trigonométriques (cosinus et sinus). Les calculs sont alors rendus plus faciles car les fonctions trigonométriques sont bien connues.

Analyse fonctionnelle[modifier | modifier le wikicode]

L'analyse fonctionnelle concerne l'étude des espaces de fonctions. Ces espaces sont des structures algébriques très complexes. On peut notamment y rencontrer des fonctions dont les variables sont elles-mêmes des fonctions. L'analyse fonctionnelle est un domaine important de la recherche mathématique actuelle.

Analyse numérique[modifier | modifier le wikicode]

L'analyse numérique concerne l'élaboration et l'étude d'algorithmes permettant de calculer des solutions à des problèmes d'analyse (équations différentielles, intégration…). C'est une discipline au croisement des mathématiques et de l'informatique.

Applications[modifier | modifier le wikicode]

Le développement de l'analyse s'est nourri des problèmes de l'astronomie et de la physique. Les grandeurs mesurables (position, température, pression, vitesse…) varient quand le temps passe. On les considère généralement comme des fonctions du temps, et on leur applique les méthodes vues ci-dessus.

Les applications sont nombreuses :

  • le calcul infinitésimal appliqué aux lois de la gravitation permettent de calculer les orbites des astres
  • l'espace-temps de la théorie de la relativité générale est modélisé dans le cadre de la géométrie différentielle
  • toutes les sciences étudiant les ondes (acoustique, électro-magnétisme, thermodynamique…) utilisent l'analyse harmonique pour faciliter les calculs
  • le mouvement brownien des particules est représenté par des « monstres »5 : les fonctions continues partout mais dérivables nulle part introduites par Bernard Bolzano vers 1833-1834
  • La mécanique quantique utilise les principes les notations de l'analyse fonctionnelle, notamment pour prouver la stabilité d'un atome ou d'une molécule
  • La compression de données numériques (pour obtenir des fichiers, des images ou des vidéos prenant moins de place sur la mémoire d'un ordinateur) utilise des techniques d'analyse numérique très poussées (comme les ondelettes)
  • la théorie du chaos se développent à la frontière de l'analyse, de la géométrie et des probabilités
  • l'analyse complexe est très utile dans les calculs de la théorie des cordes en astronomie

Références[modifier | modifier le wikicode]

Livres importants[modifier | modifier le wikicode]

  • Logarithmorum canonis descriptio, John Napier, 1614
  • Geometria indivisibilibus continuorum nova quadam ratione promota, Cavalieri, 1635
  • La géométrie, René Descartes, 1637
  • Philosophiae naturalis principia mathematica, Isaac Newton, 1687
  • Introductio in analysin infinitorum, Leonhard Euler, 1748
  • Mécanique analytique, Joseph-Louis Lagrange, 1788
  • Théorie analytique de la chaleur, Joseph Fourier, 1822
  • Was sind und was sollen die Zahlen ?, Richard Dedekind, 1887
  • Théorie des opérations linéaires, Stefan Banach, 1932

Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • Éléments d'histoire des mathématiques, Nicolas Bourbaki, Masson, 1984
  • Une histoire des mathématiques, Amy Dahan-Dalmedico et Jeanne Peiffer, Seuil, 1986
  • Analyse de Fourier et applications : filtrage, calcul numérique et ondelettes, Claude Gasquet et Patrick Witomski, Masson, 1990
  • La Science classique - XVIe – XVIIIe siècle - Dictionnaire critique, Michel Blay et Rober Halleux, Flammarion, 1998
  • L'Analyse au fil de l'histoire, Ernst Hairer et Gerhard Wanner, Springer, 2000
  • Guide d'histoire des mathématiques, Jean Gueridon, Ellipses, 2002
  • La révolution symbolique : La constitution de l'écriture mathématique, Michel Serfati, Petra, 2005
  • La révolution mathématique du XVIIe siècle, Évelyne Barbin, Ellipses, 2006
  • Analyse infinitésimale : le calculus redécouvert, J. Bair, V. Henry, Academia Bruylant, 2008
  • Histoire des mathématiques, Jean Baudet, Vuibert, 2014

Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Fermat est souvent reconnu comme celui étant allé le plus loin dans l’étude de l’infiniment petit sans le concept de limite.
  2. Notamment la méthode des indivisibles qui s’inspire de la méthode d’exhaustion
  3. Le logarithme restera le meilleur moyen d'effectuer des calculs numériques compliqués jusqu'à l'invention de l'ordinateur au XXe siècle.
  4. On appelle ce mouvement l' arithmétisation de l'analyse.
  5. {{"|La logique parfois engendre des monstres. On vit surgir toute une foule de fonctions bizarres qui semblaient s'efforcer de ressembler aussi peu que possible aux honnêtes fonctions qui servent à quelque chose. Plus de continuité, ou bien de la continuité, mais pas de dérivées » Henri Poincaré dans Science et Méthode, Flammarion, 1908
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